Informations principales
Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon, généralement appelé simplement par ce dernier nom, est un militaire, philosophe, publiciste et économiste français, né le 17 octobre 1760 à Paris en France et mort le 19 mai 1825 dans la même ville.
Il est le fondateur du saint-simonisme, doctrine basée sur ses travaux et ses recherches.
Les idées qu’il a développées ont eu une influence sur une grande partie des idéologies du 19ème siècle.
Saint-Simon est un philanthrope, mais également un philosophe de l’industrialisme, théorie économique selon laquelle la société moderne dépend de la maîtrise de la nature par les êtres humains, grâce à la science et à la technique d’un côté, et à la science sociale d’un autre côté. De plus, le travail y a une place centrale, tandis que celle de l’État diminue. À travers cette doctrine, Saint-Simon est considéré comme le penseur de la société industrielle française, qui, à son époque, à la fin du siècle des Lumières, était en train de remplacer la société de l’Ancien Régime. Il défendra sa position dans son ouvrage L’Industrie, publié en 1816.
Saint-Simon a été décrit par certains économistes comme le dernier des gentilshommes, et comme le premier des socialistes.
Il mènera également un certain nombre de réflexions sur le développement de l’histoire.
Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon ne doit pas être confondu avec son cousin éloigné, Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, qui était un mémorialiste célèbre à la cour de Louis XIV et après, durant la Régence.
Une certaine vision des sciences
Saint-Simon se définissait comme un philosophe, un publiciste et comme un réformateur social dans la mesure où il s’est donné pour mission d’agir de manière directe sur le moral de l’humanité. Ces trois fonctions, pour lui, se rejoignent et sont liées. En effet, le réformateur social appuie ses propositions sur une philosophie et se comporte et agit comme un publiciste. Cette philosophie en question est décrite par Saint-Simon comme étant la science générale.
Parmi les sciences, ce sont les sciences de la nature (et plus particulièrement la physique) qui ont accédé en premier au rang des “sciences positives”, c’est-à-dire qui portent sur ce qui est (en opposition avec les sciences normatives, à savoir ce qui doit être). Saint-Simon considère que les sciences de l’Homme et de la société doivent poursuivre le même chemin. C’est lui qui va créer l’expression de “science politique” et utiliser le terme de “physiologie sociale” pour décrire ce qui sera appelé plus tard, la sociologie.
Selon lui, l’une des premières sciences humaines à atteindre le statut de science positive est l’économie politique, qu’il désigne comme la science propre de l’industrie, notamment grâce aux travaux d’Adam Smith et de Jean-Baptiste Say. Néanmoins, Saint-Simon ne considère pas l’économie comme une discipline autonome, qui serait séparée des autres sciences sociales, telles que la morale et la politique.
Saint-Simon : un penseur du développement historique
Saint-Simon a mené de nombreuses réflexions sur le développement historique. En effet, pour lui, l’histoire est découpée par des étapes de développement qui s’imbriquent les unes dans les autres et qui ont une évolution endogène (c’est-à-dire qui ont des causes internes).
Il y a d’abord la période gréco-romaine qui est caractérisée par le polythéisme (c’est-à-dire la croyance en plusieurs Dieux), l’esclavage et la rigidité du pouvoir politique. Suit ensuite la période militaro-féodale au temps du Moyen-Âge, caractérisée par le catholicisme et la division du pouvoir. Sans qu’elle ne soit totalement finie, les prémices d’un nouvel âge ont commencé à apparaître dès le 15ème siècle, avec l’industrie, la science et la technologie pour bases, qui deviennent alors la nouvelle religion.
Pour Saint-Simon, le terme “industrie” a un sens très large. Par prolongement, le terme “industriel”, qu’il a créé, correspond à celui qui produit, peu importe le domaine, que ce soit dans la production matérielle, l’agriculture, la finance, le commerce, les sciences, les arts ou encore la littérature. Il considère que l’industriel est l’élément actif de la société de demain.
Pour illustrer son raisonnement, il prend pour exemple l’abeille travailleuse, qu’il oppose au frelon oisif et rentier qui cultive là où il n’a pas semé. Il juge que plus rien ne serait possible sans les abeilles industrieuses, mais qu’il serait possible de tout faire et mieux, sans les frelons parasites. Les abeilles sont associées à ceux qu’il considère comme les plus capables dans les sciences et les arts, à savoir les scientifiques, les ingénieurs, les médecins, les mineurs, les banquiers, les architectes, les mécaniciens, les maçons, les cultivateurs, les maîtres de forge, les poètes, etc. Les frelons, quant à eux, sont associés à ceux qu’il considère comme non-utiles, à savoir les grands officiers de la couronne, les ministres d’État, les courtisans, les propriétaires inactifs, les cardinaux, les préfets, etc.
Il juge donc que les savants, les artisans et les artistes sont les seuls qui ont une utilité positive, mais ils se retrouvent subordonnés par les gouvernants et les princes, qui dominent seulement grâce à leur naissance ou à des actions peu estimables.
Selon lui, après la phase féodale et militaire marquée par la domination arbitraire des dirigeants politiques dans le cadre de l’État, il devra y avoir une nouvelle phase, industrielle cette fois, caractérisée par la domination de la science. Le gouvernement dirigé par des individus autoritaires sera remplacé par une simple administration, gérée par des ingénieurs technocrates. À travers ce raisonnement, Saint-Simon envisage un affaiblissement important de l’État dans l’époque à venir qu’il décrit.
La Révolution française de 1789 a constitué un choc important et brutal, entre deux âges. Toutefois, Saint-Simon considère qu’elle est inachevée, dans la mesure où elle a détruit en partie un premier monde, mais sans pour autant en construire un second. Durant cette période, le pouvoir qui était détenu par l’aristocratie et le clergé et passé aux mains des légistes et des métaphysiciens, qui se sont au final soumis à une dictature militaire.
Saint-Simon ne voyait pas l’accès à un nouvel âge à travers une révolution violente, mais par la création d’un parti industriel qui mènerait au pouvoir une élite intellectuelle et scientifique. Cette élite en question n’est pas censée gouverner, mais plutôt diriger, une société de producteurs. La société serait alors débarrassée de tous les parasites, les aristocrates, les rentiers, les propriétaires inactifs et du clergé. Pour lui, ce sont les industriels qui devraient détenir les pouvoirs politiques, et non pas la noblesse, le clergé et l’ordre judiciaire.
L’importance du travail et l’émergence d’un âge industriel
Saint-Simon va reprendre l’idée de Jean-Baptiste Say selon laquelle la valeur est fondée sur l’utilité, c’est-à-dire en fonction de la satisfaction ou du bien-être qu’un produit apporte à celui qui l’utilise ou le consomme.
Il reprendra à un autre économiste français, François Quesnay, la comparaison entre la circulation de l’argent d’une part, et celle du sang d’autre part. Saint-Simon expliquera à ce sujet que l’argent est au corps politique ce que le sang est au corps humain. Pour lui, la circulation de trois flux permet de caractériser la société. Ces flux sont ceux de l’argent, du savoir et de la considération. Cependant, dans sa vision économique, c’est le travail qui est le plus important, sachant que pour lui, le travail est assimilé à la production et à l’industrie. C’est donc le travail qui crée l’utilité, peu importe qu’elle soit matérielle ou immatérielle. Dans la société industrielle qu’il souhaite voir émerger, tout revenu doit venir d’un travail, ce qui implique forcément la disparition de tous les rentiers, ainsi que l’abolition de la transmission des biens et des patrimoines par le biais de l’héritage.
Concernant l’État, Saint-Simon s’est montré critique envers celui-ci, mais il ne croit pas non plus au marché et au concept de la main invisible développé par Adam Smith selon laquelle les acteurs économiques contribuent à la richesse et au bien commun s’ils suivent uniquement leur intérêt personnel et qu’on les laisse libres de leurs actions.
Pour lui, l’âge industriel est une période dans laquelle la production sociale sera organisée. Il juge à ce titre qu’il sera possible d’améliorer le sort de la majorité et des individus les plus pauvres grâce à l’organisation sociale de la production, et en particulier celle des travaux publics. Cela signifie donc que la charité, à l’inverse, ne peut pas accomplir cette mission.
Saint-Simon souhaite une réunification de l’Europe
Saint-Simon croit que le monde à venir sera un monde pacifié et dominé par le commerce et l’industrie.
Une fois les guerres napoléoniennes terminées, il propose, sur des bases économiques et commerciales, une réunification de l’Europe. Pour lui, il est possible de créer des interdépendances, autant économiques que politiques entre les nations grâce à cette réunification. Le but étant d’empêcher les nations qui se sont toujours combattues, de continuer à le faire à l’avenir. Saint-Simon propose par exemple la mise en place d’une monnaie et d’un système bancaire uniques, ce qu’il juge nécessaire afin de favoriser le développement industriel.
Sur le plan politique, il propose un parlement européen élu, sur le modèle des parlements nationaux. Ce parlement européen aura le pouvoir de financer des grands travaux, des recherches, mais également des institutions culturelles.
Une nouvelle religion
Dans un de ses derniers ouvrages intitulé, Nouveau Christianisme, publié en 1825, Saint-Simon a fait la promotion d’une religion rénovée, à savoir un christianisme social et éthique, promoteur de fraternité, et qui aurait pour rôle de libérer les ouvriers de l’oppression matérielle. Dans cet ouvrage, il défend une philosophie basée sur la raison, cette dernière devant être le fondement de toute connaissance, mais surtout, à la base d’une morale qui serait universelle. Il explique à ce sujet que le système catholique se trouvait en contradiction et dans une situation d’incompatibilité avec le système basé sur les sciences modernes et l’industrie moderne, et donc que sa chute était inévitable. Cette chute va entraîner l’émergence d’une nouvelle croyance.
Le nouveau christianisme (correspondant à une religion naturelle) est un système qui défend l’existence de Dieu grâce à la raison, en opposition avec le christianisme classique (correspondant à une religion révélée) qui défend l’existence de Dieu à travers le culte et la foi. Le but pour Saint-Simon est d’améliorer l’existence des plus pauvres.