Informations principales
John Maynard Keynes est un économiste, essayiste et haut fonctionnaire britannique né le 5 juin 1883 à Cambridge et mort à Firle, le 21 avril 1946.
Il a fondé la macroéconomie keynésienne (aussi appelée le keynésianisme) ce qui lui a donné une notoriété internationale. Keynes est considéré comme l’un des théoriciens majeurs de l’économie du 20ème siècle. Il a aussi été un des principaux acteurs, après la Seconde Guerre mondiale, des Accords de Bretton Woods qui ont permis de mettre en place une organisation monétaire internationale grâce à la création du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale. Ses travaux ont aussi beaucoup été utilisés après cette guerre pour la mise en place de l’État-providence. Ils ont également inspiré le New Deal qui est la politique interventionniste mise en place par le Gouvernement américain dans les années 1930.
Il a écrit de nombreux articles et livres, mais son œuvre majeure est la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie publiée en 1936 qui a posé les bases de la théorie keynésienne. Dans cet ouvrage, il défend la théorie de la demande, qui pour lui, entraîne la production et l’emploi. Il y critique aussi la loi de Say qui est l’un des fondamentaux du laissez-faire.
Selon certains économistes de son époque, Keynes aurait eu une position centriste entre le libéralisme et le socialisme. Pour lui, l’économie est complexe et il faut en utiliser toutes les dimensions pour éliminer la pauvreté, combattre le chômage et donner du bien-être. Il ne rejette pas le libéralisme, au contraire, puisqu’il est le seul système efficace, mais il veut en corriger les excès en donnant un rôle à l’État et aux politiques. Le marché n’est pas en mesure d’arriver à un équilibre total par lui-même en s’autorégulant. Keynes ne soutient pas non plus les idées marxistes qui sont pour lui la négation de la personnalité et de la culture.
John Maynard Keynes n’a pas seulement apporté un courant de pensée, mais une vision globale du monde dans laquelle l’économie n’en est qu’une partie. De plus, il a basé ses travaux principalement sur la situation de son pays, le Royaume-Uni , ce qui permet d’expliquer certains éléments de ses notions. Ses travaux ont donné naissance à de nombreux concepts fondamentaux.
Les prolongements de la pensée de Keynes
Les travaux de John Maynard Keynes ont beaucoup influencé les générations d’économistes qui l’ont suivi. Ils ont été nombreux à se réclamer de son courant, le keynésianisme. Cependant, certains, tout en poursuivant ses idées sur la nécessité de l’intervention de l’État dans la vie économique ont des approches différentes sur d’autres points. Cela a abouti au néo-keynésianisme, à la nouvelle économie keynésienne, ou encore au post-keynésianisme. Ces courants sont proches dans leurs fondamentaux, mais avec des nuances sur un certain nombre de points.
Les principales idées de Keynes
Le but des travaux de John Maynard Keynes est de ramener la croissance et la prospérité ainsi que de rétablir le niveau de l’emploi. Les éléments qui ont amené Keynes à réviser les principes classiques de l’équilibre sont le retour à l’étalon-or puis la parité à la fin de la Première Guerre mondiale, ainsi que le taux de chômage élevé en Angleterre. Il a aussi été très marqué par la crise de 1929. Il va alors tout faire pour trouver des solutions afin d’éviter les deux fléaux majeurs que sont pour lui la guerre et le chômage. Keynes va s’opposer aux théories classiques selon lesquelles seule la loi du marché peut réguler le système économique.
Keynes a évoqué la notion de cycles. Pour lui, la vie économique n’est pas linéaire et connaît des périodes de croissance, de forte expansion (c’est-à-dire des booms) qui sont ensuite suivies de ralentissement et parfois de dépression. Ces cycles peuvent avoir des durées variables, plus ou moins longues.
Quand il n’y a plus de croissance économique, que le chômage s’installe et que les entrepreneurs n’investissent plus, les économistes classiques pensent qu’il faut attendre que cela reparte parce que pour eux, le comportement des individus va rétablir l’équilibre du marché. Selon eux, il faut alors baisser les salaires ce qui va permettre de créer de nouveaux emplois qui vont permettre à leur tour la distribution de nouveaux revenus. Ces derniers vont permettre une possibilité d’épargne qui va favoriser une reprise de l’investissement.
Néanmoins, pour Keynes, cette solution n’est pas efficace, car des blocages psychologiques risquent de se mettre en place et ils vont freiner de manière durable la reprise. Pour lui, après une période de forte expansion, quand la crise se profile, il ne faut pas attendre un hypothétique redémarrage, ni baisser les salaires dans le but d’avoir plus d’épargne et donc plus d’investissement pour relancer la production. Il ne croit pas en l’équilibre automatique épargne-investissement et à la neutralité de la monnaie. De plus, pour lui, le niveau des taux d’intérêt est important.
Pour Keynes, il faut mettre fin au « laissez-faire ». Cela passe par l’intervention des Gouvernements qui doivent jouer un rôle d’agents économiques lorsqu’il n’y a plus de confiance et que les entrepreneurs n’investissent plus.
Il s’est également beaucoup intéressé aux mobiles psychologiques qui poussent autant les consommateurs que les entrepreneurs à décider comment utiliser leurs revenus.
Le chômage involontaire et la demande effective
John Maynard Keynes est en opposition avec les économistes classiques concernant le chômage.
Pour Keynes, le chômage ne peut qu’être involontaire
Pour les classiques, l’unique solution pour remédier au chômage est de laisser faire le marché puisque c’est le lieu de rencontre entre l’offre et la demande. Cette rencontre permet de fixer le niveau des salaires, de répondre aux besoins des entreprises et des salariés qui trouveront forcément un emploi au salaire établi. Si le salaire proposé n’est pas accepté par les demandeurs d’emploi, ils se mettent au chômage volontairement. C’est donc le système social qui est en cause et non pas les conditions économiques. La faute revient aux syndicats qui refusent les baisses de salaire qui permettraient, selon les classiques, d’assurer la reprise de l’emploi.
Keynes s’oppose à cette approche en prenant pour exemple la crise de 1929. À ce moment-là, des millions de personnes se sont retrouvées au chômage, et même en étant prêtes à accepter une baisse de salaire, elles n’auraient quand même pas pu trouver un travail. De plus, elles ne se seraient pas obstinées jusqu’à en mourir de faim.
Pour Keynes, le chômage ne peut donc qu’être involontaire. Il va alors démontrer que le niveau de l’emploi dépend de ce qu’il appelle la demande effective, c’est-à-dire du volume d’emploi qui est nécessaire à la production, sans rapport avec le nombre de travailleurs ou leur salaire. Keynes affirme que l’emploi global (nécessaire pour la production) est rarement au même niveau que celui du plein-emploi, c’est ce qu’il appelle l’équilibre de sous-emploi. Il y a donc un chômage involontaire qui vient de la différence entre l’offre globale de main-d’œuvre et la demande globale de main-d’œuvre pour un même taux de salaire proposé et accepté. Les demandeurs d’emploi peuvent accepter un salaire théorique, mais ne pas trouver quand même un travail.
Quand l’économie redémarre, les salaires réels baissent dans un premier temps
Cependant, Keynes rejoint les classiques dans le fait que quand l’économie redémarre, dans un premier temps et temporairement, le nombre de salariés augmente et les salaires réels diminuent. Ce phénomène s’explique par la loi des rendements décroissants de David Ricardo, selon laquelle on embauche d’abord les travailleurs les plus efficaces, et ensuite la main-d’œuvre moins qualifiée. La productivité marginale (c’est-à-dire de la dernière unité) est décroissante. De manière parallèle, le coût pour mettre en place une nouvelle capacité de production qui est moins performante sera plus élevé, ce qui va amener les entreprises à augmenter leurs prix, ce qui va se traduire par davantage d’inflation. Cette inflation va affaiblir le pouvoir d’achat des salariés à cause de la baisse des salaires réels (qui correspondent au pouvoir d’achat, hors inflation). Ce raisonnement amène à dire que quand on se rapproche du plein-emploi, les salaires réels diminuent à cause de l’inflation.
Mais pour Keynes, les classiques ont confondu la cause et l’effet, la baisse des salaires nominaux ne peut pas entraîner le retour à l’emploi. Pour lui, c’est seulement le niveau de production qui dépend de la demande effective qui peut résoudre le problème du chômage. Le niveau de l’emploi ne dépend donc pas de l’offre et de la demande sur le marché du travail, mais du niveau de la production qui dépend de la demande effective.
La demande de consommation et la propension à consommer
La demande de consommation varie en fonction du niveau des revenus (c’est-à-dire des salaires et des profits) et des besoins ou désirs de consommation. La partie des revenus qui est utilisée correspond à la propension moyenne à consommer, qui équivaut donc à la demande.
Selon Keynes, pour évaluer la demande de consommation, il faut prendre en compte tous les éléments objectifs, mais aussi subjectifs qui guident les choix des consommateurs.
Pour lui, le premier facteur est objectif, c’est le montant des revenus de chacun. Le deuxième vient des variations des salaires réels (c’est-à-dire net) auxquelles les agents économiques sont sensibles. La politique fiscale joue également un rôle dans la mesure où elle permet d’assurer la répartition des revenus. Cette répartition permet de favoriser l’augmentation des dépenses de consommation des individus les moins favorisés.
Keynes raisonne sur le court terme et exclut les facteurs d’incertitude qui sont susceptibles de modifier la consommation sur le long terme. Pour Keynes, la propension moyenne à consommer est considérée comme quelque chose de quasiment stable.
Enfin, le troisième facteur est subjectif, c’est la Loi psychologique fondamentale, selon laquelle la consommation augmente si les revenus augmentent, mais pas aussi rapidement.
La propension marginale à consommer et la loi psychologique fondamentale
Ces différents facteurs permettent aussi de déterminer le comportement des consommateurs en cas d’accroissement de leur revenu. Le consommateur va consacrer une part plus ou moins importante de son revenu supplémentaire à la consommation, cette part s’appelle la propension marginale à consommer.
Concrètement, plus les revenus augmentent et plus la consommation augmente, mais de moins en moins rapidement et différemment selon la répartition des revenus. En effet, plus le revenu initial est faible et plus la propension marginale à consommer est élevée, et vice-versa. Pour les revenus les plus élevés, une augmentation nouvelle ne va pas modifier considérablement les habitudes de consommation. L’impact va être un accroissement de l’épargne.
La loi psychologique fondamentale suit le même principe, plus les revenus sont faibles et plus l’impact d’une augmentation des revenus sera fort. À contrario, si les revenus diminuent, la consommation ne diminuera pas dans les mêmes proportions parce que l’épargne constituée viendra combler l’écart.
La consommation et l’épargne
Concernant la consommation et l’épargne, deux constatations peuvent être faites. Premièrement, la partie du revenu national qui est consacrée à la consommation dépend de la manière dont ce revenu est distribué. Deuxièmement, peu importe la source des revenus (les salaires ou les profits), les revenus ne sont jamais utilisés totalement pour la consommation, une part est épargnée. Le volume de l’épargne est donc la différence entre le revenu et le volume de la consommation. Pour Keynes, l’épargne n’est qu’un reliquat, c’est-à-dire la somme qui reste.
La propension à consommer et la propension à épargner
Si tous les salaires étaient égaux, la partie qui est consommée serait stable, et celle de l’épargne aussi. Mais dans la situation où il y a de grandes différences de revenus, les plus hauts revenus consacrent une plus grande partie à l’épargne, ils ont donc une forte propension à épargner. À contrario, les revenus les plus bas consomment la totalité de leurs gains, sans pouvoir épargner et ils sont même parfois obligés d’emprunter pour faire face à leurs besoins. D’une manière générale, la propension à consommer est plus forte chez les salariés alors que la propension à épargner est plus forte chez les entrepreneurs.
De nombreux facteurs peuvent faire varier les revenus et avoir un impact sur la propension à consommer, et donc sur le volume de l’épargne. Keynes distingue deux motifs (ou facteurs) qui peuvent influencer le niveau de l’épargne et donc de la consommation (et vice-versa). D’une part, les facteurs objectifs tels que les variations de salaire, des changements dans les prévisions ou encore les politiques fiscales. D’autre part, les facteurs subjectifs tels que l’indépendance, la précaution (mettre de l’argent de côté pour l’imprévu), la prévoyance (anticiper la vieillesse ou l’éducation), le calcul (satisfaire une consommation différée dans le temps), l’ambition, l’initiative, l’orgueil (léguer une certaine fortune à ses enfants) ou encore l’avarice (ne pas dépenser par radinerie).
Un individu qui ne consomme pas tout son revenu initial ne consommera pas non plus toute l’augmentation de revenu qu’il aurait, cela correspond à la propension marginale à épargner. L’utilisation immédiate ou future de cette dernière va dépendre de ce que vont vouloir faire les salariés et les entrepreneurs de ce revenu supplémentaire. Cela peut être une épargne de transaction, de précaution ou encore de spéculation (liée au niveau des taux d’intérêt).
L’épargne est contre-productive pour Keynes
Concernant les individus les plus riches, l’épargne sera la tendance, ce qui va enlever une partie du revenu global au circuit économique. John Maynard Keynes condamne ce comportement, car le fait d’enlever de la monnaie au circuit économique empêche l’achat de biens de consommation, et donc de possibles nouveaux investissements, ce qui nuit à la création d’emplois. Pour lui, l’épargne est contre-productive, car elle amplifie la dépression économique. Plus d’épargne entraîne une baisse de la consommation, et par ricochet de la production.
Selon Keynes, l’accroissement de l’épargne n’engendre pas d’augmentation de la richesse de la collectivité, cela provoque seulement un transfert de richesse entre les entrepreneurs et les particuliers. Les entrepreneurs doivent alors combler leurs pertes, par exemple en faisant appel au système bancaire, en licenciant ou encore en baissant les salaires. Dans ces deux dernières situations, le revenu global diminue ce qui aggrave la situation. La seule solution sera alors l’arrêt de la production et la population risque de mourir de faim.
Une relance par la consommation
D’une manière globale, l’épargne est négative, car pour Keynes, la pauvreté ne peut qu’augmenter tant que l’épargne excède l’investissement, elle doit donc être toujours inférieure.
Si la baisse des prix des biens améliore dans un premier temps le niveau de vie, le manque d’investissements nécessaires au développement économique casse cette situation parce qu’il y a trop de conséquences négatives. Keynes s’oppose alors aux classiques qui considèrent qu’une baisse des prix est une bonne nouvelle.
John Maynard Keynes élabore le principe d’une relance par la consommation. Augmenter les bas salaires permet d’accroître la demande, ce qui a un impact positif sur le niveau de la production, et donc de l’emploi. Pour lui, la finalité du système économique est donc bien la consommation. Il faut produire pour que les agents économiques puissent consommer immédiatement. Différer sa consommation (c’est-à-dire épargner) ne permet pas d’assurer la bonne santé de l’économie. Il considère que l’épargne porte sur le long terme, alors que c’est le court terme qui compte. Il dit que c’est essentiel de veiller à une juste répartition des revenus afin de maintenir un bon niveau de consommation et d’éviter un excès d’épargne. Cela pourrait sinon entraîner une récession.
Il est nécessaire pour le système productif de s’adapter face à une augmentation des revenus qui conduisent à une demande plus forte. Cela suppose de nouveaux investissements et la réponse des entreprises va dépendre des anticipations des entrepreneurs et des incitations à investir.
L’investissement et la décision d’investir
La demande effective passe aussi par la demande des entreprises, c’est-à-dire l’investissement. Ce dernier se partage entre le capital fixe (les biens d’équipements et immobiliers) et le capital circulant (les matières premières et les produits semi-finis).
Pour les classiques, l’épargne est égale à l’investissement ce qui permet de déterminer les prix et d’assurer le plein-emploi. En cas de crise, la situation se rétablirait à terme. John Maynard Keynes considère que ce raisonnement est insuffisant. En effet, le montant total de l’épargne vient du comportement collectif des consommateurs et le montant total de l’investissement, du comportement collectif des entrepreneurs. Les deux sont égaux dans la mesure où chacun d’eux est égal à l’excès du revenu sur la consommation. Cependant, Keynes note que le volume de l’épargne n’est pas stable et si les investisseurs n’investissent pas le montant équivalent à celui que les consommateurs ont épargné, le problème va venir d’une impossibilité d’investir dans les biens d’équipement pour les entrepreneurs, ou bien d’un manque de biens de consommation pour les salariés qui sont alors obligés de davantage épargner.
L’égalité entre l’épargne et l’investissement est vraie selon Keynes, il n’y a cependant un équilibre que quand les décisions des entrepreneurs et des consommateurs se rejoignent.
Keynes va alors insister sur l’importance de la demande des entreprises dans l’équilibre général. Pour lui, c’est l’investissement qui est le vrai moteur de l’économie, mais le montant global de l’investissement dépend des anticipations des entrepreneurs.
La décision d’investir pour un entrepreneur dépend de son esprit d’entreprise et de sa capacité de prévision du rendement et du coût de l’investissement, mais également de son moral et de sa confiance en l’avenir. Mais pour Keynes, les entrepreneurs ne sont pas rationnels, ils agissent selon ce qu’il appelle des « esprits animaux ». Le taux d’investissement est alors la variable économique qui est la plus susceptible de changer de manière brusque et soudaine.
Ce raisonnement amène l’idée d’une évolution dans l’analyse des phénomènes économiques, alors que c’est le raisonnement statique qui prévalait alors. De plus, il considère que les prévisions peuvent être faillibles et donc peuvent être révisées. Si un entrepreneur anticipe une augmentation de la consommation de ses produits, il aura alors tendance à embaucher, ou à supprimer des emplois dans le cas contraire.
Pour lui, ce sont les déséquilibres entre l’investissement et l’épargne qui provoquent les fluctuations des profits de la production et de l’emploi. L’entrepreneur se décidera seulement une fois pris en compte le volume des investissements existants (c’est-à-dire leur capacité de production), mais également les probables effets sur les potentiels consommateurs. Pour Keynes, toute production est destinée à satisfaire un consommateur et le temps dont il a besoin pour réaliser son projet.
La monnaie et le taux d’intérêt vus par Keynes
Pour John Maynard Keynes, la monnaie n’est pas neutre contrairement à ce que pensent les classiques. La monnaie a un impact selon lui sur la sphère réelle.
Le rôle de la monnaie
Son rôle est déterminant dans les choix d’épargne et d’investissement, donc en fin de compte sur la demande effective et l’emploi.
De plus, pour Keynes, la monnaie a des propriétés particulières. Autant son élasticité de production, que son élasticité de substitution sont nulles.
Les seules variations de la monnaie viennent donc de la variation de la quantité de masse monétaire, ou de la réévaluation de la monnaie. Il s’agit alors de jouer soit sur la quantité de monnaie, ou alors sur sa valeur.
Pour évaluer la demande de monnaie, il faut prendre en compte la vitesse de transformation de la monnaie en revenu, ainsi que les comportements guidés par les besoins immédiats, les prévisions ou encore les désirs de spéculation.
Le niveau des taux d’intérêt a plus d’impact sur la spéculation que sur la transaction ou la précaution qui vont dépendre, pour chaque individu, de l’importance de ses revenus.
Finalement, le taux d’intérêt est juste la somme de monnaie que l’on peut obtenir en échange de l’abandon pour une période déterminée de la libre disposition de la monnaie concernée.
Des taux d’intérêts trop élevés empêchent l’investissement d’atteindre un niveau suffisant pour absorber la quantité d’épargne qui est disponible. À contrario, quand les taux d’intérêt sont bas, il y a peu de tentation à la spéculation et la tendance est donc à la conservation de ses liquidités. C’est ce que Keynes a désigné par le terme de préférence pour la liquidité. Il préconise donc de baisser les taux d’intérêt pour éviter toute intention de spéculation et favoriser la consommation. Néanmoins, il met en garde contre le danger de ce qu’il appelle la trappe à liquidité dont on ne pourra sortir que si les taux remontent.
Si la demande de monnaie varie, cela aura un impact sur le taux d’intérêt. Si seulement ce taux d’intérêt évolue, cela va modifier la demande qui dépend de celui-ci. Le revenu en sera alors affecté, ainsi que la demande de monnaie qui en résulte.
À chacune de leurs évolutions, les décisions d’investir évoluent ce qui va avoir des conséquences sur le revenu.
Le rôle de la Banque Centrale
Le taux d’intérêt est déterminé par la confrontation de l’offre et de la demande de monnaie selon Keynes, c’est-à-dire par la spéculation dont l’ampleur le fera varier à la hausse ou à la baisse. Cette vision est en opposition avec celle des classiques qui pensent qu’il venait du rapport entre le niveau d’épargne et celui de l’investissement.
L’offre de monnaie doit être régulée par la Banque Centrale qui peut, en rachetant ou en vendant des titres, abaisser ou rehausser la quantité de monnaie sur le marché. Cela permet également de fixer le niveau de base des taux de l’intérêt, que l’on appelle le taux directeur.
La demande de monnaie est celle de l’entrepreneur qui décide comment utiliser son argent, il peut le placer (c’est la spéculation), ou l’investir en biens capitaux.
Le taux d’intérêt dépend de l’offre de monnaie qui est déterminée par la Banque Centrale, et de la demande qui dépend de la préférence pour la liquidité. Le niveau du taux d’intérêt a donc une action sur l’équilibre entre l’épargne et l’investissement. Concrètement, cela correspond à la mise en place d’une politique monétaire étant donné que la Banque Centrale a pour rôle de faire baisser les taux d’intérêt pour favoriser la propension à consommer qui permet de produire des richesses et de créer des emplois. Ou au contraire de les faire augmenter quand il y a de la croissance pour éviter une inflation trop forte.
Le multiplicateur d’investissement
Pour Keynes, la décision d’investir est importante pour le futur, car cela représente la croissance et l’emploi. De plus, un investissement très bien choisi va en engendrer d’autres bénéfices grâce à un effet de boule de neige, c’est ce que l’on appelle le multiplicateur d’investissement.
La propension marginale à consommer est ce qui va entraîner le cycle vertueux qui aboutira à la création d’emplois, et donc à la distribution de nouveaux revenus dont une part plus ou moins grande ira à la consommation, alors que l’autre part sera épargnée. La part consommée va à son tour relancer un cycle jusqu’à épuisement.
Donc concrètement, une augmentation de l’investissement va amener une hausse des revenus, qui va entraîner une demande de consommation plus élevée, mais également une épargne plus importante.
Pour Keynes, comme pour les classiques, il y a une égalité entre l’épargne et l’investissement. Mais pour les classiques, le taux d’intérêt était le seul facteur qui permettait d’ajuster le volume de l’investissement au volume de l’épargne qui existe. Mais pour Keynes, c’est l’investissement qui induit un volume d’épargne qui lui sera identique. Ce raisonnement vaut autant dans un sens positif que négatif. Il est valable seulement s’il y a une variation dans le processus d’investissement, en sachant que l’investissement concerné est provoqué par une augmentation des revenus.
Le niveau auquel l’épargne et l’investissement se rejoignent n’est pas forcément celui qui correspond au plein-emploi, il y a donc quand même un équilibre, mais Keynes l’appelle l’équilibre de sous-emploi.
Dans la situation où la consommation stagne et ou diminue, où il n’y a pas d’investissement de la part des entrepreneurs privés, où les salaires ne progressent pas, et où le chômage s’installe de manière durable, l’État devra assumer ses responsabilités selon Keynes et prendre la décision d’investir pour relancer l’économie et avoir un cercle vertueux, c’est-à-dire une certaine propension à consommer, un taux d’intérêt attractif, une efficacité marginale du capital, une hausse des salaires, etc.
Néanmoins, Keynes n’est pas pour une mainmise de l’État sur l’économie, son intervention est nécessaire à court terme et seulement pour sortir de la crise économique, pas plus.
Les salaires réels, les salaires nominaux et l’emploi
Dans le nouveau système économique de Keynes, un certain nombre de facteurs doivent être pris en compte tels que la force de travail, les compétences, etc. Ces différents facteurs ont une influence sur les variables indépendantes comme la propension à consommer, le taux d’intérêt et l’efficacité marginale du capital notamment, mais ils ne les déterminent pas complètement. Cependant, ils agissent directement sur les variables dépendantes comme le volume d’emploi et le revenu national qui est mesuré en unité de salaires.
Pour Keynes, la propension à consommer et le montant des nouveaux investissements déterminent ensemble le volume de l’emploi. Et c’est ce dernier qui détermine le niveau des salaires réels, et non pas l’inverse.
Le plein-emploi est une situation rare et éphémère pour lui. Le chômage n’est pas volontaire, mais forcément involontaire. Il a développé la notion d’équilibre de sous-emploi selon laquelle le système économique est capable de se maintenir sur le long terme dans un état chronique d’activité inférieur à la normale, sans que cela entraîne une reprise ou un effondrement complet de l’économie.
Pour Keynes, revenir au plein-emploi en baissant les salaires comme le veulent les classiques est illusoire parce que cela signifierait diminuer les salaires nominaux qui ne tiennent pas compte de l’évolution des prix ainsi que du pouvoir d’achat des salariés.
La solution pour lui passe par l’augmentation de la demande effective.
Le rôle de l’État selon John Maynard Keynes
Pour John Maynard Keynes, la finalité de l’économie est de faciliter l’accès aux biens de consommation. Pour lui, toute l’économie repose sur la consommation. S’il n’y a pas de consommation, il n’y a pas de demande effective, et sans cette dernière il n’y a pas de production et d’investissements. Cela cause une augmentation du chômage qui provoque un chaos économique et social, ce que Keynes veut à tout prix éviter.
L’État a aussi un rôle d’agent économique
Quand la demande stagne ou même régresse, l’État doit jouer son rôle d’agent économique et prendre les mesures qui s’imposent. Cela se justifie parce que pour lui, le système ne s’autorégule pas. L’offre et la demande de travail et les décisions d’épargne et d’investissement ne sont pas déterminées par les mêmes variables. Les prix et la concurrence ne sont pas les régulateurs du marché comme le pensent les économistes classiques.
Pour Keynes, l’État doit agir, même si cela doit engendrer un déficit budgétaire. Il peut agir en intervenant sur les deux volets de la demande effective, à savoir la consommation et l’investissement. Cela passe par le contrôle de la monnaie et des banques. Cependant, l’État ne doit pas intervenir de manière excessive, sur la propriété des moyens de production par exemple.
Une fois la situation rétablie, l’État peut alors se retirer.
Le rôle de l’État sur la consommation, l’investissement et la monnaie
John Maynard Keynes a étudié le rôle de l’État sur plusieurs composantes comme la consommation, l’investissement et la monnaie.
Le rôle de l’État sur la consommation
Concernant la consommation, l’État peut agir à travers sa politique fiscale, en déterminant les taux d’intérêt notamment, ainsi que par d’autres moyens.
Pour John Maynard Keynes, pendant une crise, le problème principal vient du plein-emploi qui n’est pas assuré, mais également des inégalités de revenus ou de fortune. En effet, si la propension à consommer diminue et si le taux d’épargne est trop élevé, il n’y aura pas d’investissements nouveaux, et donc aucune amélioration du niveau de l’emploi. Pour Keynes, il faut donc en même temps encourager la consommation et freiner la propension à épargner pour éviter un ralentissement de l’investissement et de la production. Pour améliorer le niveau de consommation, l’État peut augmenter le salaire minimum, distribuer des allocations de plusieurs natures (familiales, personnes handicapées, vieillesse, etc), aménager sa politique fiscale (baisse des impôts sur les revenus pour les individus les moins aisés, baisse des taxes sur la consommation, etc). À contrario, pour les plus fortunés, il peut augmenter les impôts et les droits de succession.
Une relance par la consommation montre des limites pour les économies ouvertes, car cela peut bénéficier davantage aux autres pays à travers les importations. Ce problème se posait moins à l’époque de Keynes dans laquelle la mondialisation n’était pas si importante que ça.
Le rôle de l’État sur l’investissement
Concernant l’investissement, si les perspectives économiques ne sont pas très bonnes, encourager l’investissement privé par des mesures fiscales ne suffit pas toujours. Le rôle de l’État selon Keynes est alors de remplacer les entrepreneurs défaillants en lançant lui-même les grands travaux nécessaires. L’effet multiplicateur de ces derniers doit entraîner le reste de l’économie, grâce aux créations d’emplois et grâce à l’augmentation de la demande effective que cela va engendrer.
Pour financer ces chantiers sans que ce ne soit trop contraignant et ne pas mettre en place une politique fiscale trop importante, Keynes recommande de faire appel à l’emprunt. Pour lui, le déficit budgétaire n’est pas grave puisque l’endettement ne sera que temporaire dans la mesure où l’augmentation de la production et du revenu national apportera de nouvelles recettes fiscales, ce qui permettra de ramener l’équilibre à terme. Ces conditions permettent aussi de rétablir la confiance, de faire repartir l’investissement privé, de mieux orienter l’épargne et de résoudre la crise.
Le rôle de l’État sur la monnaie
Concernant la monnaie, les conditions monétaires pour John Maynard Keynes sont importantes. Pour lui, le mieux est quand la monnaie est utilisée pour la consommation et l’investissement.
Si elle est utilisée pour la spéculation alors c’est une mauvaise chose, car quand le doute s’installe et cela favorise le déclenchement de crises.
Pour Keynes, la stabilité des prix est également importante. Dans un pays où le commerce extérieur est développé (comme l’Angleterre à son époque), les prix extérieurs agissent forcément sur les prix intérieurs quand les taux de change ne sont pas stables. Il est difficile d’agir sur les prix extérieurs et donc d’avoir une stabilité des prix.
La politique monétaire qui consiste à baisser les taux d’intérêt pour éviter la spéculation, et pour favoriser l’investissement trouve ses limites avec le risque de tomber dans la « trappe à liquidité ». Cela amènera alors à l’immobilisme et à la stagnation. La trappe à liquidité est la situation dans laquelle la hausse de l’offre de monnaie ne permet plus de réduire le niveau des taux d’intérêt.
La Banque Centrale doit alors agir sur le volume des liquidités, en retirant ou en injectant de la monnaie, ce qui doit permettre d’établir un taux qui correspond à la fois aux besoins d’investissement, et en même temps au maintien de la valeur de l’unité monétaire. Son rôle doit aussi être de surveiller le comportement des banquiers et sur l’octroi des crédits. Elle doit aussi surveiller les marchés internationaux.
Le système monétaire international et le bancor, la monnaie hypothétique et internationale de Keynes
John Maynard Keynes a beaucoup réfléchi à la mise en place d’un ordre monétaire mondial qui permettrait d’assurer les conditions de la paix à travers la planète et lutterait contre la pauvreté.
Il veut se débarrasser de l’or et de l’étalon-or qu’il considère dépassé.
Au fil de ses travaux, il a émis de nombreuses idées comme celle de créer une banque supranationale qui pourrait émettre une monnaie de crédit qui soit équivalente à l’or. Par ailleurs, pour lui, la stabilité des prix intérieurs doit être plus importante que la stabilité des taux de change.
Une nouvelle conception d’un système monétaire international
Keynes s’est inquiété de la reconstruction économique d’après-guerre. Avec ses amis, il a réfléchi à la manière d’aménager l’effort de guerre en prenant en compte l’énorme déficit de la balance des paiements que cela allait entraîner.
Certaines discussions ont porté sur le prêt-bail, car les États-Unis ne pouvaient pas, selon la loi, aider directement des pays en guerre. Il a donc été décidé de mettre à la disposition de l’Angleterre des ressources matérielles, notamment des armes et dont le remboursement se fera plus tard sous la forme de reconnaissances de dettes.
Keynes a aussi réfléchi sur la manière d’établir un nouvel ordre mondial. Il a alors établi un projet de nouveau système monétaire international tout en écartant la possibilité d’un pays de se retrouver en banqueroute à cause d’un manque d’or. Il critique la théorie classique du « laissez-faire » et ses conséquences qu’il considère dramatiques, à savoir la déflation qui enrichit les plus riches et appauvrit encore plus les plus pauvres.
Pour lui, les principes de bonne gestion monétaire et financière doivent être appliqués au plan international de la même manière qu’au plan national. Cela signifie aussi que le monde doit disposer de suffisamment de liquidités pour favoriser la croissance. Pour gérer tout cela, il faudrait, selon Keynes, créer une Chambre de compensation internationale (Clearing Union) qui veillerait à la multilatéralité des échanges mondiaux. Cet organisme pourrait aussi accorder des découverts et assurerait l’équilibre de la balance des paiements entre les États-membres.
À partir de cette base, Keynes veut créer une nouvelle monnaie qu’il appelle le bancor. Cette monnaie serait inconvertible en or et en monnaies nationales, sa valeur pourrait varier, mais elle resterait libellée en or.
Le Plan White
En même temps que Keynes, les Américains ont aussi travaillé sur un projet emmené par l’économiste américain Harry Dexter White. C’est le Plan White.
Ce plan proposait la création d’un fonds de stabilisation sur la base de dépôts accompagné d’une banque de reconstruction. Le système vise essentiellement le court terme avec une stabilisation des taux de change et la fin des pratiques restrictives. Comme Keynes, ce plan propose la création d’une unité monétaire appelée l’unitas. Cette unité serait un simple reçu en échange d’un dépôt d’or.
Keynes et White vont se rencontrer plusieurs fois pour discuter de leurs plans.
La conférence et les Accords de Bretton Woods : le rôle de John Maynard Keynes
Les Accords de Bretton Woods ont finalement été un compromis entre le plan de Keynes et celui de White. Cependant, Keynes a dû faire de nombreuses concessions face aux Américains.
Keynes imaginait une institution sous la domination du Royaume-Uni et des États-Unis alors que ces derniers souhaitaient une institution multilatérale qu’ils considéraient plus propice au développement des échanges commerciaux et donc à la croissance économique, et à même de favoriser la stabilité financière internationale.
Le système monétaire international a alors été organisé autour du dollar américain, avec un rattachement nominal à l’or. Au lieu de revenir à l’étalon-or, le Gold Exchange Standard a été créé avec une seule monnaie (le dollar américain). Toutes les monnaies ne sont plus rattachées à l’or, mais au dollar américain et seulement ce dernier est défini en or.
Deux organismes ont également vu le jour, la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), qui a ensuite donné naissance à la Banque Mondiale. L’autre organisme est le Fonds Monétaire International (FMI).
Un troisième organisme international aurait dû être créé pour s’occuper du commerce international, mais cela n’a pas été le cas par manque d’accord. Il a, au final, vu le jour en 1995 avec la création de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Le système de Bretton Woods disparaîtra avec la fin du lien entre l’or et le dollar en 1971. Le régime des changes flottants l’a remplacé.
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