Informations principales
Henry Thornton est un homme politique, économiste, banquier, philanthrope et abolitionniste anglais, né le 10 mars 1760 à Londres en Angleterre et mort le 16 janvier 1815 dans la même ville.
Thornton était membre de l’Église Évangéliste, et plus particulièrement de la Secte de Clapham, qui était un groupe de prière évangélique à l’intérieur de l’Église anglicane à la fin du 18ème siècle. Ce mouvement organisait des écoles du dimanche, imprimait des bibles à des prix bas et envoyait des missionnaires dans les colonies.
Henry Thornton a été président et trésorier de plusieurs organisations religieuses qui œuvraient pour l’éducation des pauvres et qui aidaient les esclaves émancipés. En tant que philanthrope, avant sa mort, il a fait don de la plupart de sa fortune à des œuvres de charité.
Il a été un parlementaire indépendant de 1782, date de son élection au Parlement, jusqu’à la fin de sa vie. Il a été l’un des partisans les plus actifs de la cause abolitionniste, dont l’objectif était de mettre fin au commerce d’esclaves en Afrique. Avec ses partisans, il a réussi à atteindre son objectif en 1807, date à laquelle le Parlement britannique a voté l’abolition de la traite des Noirs. L’esclavage a finalement été officiellement aboli en 1833 dans l’Empire britannique.
Henry Thornton a été un théoricien central de l’économie monétaire et bancaire, au point d’être un précurseur des travaux d’Irving Fisher, entre autres. Il s’est montré critique envers la théorie quantitative de la monnaie, tout en étant l’un des premiers à comprendre que la monnaie avait un lien étroit avec le crédit. Il a d’ailleurs été décrit comme le père de la Banque centrale moderne, grâce à son travail sur la théorie monétaire en question.
Au-delà de la lutte contre l’esclavage et de ses travaux économiques, il a soutenu des mesures qui étaient considérées comme progressistes à l’époque, telles qu’une entente avec la France (pour mettre fin à la guerre), la paix avec les colonies américaines, l’émancipation des catholiques, le secours aux débiteurs et la réforme des prisons.
La théorie de la monnaie et l’importance de la confiance et de l’information
Le principal ouvrage économique de Henry Thornton est Recherche sur la nature et les effets du papier de crédit en Grande-Bretagne, publié en 1802. À cette époque, la théorie monétaire était dominée par la théorie quantitative de la monnaie, développée notamment par David Hume et par les thèses d’Adam Smith, que Thornton a critiquées.
Henry Thornton a eu une carrière de banquier, ce qui lui a permis de comprendre que la monnaie ne se limite pas aux pièces métalliques et aux billets de banque, mais qu’elle est aussi liée au crédit, ce dernier dépendant, selon lui, de la confiance.
Il considère que le crédit naît avec l’échange, parce que sinon l’obligation de payer immédiatement rendrait l’activité économique très compliquée. Rapidement, se sont mis en place plein de “papiers de crédit”, tels que les lettres de change, billets à ordre, effets commerciaux, etc qui servent de moyens de paiement, au même titre que les billets de banque et que les pièces métalliques. Thornton explique que ces instruments sont dotés de vitesses de circulation très instables et variables. Cette analyse va à l’encontre des théories monétaristes développées notamment par Milton Friedman qui se basent sur la théorie quantitative de la monnaie. En effet, selon cette dernière, la vitesse de circulation de la monnaie est stable. Alors que l’analyse de Thornton implique que la vitesse de circulation de la monnaie évolue.
Cependant, Henry Thornton estime que la confiance, qu’il qualifie de fondement de l’existence du papier de crédit, peut s’effondrer. Afin de prévenir les crises financières et bancaires, il mise beaucoup sur la Banque Centrale. Cette dernière doit être, selon lui, unique et indépendante du gouvernement. Elle doit être la seule à pouvoir émettre du papier-monnaie dans la métropole et elle doit mener une politique discrétionnaire, c’est-à-dire qui s’adapte au fur et à mesure de l’évolution de la situation. Il considère également qu’elle doit avoir le statut de “prêteur en dernier ressort”, c’est-à-dire qu’elle doit être l’institution vers laquelle on se tourne (particulièrement les banques classiques) en dernier pour obtenir des financements quand toutes les autres options ont échouées.
Dans la prévention des crises, il estime que l’information joue un rôle important. En effet, il juge que le fait de diffuser les connaissances commerciales peut contribuer à prévenir les crises du papier de crédit.
La théorie de l’effet cumulatif des variations de prix d’Henry Thornton
Henry Thornton était conscient du danger des fluctuations. Il a développé à ce propos la théorie de l’effet cumulatif des variations de prix. Ces variations sont provoquées par la différence entre le taux d’intérêt de marché (qui est fixé par les banques), et le taux “naturel” (qui dépend de la productivité du capital, et donc des perspectives de profit).
Sur la base de cette analyse, Thornton défend l’abolition du taux maximum légal de l’intérêt (qui était à 5 %), car il considère que cela encourage la spéculation. En effet, il juge qu’à cause des lois contre l’usure, les emprunteurs obtiennent des emprunts à trop bon marché par rapport à ce qu’ils devraient avoir sans ces lois. Il considère donc que les troubles monétaires peuvent avoir des effets négatifs sur le fonctionnement réel de l’économie, en provoquant notamment une diminution de la production et par prolongement, des exportations.
Thornton considère également que le prix du travail n’est pas aussi variable que celui des produits manufacturés, ce qui implique qu’une crise financière peut engendrer une chute de l’emploi, parce que le coût du travail reste important au moment où les entreprises connaissent des difficultés, ce qui les poussent à licencier ou à moins embaucher.
L’opposition entre l’inflation et la déflation et le système de l’étalon-or selon Henry Thornton
En tant que spécialiste de la monnaie et du crédit, Henry Thornton a été lié aux bouleversements financiers et monétaires qui ont eu lieu en Angleterre entre 1793 et 1815, au moment des guerres contre la France (qui vivait la Révolution française et l’époque napoléonienne).
Il a commencé à se pencher sur les problèmes de crédit au moment de la crise monétaire de 1793. Lorsque la Banque d’Angleterre a suspendu la convertibilité en or de la livre sterling en février 1797, il est déjà considéré comme l’un des experts les plus reconnus dans son domaine. C’est à ce titre qu’il témoigne et développe ses idées devant les comités de la Chambre des lords et de la Chambre des communes. Pour lui, la balance du commerce défavorable n’est pas causée par l’excès d’émission monétaire de la part de la Banque d’Angleterre, mais par plusieurs choses arrivées simultanément, à savoir des mauvaises récoltes, la chute des exportations et des dépenses militaires plus importantes à cause de la guerre.
Il juge que lorsque la Banque Centrale a suspendu les paiements, elle n’avait pas suffisamment prêté d’argent. Cela implique, selon lui, que le risque n’est pas l’inflation, mais celui de la baisse des prix (c’est-à-dire la déflation) qui engendrerait une faillite universelle. De plus, selon lui, la circulation du papier-monnaie dépend avant tout de la confiance des différents agents économiques, et non pas d’une garantie permanente de la convertibilité de la monnaie. C’est seulement lorsque la méfiance s’installe que la Banque Centrale peut agir en tant que prêteur en dernier ressort. Thornton a développé ses idées dans son principal ouvrage économique, Recherche sur la nature et les effets du papier de crédit en Grande-Bretagne, publié en 1802.
Toutefois, ultérieurement, Henry Thornton a modifié sa position, mais sans changer son analyse théorique. En effet, cette évolution de sa position s’est produite lors de la crise financière irlandaise de 1804 et lors de la hausse du prix du lingot d’or. Cette dernière a abouti à la création du Bullion Committee en 1810, un comité qui avait pour objectif de replacer la livre sterling sur l’étalon-or. Thornton a participé à la rédaction du Bullion Report, le rapport qui a été présenté au Parlement, dans le cadre de ce comité.
Dans ce rapport, il se rallie finalement à l’idée selon laquelle la hausse du prix du lingot d’or est causée par un excès d’émission de billets de la part de la Banque d’Angleterre. C’est à partir de ce raisonnement qu’il se met à considérer que le principal danger pour l’économie est l’inflation, et non pas la déflation, comme il l’avançait initialement. C’est cela qui le pousse à être favorable à un retour de la convertibilité de la livre sterling en or, ce qui se fera finalement en 1821.
En 1844, la Banque d’Angleterre est réformée afin de la contraindre à couvrir toute émission de billets par des réserves métalliques. Cette position est inspirée de celle de David Ricardo. Thornton, à l’inverse, pense que la masse monétaire doit dépendre avant tout des besoins de l’économie.