Informations principales
Thomas Piketty est un économiste, écrivain, enseignant et scénariste français, né le 7 mai 1971 à Clichy, dans le département des Hauts-de-Seine, en France.
En 1989, il est admis à l’École normale supérieure (ENS), institution universitaire et de recherche faisant partie des plus prestigieuses et des plus sélectives de France dans le domaine des lettres et des sciences. Après son passage dans cette école, il obtient, en 1993, un doctorat en sciences économiques à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), située à Paris. Sa thèse porte sur le sujet de la redistribution des richesses. Cette même année, l’Association française de science économique lui décerne le prix de la meilleure thèse de l’année 1993. Lors de son doctorat, il fera un passage par la London School of Economics.
Après ses études, il devient brièvement enseignant au Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Cambridge, aux États-Unis. En 1995, il revient en France et entre au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en tant que chargé de recherche, avant d’intégrer en 2000 l’EHESS comme directeur d’études. L’année suivante, en 2001, il dévoile une étude historique assez détaillée intitulée Les hauts revenus en France au XXème siècle : inégalités et redistributions, 1901-1998.
Afin d’être capable de rivaliser avec la London School of Economics, Dominique de Villepin, alors membre du gouvernement de l’époque, lui confie la création, en 2005, d’une nouvelle institution universitaire française qui prend le nom de PSE – École d’économie de Paris. Il en devient le premier président durant un peu plus d’un an, avant de quitter son poste pour rejoindre la campagne électorale présidentielle de 2007 de Ségolène Royal, en tant que conseiller économique.
Thomas Piketty est spécialiste des inégalités économiques (notamment celles de revenus et de richesses), qu’il aborde dans une perspective historique (c’est-à-dire basée sur l’histoire) et comparative (c’est-à-dire en faisant des comparaisons).
Il a écrit de nombreux ouvrages, dont le plus marquant est intitulé Le Capital au XXIème siècle, publié en 2013 et vendu à plus de 2,5 millions d’exemplaires dans le monde (fin 2017). Ce livre est une analyse de la concentration et de la répartition des richesses et du capital au cours des 250 dernières années. Il montre qu’une concentration toujours croissante des richesses ne s’autocorrige pas. Pour résoudre ce problème, il propose une redistribution via un impôt mondial progressif sur la richesse.
Piketty soutient également que le taux de rendement du capital dans les pays développés est constamment supérieur au taux de croissance économique, ce qui entraînera une augmentation des inégalités de richesse à l’avenir.
Il propose aussi d’améliorer les systèmes éducatifs et considère que la diffusion des connaissances, la diffusion des compétences et la diffusion de l’idée de productivité sont les principaux mécanismes qui conduiront à une réduction des inégalités.
En 2019, il publie la suite de son premier livre, intitulée Capital et Idéologie, qui se concentre sur les inégalités de revenus dans diverses sociétés de l’Histoire.
Par ailleurs, il écrit des articles pour le journal Libération et publie occasionnellement des tribunes dans Le Monde.
Étude des inégalités économiques, thème principal des recherches de Thomas Piketty
Thomas Piketty a engagé un projet de recherche sur les hauts revenus en France, ce qui a abouti à l’ouvrage intitulé Les hauts revenus en France au XXème siècle : inégalités et redistributions, 1901-1998, publié en 2001. Ce travail est basé sur la création de séries statistiques qui couvrent l’ensemble du 20ème siècle et constituées à partir des données des services fiscaux (notamment les déclarations de revenus et d’impôt sur le revenu).
Il a ensuite prolongé cette analyse dans son ouvrage très populaire Le Capital au XXIe siècle, puis dans Capital et Idéologie.
Évolution des inégalités en France
À travers ses travaux, Thomas Piketty a fait ressortir un certain nombre de faits importants. En effet, il montre notamment qu’en France, les inégalités de revenus ont fortement baissé au 20ème siècle. Il précise que cela a principalement été le cas lors des périodes où il y a eu, à la fois une hausse de l’impôt sur le revenu, et une forte croissance. Pour la France, cette situation s’est produite lors des années 1920 et après la Seconde Guerre mondiale.
Selon Thomas Piketty, cette baisse des inégalités est largement due à la réduction des inégalités de patrimoine, alors que les inégalités de salaire sont restées stables. En effet, il explique que cette baisse est le résultat de la création de l’impôt sur le revenu et de la forte hausse de sa progressivité après chacune des deux guerres mondiales. Cela a permis de réduire l’épargne disponible pour les plus grandes fortunes et les plus riches, et ainsi de limiter la dynamique de leur accumulation patrimoniale.
En supprimant la catégorie des rentiers, qui est, d’un point de vue économique, assez peu active et qui se trouve en haut de la hiérarchie des revenus, et en la remplaçant par des actifs qui gagnent leurs revenus de leur travail, cette diminution des inégalités a, selon lui, permis de rendre beaucoup plus dynamique la croissance économique.
Pour appuyer son raisonnement, Thomas Piketty se base sur les chiffres et les données. En effet, il a constaté que dans les années 1920 en France, l’impôt sur le revenu dépasse les 70 %, tandis qu’au Royaume-Uni entre 1940 et 1980, il dépasse les 90 %.
C’est sur la base de cette analyse que Thomas Piketty se montre très défavorable aux baisses de la fiscalité qui ont eu lieu à partir des années 1990 et durant les décennies suivantes. Il juge que ces baisses auront probablement comme conséquence, à terme, la reconstitution de ces grandes fortunes, souvent rentières, qu’il qualifie de capitalisme patrimonial, et dans lequel quelques familles contrôlent l’essentiel de la richesse.
Par ailleurs, dans une étude statistique, il a tenté de montrer que l’Effet Laffer, selon lequel des taux marginaux d’imposition élevés sur les plus hauts revenus incitent leurs bénéficiaires à moins travailler, est en France probablement faible, ou même nul.
Travail de comparaison
Thomas Piketty a effectué un travail comparatif sur l’évolution des inégalités dans les pays développés. En collaboration avec d’autres économistes, notamment Emmanuel Saez, il a construit des séries statistiques basées avec une méthode similaire à celle utilisée dans ses études sur la France.
Ces recherches ont donné lieu à la publication, dans les années 2000, d’articles sur l’évolution des inégalités aux États-Unis et sur les dynamiques économiques dans le monde anglo-saxon et en Europe continentale.
Ces études ont montré qu’après la Seconde Guerre mondiale, les pays anglo-saxons et l’Europe continentale ont connu une diminution des inégalités économiques. Néanmoins, depuis une trentaine d’années, les pays anglo-saxons connaissent une situation dans laquelle il y a une forte croissance des inégalités.
Son confrère Emmanuel Saez a reçu le prestigieux prix John Bates Clark en 2009 pour ce travail.
Le théorème de Schmidt n’est pas une référence absolue selon Thomas Piketty
Au-delà de son travail principal sur le sujet des inégalités économiques, Thomas Piketty a fait des publications dans d’autres domaines. Il fait notamment partie des économistes qui ont cherché à analyser les conséquences macroéconomiques (c’est-à-dire sur les grands agrégats) des nouvelles tendances boursières qui privilégient la rentabilité au détriment de l’emploi.
Piketty a aussi montré que le théorème de Schmidt n’est pas une référence absolue. En effet, celui-ci fait référence au slogan politique exprimé en 1974 par le chancelier de l’Allemagne de l’Ouest Helmut Schmidt, selon lequel les profits de maintenant correspondent aux investissements de demain et par prolongement aux emplois d’après-demain. Derrière ce slogan, le chancelier défend la maximisation des profits des entreprises, dans le but qu’elles investissent plus et donc, in fine, qu’elles créent plus d’emploi.
Thomas Piketty a donc incité à s’éloigner de ce modèle en précisant que cela ne correspondait pas à une référence absolue.
Des inégalités scolaires aux inégalités économiques
Dans le cadre de son travail sur les inégalités économiques, Thomas Piketty s’est intéressé aux inégalités scolaires. En effet, selon lui, les inégalités scolaires sont une cause importante de la persistance des inégalités salariales, et par prolongement, économiques.
C’est dans le cadre de ce raisonnement qu’il a mené une étude statistique sur la réussite scolaire qui fait ressortir l’impact important du nombre d’élèves par classe. Il critique une situation qu’il qualifie de ségrégation scolaire, en prenant pour exemple Paris, zone dans laquelle presque la totalité des élèves défavorisés sont inscrits dans le secteur public, alors que 30 % des élèves sont accueillis par le secteur privé.
Pour remédier à cette situation, il propose d’imposer au secteur privé une procédure commune d’affectation des élèves. L’objectif est de créer un système qui fasse en sorte que tous les collèges, qu’ils soient publics ou privés, aient entre 5 et 25 % d’élèves défavorisés dans leurs effectifs.
Une proposition de réforme fiscale
Au début de l’année 2011 et dans la perspective de l’élection présidentielle française de 2012, Thomas Piketty a publié avec ses confrères Emmanuel Saez et Camille Landais, l’ouvrage intitulé Pour une révolution fiscale : un impôt sur le revenu pour le XXIème siècle. Dans ce livre, il préconise de fusionner l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée (CSG) en un nouvel impôt sur le revenu. Selon eux, cette proposition se justifie par le fait que le système fiscal français ne serait plus assez progressif.
Selon eux, la nouvelle formule qu’ils proposent serait plus compréhensible par les citoyens et les contribuables. Cela permettrait de taxer beaucoup plus les revenus du capital, mais sans pour autant augmenter l’ensemble des impôts et des prélèvements sociaux en pourcentage du revenu national (estimés à 49 % du revenu national fin 2010).
Thomas Piketty et ses confrères expliquent que cette “CSG élargie” serait prélevée à la source et correspondrait à 10 % pour un revenu mensuel de 2 200 euros et 60 % pour un revenu supérieur à 100 000 euros par mois.
Dans ce raisonnement, ils prennent en compte dans les revenus, et au titre d’un avantage en nature, le loyer fictif des propriétaires de leur résidence principale qui ont terminé de rembourser leur prêt immobilier.
Critique de la courbe de Kuznets
Au même titre que d’autres économistes avant lui, Thomas Piketty a émis, en 2005, des critiques sur les travaux de Simon Kuznets, réalisés dans les années 1950, et plus particulièrement sur la courbe de Kuznets.
Pour Kuznets, sur une longue période, l’évolution des inégalités de revenu devait prendre la forme d’une courbe en cloche, appelée la courbe de Kuznets. Celle-ci s’accroît dans un premier temps, en même temps que le commencement de la révolution industrielle, avant de diminuer dans un second temps, à cause de tendances économiques lourdes. Pour lui, ces tendances lourdes correspondent plus particulièrement au progrès technique et à la réallocation de la main-d’œuvre (c’est-à-dire des travailleurs) de secteurs à faible productivité (comme l’agriculture) vers des secteurs à plus forte productivité (comme l’industrie).
Thomas Piketty remet en cause cette analyse en jugeant que ce qu’a pu observer Kuznets durant les années 1950 n’est pas le résultat de forces économiques profondes (comme le déversement sectoriel par exemple, ou encore l’effet du progrès technique). En effet, selon lui, cela s’explique par la diminution des inégalités de patrimoine, davantage que salariales, causée par des raisons qui n’étaient pas spécifiquement économiques (notamment la création de l’impôt sur le revenu).
C’est sur la base de ce raisonnement qu’il juge que rien ne garantit que la diminution des inégalités se poursuive dans le temps. Il estime que c’est même le contraire qui se produit, car les inégalités économiques aux États-Unis ont augmenté fortement sur les 30 années précédant 2005, au point de leur faire retrouver leur niveau des années 1930. Cette tendance ne concerne pas que les États-Unis, mais d’une manière générale, la plupart des pays développés.
Le Capital au XXIème siècle, ouvrage majeur de Thomas Piketty
En 2013, Thomas Piketty a publié le livre intitulé Le Capital au XXIème siècle. Cet ouvrage de presque 1000 pages traite essentiellement du retour en force des inégalités. Il comprend aussi une étude de la répartition des richesses à travers différentes époques. D’un point de vue méthodologique, Piketty utilise de nombreux indices comme par exemple la part du revenu des 10 % les plus riches, ainsi que celle des 1 %, 0,1 % et 0,01 %, mais également la composition du revenu national, ou encore l’évolution du classement Forbes.
Thomas Piketty se concentre sur les inégalités de richesse et de revenu en Europe et aux États-Unis depuis le 18ème siècle. La thèse centrale du livre est que l’inégalité n’est pas un accident, mais plutôt une caractéristique du capitalisme qui ne peut être inversée que par l’intervention de l’État. Le livre soutient donc que si le capitalisme n’est pas réformé, l’ordre démocratique même sera menacé. Pour remédier à cette situation, Piketty propose notamment un impôt mondial sur la richesse.
Par ailleurs, dans cet ouvrage, Piketty soutient que le taux de rendement du capital dans les pays développés est constamment supérieur au taux de croissance économique, ce qui entraînera une augmentation des inégalités de richesse à l’avenir, puisque ceux qui possèdent le capital s’enrichissent plus vite que le reste de la population.
Le Capital au XXIème siècle a connu un succès mondial avec plus de 2,5 millions d’exemplaires vendus fin 2017.
Pour ce livre, Thomas Piketty a reçu en 2014 la médaille de l’Académie britannique.
Capital et Idéologie
Capital et Idéologie est un ouvrage publié en 2019, qui succède à celui du Capital au XXIème siècle. En effet, comme son prédécesseur, il aborde le sujet des inégalités de revenus et de richesses.
Dans ce livre, Thomas Piketty affirme qu’il est nécessaire d’examiner les systèmes idéologiques qui ont tenté de justifier les formes d’inégalité propres aux différentes configurations institutionnelles, et la manière dont ceux-ci ont eu un impact, par le biais de la politique fiscale et économique, sur la répartition des richesses et des revenus.
Piketty soutient que diverses idéologies apparaissent pour défendre l’inégalité, et que la richesse est détournée pour soutenir ces idéologies. Il juge qu’un niveau de vie plus élevé n’est pas venu de la sacralisation de la propriété, mais des protestations sociales.
Le livre contient de nombreuses recommandations pour réduire les inégalités de richesse et de revenu comme, par exemple, la mise en place d’un impôt sur la fortune, et un soutien idéologique pour promouvoir de telles politiques fiscales et économiques.
La lutte contre le changement climatique
Selon Thomas Piketty, les inégalités économiques et le changement climatique sont liés. En effet, selon lui, la lutte contre le réchauffement climatique doit se faire, entre autres, par une diminution draconienne du niveau de revenu des plus riches. Il explique qu’il n’est pas possible de lutter sérieusement et efficacement contre le réchauffement climatique sans effectuer une redistribution profonde des richesses, autant à l’intérieur des pays, qu’au niveau international. Cela nécessite donc de transformer fondamentalement le système économique et de modifier profondément nos modes de vie.
Par ailleurs, il a appelé à interdire les jets privés afin de lutter contre le changement climatique et à mettre en place une taxe progressive sur le carbone, suite à un rapport indiquant que les 1 % de personnes les plus riches produisaient des quantités très importantes d’émissions de carbone.
En 2015, Thomas Piketty et l’économiste britannique Tim Jackson publient dans Le Monde un appel dans lequel ils appellent à arrêter d’investir dans les énergies fossiles, et même à soutenir le désinvestissement des énergies fossiles.
L’engagement politique de Thomas Piketty
Depuis plusieurs décennies, Thomas Piketty est engagé en politique. En effet, proche du Parti socialiste (PS), il participe à la commission économique du parti entre 1995 et 1997.
Lors des élections présidentielles, il soutient depuis 2007 des candidats de gauche, et plus particulièrement ceux du Parti socialiste. Il participe à leur campagne notamment en tant que conseiller économique.
Au-delà des partis politiques français, il a également conseillé des partis à l’étranger et plus particulièrement le Labour britannique quand il était dirigé par Jeremy Corbyn, et Podemos, parti espagnol de gauche anti-austérité, quand il était dirigé par Pablo Iglesias.
Lors de la crise migratoire de 2015, Thomas Piketty soutient la politique d’accueil de l’Allemagne (qui a accueilli près d’un million de personnes cette année-là) et dénonce les risques d’une “Europe moisie et vieillissante”.
Lors de l’élection présidentielle de 2017, il entre dans l’équipe de campagne de Benoît Hamon, candidat du Parti socialiste, en tant que conseiller “traité budgétaire européen”. Il avance notamment l’idée de renégocier les traités européens pour instaurer une “assemblée de la zone euro” qui serait formée de membres des parlements européens, l’objectif étant de sortir d’un gouvernement européen qu’il juge opaque. Il se montre aussi favorable à un “revenu universel crédible et audacieux”. Après la défaite de Benoît Hamon, il appelle à voter pour Emmanuel Macron qui se retrouve face à Marine Le Pen.