Informations principales
Richard Cantillon est un économiste et financier d’origine irlandaise, né à Ballyheigue en Irlande vers 1680 et mort à Londres en Angleterre le 14 mai 1734. Il a cependant passé la majeure partie de sa vie à Paris, en tant que banquier. En effet, il a fait fortune en France grâce au système de Law, du nom de son auteur John Law. Ce système a été mis en place en France entre 1716 et 1720, au moment de la régence de Philippe d’Orléans, pendant la minorité de Louis XV. L’objectif était de se débarrasser de la dette que Louis XIV avait laissée. Un des principes de ce fonctionnement a été de développer l’utilisation du papier-monnaie à la place des espèces métalliques, dans le but de faciliter le commerce et l’investissement.
Richard Cantillon a été un auteur influent dans le courant de la Physiocratie.
Son ouvrage le plus important est une œuvre théorique intitulée Essai sur la nature du commerce en général, publiée en 1755, après sa mort. Ce travail l’a placé au rang de précurseur dans le domaine de l’économie politique classique, aux côtés de l’Abbé de Condillac et de William Petty.
L’œuvre de Cantillon va permettre de faire la transition entre le mercantilisme et le classicisme qui va se développer ensuite.
Richard Cantillon : un précurseur de la théorie libérale
Les écrits que Richard Cantillon a réalisés étaient considérés comme scandaleux pour l’époque, ce qui fait qu’ils circulaient généralement en secret. Leur côté subversif vient du fait que Cantillon met de côté dans son travail tous les préjugés moraux et religieux, afin de constituer une nouvelle loi fondatrice, à savoir celle de la subjectivité de la valeur. En effet, il considère que les biens n’ont aucune valeur intrinsèque, ce qui signifie qu’il n’y a que la demande qui fixe les prix.
Il en est de même pour son ouvrage Essai sur la nature du commerce en général, publié en 1755, qui circule en secret. Cette œuvre permet de fonder l’individualisme méthodologique. En effet, Richard Cantillon estime que l’État n’a pas d’existence en lui-même, il n’équivaut qu’à une collection d’individus. Cela implique donc que la valeur vient d’une évaluation subjective qu’en font les consommateurs. Le travail, et le coût de production d’une manière générale, a un rôle, mais pas celui de fixer le prix d’une marchandise. Son rôle est plutôt celui d’indiquer si l’entrepreneur est en capacité de réaliser des profits, ou s’il va à contrario, connaître des pertes.
C’est sur la base de ce développement que Cantillon explique le rôle essentiel de l’entrepreneur. Il s’agit d’équilibrer les offres et les demandes dans le futur. Cela implique qu’il doit réussir à prévoir correctement l’avenir, et bien sûr qu’il dispose de la liberté de réaliser cette tâche.
Un perfectionnement de la théorie du circuit économique
Richard Cantillon a décrit l’un des premiers circuits économiques, en reprenant, mais également en améliorant le modèle établi par l’économiste français Pierre Le Pesant de Boisguilbert.
En affirmant que l’économie s’équilibre automatiquement, Cantillon va se poser en précurseur des économistes classiques et libéraux. Il explique alors à ce sujet que le niveau des prix dépend de l’offre et de la demande. Il ajoute aussi que le taux d’intérêt dépend de l’offre et de la demande de monnaie.
Cantillon avance également que la balance commerciale ne peut pas être excédentaire de manière durable, parce qu’une entrée de monnaie engendre de l’inflation. La hausse des prix pénalise alors les exportations et, à contrario, favorise les importations. Ce raisonnement va ouvrir la voie à la théorie du rééquilibrage automatique de la balance des comptes, qui sera plus tard formulée et développée par David Ricardo.
Quand il explique que la population s’équilibre naturellement aux besoins de l’économie, il ouvre également la voie à la théorie de Thomas Malthus. Ce dernier a notamment estimé que lorsque la conjoncture économique est mauvaise, cela entraîne une diminution du nombre de mariages et une augmentation de la mortalité, ce qui fait baisser la population, et inversement.
La croissance de la population vue par Richard Cantillon
Concernant la croissance de la population, Richard Cantillon a fourni une théorie sur le sujet. À l’inverse de William Petty qui croyait qu’il existait toujours une quantité considérable de terres inutilisées et d’opportunités économiques pour soutenir la croissance économique, Cantillon a émis l’hypothèse que la population ne croît que tant qu’il existe des opportunités économiques.
De plus, il considère que cette croissance de la population est déterminée par plusieurs critères simultanés, à savoir le niveau technique, les ressources naturelles et les facteurs culturels. Concrètement, cela signifie que les populations des pays adaptent leur croissance démographique à leurs ressources économiques, la population s’équilibre donc naturellement aux besoins de l’économie. Richard Cantillon ajoute que la manière dont les riches consomment est déterminante, puisque les innovations arrivent toujours par le haut de la hiérarchie sociale.
Par ailleurs, Cantillon reconnaissait une catégorie beaucoup plus large de facteurs qui pouvaient affecter la croissance démographique, y compris la tendance de la croissance démographique à tomber à zéro à mesure qu’une société s’industrialise.
Le droit de la propriété
Sur le sujet du droit de propriété, Cantillon a avancé une hypothèse sur son origine. Il a développé l’idée que lorsque le stade nomade est dépassé, le conquérant qui obtient de nouvelles richesses a le droit de répartir son butin comme il l’entend, notamment les terres, entre ses différents favoris. À travers ce raisonnement, il met en avant la loi de la concentration du capital foncier. En effet, Cantillon estime que dans tous les cas, l’inégalité finira par dominer, parce que les propriétaires vont devoir employer par exemple des fermiers et des laboureurs pour s’occuper des terres. Cela nécessite donc d’assurer la subsistance de ces personnes. Il faut également prendre en compte le fait qu’une partie sera aussi versée par le propriétaire à l’État ou au prince sous la forme de revenus fonciers.
L’entrepreneur, l’individu aux gages incertains
Pour Richard Cantillon, dans la détermination des prix, l’entrepreneur a un rôle qui est central. En effet, ce dernier assume d’importants risques et prend même de nombreuses mesures afin de réaliser des profits. Dans son analyse, il distingue les “gens à gages certains” d’un côté, et les entrepreneurs qui correspondent aux ”gens à gage incertains” d’un autre côté. Selon lui, l’entrepreneur doit sa propre existence au fait que les autres individus manquent de prévoyance par rapport à l’avenir. À l’inverse, lui dispose donc de certaines qualités de prévoyance.
L’effet Cantillon
Richard Cantillon est l’un des premiers économistes à s’intéresser au sujet de la progressivité de l’inflation. Pour cela, il a étudié l’inflation importante qu’il y a eue au 16ème siècle, suite à l’introduction en Europe de l’or d’Amérique du Sud, au moment des conquêtes espagnoles. C’est sur la base de cette analyse que Cantillon montre que l’inflation apparaît de manière progressive. En effet, selon lui, l’inflation démarre d’abord auprès des fournisseurs du roi d’Espagne qui voient une augmentation de leurs prix. Elle se déplace ensuite, comme des cercles de plus en plus grands par rapport à un point central. Ce point central correspond à un petit noyau d’individus (à savoir les riches et les puissants) pour aller ensuite vers un groupe de plus en plus large d’individus qui s’en trouvent, à leur tour, affectés. C’est ce caractère progressif de transmission de l’inflation qui est appelé “effet Cantillon”.
Ce principe a ensuite été ultérieurement généralisé par l’École autrichienne incarnée notamment par Carl Menger et Ludwig von Mises, pour expliquer la transmission de la création monétaire dans l’économie. Ce dernier expliquera notamment dans son ouvrage Monnaie, méthode et marché, que la quantité de monnaie supplémentaire ne va pas au début dans les poches de tout le monde. De plus, les premiers bénéficiaires ne reçoivent pas tous le même montant et tous les individus ne vont pas réagir de la même manière face à la même quantité de monnaie supplémentaire.
Les premiers à en bénéficier correspondent aux propriétaires de mines d’or d’une part, et au Trésor, pour les gouvernements qui utilisent le papier-monnaie d’autre part. Ces premiers bénéficiaires disposent alors d’encaisses plus élevées et ils sont donc en capacité d’offrir plus de monnaie sur le marché, afin de se procurer les biens et les services qu’ils souhaitent acheter. Le montant supplémentaire de monnaie qu’ils offrent et mettent sur le marché fait augmenter les prix et les salaires. Cependant, Ludwig von Mises observe que tous les prix et salaires n’augmentent pas, et ceux qui augmentent ne le font pas dans les mêmes proportions.
Au 21ème siècle, l’effet Cantillon se caractérise plutôt par la formation de bulles sur les marchés boursiers et par l’enrichissement ininterrompu des plus riches. De plus, l’action des différentes Banques Centrales amène à un enrichissement des plus fortunés, à travers un ruissellement du nouvel argent sur les individus qui sont les mieux positionnés pour en bénéficier.
Une reformulation du quantitativisme
Richard Cantillon a reformulé le quantitativisme (c’est-à-dire l’économie quantitative qui a notamment donné la théorie quantitative de la monnaie) de Jean Bodin en stipulant que les prix dépendent de l’abondance ou de la rareté de la monnaie comme ce dernier l’avait dit, mais également de sa vitesse de circulation. Cette idée sera ensuite reprise et développée par les économistes John Stuart Mill et Irving Fisher.
L’influence de l’espace géographique
L’économie géographique traite de la distance et de la superficie, et de la manière dont ces dernières peuvent affecter un marché à travers les coûts de transport et les limitations géographiques.
Richard Cantillon a intégré ses recherches dans le domaine de l’économie géographique à son analyse microéconomique du marché. En effet, il a notamment décrit comment les coûts de transport influencent l’emplacement des marchés, des centres de population et des usines. Il avance l’idée selon laquelle les individus s’efforcent de réduire les coûts de transport.
Cantillon a basé ses recherches concernant l’économie géographique sur trois bases principales. La première est qu’il a considéré que le coût des matières premières, à qualité égale, sera toujours plus élevé près de la capitale à cause des coûts de transport. La deuxième est que les coûts de transport varient selon le type de transport, par exemple, le transport maritime était généralement moins cher que le transport terrestre à cette époque. Enfin, les marchandises les plus volumineuses, qui sont par conséquent les plus difficiles à transporter, seront toujours moins chères quand elles restent plus proches de leur zone de production.
Richard Cantillon pensait que les marchés étaient conçus pour réduire les coûts, tant pour les commerçants, que pour les habitants en termes de temps et de transport. De la même manière, il a avancé que l’emplacement des villes était le résultat, en grande partie, de la richesse des propriétaires qui y habitent et de leur capacité à payer les frais de transport. En effet, il considérait que les propriétaires les plus riches avaient tendance à vivre plus loin de leur propriété, car ils pouvaient se permettre de payer les frais de transport.