Informations principales
Claudia Goldin est une économiste américaine, née le 14 mai 1946 à New York, aux États-Unis.
Elle a obtenu son doctorat à l’université de Chicago en 1972, avec une thèse qui porte sur le rôle de l’esclavage dans le développement industriel et urbain du Sud des États-Unis.
Elle est essentiellement connue pour ses travaux sur l’histoire économique, sur l’économie du travail, sur la main-d’œuvre féminine, sur les inégalités de salaire entre les hommes et les femmes, sur les inégalités de revenus et sur l’éducation.
Après avoir enseigné à l’Université de Princeton et à l’Université de Pennsylvanie, elle devient professeure à l’Université Harvard en 1990, où elle est la première femme à être titularisée.
Elle a acquis sa notoriété la même année, en 1990, avec son livre intitulé Comprendre l’écart entre les sexes : une histoire économique des femmes américaines. Cet ouvrage est le résultat de son travail et de ses recherches sur le rôle des femmes dans l’économie américaine.
En 2023, elle a obtenu le Prix Nobel d’économie pour avoir fait progresser la compréhension des résultats des femmes sur le marché du travail et des causes profondes de l’écart salarial entre les hommes et les femmes. Cela a fait d’elle la première femme à recevoir ce prix à titre individuel.
L’apport de l’histoire économique au travail de Claudia Goldin
Dans le but d’étudier les principaux facteurs qui expliquent les inégalités entre les hommes et les femmes sur le marché du travail, Claudia Goldin a utilisé une démarche historique. En effet, selon elle, seule une approche fondée sur le temps long permet de véritablement comprendre ces différences et de retranscrire les changements sociaux en cours.
Certaines évolutions, profondes, mais lentes, n’ont pas un impact immédiat sur le marché du travail, tel que par exemple le progrès technologique, la diminution de la fécondité, l’amélioration du niveau d’éducation, ou encore l’évolution des mœurs de la population. Une démarche historique permet donc de mieux prendre en compte ces évolutions.
L’évolution de la participation des femmes au marché du travail documentée par Claudia Goldin
L’un des premiers apports de Claudia Goldin à la science économique a été de documenter, d’un point de vue historique et grâce à de nouvelles données, l’évolution des différences de participation au marché du travail et de revenus entre les femmes et les hommes. Cela l’amène à juger que, contrairement à une idée reçue, la participation des femmes au marché du travail n’a pas de lien strictement établi avec le niveau de développement. Pour illustrer son analyse, elle prend l’exemple des États-Unis, dans lequel le taux de participation des femmes mariées au marché du travail a la forme d’une courbe en U. En effet, dans un premier temps, il diminue entre la fin du 18ème siècle et la Première Guerre mondiale, avant d’augmenter jusqu’à aujourd’hui d’une manière progressive.
La Révolution industrielle du 19ème siècle, marquée par le passage d’une économie majoritairement agraire (c’est-à-dire basée sur l’agriculture) à une société industrielle, avec la généralisation de la machine à vapeur, de la mécanisation, des usines et de la métallurgie, entre autres, s’est finalement accompagné d’une moindre participation des femmes au marché du travail.
Selon Claudia Goldin, l’une des explications peut se trouver dans la domination des normes sociales, qui veulent que les femmes mariées qui travaillent à l’extérieur du foyer sont stigmatisées par la société. Cela vient du fait que travailler, et en même temps assurer la responsabilité du foyer, est considéré comme incompatible. Or, en même temps que la Révolution industrielle, il y a eu une expansion des villes et une séparation du foyer et du lieu de travail, éléments qui ne sont pas présents dans une économie agraire et qui rendent compliqué de faire les deux à la fois. Pour Goldin, cela justifie le fait que les femmes cessent fréquemment de travailler après leur mariage.
Claudia Goldin explique que l’importance de ces normes sociales était parfois si importante que certaines entreprises, tant au Royaume-Uni, qu’en Europe, ou encore aux États-Unis, avaient pour consignes de ne pas embaucher de femmes mariées, et même quelquefois de les licencier après leur mariage. Par exemple, cela a été le cas de la radio britannique BBC entre 1932 et 1944.
À partir des années 1910, plusieurs facteurs permettent d’expliquer une hausse du taux de participation des femmes au marché du travail. En effet, cela est notamment dû, selon Claudia Goldin, à la mobilisation des hommes lors de la Première Guerre mondiale, au progrès technique qui a facilité le travail domestique et à l’émergence d’une demande de plus en plus forte de personnel de bureau. Pour elle, ce sont tous ces facteurs qui ont participé à faire accepter à la société le travail des femmes.
Selon Goldin, à partir des années 1970, ce mouvement s’accompagne de ce qu’elle appelle une “révolution silencieuse”, définie par le fait qu’au fur et à mesure de la modification des anticipations des femmes concernant leur vie professionnelle future, elles s’engagent davantage dans des études supérieures et professionnalisantes. Elle estime que la carrière des femmes dépend, en grande partie de leur décision de faire des études, décision qui est prise jeune et qui dépend également des attentes sur ce que peuvent apporter les études, au niveau professionnel. Cela implique donc que si ces attentes se basent sur l’expérience des générations précédentes, qui ont rarement fait des études, alors cela signifie que le développement sera lent.
Cet investissement en capital humain, qui a eu lieu en même temps que l’évolution des mentalités, a permis aux femmes d’être plus actives sur le marché du travail.
L’évolution des inégalités de salaires entre les femmes et les hommes observée par Claudia Goldin
Claudia Goldin a aussi mené des recherches sur l’évolution des inégalités de revenus entre les femmes et les hommes, ce qui aboutira à la publication, en 1990, de son ouvrage intitulé Comprendre l’écart entre les sexes : une histoire économique des femmes américaines. En utilisant une démarche historique, elle montre que l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes aux États-Unis s’est, de manière progressive, réduit depuis 1820.
C’est sur la base de ce constat que Claudia Goldin a distingué trois phases principales.
Tout d’abord, la première phase correspond à la Révolution industrielle dans la première moitié du 19ème siècle, période durant laquelle les femmes (souvent non mariées) ont connu, grâce au passage à une société industrielle, une augmentation de leurs revenus. Goldin explique cela par le fait que les rémunérations versées dans le secteur agricole étaient très faibles.
La deuxième phase correspond au début du 20ème siècle, durant lequel l’écart de rémunération s’est, de manière assez légère, réduit avec la hausse de la demande de main-d’œuvre de bureau.
Enfin, la troisième phase correspond à celle de la “révolution silencieuse”, qui a permis, à partir des années 1980, de significativement réduire l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes. Selon Claudia Goldin, c’est essentiellement cette dernière phase qui permet d’expliquer la diminution des inégalités de revenus entre les hommes et les femmes.
Claudia Goldin explique donc que la réduction de l’écart de revenus est liée principalement à un investissement plus important en capital humain, à partir des années 1970, de la part des femmes. Selon elle, deux facteurs majeurs y ont contribué, à savoir les anticipations des femmes concernant leur vie professionnelle future et l’introduction de moyens de contraception. En effet, anticipant le fait de devoir davantage travailler à l’avenir, les femmes ont modifié leurs décisions relatives à l’investissement dans l’éducation. Pour illustrer son analyse, Claudia Goldin utilise les données d’enquêtes du Bureau of Labor Statistics qui montrent que la part des femmes âgées de 20 et 21 ans qui s’attendent à travailler à l’âge de 35 ans a évolué pour passer de 35 % en 1967 à 80 % en 1979.
Ce qui a également favorisé l’investissement en capital humain, selon Goldin, est l’introduction et la généralisation de nouveaux moyens de contraception, et plus particulièrement la pilule. Selon elle, le développement et la généralisation de la pilule ont permis de réduire le coût lié au fait de remettre à plus tard le mariage (par exemple, celui relatif à l’abstinence) et a incité les femmes à investir dans leurs carrières professionnelles, tout en reculant l’âge de leur mariage et de leur premier enfant. En effet, la pilule a permis une meilleure maîtrise des naissances, et donc des mariages, ce qui a permis aux femmes de pouvoir mieux contrôler leurs choix de carrière, et par prolongement, de mieux planifier leur propre futur, tant familial, que professionnel.
Pour Claudia Goldin, la parentalité, c’est-à-dire le fait de devenir parents, est l’un des facteurs principaux qui permet d’expliquer l’écart de rémunération actuel entre les hommes et les femmes. En effet, avec certains de ses collègues, elle a étudié l’évolution des carrières et des rémunérations de personnes qui ont obtenu un MBA (c’est-à-dire un Master of Business Administration), diplôme d’études supérieures dans le domaine du management, des finances, du marketing et des ressources humaines.
Elle a alors constaté qu’en début de carrière, il y avait peu d’écart de rémunérations entre les femmes et les hommes, mais qu’il apparaît, au détriment des femmes, après l’arrivée du premier enfant. Elle explique cela par le fait que cette période engendre des interruptions temporaires de carrières pour les femmes, ainsi qu’une diminution de leurs heures de travail, deux facteurs qui ont un impact majeur sur leur rémunération, d’abord à court terme, mais aussi à long terme.
D’autres sujets de recherche
Claudia Goldin a développé la théorie de la “pollution” en matière de discrimination. Selon cette théorie, l’opposition à l’embauche des femmes de la part des travailleurs et des syndicats dans des secteurs économiques à prédominance masculine est le résultat de la volonté des hommes de conserver le prestige de leur emploi.
Selon elle, l’histoire révèle de nombreux cas où les prédictions de ce raisonnement se sont vérifiées. Les professions dans lesquelles il y a le plus de séparation par sexe, autant pour les hommes que pour les femmes, sont aussi celles où les individus présentent les niveaux les plus élevés de productivité. Selon Goldin, les facteurs qui peuvent contribuer à éliminer la “pollution” sont la disparition des stéréotypes, davantage d’informations sur la productivité des femmes, et l’inflation des diplômes, c’est-à-dire une croissance du nombre de personnes diplômées qui va de pair avec une certaine perte de valeur des diplômes en question, puisque davantage de personnes l’ont.
Dans un article publié en 2015, Claudia Goldin et son collègue Lawrence Katz, également professeur à l’Université Harvard, ont travaillé ensemble pour déterminer la valeur d’une formation universitaire sur le marché du travail. À partir d’expériences de terrain, en postulant à des offres d’emploi, ils se sont rendu compte qu’une licence en commerce obtenue dans un établissement en ligne à but lucratif a 22 % de chances en moins d’être rappelée qu’une licence obtenue dans un établissement public non sélectif. En ce qui concerne les offres d’emploi dans le domaine de la santé, ils ont constaté que les diplômes délivrés par des établissements à but lucratif sont moins souvent rappelés, sauf si l’emploi exige un indicateur de qualité externe, tel qu’une licence professionnelle.
Par ailleurs, Claudia Goldin a également travaillé sur divers sujets d’actualité, dont plusieurs ont fait l’objet de publications. Elle a notamment étudié le rôle de la presse dans la réduction de la corruption, l’avantage de fournir de l’eau propre et des systèmes d’égouts efficaces pour réduire la mortalité infantile, les origines des restrictions à l’immigration ou encore la création de l’assurance-chômage aux États-Unis.