Informations principales
John Locke est un philosophe, médecin et conseiller anglais, né le 29 août 1632 à Wrington, dans le comté de Somerset en Angleterre et mort le 28 octobre 1704 à High Laver, dans le comté d’Essex, dans le même pays. Il a vécu à une époque charnière dans laquelle les guerres de religion se terminent, et marquée par les débuts du rationalisme et la vive opposition à l’absolutisme en Angleterre. John Locke va participer à ces débats et aux nouvelles théories qui concernent le droit social, la loi, le droit naturel et l’état de nature.
Il s’est aussi intéressé aux prémices de ce qui deviendra ensuite à partir du 19ème siècle, le libéralisme. Il va défendre la liberté économique et le droit de propriété, mais sans pour autant être un partisan du laisser-faire. John Locke va adhérer à toutes les dimensions du libéralisme, autant en ce qui concerne la philosophie, que l’économie, la politique, la morale, la culture ou encore les relations internationales. C’est de là qu’il tient son surnom de “Père du libéralisme”. Par ailleurs, son ouvrage Lettre sur la tolérance sera une des sources de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
La période dans laquelle il a vécu est marquée par un profond réajustement des champs politiques et religieux, ce qui aura un impact sur ses écrits sur la tolérance. Locke défend la vision selon laquelle le domaine politique doit s’occuper du monde présent, tandis que le domaine religieux doit s’occuper du monde de l’au-delà, ce qui implique que les deux ne doivent pas interférer l’un avec l’autre. La théorie politique qu’il développe le pousse à s’opposer vivement à l’absolutisme, qui est en train d’être mis en place en France. En partie par son action, l’absolutisme en question va échouer à s’imposer en Angleterre.
John Locke va également être l’un des fondateurs du concept d’État de droit.
Un de ses ouvrages majeurs sera l’Essai sur l’entendement humain, dans lequel il développe une théorie des idées (selon laquelle les notions ou idées abstraites existent réellement, sont universelles et permettent de former les modèles des choses que nous percevons) et une philosophie de l’esprit (qui vise à comprendre la nature des phénomènes mentaux par le biais d’une analyse des concepts mentaux, et pas par l’expérience). Il va s’opposer au matérialisme en considérant que c’est l’expérience qui est à l’origine de la connaissance, ce qui implique qu’il n’y a pas d’idées innées. Cela a fait de lui l’un des premiers empiristes britanniques.
Au-delà de ses travaux philosophiques, Locke a été l’un des principaux investisseurs et actionnaires de la Royal African Company (la Compagnie Royale d’Afrique), qui a été un des piliers du développement de la traite négrière en Angleterre.
Il est considéré comme l’un des penseurs les plus influents des philosophes des Lumières Anglais.
Les concepts d’État, de propriété et de travail développés par John Locke
L’une des sources d’inspiration de John Locke est la tradition de la philosophie du droit naturel, selon laquelle chaque individu possède un ensemble de droits en raison de son appartenance à l’humanité, et non pas en raison de la société dans laquelle il vit.
Sur la lignée de cette tradition, John Locke estime qu’à sa naissance, et avant même tout processus de socialisation, et donc avant également l’émergence de l’État, chaque individu dispose de droits naturels, dont le droit à la propriété. Dans son analyse, le terme de propriété a un sens plus large que sa signification courante. En effet, cela désigne avant tout la propriété sur soi-même, au droit à la vie et à la liberté. Cela implique que les individus égaux ont le droit de disposer de leurs possessions comme ils le veulent. Pour Locke, il est donc nécessaire de protéger la vie, la liberté et les biens. Néanmoins, selon lui, l’Homme a une tendance innée à outrepasser et à violer ces droits essentiels.
Il est donc nécessaire d’avoir une institution qui se charge de ces derniers, ce qui implique que tous les individus devront lui concéder une partie de leurs pouvoirs. Cette institution est matérialisée par l’État, qui est régi par la règle de la majorité, et représenté par un magistrat auquel serait également transféré le pouvoir de punition. Toutefois, Locke souligne que le pouvoir du magistrat doit uniquement et strictement s’exercer dans le domaine temporel. Il ajoute aussi que les États ne doivent pas intervenir avec ce qui concerne les églises, dans lesquelles les citoyens se réunissent de manière volontaire. Il défend la vision selon laquelle le domaine politique doit s’occuper du monde présent, tandis que le domaine religieux doit s’occuper du monde de l’au-delà, ce qui implique que les deux ne doivent pas interférer l’un avec l’autre.
Dans ce raisonnement, le travail occupe une place importante. En effet, au départ, la terre appartient à tous les individus. Mais, grâce à son travail, qui est une activité individuelle, l’Homme transforme ce bien commun en sa propriété privée. Cela signifie pour John Locke que c’est le travail qui est à la source de la propriété. Il va même plus loin en affirmant que c’est le travail qui détermine presque exclusivement (à hauteur de 99 %) la valeur des produits. Néanmoins, il apporte quelques limites à l’appropriation privée dans la mesure où elle doit laisser aux autres la possibilité de se procurer les biens nécessaires à leur survie, ainsi qu’éviter le gaspillage.
Cette vision sera reprise plus tard par des économistes comme Adam Smith, David Ricardo ou encore Karl Marx et sera donc considérée comme étant à la base de la théorie de la valeur travail qu’ils ont développée.
Le sujet de la monnaie et de l’intérêt
Les écrits de John Locke dans le domaine de la théorie économique pure sont importants, même s’ils n’ont pas été nombreux. Ils sont notamment liés à des controverses très vives en Angleterre à cette époque. En effet, cela concerne tout d’abord le taux d’intérêt. Un débat a commencé sur le sujet dès le début du siècle, et qui opposera à la fin Locke à ses amis William Petty et Nicholas Barbon.
L’économiste anglais Josiah Child avait proposé, en 1668, une intervention des pouvoirs publics afin de fixer une limite supérieure au taux d’intérêt. C’est cette proposition qui a notamment poussé Locke à écrire son ouvrage Considérations sur les conséquences de la diminution de l’intérêt et de l’augmentation de la valeur de l’argent, publié en 1691.
Les partisans et les défenseurs de la réglementation du taux d’intérêt envisagent une réduction de 6 % à 4 %. Toutefois, Locke est fortement opposé à cette politique et, pour défendre sa position, il élabore un concept, à savoir celui de taux naturel de l’intérêt, qui permet de maintenir l’inflation stable. Ce taux correspond au prix, ou de manière plus précise, au loyer de l’argent. Cela signifie donc que, pour lui, l’intérêt est un phénomène strictement monétaire.
John Locke estime que, de la même manière que l’on ne peut pas et que l’on ne doit pas réglementer le prix de location des maisons ou des bateaux par exemple, on ne peut pas fixer, de manière légale (c’est-à-dire par la loi), le taux d’intérêt. Il considère que si l’on essaye quand même, les conséquences seront catastrophiques. En effet, cela va provoquer un accroissement de la thésaurisation (c’est-à-dire de l’argent mis de côté, sans qu’il soit utilisé pour consommer ou investir par exemple), de la spéculation, un ralentissement de l’activité commerciale, davantage de monopoles pour les banques et une pénurie de fonds pouvant être prêtés.
C’est à l’occasion de ce débat que John Locke va élaborer une version primitive de la théorie quantitative de la monnaie, qu’il va appliquer au domaine du commerce international. Il affirme alors à ce sujet que les prix varient en fonction de la quantité de monnaie. De plus, il ajoute que la valeur de la monnaie est déterminée par sa quantité, par l’état du commerce, mais également par sa vitesse de circulation, qui dépend des habitudes de paiement, et qui reste relativement stable.
Lors d’une deuxième controverse, John Locke s’oppose tout aussi fermement à une nouvelle frappe (ou émission) de monnaie, qui équivaut, au final, à une dévaluation. En effet, cela consiste à introduire de nouvelles pièces dans l’économie, avec la même dénomination, mais avec un contenu métallique inférieur à la précédente (avec par exemple moins d’or dedans). Locke estime qu’il s’agit d’un vol, et même d’une trahison. Il juge cependant que les gens ne seront pas dupes de cette combine. Il considère que la monnaie (en or et en argent), garantie par le gouvernement, n’est pas une création des gouvernements en question, mais une propriété privée des citoyens.
La place des femmes
Malgré le fait que John Locke ait placé la liberté individuelle au cœur de sa pensée politique, il considère qu’elle ne s’étend pas à la femme, étant donné qu’il affirme que cette dernière est soumise à l’homme. Pour défendre sa position, il s’appuie sur les textes bibliques, et plus particulièrement, sur la Première épître aux Corinthiens qu’il analysera dans un ouvrage publié en 1706.
La question de l’esclavage
En accord avec ses conceptions concernant la loi naturelle révélée par un Dieu (chrétien) et sa notion de la propriété, John Locke est considéré comme étant le dernier grand philosophe qui ait cherché à apporter des justifications à un esclavage absolu et perpétuel. Il était par ailleurs l’un des principaux investisseurs et actionnaires de la Royal African Company (la Compagnie Royale d’Afrique), qui a été un des piliers du développement de la traite négrière en Angleterre.
D’un point de vue théorique, Locke a établi l’esclavage sur une base raciale. En effet, il considère qu’un esclave reste subordonné au droit de propriété et à ses maîtres, ce qui empêche son affranchissement. Il a dit à ce propos que la religion et la liberté chrétienne n’ont pas modifié la condition des esclaves, ou même des hommes de la cité. Même s’ils sont soumis aux règles religieuses, les esclaves n’en restent pas moins des esclaves d’un point de vue civil, ce qui implique qu’ils doivent obéir à leurs maîtres de la même manière qu’auparavant.
La position de John Locke peut sembler paradoxale dans la mesure où il soutient l’esclavage dans ses textes juridiques et législatifs, mais pas forcément dans les ouvrages qui traitent de la philosophie politique. En effet, dans ces derniers, il va chercher à démontrer qu’aucun individu n’a de droit absolu sur un autre, ce qui implique que la vie, la liberté, la santé et la propriété nous appartiennent en propre et constituent alors une limite aux actions d’autrui. Cela signifie donc que, selon le droit naturel que Locke a théorisé, l’esclavage est illégitime et contre-nature.
Autres opinions de John Locke
Tout en étant libéral d’un point de vue économique, John Locke n’était, pour autant, pas un fervent défenseur du laisser-faire. Il ne pensait pas, par exemple, que le système économique s’ajustait au plein-emploi, de manière automatique. Il était également opposé aux lois sur les pauvres, comme cela sera le cas de ses successeurs classiques.
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