
De la création d’une entreprise à la gestion d’un budget public, en passant par l’achat d’un logement ou l’investissement dans une innovation, toute activité économique repose sur une question centrale : comment mobiliser les ressources financières nécessaires ? Comprendre les différents types de financement, c’est donc comprendre ce qui rend possible la production, la croissance et les choix économiques.
Encore faut-il savoir ce que sous-entend exactement le mot “financement”. À quoi sert-il concrètement ? Pourquoi est-il si important, à toutes les échelles ? Avec le temps, il est devenu structurant dans les économies modernes. Mais une autre question se pose rapidement : peut-on financer ses besoins par ses propres moyens ? L’autofinancement suffit-il ? Ce serait peut-être l’idéal, mais en réalité, l’économie dépend de circuits financiers plus larges et plus complexes et rend son recours indispensable.
La dépendance au financement prend des formes variées. Certaines économies privilégient le crédit bancaire, d’autres font appel aux marchés financiers. L’économie d’endettement et l’économie de marchés ont tendance à s’opposer, dans la mesure où elles reflètent deux logiques très différentes de financement. En effet, le canal de financement est différent, et cela change tout. Faut-il donc passer par un intermédiaire, comme une banque, ou peut-on accéder directement aux fonds ? C’est ce qui est appelé l’intermédiation et la désintermédiation. Mais en réalité, les deux peuvent être complémentaires.
Enfin, si une entreprise par exemple fait appel aux marchés financiers, un choix crucial se pose. Faut-il émettre des actions ou des obligations ?
Finalement, le financement n’est jamais neutre, puisqu’il engage des choix stratégiques et des arbitrages qui reflètent les priorités d’un acteur économique, mais aussi les tendances profondes du système financier dans lequel il évolue.
Afin de tout comprendre à cet article ou si vous l’avez manqué, je vous recommande d’aller lire le précédent intitulé : Les enjeux du financement de l’économie.
À quoi sert le financement et pourquoi est-il important ?
Dans toute économie, le financement joue un rôle central. En effet, il permet de transformer des idées, des projets ou des besoins en réalités concrètes. Les ressources propres suffisent rarement pour financer un projet. Sans financement, une entreprise ne peut pas investir, un ménage ne peut pas acheter un logement, ou encore un État ne peut pas construire une école ou une route. Le financement est donc ce qui rend possible l’activité économique dans le présent en mobilisant des ressources, souvent issues de l’épargne passée, ou sur la base d’anticipations sur les revenus futurs.
Pour produire, embaucher ou innover, il faut des moyens. Ces moyens peuvent provenir des ressources propres d’un acteur économique, mais le plus souvent, ils sont donc obtenus grâce à des mécanismes de financement. Ce rôle de “moteur” s’applique à toutes les échelles : de la création d’une petite entreprise à la gestion des finances publiques, en passant par les investissements industriels ou les prêts immobiliers pour les particuliers.
Le financement a aussi une fonction de régulation. Effectivement, il permet de faire circuler l’argent disponible pour l’amener là où il est le plus utile ou le plus rentable. En ce sens, il relie les agents économiques qui disposent d’un excès d’épargne (comme les ménages) à ceux qui ont besoin de capitaux pour se développer ou réaliser leurs projets (comme les entreprises ou les États). Ce lien entre l’épargne et l’investissement est au cœur du fonctionnement des économies modernes.
Enfin, le financement est un révélateur des priorités économiques. Qui finance quoi, dans quelles conditions, et à quel coût ? Ces choix structurent non seulement les stratégies individuelles, mais aussi l’évolution globale d’un pays. Une économie bien financée est une économie capable de se projeter dans l’avenir et qui a les moyens de ses ambitions.
L’économie est-elle autosuffisante financièrement ?
L’idée d’une économie autosuffisante financièrement, c’est-à-dire capable de financer ses besoins uniquement avec ses propres ressources, peut sembler séduisante ou idéale. En théorie, une entreprise qui réinvestit ses bénéfices, un État qui équilibre son budget ou un ménage qui épargne avant d’acheter n’auraient pas besoin d’emprunter ni de solliciter des financements extérieurs. Mais dans la réalité, cette autosuffisance est rarement atteinte, car les besoins de financement excèdent souvent les ressources disponibles à un instant donné.
Les agents économiques ne sont pas tous dans la même situation. Certains, comme les ménages, dégagent généralement un excédent d’épargne, tandis que d’autres, comme les entreprises ou les administrations publiques, ont des besoins de financement réguliers. L’économie repose donc sur une circulation permanente de l’argent entre ceux qui épargnent et ceux qui investissent. Cette dynamique crée une interdépendance structurelle, étant donné qu’aucun agent ne fonctionne en vase clos.
De plus, l’autofinancement, bien qu’important, a ses limites. Une entreprise peut réinvestir ses profits, mais si elle souhaite se développer rapidement, elle devra le plus souvent faire appel à des ressources extérieures. Un ménage peut économiser un temps, mais au moment où il voudra acheter un bien immobilier, il aura rarement la somme en totalité. Sachant qu’en plus, l’investissement implique souvent une prise de risque et une projection dans le futur, ce qui suppose une capacité à mobiliser des fonds au-delà de ce que l’on possède déjà.
Enfin, à l’échelle d’un pays, la question de l’autosuffisance financière se pose aussi en termes de financement extérieur. Une nation peut être contrainte de s’endetter auprès de prêteurs étrangers pour financer son déficit public ou pour soutenir son développement économique. Dans un monde globalisé comme le nôtre où tous les pays ont des liens entre eux, le financement dépasse largement les frontières, et l’autosuffisance apparaît davantage comme une exception que comme une norme.
Économie d’endettement ou économie de marchés financiers ?
Toutes les économies ont besoin de financements, mais elles n’y recourent pas toujours de la même manière. Deux grands modèles se distinguent : l’économie d’endettement et l’économie de marchés financiers. Cette distinction permet de comprendre comment les entreprises et les États accèdent au capital, en fonction du rôle que jouent les banques ou les marchés dans le système financier.
Dans une économie d’endettement, le financement passe principalement par les banques. Ce sont elles qui collectent l’épargne et la redistribuent sous forme de crédits. L’entreprise, pour se développer, sollicite un prêt auprès d’un établissement bancaire, qui évalue le risque et fixe les conditions du financement. Ce modèle repose sur une forte intermédiation financière, c’est-à-dire que la banque joue le rôle d’intermédiaire incontournable entre les agents qui épargnent et ceux qui investissent.
À l’inverse, une économie de marchés financiers donne un rôle prépondérant aux marchés pour assurer le financement. Les entreprises y lèvent des fonds en émettant des actions ou des obligations directement auprès des investisseurs. Ce financement est dit « direct« , car il ne passe pas systématiquement par les banques. Les marchés deviennent alors des plateformes d’allocation du capital où se rencontrent l’offre et la demande de financement.
Ces deux modèles ne sont pas exclusifs. La plupart des pays combinent les deux formes de financement, mais avec des équilibres différents. La France, par exemple, a longtemps été une économie d’endettement, avec un système bancaire très actif dans le financement des entreprises. Les États-Unis, à l’inverse, illustrent le modèle d’une économie largement orientée vers les marchés financiers.
Le passage d’un modèle à l’autre peut refléter une transformation plus profonde, celle de la désintermédiation financière, la recherche d’une plus grande transparence, ou encore le développement d’un capitalisme d’investisseurs. Comprendre ces logiques, c’est mieux saisir la structure et les choix financiers d’un pays.
Intermédiation ou désintermédiation ?
Derrière toute opération de financement se pose une question centrale. Faut-il passer par un intermédiaire financier, comme par exemple une banque, ou peut-on accéder directement aux ressources dont on a besoin ? Cette distinction entre l’intermédiation et la désintermédiation éclaire les transformations profondes du système financier moderne et la manière dont les agents économiques obtiennent les fonds nécessaires à leurs projets.
L’intermédiation repose sur le rôle actif des banques et des institutions financières traditionnelles. Lorsqu’un ménage contracte un prêt immobilier ou qu’une entreprise obtient un crédit d’investissement, la banque collecte les dépôts, évalue les risques, fixe les conditions de remboursement et supporte elle-même le risque en cas de défaut. Elle se place ainsi entre l’épargnant et l’emprunteur en intermédiaire, en assurant un double rôle de filtrage et de transformation des ressources (par exemple en transformant des dépôts à court terme en prêts à long terme).
La désintermédiation, à l’inverse, désigne le processus par lequel les agents accèdent directement aux capitaux sans passer par les circuits bancaires. Elle s’est développée avec l’essor des marchés financiers, en permettant à une entreprise d’émettre elle-même des actions ou des obligations pour lever des fonds. Plus récemment, le développement des technologies numériques a renforcé ce mouvement avec l’émergence du financement participatif (le crowdfunding), des plateformes de prêt entre particuliers (peer-to-peer (P2P) lending) ou encore de certains instruments de finance décentralisée.
La désintermédiation n’est pas sans effets. Elle accroît la concurrence entre les canaux de financement, réduit parfois les coûts pour les emprunteurs et diversifie les sources de financement. Mais elle peut aussi exposer à des risques accrus, tels que le fait d’avoir moins de contrôle, plus de volatilité, et un accès plus inégal selon les profils des emprunteurs ou des projets.
Aujourd’hui, le système financier combine les deux logiques. Les banques conservent un rôle majeur, mais elles coexistent avec de nouvelles formes de financement qui échappent aux modèles traditionnels. Le débat entre intermédiation et désintermédiation reflète donc une transformation continue des circuits de l’économie.
Action ou obligation ?
Lorsqu’une entreprise souhaite se financer sur les marchés financiers, elle dispose de deux instruments principaux : l’action et l’obligation. Ces deux formes de financement répondent à des logiques distinctes, à la fois pour l’émetteur et pour l’investisseur.
Émettre des actions, c’est ouvrir le capital de l’entreprise à des investisseurs. Ceux-ci deviennent alors actionnaires, c’est-à-dire propriétaires d’une part de l’entreprise. Ils ont un droit de vote aux assemblées générales, peuvent percevoir des dividendes et bénéficient d’un gain potentiel si la valeur de l’action augmente. Mais ils prennent aussi un risque, puisqu’en cas de difficulté, ils seront les derniers à être remboursés, et peuvent même tout perdre. Ce type de financement est particulièrement adapté aux entreprises qui veulent se développer sans s’endetter, quitte à céder une partie de leur contrôle.
L’obligation, à l’inverse, est un instrument de dette. L’entreprise (ou l’État) emprunte de l’argent sur les marchés en s’engageant à rembourser le capital à une échéance fixée, avec des intérêts réguliers, appelés coupons. L’investisseur, ici, ne devient pas propriétaire de l’entreprise, il est juste créancier. L’obligation est perçue comme moins risquée que l’action, car le remboursement est prioritaire, même en cas de difficultés. Elle offre en revanche des rendements généralement plus faibles, surtout si l’émetteur est jugé solide.
Le choix entre action et obligation dépend de plusieurs facteurs, comme la structure du capital, la volonté ou non de conserver le contrôle, les conditions de marché, ou encore le niveau des taux d’intérêt. Une entreprise très rentable pourra attirer des actionnaires. Une autre, plus prudente, préférera peut-être s’endetter, surtout si les taux sont bas.
Pour les investisseurs, le dilemme entre action et obligation résume bien l’arbitrage entre le rendement espéré et le niveau de risque. Et pour l’économie dans son ensemble, la coexistence de ces deux instruments reflète la diversité des besoins de financement et des profils d’investisseurs.