Informations principales
Rosa Luxemburg est une femme politique (militante socialiste et communiste, ainsi que théoricienne marxiste), journaliste, philosophe, économiste et révolutionnaire russo-allemande, née le 5 mars 1871 à Zamość dans l’Empire russe (sur le territoire polonais actuel) et morte assassinée à Berlin, en Allemagne, le 15 janvier 1919.
Elle est née dans la partie polonaise de l’Empire russe (territoire polonais sous tutelle russe). Elle s’est cependant exilée en Suisse afin de suivre ses études, avant de rejoindre ensuite l’Allemagne pour être une militante socialiste. C’est à cette occasion qu’elle prendra la nationalité allemande.
Rosa Luxemburg était une figure de l’aile gauche de l’Internationale ouvrière, une partisane de l’internationalisme (qui prône une union internationale des peuples) et une révolutionnaire. Elle a été exclue du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) pour s’être opposée à la Première Guerre mondiale.
En 1916, la crise du SPD l’amène à fonder avec certains de ses camarades, la Ligue des Spartakistes, qui était un mouvement révolutionnaire et antimilitariste, qui deviendra ensuite le Parti Communiste Allemand, juste avant son assassinat. Ce dernier est lié à sa participation à la révolution allemande (l’insurrection des spartakistes) et à la répression qui a suivi, menée par des officiers nationalistes.
Ses idées ont été une source d’inspiration pour des tendances de la gauche communiste. Plus tard, sa pensée a donné naissance au luxemburgisme, courant intellectuel communiste et révolutionnaire. Toutefois, son héritage intellectuel a également été revendiqué par des courants politiques variés.
Rosa Luxemburg maîtrisait parfaitement les concepts du marxisme, ce qui lui a permis de construire sa propre analyse, en étudiant notamment les nouveaux aspects du capitalisme (tels que l’accumulation des capitaux, le colonialisme, etc). Elle a également théorisé l’internationalisme qu’elle a opposé au nationalisme et aux luttes de « libération nationale ». Malgré le fait qu’elle partageait les idées de Marx, cela ne l’a pas empêché de le critiquer.
Elle était attachée aux idées démocratiques, ce qui l’a amené à penser que la révolution ne pouvait venir que de la spontanéité des masses et non d’une sorte d’élite éclairée qui mènerait à une dictature de quelques politiciens, et non pas à celle du prolétariat.
Rosa Luxemburg est la première femme à produire une œuvre théorique majeure dans le domaine de l’économie, alors que cette discipline était réservée aux hommes.
Rosa Luxemburg : l’opposition au révisionnisme et au léninisme
Rosa Luxemburg intègre le Parti du prolétariat de la Pologne russe à l’âge de 16 ans pour commencer à militer. Elle fonde le Parti social-démocrate du royaume de Pologne en 1893 avec son compagnon d’alors, Leo Jogiches. Elle devient ensuite un membre actif, et même influent du Parti social-démocrate allemand (SPD) et du bureau de l’Internationale ouvrière.
Luxemburg se fait connaître quelques années plus tard en débattant vivement avec le chef du courant révisionniste à l’intérieur du mouvement socialiste, Eduard Bernstein. À l’idée qu’il faut transformer le capitalisme de manière progressive et pacifique, Rosa Luxemburg estime à l’inverse qu’il faut une rupture révolutionnaire, qui est pour elle la seule voie pour accéder au socialisme.
Toutefois, malgré cette opinion, elle ne rejoint pas le camp de Lénine et du bolchévisme. En effet, le dirigeant révolutionnaire russe a développé la théorie du parti d’avant-garde selon laquelle les organisations dites avant-gardistes militent pour amener la classe ouvrière et prolétaire vers une politique révolutionnaire et ainsi prendre le pouvoir politique. Dans son ouvrage Grève de masse, parti et syndicats, publié en 1906, Rosa Luxemburg défendait à l’inverse l’initiative et la spontanéité révolutionnaire de la classe ouvrière. À ce titre, elle rejetait l’idée qu’il devait y avoir un dirigeant pour le parti.
Rosa Luxemburg s’est également montrée critique envers le nationalisme et le militarisme. En août 1914, elle s’est opposée avec vigueur au vote des crédits de guerre par le Parti social-démocrate allemand (SPD).
En 1916, la crise du SPD l’amène à fonder avec certains de ses camarades, la Ligue des Spartakistes, qui était un mouvement révolutionnaire et antimilitariste, qui deviendra ensuite le Parti Communiste Allemand, juste avant son assassinat. Cet investissement politique ne l’empêche pas de critiquer les positions de Lénine et les politiques que prend le parti bolchévique en Russie, depuis son arrivée au pouvoir en 1917. À ce titre, elle met en garde contre les tendances dictatoriales de ce parti et contre la suppression de la démocratie que cela peut engendrer. Elle reconnaît toutefois que les circonstances obligent le gouvernement russe à être ferme.
Cependant, elle craint quand même que les mesures d’exception adoptées par le nouveau pouvoir soviétique soient codifiées et ensuite transformées en un système permanent, et non plus juste temporaire. Elle estime que si cela devait arriver, la dictature du prolétariat qu’elle défend risquerait de se transformer en une dictature de quelques politiciens. Rosa Luxemburg a finalement anticipé la dérive qui s’est produite sous Staline avec la terreur et le retour de la sauvagerie, comme elle l’appelle, dans la vie publique.
Rosa Luxemburg était opposée à l’insurrection voulue par sa ligue, mais elle s’est finalement ralliée à la position majoritaire au sein de la Ligue des Spartakistes. Au final, l’insurrection spartakiste a été brutalement écrasée à Berlin et Rosa Luxemburg et d’autres participants ont été tués.
L’accumulation du capital
De la même manière que Karl Marx, Rosa Luxemburg pense que le développement des contradictions du capitalisme aura pour conséquence le passage au socialisme. C’est pour cela que l’étude de l’économie politique est, selon elle, essentielle et qu’elle y a consacré une partie importante de sa vie. Néanmoins, elle s’est retrouvée confrontée à un problème majeur en étudiant Karl Marx. En effet, ce dernier explique d’une part pourquoi le capitalisme est condamné à s’effondrer, suite à des crises de plus en plus importantes. Mais d’autre part, dans le deuxième livre de son œuvre majeure Le Capital, ses schémas de reproduction (qui décrivent les relations entre les moyens de production et des biens de consommation) montrent, à l’inverse, quelles conditions sont nécessaires pour avoir une croissance équilibrée du capitalisme.
Dans son oeuvre théorique majeure intitulée L’Accumulation du capital, publiée en 1913, Rosa Luxemburg présente une histoire détaillée des débats sur le sujet de la croissance depuis le début du 19ème siècle et à la fois, une présentation critique des thèses et raisonnements de Marx et des polémiques qu’elles ont provoquées, ainsi que la solution qu’elle met en avant pour résoudre les problèmes soulevés. Dans le raisonnement que Marx a fait, l’accumulation du capital (ou ce qu’il appelle la reproduction élargie) provient d’une partie de la plus-value créée par les travailleurs qui est transformée en capital additionnel, ce qui permet d’élargir la production.
Néanmoins, pour Rosa Luxemburg, il y a une importante faille dans ce raisonnement puisque, selon elle, Marx n’explique pas d’où vient la demande qui va permettre d’obtenir le capital additionnel en question. Concrètement, il ne dit pas quel est le moteur de l’accumulation et de l’incitation à investir. Ce raisonnement suppose, de manière implicite, que toute la production est vendue sans aucun problème, ce qui n’est pas le cas dans la réalité.
Dans le premier livre de son œuvre Le Capital, Marx rejette la loi de Say selon laquelle l’offre crée sa propre demande, mais dans le deuxième livre de cette même œuvre, il semble finalement s’y rallier.
En reprenant une idée de Thomas Malthus (utilisée également ultérieurement par John Maynard Keynes), Rosa Luxemburg explique qu’il est nécessaire d’avoir une demande effective sans le but d’assurer un débouché aux produits dont la production augmente. Selon elle, cette demande ne peut naître qu’uniquement des dépenses des travailleurs et des capitalistes. En effet, elle considère qu’une économie capitaliste fermée ne peut pas croître. Pour elle, afin d’avoir une croissance du capitalisme, un environnement non capitaliste est essentiel. Elle explique que cela peut être un environnement interne au pays (par exemple un secteur artisanal ou un secteur paysan qui n’est pas encore devenu capitaliste). Mais elle ajoute que les débouchés peuvent également être trouvés à l’extérieur, par exemple dans des pays moins développés.
Pour Rosa Luxemburg, ce mécanisme correspond à la base de l’impérialisme qui, selon elle, caractérise le capitalisme contemporain. Cet impérialisme (et donc ce capitalisme contemporain) se traduit par une lutte de plus en plus intense entre les pays développés qui cherchent tous à contrôler les débouchés et le marché mondial. Cela s’accompagne de l’accroissement du militarisme et de la multiplication des guerres. La production d’armements étant une forme de débouchés.
À mesure que le capitalisme se développe et s’étend à l’échelle internationale, en détruisant toutes les autres formes d’économie au passage, il se retrouve confronté à un problème de débouchés de plus en plus important et sans solution viable, ce qui va amener à sa perte. Toutefois, Rosa Luxemburg est persuadée par le fait que bien avant que la destruction finale du système n’ait lieu, la révolution socialiste éclatera, en amenant au pouvoir ce nouveau régime.