Informations principales
Herbert Alexander Simon est un économiste et sociologue américain, né le 15 juin 1916 à Milwaukee, dans l’État du Wisconsin, aux États-Unis et mort le 9 février 2001 à Pittsburgh, dans l’État de Pennsylvanie, dans le même pays.
De 1949 jusqu’à sa mort en 2001, il a été professeur à l’Université Carnegie Mellon à Pittsburgh. Dans le cadre de ses fonctions, il a participé à la fondation de la Carnegie Mellon School of Computer Science, l’un des premiers départements consacré au domaine de l’informatique dans le monde.
Il a reçu, en 1978, le Prix Nobel d’économie pour ses recherches pionnières sur le processus de prise de décision au sein des organisations économiques, et en 1975, le prix Turing (avec Allen Newell), distinction majeure dans le domaine de l’informatique, pour ses contributions fondamentales à l’intelligence artificielle, à la psychologie de la cognition humaine et au traitement des listes (structures de données en informatique).
Ses travaux portent principalement sur la psychologie cognitive et sur la rationalité limitée. Avec son travail, Herbert Simon a questionné l’efficacité du fordisme et remis en cause les théories néoclassiques. Ses études sur le sujet de la rationalité limitée l’ont amené à s’intéresser aux organisations et aux procédures de décisions, ainsi qu’à l’intelligence artificielle (sur la base de l’informatique), dont il est considéré comme l’un des pionniers aux États-Unis.
Par ailleurs, il est aussi considéré comme l’un des pères de la systémique, approche qui vise à définir, étudier, ou expliquer tout type de phénomène, mais qui consiste avant tout à considérer ce phénomène comme un système.
La rationalité limitée, concept important d’Herbert Simon
En partant de l’observation des faits, Herbert Simon a cherché ce que la science pouvait dire de la raison. Cette démarche va l’amener à se démarquer de la rationalité substantive, qui correspond à la rationalité parfaite, notamment défendue par les économistes néo-classiques français. La rationalité substantive suppose que l’individu dispose, de facto, de toutes les informations et de suffisamment de capacité de “calcul » et d’analyse pour prendre une décision optimale.
C’est pour cette raison que Simon décide plutôt de développer le concept de rationalité procédurale, selon lequel la capacité de décision d’un individu est détériorée par tout un ensemble de contraintes, tel que par exemple le manque d’information, le manque de temps ou encore des biais cognitifs. En partant de ce constat, les décideurs ont alors tendance à choisir des solutions satisfaisantes, plutôt que des décisions optimales qui nécessiteraient un environnement parfait (c’est-à-dire un accès et une maîtrise de toutes les informations, des conséquences, etc).
Plusieurs types de décision selon Herbert Simon
Dans son ouvrage intitulé Administration et Processus de décision, publié en 1947, Herbert Simon distingue plusieurs types de décision.
En effet, selon lui, il existe la décision objectivement rationnelle, qui est le résultat d’un comportement qui cherche à maximiser les valeurs données, dans une situation donnée.
Il y a la décision subjectivement rationnelle qui, en fonction des connaissances réelles de la personne, maximise les chances d’arriver à une fin donnée.
Il y a la décision consciemment rationnelle, qui est le résultat d’un processus conscient d’adaptation des moyens aux fins. Elle devient alors intentionnellement rationnelle si l’adaptation est réalisée de manière délibérée.
Il y a la décision rationnelle du point de vue de l’organisation, qui est au service des objectifs de l’organisation en question.
Enfin, il y a la décision personnellement rationnelle, qui obéit aux intentions et aux projets propres de la personne.
Une limite à la rationalité individuelle
Néanmoins, Herbert Simon apporte une limite à la rationalité individuelle. En effet, dans la mesure où chaque humain vit dans un environnement qui produit une quantité astronomique, chaque seconde, de nouvelles informations, il n’est possible de percevoir qu’une quantité très limitée de ces informations. Il en arrive donc à la conclusion que la raison ne peut être que limitée (et donc pas parfaite) et fonctionner en information incomplète. Il en résulte alors deux conséquences principales. La première est que l’individu concerné est dépendant du milieu dans lequel il vit et qui trie l’information. La deuxième est qu’il y aura forcément un écart entre les actions de l’individu et les résultats.
La rationalité procédurale
Herbert Simon a développé le sujet de la rationalité procédurale. Pour lui, la procédure de calcul rationnel est intéressante uniquement dans la situation où elle n’est pas triviale, c’est-à-dire quand la réponse substantiellement rationnelle à un cas n’est pas évidente de manière immédiate. Par exemple, si on pose une pièce de cinquante centimes et une pièce de vingt centimes devant quelqu’un et qu’on lui indique qu’il peut prendre l’une ou l’autre, mais pas les deux, alors il est facile de prévoir laquelle il prendra mais, à l’inverse, difficile d’apprendre quelque chose de ses procédures cognitives.
Lorsque l’individu n’a pas une information complète, alors la procédure devient importante à étudier. En effet, dans ce cas, l’individu en question ne peut pas trouver la solution optimale. Il arrêtera alors ses recherches d’information une fois qu’il aura trouvé une solution qui satisfasse ses besoins. Herbert Simon considère que l’étude des procédures et des organisations est importante, car il est nécessaire, malgré tout, de prendre les meilleures décisions possibles, ce qui implique de suivre des processus qui amènent à la solution la plus proche de l’optimum, c’est-à-dire la solution la plus optimale possible.
C’est grâce à ses travaux sur ce sujet que Simon est considéré comme le père des chercheurs heuristiques, c’est-à-dire des scientifiques qui ont pour objet d’étude les procédures de recherche et de découverte. En effet, pour lui, il s’agissait de méthodes dans le but d’arriver à des solutions satisfaisantes, mais avec des quantités de calcul modestes.
La science des systèmes
Herbert Simon a écrit un livre intitulé La science des systèmes, science de l’artificiel, publié en 1969 sur le sujet des sciences de l’apprentissage et de l’intelligence artificielle. Il a été plus particulièrement influent dans la théorie du design. Dans cet ouvrage, il aborde la façon dont les phénomènes artificiels devraient être catégorisés, en discutant de la question de savoir si de tels phénomènes appartiennent au domaine de la “science”, ou non.
Avec l’objectif de démontrer qu’il est possible d’avoir une science empirique (c’est-à-dire qui ne s’appuie que sur l’expérience et sur l’observation, et non pas sur une théorie ou un raisonnement) des phénomènes “artificiels”, en plus de celle des phénomènes « naturels », Herbert Simon soutient que les systèmes conçus constituent un champ d’étude valable. La distinction que Simon établit entre l’artificiel et le naturel est que les choses artificielles sont synthétiques et caractérisées en termes de fonctions, d’objectifs et d’adaptation.
Herbert Simon caractérise un système artificiel comme une interface qui relie deux environnements, l’un interne et l’autre externe. Par conséquent, les systèmes artificiels sont susceptibles de changer parce qu’ils dépendent de leur environnement, c’est-à-dire des circonstances dans lesquelles ils se trouvent. De plus, ces environnements existent dans le domaine de la « science naturelle », tandis que l’interface est le domaine de la « science artificielle ».
Pour Simon, la science de “l’artificiel » correspond à la science de la « conception », à savoir que les sciences de l’artificiel concernent tous les domaines qui créent des conceptions pour accomplir des tâches ou remplir des objectifs et des fonctions.
L’ingénierie, la médecine, le commerce, l’architecture et la peinture s’intéressent non pas au nécessaire, mais au contingent (c’est-à-dire à l’éventuel), non pas à la façon dont les choses sont, mais à la façon dont elles pourraient être, donc concrètement, à la conception.
Ces domaines comprennent également la psychologie cognitive, la linguistique, l’économie, la gestion/administration et l’éducation. Simon explore ainsi les points communs des systèmes artificiels, notamment les systèmes économiques, les entreprises, l’intelligence artificielle, les projets d’ingénierie complexes et les plans sociaux.
Au final, avec ce livre, Herbert Simon fournit une théorie du traitement de l’information des processus de pensée de l’humanité comme une alternative opérationnelle et empirique (c’est-à-dire basé sur l’expérience) au behaviorisme, vision de la psychologie scientifique qui considère que le comportement observable est en grande partie conditionné par les mécanismes de réponse réflexe à un stimulus donné, ou par l’histoire des interactions de l’individu avec son environnement (comme les punitions reçues dans le passé).
L’économie des organisations et la rationalisation de la décision
Herbert Simon a étudié les processus comportementaux et cognitifs des êtres humains qui prennent des décisions rationnelles. Selon lui, une décision administrative opérationnelle doit être correcte, efficace et pratique à mettre en œuvre, avec un ensemble de moyens coordonnés.
Pour lui, une théorie de l’administration est en grande partie une théorie de la prise de décision humaine et qu’à ce titre, elle doit être fondée à la fois sur l’économie et sur la psychologie. Il estime que si la rationalité humaine n’avait pas de limites, la théorie administrative serait stérile, puisque le choix serait toujours le plus optimal. Il juge que la règle doit être toujours de choisir, parmi les options disponibles, celle qui permettra d’atteindre le plus complètement les objectifs fixés.
Contrairement au modèle de l’homo œconomicus, Simon soutient que les alternatives et les conséquences peuvent être partiellement connues, et les moyens et les fins imparfaitement différenciés, incomplètement liés ou mal détaillés.
Herbert Simon voit trois principaux intérêts qu’a l’organisation dans le processus de décision. Premièrement, la création et l’utilisation de procédures créent des routines qui permettent de mieux faire face à l’incertitude. Deuxièmement, cela permet de diviser le processus de décision entre plusieurs agents. Enfin, le partage de la prise de décision permet de limiter le risque d’erreur et peut même aider à corriger des erreurs de décision.
Selon Simon, la cohérence des décisions qui sont prises à l’intérieur de l’organisation est possible, parce que l’autorité s’appuie sur un système de récompenses et de sanction et grâce à la loyauté de l’individu qui cherche à intégrer et à atteindre les objectifs de l’entreprise. Cependant, il juge que la loyauté dépend aussi de ce qu’apporte l’organisation à l’individu en échange de sa docilité, ainsi que de la capacité des individus d’une manière générale à élargir leurs horizons humains, ce qui consiste à accepter que leur sort soit lié à celui du monde entier. Pour Simon, il est possible d’introduire des mécanismes qui imposent des critères sociaux dans le processus de sélection, pour faire évoluer la société, et cela, sans entrer en contradiction avec la doctrine qui veut que les individus soient naturellement égoïstes.
Herbert Simon, pionnier de l’intelligence artificielle
Herbert Simon a été un pionnier dans le domaine de l’intelligence artificielle, en créant avec Allen Newell les programmes Logic Theory Machine en 1956 et General Problem Solver (GPS) en 1957. Le GPS est l’une des premières méthodes mise au point pour séparer la stratégie de résolution de problèmes, des informations relatives à des problèmes particuliers. Les deux programmes ont été développés à l’aide du langage de traitement de l’information (IPL) sorti en 1956, dont Herbert Simon a participé à la mise au point. Donald Knuth a mentionné le développement du traitement des listes dans l’IPL, la liste chaînée (une structure de données en informatique) était initialement appelée « mémoire NSS » pour les initiales de ses inventeurs (Newell, Shaw et Simon).
En 1957, Simon a prédit que les échecs sur ordinateur dépasseraient les capacités humaines dans les dix ans, ce qui a en réalité pris une quarantaine d’années. Il a également prédit, en 1965, que les machines seraient capables de faire n’importe quel travail d’un humain, et cela, dans les vingt ans, ce qui ne s’est finalement pas produit.
Au début des années 1960, le psychologue américain Ulric Neisser a affirmé que si les machines étaient capables de reproduire des comportements de « cognition froide » tels que le raisonnement, la planification, la perception et la décision, elles ne pourraient cependant jamais reproduire des comportements de « cognition chaude » tels que la douleur, le plaisir, le désir, ainsi que d’autres émotions. Herbert Simon a répondu aux propos de Neisser en 1963 en écrivant un article sur la cognition émotionnelle (qu’il a ensuite mis à jour en 1967).
Simon a également collaboré avec James G. March sur plusieurs travaux sur la théorie des organisations, discipline qui étudie les organisations (autant marchandes, que non-marchandes), dans toutes leurs diversités (comme par exemple les entreprises, administrations, associations, syndicats, hôpitaux, etc). Le but est d’analyser leur fonctionnement, structure et développement afin de mieux les comprendre, et si cela est nécessaire, proposer des corrections ou des améliorations.
Avec le chercheur américain Allen Newell, Herbert Simon a développé une théorie visant à simuler le comportement humain en matière de résolution de problèmes à l’aide de règles de production. L’étude de la résolution de problèmes humains nécessitait de nouveaux types de mesures humaines, ce qui l’a amené à développer la technique expérimentale de l’analyse du protocole verbal. Simon s’intéressait au rôle de la connaissance dans l’expertise. Il a déclaré que pour devenir un expert sur un sujet, il fallait environ dix ans d’expérience et il a estimé que l’expertise était le résultat de l’apprentissage d’environ 50 000 éléments d’information. Cela signifie par exemple qu’un expert en échecs a appris environ 50 000 morceaux ou modèles de positions d’échecs.