Informations principales
Arthur Victoria Cecil Pigou, souvent simplifié par Pigou, est un économiste britannique, né le 18 novembre 1877 à Ryde sur l’île de Wight au Royaume-Uni et mort le 7 mars 1959 à Cambridge, dans le même pays.
Il a fondé l’économie du bien-être en introduisant la notion d’externalité et a été l’un des premiers auteurs à avoir réalisé des réflexions sur l’économie environnementale. Il est également connu pour avoir donné son nom à la fameuse taxe Pigou, aussi appelée taxe pigouvienne qui vise à intégrer au marché les externalités négatives, telles que la pollution par exemple. Lors de ces travaux, il a également développé le concept de l’effet d’encaisses réelles, aussi appelé l’effet Pigou, qui vise à mettre en évidence l’impact d’une variation des prix sur la consommation et sur la thésaurisation.
Il a aussi effectué de nombreuses réflexions sur le chômage.
Pigou a été l’élève de l’économiste Alfred Marshall. Par ailleurs, il a été le collègue, à Cambridge, de John Maynard Keynes.
La théorie monétaire pigouvienne et l’effet d’encaisses réelles, ou effet Pigou
L’effet d’encaisses réelles est un élément récurrent dans les raisonnements d’Arthur Pigou. Le fait qu’il l’ait utilisé à de nombreuses reprises dans ces ouvrages donnera finalement à cette notion le nom « d’effet Pigou« .
Le but de l’effet d’encaisses réelles (ou effet Pigou) est de mettre en évidence l’impact d’une variation des prix sur la consommation et sur la thésaurisation (c’est-à-dire l’épargne qui est conservée à portée de main et mobilisable rapidement). Pour Arthur Pigou, les agents économiques ne sont pas soumis à l’illusion monétaire, ce qui signifie qu’ils raisonnent à partir des valeurs réelles (c’est-à-dire en prenant en compte l’inflation). Cela implique qu’ils se basent sur leur pouvoir d’achat. En possédant des encaisses monétaires pour réaliser leurs transactions, ou pour être prêt à faire face aux incertitudes, les agents économiques en question apprécient la valeur des encaisses par rapport au niveau général des prix. Cela permet d’aboutir aux encaisses réelles.
Si une variation des prix a lieu, les agents révisent et revoient leur détention d’encaisses monétaires de manière à laisser inchangée la valeur de leurs encaisses réelles, ce qui se manifeste par une variation de leur consommation globale.
L’effet est double dans la mesure où cela modifie la détention d’encaisses monétaires. Cette dernière entraîne à son tour la modification du montant de la part du revenu consommé. En effet, l’impact concerne autant la consommation, que la thésaurisation (c’est-à-dire la détention de monnaie).
L’effet Pigou permet donc de relier la sphère réelle et la sphère monétaire.
Arthur Pigou a basé son raisonnement sur le travail d’Alfred Marshall, mais en l’approfondissant beaucoup plus. Ce dernier a mis en évidence que la monnaie est neutre, que la demande a un rôle actif à travers des motifs rationnels, qu’il y a une demande à la fois de la quantité de monnaie et des prix, mais que cela peut être réversible, que l’inflation peut dans certains cas être d’origine monétaire, et qu’il y a plusieurs facteurs qui influencent la relation entre la monnaie et les prix.
Arthur Pigou reprend donc cet héritage en considérant qu’il existe une demande active de monnaie, qui est destinée à être utilisée pour les achats faits de manière fractionnée dans le temps. C’est la raison, pour lui, de la détention rationnelle d’encaisses monétaires.
Au-delà des achats fractionnés dans le temps, il y a également une monnaie inactive qui est détenue afin de pouvoir faire face à l’incertitude. Les encaisses monétaires concernées sont thésaurisées et sont équivalentes à une fraction du revenu réel. Les encaisses réelles équivalent alors à la partie du revenu qui est thésaurisée.
Au-delà de la thésaurisation, le revenu est utilisé majoritairement pour la consommation, et pour l’épargne. Dans la mesure où les agents économiques réalisent leurs arbitrages en prenant les termes réels (c’est-à-dire qui incluent l’inflation), par rapport au pouvoir d’achat des encaisses monétaires, ils raisonnent donc en termes d’encaisses réelles.
Ainsi, selon Pigou, toutes les variations de la valeur réelle des encaisses monétaires proviennent, soit d’une variation de la quantité de monnaie, soit d’une variation du niveau général des prix, ou bien des deux à la fois.
Ces différentes variations ont un impact sur la demande globale (c’est-à-dire sur la consommation et l’investissement) et sur l’emploi.
Afin de faire face à une augmentation du niveau général des prix qui a pour effet de dévaloriser le pouvoir d’achat de leurs encaisses monétaires, les agents économiques vont décider d’accroître le montant monétaire de leurs encaisses. Ils vont faire cela en réduisant leur consommation globale. L’augmentation de la quantité de monnaie qui est thésaurisée va provoquer une chute de la demande globale. Cette chute va avoir pour conséquence de rendre l’offre globale excédentaire, par rapport à cette demande globale. À la fin, cela va provoquer une chute du niveau général des prix.
À ce moment-là, le mécanisme s’inverse parce que la baisse du niveau général des prix a pour conséquence d’accroître la valeur réelle des encaisses monétaires. Les agents économiques ne vont pas vouloir détenir plus de monnaie que nécessaire (c’est-à-dire ce qui correspond à leurs encaisses réelles souhaitées) et donc ils vont décider de consommer le surplus d’encaisses monétaires.
La hausse de la consommation va stimuler l’offre et la demande globale de biens de consommation. La baisse du taux d’intérêt réel va stimuler également l’investissement des entreprises. Cela va permettre à la demande globale d’être relancée par ses deux composantes, c’est-à-dire la consommation globale et l’investissement global. À terme, la demande globale et l’offre globale vont s’ajuster à un niveau de prix d’équilibre.
Toutefois, avant que les prix ne se stabilisent à leur niveau d’équilibre, il est nécessaire de trouver l’origine de leur variation.
D’un point de vue chronologique, Pigou apporte deux réponses différentes. La première est d’origine monétaire, et la seconde est liée à la variation des salaires.
D’une part, la première réponse correspond à l’accroissement de l’offre de monnaie. Cela passe par un excès de monnaie mis à disposition des agents économiques, ce qui provoque une hausse de la consommation. Cependant, l’offre est trop rigide pour répondre à la demande supplémentaire, ce qui entraîne une augmentation du niveau général des prix.
Les relations et les causes à effets qui avaient été mises en évidence dans la théorie quantitative de la monnaie sont alors vérifiées par les analyses de Pigou. En effet, dans cette théorie quantitative, l’augmentation de la quantité de monnaie aboutit, au final, à une hausse des prix, et cela, à travers un excès de demande globale.
Toutefois, dans le raisonnement de Pigou, il s’agit d’une cause à effet différente. En effet, selon lui, l’augmentation des prix provoque une demande d’encaisses monétaires plus importante, afin de rétablir le pouvoir d’achat des encaisses réelles. L’augmentation des prix provoque un accroissement de la quantité de monnaie qui est demandée et thésaurisée. Ici, la demande de monnaie a un rôle actif, contrairement à la théorie quantitative dans laquelle elle a un rôle passif.
D’autre part, la deuxième réponse vient de la controverse qui a eu lieu entre Pigou et John Maynard Keynes. En effet, selon Pigou, la variation des prix est provoquée par une baisse des salaires. C’est le raisonnement qu’il apporte face à l’argumentaire de Keynes qui considère que pour résorber le chômage, une baisse des salaires n’est pas efficace. Pigou introduit alors son effet d’encaisses réelles.
Pigou estime que la baisse des salaires entraîne la baisse des prix, car le salaire qui correspond au coût du travail intervient dans la formation du prix d’offre. Ces baisses ont pour effet de valoriser le pouvoir d’achat des encaisses monétaires. Cette hausse du pouvoir d’achat va alors entraîner une hausse de la consommation, et donc de la demande globale. À partir de là, la reprise et la relance ne proviennent pas de la hausse des salaires qui se fait sans obstacles, il y a une force endogène (c’est-à-dire intérieure) et automatique du marché qui permet de réduire le chômage.
La théorie du bien-être de Pigou et l’effet externe négatif
Arthur Cecil Pigou a fait de l’économie du bien-être une discipline à part entière grâce à la publication en 1920 de son ouvrage L’économie du bien-être.
Pigou s’est positionné sur la lignée d’Alfred Marshall en défendant l’intervention de l’État, qui doit permettre, selon lui, de corriger les défaillances du marché et procéder à une réallocation des ressources. Pour Pigou, le rôle de l’État est donc de corriger les effets externes négatifs, et d’effectuer une redistribution des revenus dans le but d’atténuer les inégalités économiques et sociales.
Pigou considère que la recherche de l’optimum individuel et de la satisfaction des intérêts privés ne participe pas toujours, et dans tous les cas, à l’intérêt général et à l’optimum global. Cela signifie pour lui, que le bien-être de tous, ainsi que l’amélioration des conditions de vie de la population ne peut passer que par une intervention de l’État qui, à l’inverse du marché, sait ce qui est bon pour améliorer le bien-être de tous. Pigou estime que l’État est le seul à pouvoir remplir cette mission, puisqu’il ne se limite pas à satisfaire seulement certains individus et pas d’autres, et il peut prévoir cette amélioration sur le court terme, mais également sur le long terme.
C’est à ce titre que Pigou justifie la mise en place d’une politique fiscale à la fois redistributive, préventive et corrective.
Concrètement, cela signifie que l’économie du bien-être notamment défendue par Pigou s’oppose à l’économie du laissez-faire défendue par les économistes libéraux. En effet, dans l’économie du laissez-faire, chaque individu doit être laissé libre d’agir, ce qui doit permettre de réaliser à la fois les intérêts individuels et l’intérêt général. Pour ses défenseurs, la situation obtenue est jugée comme étant la meilleure et la plus optimale, économiquement. Néanmoins, laisser tous les individus prendre les initiatives qu’ils veulent peut avoir un coût social, ainsi qu’un coût environnemental important. En effet, ces coûts peuvent engendrer des effets externes très négatifs pour le bien-être général. Toutefois, le marché n’intègre pas, a priori, ces coûts tant qu’il n’y est pas obligé. Pour Pigou, c’est donc à l’État de corriger cette situation, en faisant notamment disparaître ces coûts, ou bien en mettant en place des compensations.
Ce raisonnement sur l’économie du laissez-faire stipule que l’enrichissement des riches va permettre d’améliorer les conditions de vie des pauvres. L’économie du bien-être prévoit, à l’inverse, une réduction de la richesse de certains individus, à savoir les riches, et donc de leur bien-être, dans le but d’augmenter la richesse d’autres individus, à savoir les pauvres, et donc de leur bien-être. Cela doit passer, pour Pigou, par une redistribution des richesses à travers une politique de redistribution mise en place par l’État, ainsi que par des allocations.
Selon Pigou, la réduction du bien-être de quelques individus permet, au final, d’améliorer le bien-être général. Dans ce fonctionnement, seul l’État, pour lui, est en mesure de définir ce qui est bon pour le bien-être général, et donc de promouvoir le bien, qui passe par la solidarité sociale, sachant que celle-ci s’oppose à l’individualisme économique.
Le principe de la Sécurité Sociale suit ce raisonnement, puisqu’il a pour but d’améliorer le sort des plus faibles et des plus exposés. À travers cela, il permet d’augmenter le bien-être de tous, et pas seulement de quelques-uns.
Arthur Cecil Pigou a également réalisé des raisonnements dans le domaine environnemental. En effet, il fait même figure de précurseur en proposant le principe du pollueur-payeur qui va poser les fondements d’une fiscalité écologique, avec notamment la mise en place d’une taxe, nommée taxe pigouvienne.
Le système productif peut générer, autant des externalités positives qui ont été montrées par Alfred Marshall, que des externalités négatives montrées par Pigou.
Parmi ces effets externes négatifs, il y a, entre autres, la pollution sous toutes ses formes. Pour illustrer ce point de vue, Pigou prend deux exemples. Le premier correspond aux façades des maisons de Londres qui ont été noircies par les fumées des usines à proximité. Le deuxième correspond à la mort d’une certaine quantité de poissons à cause du rejet dans la rivière de produits toxiques.
Pigou considère que l’économie du laissez-faire tolère la détérioration du bien-être de certains individus, et même du bien-être général, au profit de l’amélioration du bien-être d’autres individus, c’est-à-dire des pollueurs. Il estime donc que le marché seul, de lui-même, ne peut pas remédier à cet effet externe négatif (aussi appelé déséconomie externe, en opposition avec l’économie externe). Pour lui, il n’y a pas, d’emblée une incitation à avoir une production propre d’un point de vue environnemental, avec des procédés de production qui ne polluent pas. C’est la même chose pour les consommateurs, qui n’ont pas d’incitation à acheter des produits qui seraient réalisés à partir de méthodes qui préservent l’environnement.
À partir de cela, Pigou considère que l’intervention de l’État s’impose, car à l’inverse du marché qui doit se préoccuper de satisfaire des intérêts de court terme, l’État quant à lui, peut juger et estimer le coût environnemental à long terme, ainsi que le coût économique et social qu’il faudrait supporter en laissant faire.
C’est à partir de cette analyse que Pigou propose sa taxe pigouvienne qui doit être imposée par l’État aux pollueurs. Cette taxe doit avoir pour effet de majorer les coûts de production des pollueurs en question et ainsi de provoquer une désincitation à polluer, et donc une incitation à réduire, et si cela est possible à faire disparaître la pollution. De manière similaire, la majoration du prix des produits concernés a pour objectif d’inciter les consommateurs à privilégier des produits qui sont obtenus grâce à des procédés de production qui ne polluent pas.
Le principe du pollueur-payeur implique que le produit des taxes doit être ensuite redistribué à ceux qui subissent l’externalité négative ou le dommage. Le but de cela est que la perte de bien-être que cela a causé soit compensée, ou même supprimée si cela est possible. L’argent récupéré par ces taxes doit aussi être utilisé pour subventionner les industries qui génèrent des effets externes positifs, dans le but de leur donner les moyens de continuer leur production et leur recherche d’économies externes (c’est-à-dire d’effets externes positifs).
Pigou apporte des précisions à ces raisonnements en considérant que si la hausse de la production permet d’apporter un bien-être plus important à la société à court terme, cela ne doit pas se faire par le gaspillage et la dilapidation des ressources, et donc de leur épuisement à long terme.
Cette finalité économique, qui prend en compte les externalités, ne s’impose pas d’elle-même et naturellement aux agents économiques. Cela implique, pour Pigou, que seule l’intervention de l’État, ainsi légitimée, a le pouvoir et la capacité de l’imposer. Seul l’État sait, à long terme, ce qui est bon pour le bien-être général.
Cette vision de l’économie, qui doit prendre en compte l’éthique, et même lui être subordonnée, vient de l’héritage d’Alfred Marshall, qui a ensuite été transmis à ses deux principaux héritiers, à savoir Arthur Cecil Pigou et John Maynard Keynes. Ces deux derniers subordonnent l’exécution de toute politique économique à l’accomplissement et la réalisation de finalités éthiques.
Pigou fait ses raisonnements et ses analyses à travers les outils de la microéconomie. Pour lui, le bien-être économique d’un individu se calcule par la somme des utilités, qui correspondent au reflet de sa satisfaction.
Grâce à ses travaux, Pigou a apporté des éléments essentiels au social-libéralisme, dans la mesure où il rend légitime l’intervention de l’État. Ses apports dans l’économie du bien-être vont permettre de poser les bases de l’État-providence, et vont montrer les limites de l’économie du laissez-faire.
La théorie pigouvienne du chômage à travers les concepts de chômage volontaire, de rigidité des salaires réels et d’absence de flexibilité de la main-d’œuvre
Le sujet du chômage est important dans les travaux d’Arthur Cecil Pigou. Il va y consacrer de nombreux écrits.
Pigou va s’opposer à l’analyse de John Maynard Keynes.
Il va admettre qu’à court terme, l’équilibre est compatible avec un niveau de chômage élevé, même si la théorie classique ne valide pas ce constat. Toutefois, conformément au raisonnement classique, Pigou considère que le chômage correspond à une situation particulière, à la fois exceptionnelle et temporaire, quand il est dans une économie concurrentielle.
Cela signifie qu’à l’inverse, l’équilibre de plein-emploi équivaut à la situation normale, à la fois générale et durable. Pour Pigou, l’équilibre est assuré grâce à la mobilité géographique des travailleurs, mais également grâce à la flexibilité du taux de salaire et à la flexibilité horaire de la main-d’œuvre.
Toutefois, si l’économie n’est pas dans un état de concurrence parfaite, mais à l’inverse, imparfaite, le chômage peut alors exister à cause du non-ajustement du taux de salaire, d’un manque de flexibilité horaire de la main-d’œuvre et d’un manque de mobilité géographique.
Dans un contexte de concurrence parfaite, le salaire qui est payé par l’employeur correspond alors au produit marginal du travail. Cela signifie que chaque individu est payé à hauteur de la valeur qu’il produit. Ce salaire payé est considéré comme un “salaire juste” par Pigou.
À contrario, dans un contexte de concurrence imparfaite, Pigou distingue deux types de “salaire injuste”. D’une part, la situation dans laquelle un employeur profite de l’immobilité de la main-d’œuvre sur un site. L’employeur en question profite alors de l’abondance de cette main-d’œuvre pour la payer à un salaire plus bas, et même inférieur à son produit marginal (c’est-à-dire à la valeur produite). Pigou dénonce cette situation en la qualifiant d’exploitation.
D’autre part, la situation dans laquelle l’employeur subit une pression politique ou syndicale qui l’amène à rémunérer la main-d’œuvre davantage que sa productivité marginale (c’est-à-dire de la valeur produite). Cette situation a été dénoncée par Pigou dès 1914 en expliquant que le chômage vient de l’intransigeance des syndicats et par les lois mises en place, entre autres, sur le salaire minimum. Cela crée un contexte dans lequel les entreprises ne peuvent plus embaucher, parce qu’elles ne peuvent plus rémunérer la main-d’œuvre en fonction de leur valeur ajoutée. Le seul moyen d’augmenter les salaires réside, selon Pigou, dans l’accroissement de la productivité marginale. Pigou a donc une position très proche de celle d’Alfred Marshall sur ce sujet.
Au fil du temps, la pensée de Pigou va évoluer et s’enrichir. En effet, vingt ans après son premier ouvrage sur le chômage, Arthur Cecil Pigou va publier en 1933 son livre intitulé La Théorie du Chômage dans lequel il va expliquer ce dernier par un certain nombre de rigidités. En effet, il met en avant que les problèmes monétaires des années 1920 ont masqué certains problèmes de l’économie réelle, comme par exemple, le chômage. Il considère donc que l’économiste ne doit plus reléguer ces problématiques au second plan, ainsi que surdimensionner le rôle de la monnaie dans l’économie.
Dans la théorie du chômage de Pigou, le chômage en question est considéré comme étant volontaire. Cela signifie qu’il définit le chômeur comme une personne qui n’est pas employée, et qui souhaite le rester. Pour lui, la propension au chômage involontaire dépend de trois facteurs principaux qui sont le taux de salaire horaire, le nombre d’heures travaillées par jour et l’état de santé de la personne.
Pigou estime que le taux de salaire est la principale incitation à travailler. C’est également la principale incitation à rechercher des heures de travail, à augmenter le nombre d’heures de travail, et donc in fine, à sacrifier des heures de temps libre.
Un autre facteur qui peut perturber l’incitation à travailler selon Pigou est l’existence d’un dispositif d’allocations chômage qui dispense de rechercher un emploi ou de travailler. Il considère donc qu’il y a un chômage incompressible (c’est-à-dire qui ne peut pas être réduit) lié à ce chômage volontaire, et cela, malgré l’existence d’emplois vacants et disponibles.
Pour remédier à cette situation, Pigou ne propose pas de supprimer le dispositif d’indemnisation du chômage, mais de le recadrer. Il préconise à ce titre d’augmenter le niveau des pensions des personnes âgées, dans le but qu’elles se retirent du marché du travail, ainsi que de retarder l’arrivée et l’entrée des jeunes sur ce marché, en augmentant notamment leur temps de scolarisation.
Pigou souhaite aussi inciter les individus à faire le choix de l’emploi, plutôt que du chômage. Il défend cette position en avançant que la création d’emplois n’engendre pas une baisse mécanique du chômage, sachant qu’en plus, ce dernier est coûteux pour la société et la collectivité.
À travers ses travaux, Pigou a voulu montrer que le niveau d’emploi d’une économie va dépendre du flux de dépenses effectuées en biens de consommation de la part de ceux qui gagnent un salaire. Cela signifie donc que la solution au chômage n’est pas économique, mais plutôt arithmétique. Pour Pigou, il suffit de verser un salaire qui permet d’assurer un flux de dépenses de biens de consommation, de manière à ce que le niveau d’emploi atteint corresponde au niveau de plein-emploi.
Du côté de la demande de travail de la part des entreprises, la capacité d’embauche va dépendre de la productivité marginale du travail, ainsi que de la flexibilité du marché du travail.
À partir du concept d’élasticité de la demande de travail par rapport au salaire, notamment développé par Alfred Marshall, Pigou explique le salaire en prenant en compte deux variables explicatives. Ces variables sont d’une part, la quantité de travail demandée, et d’autre part, le temps d’ajustement du marché.
Cela permet d’avoir le salaire de demande, qui correspond au salaire d’embauche de la main-d’œuvre par les entreprises. Pigou montre alors l’existence d’une relation inverse avec d’une part, la variation du salaire, et d’autre part, la quantité du travail demandée.
Du point de vue de l’offre de travail, le salaire doit être suffisamment incitatif afin que la main-d’œuvre préfère travailler, plutôt que profiter de son temps libre.
Pigou considère qu’en l’absence de rigidités, le taux de salaire permet d’avoir un ajustement entre l’offre de travail et la demande de travail. En effet, une flexibilité horaire de la main d’œuvre parfaite, ainsi qu’une mobilité géographique parfaite doivent assurer l’égalisation du salaire d’offre et du salaire de demande.
Sur la base de ce raisonnement, Pigou estime que le chômage qui persiste est un chômage volontaire qui subsiste à court terme. Sur le long terme, le marché converge, selon lui, vers l’équilibre de plein-emploi.
Dans la théorie de Pigou, seules les rigidités durables permettent d’expliquer le chômage. Il est donc nécessaire de faire disparaître ces rigidités pour améliorer la situation.
Concernant la mobilité géographique, il préconise que l’État construise des routes, afin de désenclaver les zones géographiques.
Concernant le taux de salaire d’ajustement, Pigou précise qu’il s’agit d’un taux réel, et non pas d’un taux monétaire. Il précise à ce titre que les agents économiques ne peuvent pas être victimes d’une illusion monétaire, étant donné qu’ils raisonnent en termes d’encaisses réelles.
Suites aux attaques de John Maynard Keynes, Pigou a précisé en 1941 dans son ouvrage Emploi et Équilibre, que la baisse des salaires engendre une baisse des prix, ce qui a pour conséquence d’accroître le pouvoir d’achat des agents économiques, et donc leur demande. Étant donné que grâce à ce fonctionnement, le marché assure le retour au plein-emploi, Pigou juge donc qu’il n’y a pas besoin d’une intervention de l’État afin de relancer la demande. C’est donc l’inverse de la vision de Keynes.