Informations principales
Esther Duflo est une économiste franco-américaine, née le 25 octobre 1972 à Paris, en France. Après plusieurs années aux États-Unis, elle acquiert la nationalité américaine en 2012.
À partir de l’année 1999, elle enseigne en tant que professeure au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Elle enseigne également depuis plusieurs années au Collège de France, à Paris. Début 2024, elle devient présidente de la Paris School of Economics (École d’économie de Paris).
Ses recherches portent essentiellement sur les questions microéconomiques dans les pays en développement, et plus particulièrement sur le comportement des ménages, l’éducation, l’accès au financement, la santé, la lutte contre la corruption, les inégalités, l’écologie et l’évaluation des politiques mises en place.
En 2019, elle reçoit le Prix Nobel d’économie, en même temps que son époux, l’économiste américain d’origine indienne Abhijit Banerjee, et que Michael Kremer pour leurs travaux et leurs recherches sur la lutte contre la pauvreté.
Elle est considérée comme une économiste se plaçant dans le courant du keynésianisme, qui défend notamment une forte intervention de l’État dans l’économie, afin de pallier les défaillances des marchés. Elle se considère comme appartenant à la gauche pragmatique.
Le magazine américain généraliste The New Yorker a fait une description d’elle en la qualifiant d’intellectuelle française de centre gauche, qui croit en la redistribution et qui a une vision optimiste de l’avenir en pensant que demain sera peut-être meilleur qu’aujourd’hui.
Par ailleurs, selon l’Open Syllabus Project, plateforme en ligne qui catalogue et analyse des millions de programmes universitaires, Esther Duflo est, en 2019, le septième auteur le plus fréquemment cité dans les programmes universitaires de cours d’économie.
Une nouvelle méthode de recherche appliquée par Esther Duflo
Avec plusieurs de ses confrères (dont John List), Esther Duflo est une pionnière du développement d’une méthodologie basée sur des expériences de terrain. En effet, cette méthode consiste à étudier une question limitée et précise, en faisant des comparaisons entre un groupe témoin et un groupe d’expérience, les deux étant tirés au hasard. Cela implique donc qu’au lieu de mener des analyses au niveau macroéconomique (c’est-à-dire d’une manière globale), politique ou géopolitique, elle propose des expérimentations plus microéconomiques (c’est-à-dire en partant de l’individu et de ses interactions), proches du terrain et des populations.
Cette manière de travailler, avec des essais randomisés (c’est-à-dire avec une partie basée sur le hasard et l’aléatoire) contrôlés est par exemple classique en biologie, mais beaucoup plus rare en économie. Sous l’impulsion d’Esther Duflo et de ses confrères, ces essais sont devenus nettement plus courants dans la science économique. Elle est donc considérée comme l’un des membres majeurs de la révolution de crédibilité que cela a engendré. Esther Duflo décrit sa méthode de travail comme une méthode “vraiment micro”. D’ailleurs, sous son impulsion, ce style de méthode devient courant à la Banque mondiale et dans les différentes agences d’aide au développement.
Avec Abhijit Banerjee, elle a co-fondé le Poverty Action Lab, basé au MIT (Massachusetts Institute of Technology). Cet organisme est un réseau de chercheurs en économie qui utilise des expériences de terrain dans le but d’évaluer les politiques de lutte contre la pauvreté.
Certains économistes ont critiqué les essais randomisés contrôlés en estimant qu’ils sont trop coûteux et donnent des résultats qui varient trop en fonction du lieu et de l’époque pour pouvoir en déduire une loi générale. De plus, ils jugent qu’ils ne permettent d’évaluer que des micro-interventions, ce qui ne prend pas en compte les principales politiques fiscales, commerciales, ou encore sectorielles qui ont un effet pourtant déterminant sur les structures de l’économie.
Le sujet de la pauvreté et des inégalités, thème majeur du travail d’Esther Duflo
Esther Duflo a beaucoup travaillé sur les causes de la pauvreté, essentiellement dans les pays les plus pauvres de la planète. Elle conteste à la fois l’approche selon laquelle la lutte contre la pauvreté est seulement une question de moyens financiers, et donc que les pays riches peuvent l’éradiquer s’ils décident d’y mettre des moyens suffisants, et la vision selon laquelle l’aide est néfaste et créerait même plus de problèmes qu’elle n’en résout.
Face à ces deux visions opposées, Esther Duflo propose une troisième voie basée sur une approche expérimentale de l’économie du développement. En plus de proposer une nouvelle manière d’appréhender la science économique, ses travaux modifient la façon de lutter contre la pauvreté, en montrant les situations dans lesquelles l’aide peut être utile et les situations où elle peut finalement être néfaste. Suivant cette approche, il est nécessaire de réaliser de nombreuses expériences de terrain, de faire des évaluations scientifiques de leur impact afin de pouvoir déterminer ce qui fonctionne ou non, dans le but, in fine, de pouvoir généraliser des conclusions.
Concrètement, sur le sujet de la pauvreté, Esther Duflo défend la mise en place d’un revenu universel basique dans les pays les plus pauvres, ainsi qu’une solidarité et coopération internationale plus importante en direction de ces pays. En effet, à l’inverse des pays les plus riches, les pays pauvres n’ont généralement pas de protection sociale qui donne aux populations locales un filet de sécurité en période de récession. De plus, les pays les plus pauvres n’ont pas non plus, la plupart du temps, d’appareils statistiques capables d’identifier de manière précise les groupes de population qui sont les plus exposés à la pauvreté ou, lorsque c’est le cas, exposés aux conséquences d’une crise économique.
Sur la base de ce constat, Esther Duflo juge que mettre en place un revenu universel très basique permettrait de garantir la satisfaction des besoins fondamentaux des êtres humains, ce qui est le cas, par exemple, de l’alimentation. Elle ajoute que ce revenu universel pourrait être financé par les États grâce aux systèmes fiscaux déjà existants, par exemple en supprimant certaines subventions ou aides sociales d’autres régimes.
Pour répondre à la problématique de la pauvreté, Esther Duflo mise également sur la coopération et sur la solidarité internationale, malgré le fait qu’elles n’aient pas fonctionné jusqu’à présent.
Elle reproche aux pays riches de ne pas s’investir suffisamment sur ce sujet et de ne pas amener les fonds financiers nécessaires. C’est à ce titre qu’elle défend notamment la mise en place, de la part des pays riches, d’une sorte de Plan Marshall à destination des pays les plus pauvres de la planète. Elle explique que ces derniers, à l’inverse des pays les plus riches, ne disposent pas d’appareils fiscaux et d’un accès aux marchés financiers qui leur permettent de mobiliser rapidement des fonds financiers à bas coût. Elle juge donc que c’est plus compliqué pour eux de soutenir leur économie et de lutter contre les conséquences négatives d’une récession (comme cela a été le cas lors de la crise économique lors de la pandémie du Covid).
Au-delà de sujets strictement économiques, Esther Duflo défend la cause des femmes. En effet, après avoir reçu le Prix Nobel d’économie, elle a expliqué qu’elle l’avait reçu à un moment important, en espérant qu’il inspirerait beaucoup d’autres femmes à continuer à travailler et beaucoup d’autres hommes à leur accorder le respect qu’elles méritent, comme cela devrait être le cas, par ailleurs, de tout être humain.
La transition écologique à l’échelle mondiale
Pour Esther Duflo, que ce soit aux États-Unis, en France ou en Chine, il y a un vrai problème concernant la répartition des richesses. En effet, elle juge que c’est une difficulté importante, alors même qu’il est nécessaire de mener la transition écologique au niveau mondial, ce qui implique de taxer les pays les plus riches pour aider les pays les plus pauvres à engager cette transition. Elle juge que les pays riches ont de grandes difficultés face aux enjeux financiers nécessaires pour remédier à ce problème.
Selon Esther Duflo, cela va même au-delà d’un simple financement de la transition écologique. En effet, elle explique que les pays riches, et notamment leurs citoyens les plus riches, sont responsables de la grande majorité des émissions qui polluent la planète. Même si elles se sont réduites, aujourd’hui encore, ces émissions représentent un coût pour le reste du monde, sachant que ce coût est beaucoup plus élevé pour les pays pauvres, et plus particulièrement en termes de mortalité.
Elle estime que le réchauffement de la Terre va engendrer une augmentation de la mortalité, qui sera alors comparable à l’ensemble des maladies infectieuses. Cela l’amène à affirmer qu’en 2100, il y aura davantage de morts causés par le réchauffement climatique, que par les maladies infectieuses en Asie et en Afrique combinés. Elle considère qu’à travers les choix de consommation des pays riches, ces derniers imposent des coûts énormes aux pays pauvres. Au-delà du financement de la transition écologique, ce raisonnement l’amène à juger que les pollueurs doivent payer pour les dégâts qu’ils ont causés.
L’éducation des enfants
Dans le cadre des travaux menés par Esther Duflo et ses collègues Abhijit Banerjee et Michael Kremer, ils ont travaillé sur le sujet de l’éducation des enfants, notamment dans les pays les plus pauvres.
Ils ont conclu que, dans le cas où il y aurait des jours supplémentaires à l’école, les élèves ne semblaient rien apprendre de plus. Les dépenses réalisées en manuels scolaires ne semblaient pas non plus stimuler l’apprentissage, même si dans la situation des écoles du Kenya qu’ils ont étudiées, il manque de nombreuses fournitures essentielles.
Dans la situation de l’Inde, ils ont constaté que, d’une manière générale, de nombreux enfants semblaient ne pas apprendre grand-chose. En effet, d’après les résultats de tests sur le terrain dans la ville de Vadodara, moins d’un élève de troisième année sur cinq pouvait répondre correctement aux questions du test de mathématiques du programme de première année.
En réponse à ces résultats, ils ont affirmé que les efforts qui visent à scolariser davantage d’enfants doivent être complétés par des réformes destinées à améliorer la qualité de l’enseignement et de l’école.