Biographie de Vincent de Gournay

 

Vincent de Gournay
Vincent de Gournay

 

Informations principales

Jacques Claude Marie Vincent, marquis de Gournay est un économiste et négociant international français, né le 28 mai 1712 à Saint-Malo, en France et mort le 27 juin 1759 à Paris, dans le même pays. 

Il est parfois considéré comme le premier physiocrate français, même s’il ne partage pas toutes les convictions de ce mouvement. En effet, même s’il a fondé la première école de pensée libérale, il prône néanmoins un libéralisme plus modéré et moins dogmatique que celui des physiocrates, menés par François Quesnay, dont il était d’ailleurs un contemporain. Pour Gournay, la richesse vient de la terre, comme le penseront les physiocrates, mais il considérait aussi que le commerce et l’industrie pouvaient créer de la valeur réelle.

 Il est essentiellement connu pour avoir introduit le libéralisme économique en France et pour avoir réformé l’économie française, notamment en tant qu’Intendant du commerce. La maxime libérale “Laissez-faire, laissez-passer, le monde va de lui-même” lui est attribuée.

Vincent de Gournay est un fervent partisan de la liberté de produire, de travailler et de commercer. C’est à ce titre qu’il s’oppose au mercantilisme et qu’il dénonce l’intervention directe de l’État dans l’économie par le biais des subventions, mais aussi des privilèges exclusifs, des corporations et des guildes. Son œuvre sera ensuite une source d’inspiration pour toute la tradition du libéralisme économique français. Toutefois, il a aussi défendu des mesures protectionnistes. Il s’est donc posé en partisan du laissez-faire à l’intérieur des frontières nationales, mais en même temps, il ne soutient pas le libre-échange à l’extérieur.

 

Vincent de Gournay : une vie de commerçant, d’espion et d’administrateur public

C’est tout d’abord lors de ses études auprès des Oratoriens et des Jésuites que Vincent de Gournay a acquis les fondements philosophiques de sa vision du monde. C’est, dès l’âge de 17 ans, qu’il entame une carrière de négociant international, qui va durer 15 ans. Cette expérience va lui donner une connaissance concrète et approfondie du fonctionnement des activités économiques. C’est ensuite à ce moment-là que le ministre de la Marine l’appelle, en pleine guerre entre la France et l’Angleterre, afin d’accomplir des tâches qui peuvent s’apparenter à de l’espionnage économique et militaire. Dans le contexte du processus de mondialisation en cours, les informations qu’il rassemble au cours de ses voyages en Europe lui montreront la voie à suivre afin que son pays, la France, retrouve une position dominante dans le concert des nations et au niveau international.

C’est alors en 1751 que commence sa troisième carrière, celle d’administrateur public sous le titre d’Intendant du Commerce. Ses problèmes de santé et d’argent, ainsi que son sentiment d’échec provoqueront finalement sa démission quelques années plus tard. Durant l’exercice de sa mission, il ne cessera de défendre une libéralisation des activités économiques, qu’il opposera à l’interventionnisme colbertiste qui était dominant à ce moment-là.

Gournay va parcourir la France afin d’y étudier les conditions économiques, rédiger un nombre important de mémoires, et surtout, s’entourer d’un groupe de jeunes économistes et administrateurs, qui sera appelé le “Cercle de Vincent de Gournay”. Ce groupe l’aidera à répandre ses idées par le biais de nombreuses publications. Avant même l’École des physiocrates, c’est la première vraie école de pensée libérale en France.

Gournay n’a pas laissé de traité économique et, durant longtemps, plusieurs de ses écrits et ouvrages ont été considérés comme disparus. Il décide de traduire, en 1752 des œuvres des auteurs anglais Josiah Child et Thomas Culpeper, dans l’objectif de soutenir ses propres thèses, celles-ci étant censées favoriser la croissance économique de la France. Cette traduction est accompagnée par Gournay de “Remarques”, qui sont aussi longues que les œuvres traduites. Les traductions vont être publiées en 1754, mais sans la partie des remarques, par crainte de l’impact qu’elles auront. Ce sont finalement ces remarques qui constituent l’œuvre théorique et principale de Gournay. Après avoir été oubliées, elles ne seront redécouvertes qu’au début des années 1980, en même temps que d’autres de ses écrits, correspondances et mémoires.

 

La science du commerce et le concept du laissez-faire

Il a été attribué à Vincent de Gournay l’expression “laissez-faire, laissez-passer”, mais cela vient probablement du marchand Le Gendre qui aurait répondu “laissez-nous faire” à une question posée par Colbert. Mais même si l’expression n’a pas été écrite par Gournay, le concept du laissez-faire est omniprésent dans ses propositions économiques et en constitue le fil conducteur. L’expression du laissez-faire s’appuie sur ce qui est appelé à l’époque la “science du commerce”. Pour Gournay et ses partisans, le mot “commerce” est un synonyme de l’activité économique, qu’elle soit marchande, agricole ou manufacturière.

Pour Vincent de Gournay, la science du commerce équivaut donc à la science de l’économie, dont il estime qu’il s’agit d’une discipline fondée sur des connaissances empiriques (c’est-à-dire basées sur l’expérience), au même titre que les sciences de la nature. Selon lui, à sa base, il y a l’idée que l’Homme est un être à la fois libre et raisonnable, que c’est le mieux placé, par rapport à tout autre individu ou gouvernement, pour connaître et satisfaire son intérêt propre. Gournay estime donc qu’il faut laisser les individus poursuivre leurs fins propres, libérer leur initiative, en faisant abstraction de leurs défauts et de toutes leurs imperfections.

Vincent de Gournay considère que ce mécanisme doit s’appliquer au domaine de l’économie, et en particulier à celui du travail. En effet, face aux idées des mercantilistes et des physiocrates, il estime que la seule source de la richesse se trouve dans la production, qu’elle soit industrielle ou agricole. Par prolongement, il juge que le travail est le moteur de la production. Pour lui, il faut donc libérer le travail de toutes les entraves qui l’étouffent. Celles-ci sont notamment, dans la France de l’Ancien Régime, les corporations, les guildes, les maîtrises avec leurs hiérarchies et leurs durées d’apprentissage. À l’inverse de cela, il considère que les travailleurs doivent pouvoir circuler comme ils le souhaitent, autant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur.

Pour Gournay, cela signifie que la liberté du travail doit accompagner la liberté de l’activité manufacturière. Lui, ainsi que ses disciples, sont opposés, autant aux corporations, qu’aux monopoles et à toutes les réglementations qui paralysent les activités des entreprises, alors qu’il faudrait, au contraire, les stimuler.

C’est pour cela qu’il propose d’abolir les fonctions des inspecteurs qui contrôlent les entreprises. Il juge qu’il faut aussi supprimer les fonctions des fermiers généraux, qui perçoivent une multitude de taxes et de droits pour leur propre intérêt, plutôt que pour celui du public. Il faudrait remplacer ces taxes et droits par un impôt unique sur tous les revenus, ce qui était une proposition vraiment moderne et originale pour l’époque.

Gournay ajoute qu’il faut supprimer tout ce qui entrave la libre circulation des biens (et spécialement des grains). Il considère que c’est la concurrence, et non pas les réglementations, qui va permettre d’assurer la prospérité des individus et de la nation.

 

Vincent de Gournay est à la fois un partisan d’un libéralisme réglementé et du protectionnisme

Malgré ses convictions concernant le laissez-faire, Vincent de Gournay, ne prône pas non plus un libéralisme radical et dogmatique, comme celui que soutiennent les physiocrates. Il décrit son programme par l’expression “liberté et protection”. Concrètement, la liberté économique doit être garantie et protégé par un État qui assure son cadre légal et qui protège également les individus les plus pauvres et les plus laborieux contre les intérêts des individus les plus riches et les plus oisifs. Gournay va même plus loin encore en considérant que l’État doit aussi stimuler le commerce, dans le but d’assurer une croissance économique qui permette de replacer la France dans la course à la concurrence internationale, dans laquelle elle a été distancée par les autres grandes puissances (notamment l’Angleterre et la Hollande).

Concernant la politique économique, Vincent de Gournay propose un programme constitué de quatre points

Le premier consiste à réduire le taux d’intérêt, ce qui doit permettre, notamment, d’inverser la tendance qui veut qu’il y ait davantage d’investissements dans la finance, que dans les activités réellement productrices. Pour Gournay, un des principaux moteurs de la croissance de l’économie anglaise vient d’un taux d’intérêt bas.

La deuxième mesure correspond à la mise en place d’un système de crédit public, dans le but de créer les instruments financiers qui sont nécessaires pour accompagner l’accroissement de la production. 

La troisième mesure correspond à l’établissement, comme cela se fait en Angleterre, d’un acte de navigation qui force l’utilisation des navires français pour le commerce international. Le but de cette mesure est de favoriser la marine nationale, ce qui est l’un des vecteurs majeurs de la puissance, autant économique que militaire. 

Enfin, la quatrième mesure consiste à mettre en place un bureau du commerce avec pour objectif d’assurer la cohérence de la politique commerciale.

Ces mesures, soutenues par Gournay, témoignent d’un libéralisme plutôt mitigé, c’est-à-dire ni radical, ni très protectionniste. L’acte de navigation par exemple est une mesure protectionniste, comme peuvent l’être également les activités pratiquées par un bureau du commerce. La pensée de Gournay est semblable à celle de plusieurs de ses contemporains et de ses prédécesseurs, tant en France, qu’en Angleterre. Il s’est posé en partisan du laissez-faire à l’intérieur des frontières nationales, mais en même temps, il ne soutient pas le libre-échange à l’extérieur. Il considère que dans un monde caractérisé par un protectionnisme généralement agressif, la France doit utiliser les mêmes armes que ses concurrents pour se défendre.

 

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