
Les petits colis venus de Chine ont envahi nos boîtes aux lettres, portés par le succès fulgurant de plateformes comme Shein ou Temu. En annonçant sa volonté de taxer tous ces envois, le gouvernement français entend poser un acte fort. Mais derrière cette mesure se cache une multitude d’enjeux économiques, sociaux et géopolitiques. S’agit-il d’un simple coup de frein au e-commerce low-cost, ou d’un vrai tournant dans la politique commerciale de la France ?
Pour comprendre cette décision, il faut d’abord revenir sur les raisons avancées par l’exécutif. Le gouvernement dénonce une concurrence déloyale de la part de certaines plateformes chinoises qui échappent aux droits de douane grâce à une réglementation européenne qu’il juge obsolète. Il s’agit aussi de répondre à une pression croissante du secteur de la distribution et de l’habillement en France.
Ce débat prend toute sa dimension lorsqu’on mesure l’ampleur du phénomène. En effet, près de 800 millions de petits colis (c’est-à-dire d’une valeur inférieure à 150 euros) en provenance directe de Chine sont arrivés sur notre territoire l’année dernière. À travers eux, c’est une véritable économie de produits à bas coûts qui s’est développée, avec des articles vendus à prix cassés, souvent de qualité inférieure et livrés en quelques jours. L’impact sur le commerce de proximité et l’emploi en France n’est pas négligeable. Et cela, sans parler du coût environnemental.
Mais cet afflux de colis chinois vers l’Europe n’est pas un hasard. La tendance était déjà croissante, mais depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche et la reprise des hostilités douanières avec Pékin, les entreprises chinoises redirigent leurs exportations vers l’Union européenne, devenue un marché de repli. Ce réajustement mondial des flux commerciaux pousse les pays européens à reconsidérer leur ouverture totale.
Du côté des consommateurs, cette taxe pourrait se traduire par une hausse des prix sur des produits jusqu’alors très accessibles. Alors que le pouvoir d’achat reste une préoccupation majeure, une telle mesure risque d’avoir un effet direct sur le portefeuille des ménages, notamment les plus jeunes, grands utilisateurs de ces plateformes. La qualité des produits importés pose aussi question, puisqu’ils respectent rarement les normes européennes, ce qui pourrait être dangereux pour les consommateurs.
Reste une question essentielle : cette taxe permettra-t-elle réellement de protéger l’économie française ? Entre volonté de défendre des circuits plus courts, lutte contre les différences fiscales, protection de l’environnement, défense du pouvoir d’achat et rééquilibrage de la concurrence, l’efficacité économique de cette décision suscite le débat. D’autant qu’elle pourrait aussi encourager certaines plateformes à contourner les règles.
Enfin, ce choix s’inscrit dans un contexte plus large : l’Europe commence-t-elle à se doter d’un bouclier commercial face à la Chine ? La mesure française pourrait marquer un virage stratégique dans la politique commerciale européenne, ou en tout cas l’amplifier. La question du protectionnisme revient sur le devant de la scène. C’est ce qui a poussé la Commission européenne à énoncer sa volonté de rétablir les droits de douane sur les petits colis inférieurs à 150 euros à partir de 2028.
Au-delà de l’aspect purement financier ou économique, ces nouvelles taxes sur les petits colis englobent des motivations politiques, avec des impacts sur les consommateurs et une portée internationale.
Pourquoi le gouvernement veut taxer les petits colis venus de Chine ?
Le gouvernement français souhaite mettre fin à une situation jugée injuste et préjudiciable pour l’économie nationale. En effet, des centaines de millions de colis venus de Chine arrivent chaque année sur le territoire sans être taxés, en raison d’une franchise de droits de douane accordée aux biens d’une valeur inférieure à 150 euros. Initialement, cette exonération date de 2010 et avait été décidée au nom de la “fluidité douanière”. Ce régime avantageux, appliqué à l’échelle de l’Union européenne, a favorisé la montée en puissance des plateformes de commerce en ligne comme AliExpress, Temu ou Shein, qui inondent le marché français de produits à bas prix. Au vu de sa puissance économique et productive, la Chine est la principale concernée, mais d’autres pays asiatiques, tels que le Vietnam, la Corée, le Bangladesh, ou même la Turquie sont aussi touchés.
Cette fiscalité allégée pose un double problème. D’une part, elle crée une distorsion de concurrence entre les vendeurs étrangers, qui échappent aux taxes, alors même qu’ils bénéficient déjà d’un coût de la main-d’œuvre inférieur, un régime fiscal plus favorable, des normes inférieures, et même parfois des subventions étatiques, et les commerçants français ou européens. D’autre part, elle prive l’État de recettes fiscales importantes, à un moment où les finances publiques sont sous tension. En effet, au-delà de l’argent lié aux droits de douane à proprement parler, la Commission européenne estime que la fraude à la TVA sur les colis importés représenterait plusieurs milliards d’euros de manque à gagner chaque année dans l’Union.
Le ministre de l’Économie, Éric Lombard, a ainsi annoncé vouloir « mettre fin à cette concurrence déloyale », en rétablissant une certaine égalité entre les produits vendus depuis l’étranger et ceux vendus localement. Il ne s’agirait pas de droits de douane, mais de “frais de gestion” appliqués sur chaque colis. Avec cette mesure, le gouvernement veut faire payer aux plateformes un petit montant forfaitaire sur chaque colis, et non pas aux consommateurs français (même si indéniablement, les entreprises chinoises répercuteront les coûts sur leurs produits).
La mesure est également portée au niveau européen, puisqu’une réforme du régime de droits de douane est en discussion à Bruxelles, avec le soutien de plusieurs pays membres. La suppression de l’exonération des droits de douane sur les colis inférieurs à 150 euros devait initialement être appliquée en 2030, mais a finalement été ramenée à 2028. La France aimerait même que cela intervienne plus rapidement. Cependant, la décision doit être prise au niveau de l’Union européenne qui comporte de nombreux membres, et donc de nombreux avis différents. Pour le moment, la proposition est enlisée dans des discussions. En février 2025, la Commission européenne a lancé un appel au Parlement et au Conseil européen pour faire adopter cette réforme rapidement.
Cette taxe au niveau français s’inscrit aussi dans une volonté plus large de reprendre le contrôle sur les flux économiques extérieurs, dans un contexte où la souveraineté industrielle, commerciale et fiscale redevient une priorité stratégique. Pour le gouvernement, taxer ces colis venus de Chine n’est pas seulement une mesure budgétaire ou protectionniste, c’est aussi un signal politique envoyé aux plateformes étrangères et aux consommateurs français.
Enfin, la dimension écologique est bien sûr à prendre en compte. Des centaines d’avions arrivent chaque jour en Europe pour apporter des produits à prix cassés. Effectivement, ce n’est pas moins de 600 avions gros-porteurs qui s’envolent chaque nuit depuis la Chine en direction de l’Europe, dont une partie pour la France. Le ministre de l’Économie Éric Lombard a même parlé d’une “aberration écologique”, insistant sur le fait que certains de ces produits n’étaient pas conformes aux normes européennes, en ce qui concerne l’environnement, mais aussi en matière de sécurité, de qualité et de conditions de travail. L’exécutif affirme qu’aujourd’hui, 94 % des colis contrôlés sont non conformes.
Le gouvernement a précisé que l’argent récolté grâce à la taxe française qui doit être mise en place dès 2026 (en attendant la mise en place de celle au niveau européen en 2028) servira au financement des contrôles qui vont être amplifiés. Il vise un triplement des contrôles douaniers, dès cette année et avec une application totale pour dans 4 ans.
Un marché massif : que représentent ces colis chinois ?
Le nombre de petits colis en provenance du reste du monde, et plus particulièrement de Chine a littéralement explosé en quelques années. Selon les chiffres avancés par la Commission européenne et repris dans plusieurs rapports parlementaires, ce sont environ 4,6 milliards de petits colis qui sont arrivés sur le marché européen en 2024, dont 800 millions en France. Plus de 90 % de ces colis venaient de Chine. Ces colis, souvent d’une valeur unitaire inférieure à 150 euros, sont majoritairement expédiés via des plateformes de commerce en ligne telles que Temu, Shein, ou encore AliExpress. Leur succès s’explique par des prix très bas, une livraison souvent gratuite et rapide, et une stratégie commerciale agressive qui cible directement les consommateurs européens sur les réseaux sociaux.
En France, les douanes estiment que plusieurs centaines de millions de colis chinois sont distribués chaque année, essentiellement par La Poste via son partenariat avec l’opérateur chinois Cainiao, filiale du géant Alibaba. Ces colis sont pour la plupart peu contrôlés à leur entrée sur le territoire, en raison du faible montant déclaré et des volumes massifs à traiter. Du coup, au-delà des droits de douane, des normes de sécurité, d’étiquetage ou de la qualité des produits, ils arrivent parfois à échapper à la TVA.
Ce flux massif d’importations, dont une partie ne respecte pas les mêmes règles que les entreprises françaises et européennes, crée une concurrence directe avec les commerces français, mais aussi avec les circuits de distribution traditionnels, qui se retrouvent donc lésés. Des millions de Français ont déjà commandé un produit sur une plateforme chinoise, principalement dans les secteurs du textile, des accessoires électroniques, et des gadgets du quotidien. Selon la Fondation Jean Jaurès, en 2024 en France, 5,5 millions de Français en moyenne se rendent quotidiennement sur Temu et Shein. Selon les révélations de l’entreprise Temu elle-même début décembre 2024, la France est son deuxième marché européen, avec 12 millions de destinataires par mois.
Ces données illustrent à quel point les colis chinois sont devenus un phénomène économique à part entière, qui transforme les habitudes de consommation et met en tension le modèle fiscal et commercial européen. En ciblant ce flux via une nouvelle taxation, le gouvernement cherche donc à reprendre la main sur un marché, qu’il estime devenu trop déséquilibré.
La guerre commerciale États-Unis–Chine redessine les flux vers l’Europe
Selon Philippe Wahl, PDG de La Poste, fin octobre 2024, les plateformes Temu et Shein représentaient 22 % des colis du groupe, soit un point de plus que ceux gérés pour Amazon et alors qu’ils pesaient moins de 5 % il y a à peine cinq ans.
Le paysage du commerce mondial a basculé à nouveau en ce début d’année 2025. À peine revenu sur la scène internationale, Donald Trump, réélu président des États-Unis, a lancé une nouvelle salve de droits de douane massifs sur les produits chinois. Ainsi, il a imposé des droits de douane de 145 % sur la majorité des produits chinois qui entrent sur le territoire américain. Pékin a riposté en mettant en place ses propres surtaxes douanières, à hauteur de 125 % sur les produits américains. Ces décisions relancent avec vigueur la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, amorcée lors du premier mandat du président américain.
Pour les géants chinois de la vente en ligne, comme Temu, Shein ou AliExpress, cette mesure est un coup dur. En effet, le marché américain devient brutalement moins accessible, avec des marges réduites et des prix devenus bien moins compétitifs. Et donc en réaction, ces entreprises vont rediriger une partie croissante de leurs flux commerciaux vers l’Europe, où les barrières tarifaires sont encore modestes, et où la demande en ligne reste dynamique. Effectivement, avec un marché unique de près de 450 millions de consommateurs, dont une grande partie qui ont un pouvoir d’achat élevé, l’Union européenne est une cible toute trouvée pour remplacer les États-Unis.
Ce déplacement stratégique vers l’Europe se traduit déjà par une hausse du nombre de petits colis expédiés vers les pays européens, notamment la France. L’Europe apparaît ainsi comme le nouveau terrain de jeu des plateformes chinoises, qui adaptent leur logistique pour intensifier les livraisons transfrontalières. Cette situation inquiète les autorités européennes et nationales. Bruxelles, Paris et Berlin redoutent un afflux massif de produits chinois à bas prix, qui accentuerait encore la pression sur les commerçants locaux et déséquilibrerait davantage la balance commerciale, sans parler des éventuels risques de sécurité, sur la santé ou pour l’environnement.
Autrement dit, la relance de la guerre commerciale par Trump a des effets collatéraux directs sur l’Europe. En voulant freiner les importations chinoises aux États-Unis, Washington encourage indirectement un déferlement de produits chinois sur le vieux continent. C’est dans ce contexte géopolitique que la France justifie son projet de taxation des petits colis, non seulement pour rétablir une forme d’équité, mais aussi pour protéger son tissu économique face à un choc commercial mondial en pleine recomposition.

Quels seront les effets pour les consommateurs ?
Si la taxation des petits colis venus de Chine est présentée par le gouvernement comme une mesure de justice économique et de protection du tissu productif, elle aura des effets directs et concrets pour les consommateurs français.
Aujourd’hui, la majorité des petits colis provenant de Chine entrent en France sans payer de droits de douane, lorsqu’ils sont achetés pour un montant inférieur à 150 euros. Ce régime avantageux, combiné à des coûts de production faibles en Chine, permet aux plateformes chinoises de proposer des articles à des prix défiant toute concurrence. En taxant systématiquement ces colis, l’État entend mettre fin à cette distorsion. Mais ce sont bien les clients qui paieront la différence. Selon le gouvernement, ces frais de gestion devraient représenter quelques euros par colis, ou quelques dizaines de centimes par article, un colis comprenant plusieurs articles. Même s’il veut faire payer les plateformes ou les importateurs, ces derniers répercuteront très probablement ces nouveaux frais sur les prix de leurs produits. Ce sont donc les consommateurs, in fine, qui paieront ces frais sur leurs achats.
Cette hausse ne sera pas massive à l’échelle de chaque commande, mais elle pourrait changer les habitudes de consommation, surtout chez les publics les plus sensibles aux prix, tels que les étudiants, les jeunes adultes ou les ménages modestes. De plus, certains clients risquent de découvrir à la livraison qu’ils doivent s’acquitter de frais supplémentaires, notamment si les plateformes ne les incluent pas automatiquement au moment de la commande. Cela pourrait générer une confusion ou un sentiment d’injustice si l’information n’est pas clairement affichée.
En limitant l’avantage tarifaire des produits chinois, cette mesure pourrait, à plus long terme, rééquilibrer la concurrence avec les marques françaises ou européennes, parfois jugées plus chères, mais qui sont aussi plus durables et mieux contrôlées. Les consommateurs seraient alors indirectement incités à acheter plus local, ou du moins à comparer davantage les offres, non plus uniquement en fonction du prix, mais aussi de la qualité, des délais de livraison ou de l’impact environnemental. Au lieu d’acheter 4 robes ou vestes qu’on ne mettra à peine que quelques fois par lassitude ou parce qu’elles seront déjà abîmés, il vaudrait peut-être mieux en acheter que 2, mais qui dureront plus longtemps et surtout, qui profiteront directement à l’économie française ou européenne.
Alors que le sujet de la souveraineté est revenu au cœur des discussions, acheter des millions de produits de mauvaise qualité à bas prix à des entreprises étrangères pose question. Ces achats se font généralement au détriment d’entreprises françaises, ou européennes, ce qui pénalise directement l’économie française, et donc nous-mêmes.
Au final, la taxation des colis chinois aura des effets sensibles sur le porte-monnaie des consommateurs, surtout ceux qui achètent régulièrement en ligne à bas prix. Mais elle pourrait aussi marquer un tournant dans la façon de consommer, en posant la question du vrai coût de ces produits venus de l’autre bout du monde et de leurs impacts majeurs sur notre territoire.
Une mesure efficace pour protéger l’économie française ?
En décidant de taxer systématiquement les petits colis venus de Chine, le gouvernement espère rétablir un équilibre dans un marché de plus en plus dominé par les plateformes de e-commerce chinois. L’objectif affiché est clair, à savoir protéger l’économie française, notamment ses petits commerçants, ses artisans, ses industriels et ses emplois, face à une concurrence jugée déloyale et qui ne respecte pas les normes très strictes imposées aux entreprises françaises et européennes.
En effet, les entreprises françaises, qu’elles soient dans le textile, l’électronique, la décoration ou les accessoires, doivent composer avec des charges sociales, des normes environnementales, de sécurité et fiscales strictes. À l’inverse, les produits chinois expédiés directement aux consommateurs échappent en grande partie à ces contraintes. Cette situation crée une distorsion de concurrence qui fragilise le commerce de proximité et certaines filières industrielles, notamment dans les secteurs les plus exposés à la concurrence par les prix.
La taxation vise donc à corriger, au moins en partie, cette asymétrie, en renchérissant les produits chinois pour les replacer dans une concurrence plus équitable. En théorie, cela devrait permettre aux produits français ou européens de gagner en attractivité, non pas uniquement sur la qualité ou le circuit court, mais aussi sur le prix, souvent décisif dans l’acte d’achat. Cela pourrait encourager un regain de consommation locale et soutenir potentiellement et à terme des milliers d’emplois dans les secteurs concernés.
Cependant, l’efficacité réelle de cette mesure reste sujette à débat. D’une part, certains experts estiment que la hausse des prix induite par la taxe sera trop faible pour modifier profondément les comportements d’achat. Les prix sont tellement bas que même un peu plus chers, ils seront toujours très bon marché. D’autre part, il existe un risque d’adaptation rapide des plateformes chinoises, qui pourraient contourner les nouvelles règles grâce à des montages logistiques complexes, en passant par d’autres pays européens ou en scindant les colis pour rester sous les seuils de taxation.
En outre, sans coordination européenne forte, la mesure française pourrait se heurter à ses propres limites. Si la France taxe ces colis, mais que d’autres pays ne le font pas, alors les produits pourraient continuer à entrer dans l’Union européenne via des États plus laxistes, avant d’être redistribués en France. Pour être réellement efficace, cette politique devrait donc s’inscrire dans une stratégie commerciale européenne plus ambitieuse, capable d’imposer des règles communes à toutes les frontières de l’Union. Néanmoins, les discussions sont toujours en cours, et même si la Commission européenne veut supprimer l’exonération des droits de douane pour les colis inférieurs à 150 euros en 2026, la réforme reste à être adoptée et surtout appliquée.
La taxation des petits colis chinois est un premier signal politique, un geste de rééquilibrage, mais qui ne suffira pas à lui seul à protéger durablement l’économie française dans les secteurs concernés. Il ne s’agit que d’une petite pierre à un édifice beaucoup plus grand. Elle gagnera en efficacité si elle s’accompagne d’une politique industrielle et commerciale cohérente, à l’échelle nationale et européenne, pour répondre aux défis posés par un commerce mondial qui évolue de plus en plus rapidement.
Et sur le plan international : un tournant commercial ?
La décision de la France de taxer systématiquement les petits colis venus de Chine ne relève pas uniquement d’un choix national. Effectivement, elle s’inscrit dans un contexte géopolitique et commercial plus large, marqué par une recomposition des échanges mondiaux. À bien des égards, cette mesure symbolise un tournant dans les relations économiques entre l’Europe et la Chine, et plus globalement dans l’évolution du commerce international.
Depuis le début de l’année 2025, les États-Unis ont renforcé leur politique protectionniste sous l’impulsion de Donald Trump, de retour à la présidence. En augmentant fortement les droits de douane sur une grande partie des produits chinois, l’administration américaine a fermé son marché aux exportations chinoises. Face à cette barrière, de nombreuses entreprises de l’e-commerce chinois, dont Temu, Shein ou Alibaba pour les plus connues, cherchent à rediriger leurs flux vers des marchés plus accessibles, et l’Europe apparaît comme la cible prioritaire.
Pour les Européens, cette situation crée un double défi, à savoir éviter une submersion de produits à très bas coût qui pourrait fragiliser le tissu économique local, tout en maintenant un équilibre dans les relations diplomatiques et commerciales avec la Chine. La décision française de taxer les colis ne passe donc pas inaperçue à Pékin. Elle pourrait être perçue comme un signal d’alignement progressif de l’Europe sur la posture américaine, voire comme une volonté d’imposer des contrepoids au modèle économique chinois fondé sur l’exportation de masse.
Ce tournant ne concerne pas que la France. La Commission européenne a elle-même engagé des travaux pour réformer les règles douanières, avec l’objectif d’harmoniser le traitement des colis extra-européens et de mieux lutter contre les fraudes. Il ne s’agit pas encore d’un changement de doctrine, mais les débats sur le retour d’un certain protectionnisme européen sont bien lancés. De plus en plus de voix plaident pour une réindustrialisation et une meilleure souveraineté économique, quitte à remettre en cause certains principes de libre-échange. Les évolutions au niveau européen peuvent sembler lentes, mais sont bien concrètes.
Dans ce contexte, la taxation des petits colis venus de Chine peut être interprétée comme le début d’un rééquilibrage global des rapports commerciaux. Elle soulève aussi la question du rôle que l’Europe veut jouer dans ce nouvel ordre mondial, à savoir être un acteur passif d’une guerre commerciale menée par d’autres, ou alors une puissance stratégique capable de défendre ses intérêts économiques face aux géants chinois et américains ?
Il est encore trop tôt pour mesurer l’ampleur de ce basculement, dont les petits colis asiatiques ne sont finalement que la partie émergée, mais une chose est certaine, le commerce international entre dans une nouvelle phase, où la souveraineté économique, la sécurité des approvisionnements, probablement la qualité et la juste concurrence deviennent des priorités politiques majeures. La taxe française sur les colis chinois n’est peut-être donc qu’un début.