Informations principales
Muhammad Yunus est un entrepreneur, professeur et économiste bangladais, né le 28 juin 1940 à Chittagong au Bangladesh (territoire alors sous l'administration britannique).
Il a suivi ses études au Bangladesh, puis aux États-Unis à partir de 1965. Dans ce second pays, il est devenu docteur en économie après l’obtention de son diplôme, à l’université Vanderbilt, qui se trouve dans la ville de Nashville, dans l'État du Tennessee. Une fois docteur en économie, Muhammad Yunus est devenu professeur à la Middle Tennessee State University. Ce n’était pas sa première expérience professorale puisqu’il avait également enseigné l’économie dans son pays d’origine, le Bangladesh, au Chittagong College.
Une fois revenu au Bangladesh après l’indépendance du pays fin 1971, il exercera en tant que professeur à l’université de Chittagong, ce qui lui permettra de voir la réalité de la pauvreté dans le pays et de tenter de trouver des solutions. L’une d’elles sera la création et le développement du microcrédit, qui a pour objectif de faciliter l’accès aux capitaux pour les plus pauvres, et les aider ainsi à sortir de la pauvreté.
Il est essentiellement connu pour avoir établi, en 1976, au Bangladesh, la première organisation de microcrédit sous le nom de la Grameen Bank. C’est grâce à cela qu’il a obtenu le titre de “banquier des pauvres”.
Il a obtenu, en 2006, le prix Nobel de la paix, en même temps que la banque qu’il a créée.
Première expérience de microcrédit de Muhammad Yunus : La Grameen Bank
En 1971, suite au déclenchement de la guerre de libération du Bangladesh, Muhammad Yunus prend la décision de soutenir les indépendantistes depuis les États-Unis, avant de finalement rejoindre le pays l’année suivante, après la proclamation de son indépendance.
Après un bref passage à la Commission du plan du gouvernement où il se sent pas assez utile, Yunus devient responsable du département d’économie de l’Université de Chittagong, qui est construite en milieu rural. Alors qu’une grande famine frappait le pays, c’est dans ce cadre-là qu’il constate que toutes les théories qu’il enseignait n’empêchaient pas les gens de mourir autour de lui. C’est alors qu’il décide de s’intéresser au mode de vie pauvre, et même misérable des villageois vivant dans les environs de l’université dans laquelle il travaille.
Avec certains de ses étudiants, il crée un groupe de “recherche-action”, dont l’objectif est d’améliorer la vie de ces villageois. Les premiers travaux porteront essentiellement sur des questions agronomiques, notamment sur l’implantation de nouvelles espèces de riz. Ce n’est que dans un deuxième temps que Yunus en vient à penser qu’une grande partie des problèmes rencontrés par les paysans pauvres de Jobra (village voisin de l’Université où il travaille) viennent de leurs difficultés à accéder aux capitaux. En effet, leurs terres sont généralement trop petites pour servir de garantie aux banques et les prêteurs locaux imposent souvent des taux d’intérêt de plus 20 %, ce qui finit de précipiter les emprunteurs dans la misère.
C’est après toutes ces réflexions que Muhammad Yunus en vient à proposer un premier microprêt de quelques dollars à plusieurs dizaines d’habitants du village, en utilisant pour cela son propre argent. L’effet de ces petits prêts sur la situation matérielle des bénéficiaires est rapidement très positif. De plus, ils arrivent à rembourser sans difficulté leur prêteur.
Après avoir essayé de convaincre une banque commerciale de lancer un premier programme de microcrédit, Muhammad Yunus a décidé de créer son propre programme avec l’objectif de généraliser l’expérience réussie. Ce programme est finalement officiellement mis en place en 1977, sous le nom de Grameen, ce qui signifie village et sera un succès immédiat. En 1983, la Grameen obtiendra le statut d’établissement bancaire, ce qui lui permettra par la suite, à partir de 1989, d’exporter le modèle des microcrédits à d’autres pays. En 2018, environ 140 millions de personnes dans le monde bénéficiaient, de manière directe ou non, des microcrédits pour un montant de plus de 120 milliards de dollars.
Depuis l’obtention de son statut de banque commerciale, la Grameen Bank a énormément diversifié ses activités, en dehors du domaine du microcrédit, par exemple dans l’énergie solaire, l’industrie textile, la téléphonie, etc.
Objet de lutte contre la pauvreté et obtention du Prix Nobel d’économie par Muhammad Yunus
Pour Muhammad Yunus, le microcrédit est, en quelque sorte, un droit de l’Homme et en même temps, un moyen efficace de le sortir de la pauvreté. Yunus, et la Grameen Bank qu’il a créée, ont reçu, en même temps, le Prix Nobel de la Paix en 2006, pour leurs efforts visant à susciter le développement économique et social de la base (c’est-à-dire à partir des plus pauvres). Muhammad Yunus a aussi reçu, personnellement, plusieurs récompenses internationales, comme le Humanitarian Award en 1993 aux États-Unis ou encore le Franklin D. Roosevelt Freedom Award en 2006 aux Pays-Bas.
À travers le succès de la Grameen Bank, Yunus explique que c’est aussi une victoire de la pensée qui défend le soutien à l’économie informelle. En effet, il juge que tout le monde espère gagner de l’argent en faisant des affaires, mais que l’être humain peut réaliser beaucoup d’autres choses, au-delà de l’aspect financier. Il suggère donc de se donner des objectifs sociaux, écologiques et humanistes, ce qu’il estime avoir fait à titre personnel avec la Grameen Bank.
Pour lui, le principal problème du capitalisme est qu’il est unidimensionnel, c’est-à-dire qu’il ne laisse la place qu’à une seule manière de faire, à savoir qu’il ne cherche qu’à faire entrer des profits immédiats. C’est sur la base de ce raisonnement qu’il préconise que la dimension sociale soit intégrée à la théorie économique. Il défend également la création d’entreprises qui aient pour objectif de payer correctement leurs salariés et d’améliorer la situation sociale, plutôt que de chercher à ce que les dirigeants et les actionnaires réalisent des profits.
De nombreuses critiques et des soutiens
Durant sa carrière, Muhammad Yunus a été confronté à de nombreuses critiques et attaques. En effet, il a comparu en justice après une plainte en diffamation déposée contre lui en 2007 pour des propos tenus sur la politique menée par le Bangladesh.
Il est aussi visé par une enquête, à la demande du gouvernement bangladais, concernant les pratiques financières de la Grameen Bank, qui aurait détourné des dizaines de millions de dollars d’aides perçues, entre 1996 et 1998, au bénéfice d’une autre société de Yunus, sans aucun lien avec le microcrédit.
Fin 2010, la première ministre bangladaise Sheikh Hasina accuse Muhammad Yunus de traiter la Grameen Bank comme sa propriété personnelle et affirme même que la banque “suce le sang des pauvres”, selon ses termes. Cependant, début 2011, de nombreuses organisations caritatives et personnalités publiques apportent leur soutien à Yunus et à la Grameen Bank en estimant qu’ils sont victimes d’une campagne de désinformation. Cela n’empêchera pas Muhammad Yunus d’être exclu de la banque qu’il a créée.
Un article du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM), organisation des droits de l’Homme, accuse l’entreprise de Muhammad Yunus d’avoir des pratiques ambiguës, voire même de faire preuve de cynisme.
Plus dernièrement, en 2023, Yunus était impliqué dans une affaire de conflit de travail, ainsi que dans une affaire de corruption. Ses avocats ont affirmé qu’il était victime d’une campagne de harcèlement menée par le gouvernement bangladais. L’ONU lui a apporté son soutien en s’alarmant du harcèlement dont il faisait l’objet. L’organisation soutient aussi plusieurs autres défenseurs des droits au Bangladesh. La même année, Yunus a aussi reçu le soutien de l’ancien président américain Barack Obama et de plus de 160 personnalités internationales, dont plus d’une centaine de lauréats du prix Nobel, qui ont déclaré craindre pour sa sécurité et sa liberté.