Informations principales
Pierre Le Pesant de Boisguilbert est un écrivain et économiste français, né le 17 février 1646 à Rouen, en France et mort le 10 octobre 1714 dans la même ville.
Après les travaux de son prédécesseur, Antoine de Montchrestien, il a apporté des textes qui ont été fondateurs pour l’économie politique moderne.
Les travaux de Boisguilbert influenceront le courant économique de la Physiocratie qui débutera vers 1750, et sur le mouvement des Philosophes des Lumières sur le plan économique.
Il a fait ses études chez les jésuites et chez les jansénistes, ce qui aura un impact sur sa pensée et ses recherches.
À partir de 1676, Pierre Le Pesant de Boisguilbert s’est tourné vers l’économie politique. En effet, il a vivement tenté de faire appliquer ses idées, plus libérales que celles de la majorité. À cette époque, la France est un pays dominé par le mercantilisme, incarné par Jean-Baptiste Colbert, avec qui il sera en opposition. Pour arriver à ses fins, il a même publié certains de ses ouvrages de manière anonyme, ce qui lui a valu d’être rejeté ou même exilé.
Par ailleurs, il était un cousin au second degré du dramaturge français Pierre Corneille.
Le commerce permet de pacifier la société pour Boisguilbert
Pierre Le Pesant de Boisguilbert a été marqué par l’héritage janséniste (hérité de la doctrine de Saint Augustin) auquel il a été confronté durant ses études. En effet, selon celui-ci, l’Homme est guidé uniquement par ses propres intérêts et par conséquent, il est voué à entrer en conflit avec les autres individus. Cela signifie que seul l’État est capable de nouer le lien social qui est indispensable à l’harmonie. Cela implique que l’ordre doit s’imposer de manière verticale. C’est à partir de là que Boisguilbert développe sa propre pensée. En effet, il considère que c’est le commerce qui permet de pacifier la société, et même de favoriser l’apparition du lien social qui est nécessaire afin d’harmoniser les rapports humains.
Il estime que l’égoïsme ne détruit pas la vie sociale et économique, mais au contraire, permet d’apporter la paix, la stabilité et l’abondance. C’est sur la base de ce raisonnement qu’il juge absolument indispensable d’avoir une économie de libre-échange.
La critique d’un mauvais régime économique
À travers les charges que Boisguilbert a occupées (comme juge et lieutenant de police notamment), avec la supervision de la culture de ses terres, ainsi qu’avec les relations qu’il entretient avec les marchands les plus importants de Rouen, il a pu étudier, au plus près du terrain, les conditions économiques locales. Grâce à cela, il a pu se rendre compte que les citoyens étaient écrasés par le poids de la fiscalité et qu’ils vivaient, par conséquent, dans la misère. Il critiquera à ce titre dans son ouvrage, Le Détail de la France, publié en 1695, ce qu’il considère comme un mauvais régime économique, ce dernier ayant entraîné la ruine générale des Français de toutes les classes, des pénuries et des crises agricoles.
Dans ce même ouvrage, il décrit un pays dans une situation précaire et victime de deux erreurs majeures.
La première est de penser que l’État peut résoudre tous les problèmes économiques, alors qu’en réalité, dans la pratique, à cause de ses réglementations et de ses taxes, il étouffe la production.
La seconde est de croire que la richesse vient de l’accumulation de métaux précieux (l’or et l’argent) comme le pensent les mercantilistes. Boisguilbert, à contrario, considère que les métaux précieux en question n’ont aucune valeur en soi, ils ne servent qu’à faciliter les échanges. Pour lui, l’important se trouve donc dans la production de richesses.
Il va également critiquer le mercantilisme colbertien qui a, selon lui, négligé l’agriculture. Il avance l’idée que la richesse d’un pays ne se trouve pas dans l’importance de sa masse monétaire, mais dans sa production et dans ses échanges. Boisguilbert avance que l’une des principales causes de la pénurie agricole que connaissait le royaume à cette époque était liée à ce qu’il appelle les classes oisives, qui correspondent à l’administration fiscale et aux rentiers politiques qui sont favorisés par la réglementation qui a été mise en place sur le marché des grains. Il oppose ces classes oisives aux véritables producteurs, qui eux, souffrent de ce contrôle.
Afin de défendre ses idées, il a publié en 1707 un petit ouvrage intitulé Causes de la rareté de l’argent et éclaircissement des mauvais raisonnements du public, dans lequel il a réalisé la première schématisation en France d’un circuit économique. Ce travail a fait de lui un précurseur de l’économie sociale.
Avec ses travaux, il a tenté d’expliquer comment l’argent circulait dans la société de l’Ancien Régime. Son analyse sera ensuite approfondie par l’économiste irlandais Richard Cantillon. Boisguilbert a souhaité réduire les métaux précieux à un rôle secondaire (contrairement à leur rôle majeur dans le mercantilisme) et ainsi montrer aux citoyens la vraie nature de la richesse et ses conséquences économiques et politiques.
Boisguilbert a une vision libérale de l’économie
Pierre Le Pesant de Boisguilbert se pose en précurseur des économistes libéraux qui viendront après lui, tel qu’Adam Smith.
Afin de remédier à la situation économique compliquée du royaume, il préconise de mettre en place un impôt sur le revenu universel, payé par tous, qui équivaudrait à un dixième des revenus en question. Ce projet sera ensuite repris plus tard par Vauban, ingénieur royal et militaire, dans son ouvrage intitulé La Dîme royale et publié en 1707.
Il préconise également d’interdire les monopoles, ce qui est une vision révolutionnaire, à l’époque du mercantilisme de Colbert, de faciliter la concurrence et enfin, de respecter la liberté des prix. L’objectif de Boisguilbert à travers ces recommandations est que, grâce à la libre confrontation des intérêts particuliers, cela puisse aboutir à favoriser l’intérêt général. C’est au final, le concept de la main invisible qu’Adam Smith développera plus tard.
Face à la situation économique de son époque, il propose comme solution, non pas une réduction des impôts, mais une plus juste répartition. L’objectif est d’augmenter la production et par ricochet, la richesse générale, et donc de permettre aux plus pauvres de consommer davantage. C’est à ce titre qu’il demande la réforme de la taille (un impôt direct qui est prélevé par le seigneur sur ses paysans en contrepartie de sa protection), une plus grande liberté du commerce (en particulier pour les grains) et la suppression des droits de douane intérieurs.
Boisguilbert défend la liberté qui est, selon lui, le meilleur moyen de communication entre les producteurs et les acheteurs. En effet, en informant chaque partie de l’abondance des biens ou de leur rareté, la liberté permet d’éviter les perturbations et les cycles qui viennent d’une manipulation de la production et des prix de la part du Gouvernement. Il avance même que si le pouvoir royal acceptait une certaine démocratisation, cela permettrait d’améliorer la connaissance de la réalité sociale. Cela nécessiterait de mettre en place une réelle décentralisation et de restaurer les droits légitimes des États généraux, qui avaient été amoindris par Louis XIV.
La critique de la capitation
En 1691, il critique la capitation (ou impôt par tête), un impôt direct sur les individus que le Contrôleur général des Finances souhaite mettre en place pour faire face aux dépenses de la guerre de la Ligue d’Augsbourg. Il dénonce la situation de la France, qui est pratiquement ruinée à cause des guerres menées par Louis XIV. Face à cette situation, il réclame une justice redistributive.
Normalement, la capitation est un impôt juste, dans la mesure où tous les citoyens d’un pays le payent (à l’exception éventuellement des plus jeunes) et dont le montant payé par chacun est le même pour tous. Néanmoins, il considère que cet impôt est vicié par la division des habitants du royaume en 22 classes différentes, avec chacune son tarif sur la base de l’emploi ou de la qualité, et non pas en fonction de la richesse. Boisguilbert juge donc cet impôt, dans cette configuration absurde et injuste, car selon lui, les trois quarts de cet impôt vont peser sur le peuple, d’autant que certains riches en étaient exemptés. Finalement, la capitation sera quand même mise en place en 1695.