
Depuis sa réélection en novembre 2024, Donald Trump est à nouveau au centre de l’actualité mondiale, générant divisions, et parfois fascinations. Par ses décisions résolues, ses ambitions territoriales et son approche économique décomplexée, le président américain soulève une question inattendue mais que je trouve, personnellement, pertinente : n’incarnerait-il pas finalement, à sa manière, un nouveau Louis XIV ? Au premier abord, ils semblent opposés en tout point. D’un côté, il y a le Roi-Soleil, symbole d’un État centralisé, d’un faste monarchique et d’un interventionnisme absolu et de l’autre côté, un président qui prône l’ultralibéralisme, qui mise sur la dérégulation et sur une réduction massive de la taille de l’État. Pourtant, leurs stratégies économiques et leur vision de l’économie et de la grandeur nationale ont d’importantes similitudes, tout en conservant des différences liées à leurs époques respectives.
D’un point de vue économique, les deux dirigeants font usage des ressources publiques pour atteindre des objectifs ambitieux. Louis XIV a mobilisé les finances royales pour ériger Versailles, financer des guerres européennes et promouvoir l’art français, ce qui a contribué à forger l’image d’une France au sommet de sa puissance. À travers son Contrôleur Général des Finances Colbert, il a mis en place une politique mercantiliste (aussi appelée colbertiste en France) dont l’objectif était de faire rentrer et de conserver les métaux précieux comme l’or dans le pays. À travers la détention de métaux précieux, le but final était d’accroître la richesse et la puissance du pays, et donc celle de la monarchie. Le colbertisme repose sur le développement de l’industrie à travers des monopoles d’État et des commandes publiques, un fort protectionnisme, la volonté d’avoir une balance commerciale excédentaire et le développement des colonies. Cette politique a entraîné de nombreuses guerres qui ont permis d’étendre le territoire français et son influence.
Quant à Trump, il se montre enclin à réduire les dépenses de l’État, mais en même temps ne recule pas devant des projets spectaculaires, comme la construction du mur avec le Mexique, des investissements massifs dans l’économie, une forte baisse de la fiscalité, sans parler de l’annexion territoriale qu’il souhaite au Groenland, avec le Canada ou dans le Canal de Panama. Comme Louis XIV, il a une obsession pour la balance commerciale, qu’il juge trop déficitaire avec le reste du monde. Pour arriver à ses fins, il menace le reste du monde de droits de douane et de davantage protéger son économie. Il veut aussi que les États-Unis soient les champions mondiaux dans de nombreux secteurs (comme par exemple celui des cryptomonnaies).
Leurs visions territoriales et géopolitiques offrent également des similitudes fascinantes. Louis XIV voyait l’expansion et la consolidation des frontières comme un moyen de sécuriser le royaume et de renforcer son prestige en Europe. Le contrôle des colonies permettait de fournir à la métropole les ressources primaires nécessaires au commerce. De manière comparable, Trump conçoit l’Amérique comme une puissance qui doit redéfinir ses frontières et son influence mondiale, quitte à adopter des méthodes provocatrices et agressives. Alors que Louis XIV a agrandi le territoire métropolitain avec ses guerres et valorisé l’empire colonial, notamment en Amérique du Nord avec la Nouvelle-France, Donald Trump vise l’annexion du Groenland, la fusion avec le Canada et le contrôle stratégique du canal de Panama.
Autant pour Louis XIV qui voulait consolider sa monarchie absolue, que Trump qui veut remodeler le paysage mondial à sa sauce, l’objectif final des deux dirigeants est la puissance de leur pays et par prolongement, leur propre puissance.
Cependant, des différences fondamentales se révèlent, notamment dans leur rapport au rôle de l’État. Louis XIV, en monarque absolu, incarnait un pouvoir centralisé où toutes les décisions émanaient de lui, tandis que Trump, paradoxalement, cherche à réduire la taille de l’État tout en le mobilisant pour des objectifs précis. Ce mélange d’ultralibéralisme et d’interventionnisme stratégique se révèle être une approche hybride, au final beaucoup moins interventionniste que celle du Roi-Soleil.
Enfin, leurs choix économiques et leurs politiques grandioses soulèvent des questions similaires quant à leur héritage. Louis XIV a laissé derrière lui un royaume puissant, mais financièrement exsangue. Trump, avec ses réformes controversées, pourrait bien léguer une Amérique fragmentée, confrontée à des défis budgétaires et sociaux de grande ampleur.
Comparer Donald Trump à Louis XIV peut, au premier abord, paraître surprenant, mais ils partagent en réalité de nombreuses similitudes. Les mettre côte à côte permet de mieux comprendre les enjeux universels du pouvoir et de la grandeur nationale et peut-être même aussi de mieux comprendre les actions actuelles de Donald Trump et celles qu’il souhaite mettre en œuvre à l’avenir. Si leurs méthodes et les contextes diffèrent profondément, leur quête commune de puissance, de richesse, d’influence et d’un héritage monumental se rejoint.
Centralisation économique ou ultralibéralisme dirigé ?
Louis XIV et Donald Trump, même éloignés par des siècles et des contextes historiques radicalement différents, partagent une conviction commune, à savoir que l’économie doit être mise au service de la puissance nationale. Cependant, leurs visions respectives du rôle de l’État dans ce processus diffèrent nettement. Là où Louis XIV incarnait une centralisation absolue, dirigeant l’économie comme un prolongement de l’autorité royale, Donald Trump prône un ultralibéralisme paradoxal, qui associe réduction de l’État et interventions ciblées. Ces deux approches, bien que distinctes, révèlent des stratégies économiques qui visent à affirmer la souveraineté de leur nation dans des environnements géopolitiques marqués par une compétition acharnée.
Louis XIV et l’économie dirigée
Sous le règne de Louis XIV, l’économie française a été mise au service de l’État et de la monarchie absolue, avec une centralisation sans précédent orchestrée par Jean-Baptiste Colbert, son principal ministre des Finances. Colbert a appliqué les principes du mercantilisme, une doctrine économique selon laquelle la puissance d’un pays se mesure à ses réserves d’or et d’argent, obtenues grâce à un excédent commercial. Cette stratégie impliquait une intervention forte de l’État dans les affaires économiques, afin de maximiser les exportations et de limiter les importations. Pour atteindre cet objectif, Colbert a renforcé le contrôle des industries stratégiques, en créant des manufactures royales pour uniformiser la production et garantir sa qualité. Des secteurs tels que le textile, la soie, les glaces et miroirs, et les armes ont été particulièrement développés, ce qui a permis de consolider la puissance économique française.
Cette centralisation ne se limitait pas aux industries. Louis XIV, à travers Colbert, a développé une politique ambitieuse de commerce international, en fondant des compagnies commerciales comme la Compagnie des Indes orientales, destinées à rivaliser avec l’Angleterre et les Pays-Bas, qui étaient alors dominants dans les échanges maritimes. Ces compagnies, sous monopole d’État, incarnaient une volonté de contrôler les routes commerciales et de capter une part accrue des richesses mondiales. Parallèlement, des infrastructures nationales ont été modernisées pour favoriser le commerce intérieur, notamment grâce à l’aménagement des ports et des canaux.
Afin de renforcer les exportations et de réduire les importations, Louis XIV et Colbert n’ont pas hésité à utiliser les commandes publiques (notamment pour les travaux du château de Versailles), les subventions ou encore les droits de douane.
Cependant, cette économie dirigée ne s’est pas faite sans coûts. Cela a engendré des guerres incessantes et les projets fastueux, comme la construction du château de Versailles, ont lourdement plombé les finances publiques. Pour financer ces ambitions, le poids fiscal sur les classes populaires s’est beaucoup accru, ce qui a exacerbé les tensions sociales. En cherchant à placer l’économie au service exclusif de la grandeur de l’État, Louis XIV a posé les bases d’un modèle centralisé et interventionniste, dont l’efficacité immédiate a probablement masqué les déséquilibres qu’il a généré à plus long terme.
Donald Trump et un ultralibéralisme paradoxal
L’entrée officielle en fonction de Donald Trump en ce début d’année 2025, a marqué un tournant décisif dans la politique économique des États-Unis. Il incarne un mélange d’ultralibéralisme revendiqué, mais en même temps, aux contours paradoxaux. En effet, même si Trump prône la réduction du rôle de l’État, ses décisions économiques révèlent une approche hybride, qui mêle dérégulation, austérité budgétaire et projets stratégiques de grande envergure.
Parmi les mesures les plus emblématiques de ce début de mandat figure la nomination d’Elon Musk, homme le plus riche du monde, à un poste clé du gouvernement, avec pour mission de réduire de 2 000 milliards de dollars les dépenses publiques (sur un total de 6 750 milliards de dollars). Cette initiative vise à rationaliser drastiquement l’appareil fédéral, notamment pour restaurer l’équilibre budgétaire et surtout pour défendre la vision d’une moindre intervention de l’État dans l’économie. Pour eux, l’État est un obstacle au bon fonctionnement de l’économie, à la production et donc à la création de richesse.
En même temps que la réduction drastique du poids de l’État dans l’économie, Donald Trump veut mettre en place des baisses majeures des impôts et taxes, autant sur les entreprises que pour les ménages américains. Son objectif est de stimuler la compétitivité des entreprises pour les rendre plus performantes et de baisser les charges qui pèsent sur les consommateurs. Pour arriver à ses fins, il est prêt à fortement creuser les déficits publics, et par prolongement la dette publique.
Dans cette même logique, Trump veut engager la suppression du ministère de l’Éducation, qu’il considère comme un bastion « woke » et progressiste. Il le juge donc incompatible avec ses valeurs conservatrices et son idéal d’un État allégé. Cette décision s’inscrit dans une vision selon laquelle la gestion des systèmes éducatifs devrait revenir aux États fédérés ou au secteur privé, perçus comme plus compétent et moins idéologisé. Ces réformes illustrent une volonté de minimiser l’intervention fédérale, tout en laissant au marché le soin de réguler les domaines non stratégiques.
Par ailleurs, Donald Trump n’a jamais caché son obsession pour la balance commerciale américaine. Largement déficitaire avec le reste du monde, il se fait un point d’honneur à la rééquilibrer, menaçant les autres pays ou continents de droits de douane très élevés. Il incite également vivement les entreprises américaines, mais également étrangères, à mettre leurs usines et leurs bureaux dans le pays.
Cependant, cette réduction du rôle de l’État s’accompagne de projets ambitieux, voire interventionnistes, dans des secteurs qu’il juge essentiels à la souveraineté nationale. Le développement des infrastructures, les investissements dans certains secteurs qu’il juge essentiels comme celui de l’énergie pour faire baisser les prix et la relocalisation de certaines industries stratégiques témoignent d’une attention particulière aux enjeux économiques globaux. Il a par exemple durant son premier mandat fortement augmenté le budget de la défense. Paradoxalement, ce mélange de libéralisme économique et de protectionnisme illustre la dualité de la politique trumpienne. En effet, d’un côté, il y a la volonté de réduire le périmètre de l’État dans les domaines jugés non essentiels, et de l’autre, une mobilisation active des ressources publiques pour servir des objectifs politiques et économiques nationaux.
Ce paradoxe trouve un écho dans son alliance avec des figures emblématiques du capitalisme contemporain, comme Elon Musk, homme le plus riche du monde, qui incarne à la fois l’esprit d’innovation et une gestion privée à grande échelle. Si Trump affirme vouloir libérer l’économie des contraintes administratives, ses politiques reflètent néanmoins une vision stratégique dans laquelle l’État demeure un acteur clé, au service d’une idéologie résolument tournée vers la primauté du marché. Ce positionnement hybride, à mi-chemin entre ultralibéralisme et interventionnisme ciblé, révèle les tensions et les paradoxes propres à sa vision économique, à savoir réduire le poids de l’État tout en s’assurant qu’il reste un instrument puissant pour asseoir la grandeur nationale.
Un mercantilisme commun, mais des nuances importantes
Si Louis XIV et Donald Trump se distinguent par leurs contextes historiques et leurs approches respectives de l’économie sur certains points, une idée commune les rapproche, à savoir l’utilisation de la politique économique pour renforcer la puissance nationale. Cette logique, qui évoque le mercantilisme, se traduit par une volonté de maximiser les richesses nationales en contrôlant les échanges et en favorisant des secteurs stratégiques. Cependant, leurs méthodes et leurs priorités diffèrent, ce qui s’explique par les spécificités de leur époque.
Pour Louis XIV, le mercantilisme était une doctrine explicite, guidée par le désir d’accumuler de l’or et de l’argent en réduisant les importations et en augmentant les exportations. Ce modèle s’appuyait sur une intervention étatique massive dans les industries, avec des monopoles d’État, des manufactures royales et des compagnies de commerce qui cherchaient à dominer les routes maritimes. Cette centralisation avait pour but de faire de la France une puissance économique autosuffisante, capable de rivaliser avec les grands empires commerciaux de l’époque, comme l’Angleterre. L’État, incarné par le roi, jouait un rôle omniprésent dans l’organisation de l’économie, dictant les priorités nationales.
Donald Trump, quant à lui, ne s’inscrit pas dans une tradition mercantiliste formelle, mais ses politiques révèlent des similitudes. Son slogan « America First » reflète une approche protectionniste qui vise à limiter les importations étrangères, notamment en provenance de la Chine, et à encourager le rapatriement des industries vers les États-Unis. Les tarifs douaniers et les incitations fiscales pour les entreprises américaines illustrent cette volonté de contrôler les flux commerciaux au profit de la puissance nationale. Toutefois, contrairement à Louis XIV, Trump s’appuie sur des acteurs privés, comme Elon Musk, pour porter ces projets, dans une démarche où le rôle de l’État est davantage celui de facilitateur que de maître d’œuvre.
Par ailleurs, étant aujourd’hui dans un monde beaucoup plus globalisé qu’à l’époque, Donald Trump, à rebours des dernières décennies, mise sur des négociations bilatérales et des rapports de force pour redéfinir les accords commerciaux existants, comme il l’a fait avec l’Accord Canada–États-Unis–Mexique ou en critiquant l’OMC. En ce début d’année 2025, il a également signé un décret pour manifester sa volonté que les États-Unis quittent l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Même si ces deux figures partagent une vision économique où la prospérité est subordonnée aux ambitions nationales, leurs moyens diffèrent. L’intervention étatique massive de Louis XIV contraste avec le libéralisme stratégique de Trump, où l’État se retire tout en mobilisant des alliés privés. Ce « mercantilisme moderne » propre à Trump reflète les défis d’un monde globalisé, où la centralisation économique classique n’est plus toujours adaptée, mais où l’objectif ultime reste le même, à savoir faire de l’économie un outil de souveraineté et de puissance.
Ambitions territoriales et contrôle géopolitique
Pour Louis XIV, comme pour Donald Trump, l’expansion territoriale est bien plus qu’une simple quête de terres. En effet, elle constitue un levier essentiel pour affirmer leur vision du pouvoir et de la grandeur nationale. Tous deux ont conçu des stratégies qui visent à étendre leur influence, renforcer leur souveraineté et sécuriser des ressources clés. Pourtant, si Louis XIV s’appuyait sur des guerres dynastiques et un appareil militaire centralisé pour asseoir l’hégémonie française en Europe, Trump inscrit ses ambitions dans un cadre contemporain, qui mêle négociations controversées, interventions économiques et pressions géopolitiques. Ces deux visions, même si elles sont différentes dans leur mise en œuvre, reflètent une constante, celle de l’expansion comme outil de domination sur la scène internationale.
Louis XIV : conquêtes et consolidation du territoire
Le règne de Louis XIV a été marqué par une ambition territoriale sans précédent, guidée par l’objectif de faire de la France une puissance dominante en Europe, et par prolongement dans le monde. Cette stratégie s’appuyait sur des campagnes militaires audacieuses, une diplomatie habile et une administration centralisée qui renforçait le contrôle sur les territoires nouvellement acquis. Louis XIV voyait dans l’expansion territoriale un moyen d’assurer la sécurité du royaume, de sécuriser l’accès à des matières premières stratégiques, d’accroître sa richesse et de consolider son prestige.
Dès le début de son règne personnel, le roi a engagé la France dans des guerres stratégiques, telles que la guerre de Dévolution (1667-1668) ou encore la guerre de Hollande (1672-1678), qui lui ont permis d’annexer des régions clés comme la Franche-Comté et plusieurs territoires dans les Flandres. Ces conquêtes répondaient à une double logique, défendre les frontières françaises tout en accédant à de nouvelles ressources économiques. Par ailleurs, la politique des « Réunions », menée dans les années 1680, consistait à revendiquer des territoires limitrophes sous prétexte de droits juridiques anciens. Cette méthode a permis d’intégrer au royaume des zones stratégiques sans recourir systématiquement à la guerre.
En parallèle, Louis XIV a renforcé son emprise sur les colonies françaises, notamment en Amérique du Nord avec la Nouvelle-France, aux Caraïbes et en Inde, afin de rivaliser avec les puissances maritimes comme l’Angleterre et les Pays-Bas. Ces territoires ultramarins servaient à alimenter l’économie française en matières premières, tout en ouvrant de nouveaux débouchés pour les produits manufacturés. Cette dimension coloniale complétait la vision européenne du roi, faisant de la France une puissance à la fois continentale et maritime.
Cependant, ces ambitions territoriales avaient un coût élevé. Les guerres constantes, même si elles ont souvent été couronnées de succès, ont épuisé les finances du royaume et ont alourdi le fardeau fiscal. De plus, l’expansion de la France a suscité des coalitions européennes hostiles, comme la Ligue d’Augsbourg, qui cherchaient à contenir l’hégémonie française. Ces résistances ont montré les limites d’une politique expansionniste qui, même glorieuse sur le plan symbolique, a contribué au final à fragiliser l’équilibre interne du royaume.
Donald Trump : l’expansion américaine du 21ème siècle
Réélu en novembre 2024 et entré en fonction ce lundi 20 janvier 2025, Donald Trump a entrepris de redéfinir le rôle des États-Unis sur la scène mondiale, en adoptant une politique expansionniste téméraire. Contrairement à ses prédécesseurs, qui privilégiaient une influence économique et diplomatique, Trump n’hésite pas à revendiquer des acquisitions territoriales directes, s’inspirant ainsi des grandes ambitions impériales des siècles passés. Cette vision d’une « Amérique élargie » traduit une volonté de renforcer la souveraineté économique, géopolitique et militaire des États-Unis, tout en défiant les normes internationales.
L’un des projets les plus emblématiques de cette expansion est la proposition de fusion entre les États-Unis et le Canada, pour faire du voisin nordique le 51ème État américain. Trump justifie cette ambition par la complémentarité économique des deux nations, notamment dans les secteurs de l’énergie et des ressources naturelles, ainsi que par la nécessité d’assurer une frontière nord plus cohérente et sécurisée. Cette initiative a suscité des débats houleux au Canada et dans la communauté internationale.
En parallèle, le Groenland est devenu une cible prioritaire pour l’administration Trump. Déjà évoquée lors de son premier mandat, l’idée d’annexer cette île stratégique a été remise sur la table, cette fois avec la menace explicite d’un recours à la force si les négociations échouaient. L’intérêt pour le Groenland repose principalement sur ses ressources naturelles, son potentiel pour les routes maritimes polaires et son importance géostratégique dans l’Arctique, face à la montée en puissance de la Russie et de la Chine dans la région.
Enfin, Trump a ravivé l’ambition américaine de contrôler le canal de Panama, autrefois sous administration américaine jusqu’en 1999. Présenté comme un enjeu stratégique pour garantir la liberté de navigation et protéger les intérêts économiques des États-Unis en Amérique latine, ce projet s’inscrit dans une logique de projection de puissance. L’objectif affiché est également de contenir la montée en puissance de la Chine et de ses alliés. Si ce plan reste encore en phase de diplomatie, l’administration Trump a clairement indiqué qu’elle ne reculerait pas devant des actions plus directes pour garantir ses intérêts dans cette région clé.
Cette expansion américaine du 21ème siècle marque un retour à une politique de conquête assumée, bien qu’adaptée aux réalités contemporaines. Trump articule son projet autour d’une rhétorique nationaliste, où l’expansion territoriale est présentée comme un levier pour renforcer la grandeur et la sécurité des États-Unis. Cependant, cette approche suscite de vives critiques, tant au niveau intérieur, qu’international, en raison de son caractère controversé et de ses implications pour la stabilité géopolitique mondiale.
Trump, dans la vision expansionniste de Louis XIV
Si Donald Trump et Louis XIV évoluent dans des contextes historiques diamétralement opposés, une similitude frappante se dessine dans leur vision de l’expansion territoriale, à savoir une quête assumée de grandeur nationale. À travers leurs politiques respectives, les deux leaders montrent que l’expansion n’est pas seulement une affaire de territoire, mais également un moyen de projeter la puissance de leur nation sur la scène internationale. Cependant, leurs approches, leurs justifications et leurs outils diffèrent sensiblement, puisqu’elles prennent en compte les réalités de leurs époques respectives.
Pour Louis XIV, l’expansion territoriale était un moyen direct de renforcer le royaume et de sécuriser ses frontières. Par des conquêtes militaires, des mariages stratégiques et des annexions administratives, le Roi-Soleil a cherché à étendre l’influence française tout en consolidant une identité nationale forte. Ses guerres dans les Pays-Bas espagnols ou la Franche-Comté, tout comme ses revendications sur les terres voisines par le biais des Réunions, avaient pour objectif de rendre la France plus riche, plus forte et mieux protégée. L’expansion de l’empire colonial complétait cette ambition, en ouvrant de nouvelles voies de commerce et en renforçant le rôle de la France dans l’économie mondiale.
De son côté, Donald Trump réinterprète cette logique expansionniste dans un cadre moderne. Bien qu’il ne s’agisse plus de guerres dynastiques ou de monarchies absolues, ses ambitions pour annexer le Groenland, fusionner les États-Unis avec le Canada ou reprendre le contrôle du canal de Panama traduisent une volonté similaire de consolidation territoriale et de projection de puissance. Pour Trump, ces projets répondent à des impératifs économiques et géopolitiques, à savoir sécuriser des ressources naturelles, contrôler des infrastructures stratégiques et affirmer la suprématie des États-Unis dans un monde multipolaire. Cependant, contrairement à Louis XIV, qui s’appuyait sur une administration centralisée et un appareil militaire massif, Trump privilégie une approche qui mêle pressions diplomatiques, alliances avec des figures du secteur privé et menaces de recours à la force.
Malgré les différences évidentes, l’esprit qui anime Trump et Louis XIV reste comparable, à savoir une croyance dans la grandeur de leur nation et dans le rôle central du dirigeant pour l’accomplir. Les deux s’appuient sur une rhétorique nationaliste pour justifier leurs ambitions. Louis XIV glorifiait le royaume de France comme un modèle européen, tandis que Trump promeut l’idée d’une « America First » qui impose ses règles au reste du monde. Cependant, l’époque de Louis XIV permettait une conquête plus directe, tandis que Trump doit naviguer dans un cadre géopolitique marqué par des institutions internationales et des normes juridiques qui limitent les ambitions impériales classiques.
Le rôle de l’État : entre grandeur nationale et défis budgétaires
Le recours aux finances publiques pour servir des ambitions nationales reflète une vision particulière du rôle de l’État, que ce soit sous Louis XIV ou sous Donald Trump. Tandis que le premier voyait dans la centralisation des ressources un moyen de renforcer l’autorité monarchique et de magnifier la France, le second prône officiellement la réduction de l’État tout en l’utilisant comme levier pour des projets ambitieux et stratégiques. Ces approches, malgré le fait qu’elles soient divergentes, soulèvent des défis communs, et notamment savoir comment concilier la quête de grandeur nationale avec les limites budgétaires. Ce tiraillement entre ambition et contrainte économique constitue un point central de leur gouvernance.
Les dépenses fastueuses de Louis XIV
Louis XIV, surnommé le Roi-Soleil, a laissé une empreinte indélébile sur l’histoire de France, non seulement par son règne, mais aussi par son goût pour le faste et la grandeur. Ses dépenses somptuaires, souvent critiquées, étaient avant tout un outil politique destiné à asseoir son autorité absolue et à glorifier la monarchie française. Elles reflétaient une vision du pouvoir où la splendeur du roi devait symboliser la puissance et l’unité du royaume.
Le projet le plus emblématique de cette politique de prestige a sans aucun doute été la construction du château de Versailles. Avec la transformation d’un modeste pavillon de chasse en une résidence royale somptueuse, Versailles est devenu le cœur du pouvoir, abritant une cour fastueuse et un système administratif entièrement dédié au service du roi. Ce chantier titanesque, qui a mobilisé des milliers d’ouvriers et les meilleurs artistes de l’époque, a englouti une part significative des finances royales. Pourtant, il a permis à Louis XIV de renforcer son contrôle sur la noblesse en concentrant ses membres à la cour, et en éloignant les ambitions provinciales, grâce à la centralisation du pouvoir.
Au-delà de Versailles, les guerres menées par Louis XIV ont été une autre source majeure de dépenses. Les campagnes militaires, même stratégiques pour la consolidation et l’expansion du royaume, impliquaient un coût exorbitant, entre l’entretien des armées, le financement des fortifications construites par Vauban, et les pensions versées aux soldats. Ces dépenses militaires, combinées à celles de la cour, ont considérablement alourdi le fardeau fiscal du royaume, ce qui a suscité un mécontentement croissant parmi les classes populaires et les élites économiques.
Par ailleurs, Louis XIV a massivement investi dans le mécénat artistique et culturel, dans l’objectif de faire de la France un modèle de raffinement en Europe. La musique de Lully, les pièces de Molière, les jardins de Le Nôtre et les fresques de Le Brun servaient autant à magnifier la cour qu’à propager l’image d’une monarchie triomphante. Ces dépenses somptuaires, malgré le fait qu’elles aient été onéreuses, ont participé à l’essor du rayonnement français et ont consolidé l’idée que le roi incarnait l’État.
Cependant, cette politique de dépenses fastueuses a eu des conséquences économiques négatives. Elle a contribué à un endettement massif, exacerbé par une fiscalité pesant principalement sur les classes les plus modestes. Malgré les efforts de Colbert pour équilibrer les finances, le poids des dépenses de prestige a affaibli la capacité du royaume à répondre aux crises, ce qui a préparé le terrain aux difficultés économiques et sociales de l’après Louis XIV.
Trump et la réduction de l’État
Réélu fin 2024, Donald Trump s’est engagé à poursuivre une politique de réduction drastique de la taille et du rôle de l’État fédéral, incarnant une vision d’un ultralibéralisme pragmatique. Sous son mandat à venir, cette approche va normalement se traduire par une série de mesures majeures visant à diminuer les dépenses publiques, redéfinir les priorités gouvernementales et recentrer l’action fédérale sur ce qu’il considère comme des fonctions essentielles, au détriment des institutions qu’il juge obsolètes ou contraires à son idéologie. Durant son premier mandat, il a par exemple fortement augmenté le budget de la défense.
L’un des piliers de cette politique est l’objectif affiché de réduire les dépenses de l’État fédéral de 2 000 milliards de dollars, une mission confiée à Elon Musk, devenu une figure-clé de son administration. Musk, connu pour son approche disruptive et son penchant pour l’efficacité technologique, a été chargé d’identifier les secteurs où l’État pourrait se désengager au profit du secteur privé ou d’une rationalisation des coûts. Cette alliance entre Trump et Musk symbolise une gestion économique inspirée du monde des affaires, où la performance et les résultats priment sur les traditions bureaucratiques.
Parmi les réformes les plus controversées figure notamment la suppression du ministère de l’Éducation, que Trump accuse de promouvoir une idéologie « woke » et progressiste, éloignée des valeurs américaines traditionnelles qu’il veut défendre. Ce démantèlement vise à redonner le contrôle de l’éducation aux États et aux communautés locales, tout en réduisant les dépenses fédérales associées. Cette décision, bien qu’applaudie par une partie de sa base conservatrice, suscite des critiques virulentes, notamment de la part des syndicats enseignants et des défenseurs de l’éducation publique, qui craignent une accentuation des inégalités scolaires.
En parallèle, Trump veut poursuivre son programme de privatisations et de dérégulations, amorcé lors de son premier mandat. Des secteurs tels que les infrastructures, la santé et les énergies renouvelables vont probablement voir leurs financements fédéraux diminuer, voire être supprimés, avec l’espoir affiché de stimuler l’innovation et de réduire le poids de l’État sur l’économie. Cette approche, cependant, s’accompagne de risques, puisque le désengagement de l’État pourrait exacerber les disparités régionales et sociales, tout en exposant certains secteurs stratégiques à des logiques purement marchandes.
Paradoxalement, cette politique de réduction de l’État coexiste avec des initiatives interventionnistes, comme les projets d’expansion territoriale ou les politiques protectionnistes qui visent à protéger les industries américaines. Ce mélange d’ultralibéralisme et de nationalisme économique reflète une vision où l’État se retire des domaines jugés secondaires pour se concentrer sur ceux qui servent directement les intérêts stratégiques du pays.
Les deux dirigeants utilisent les finances publiques pour des projets grandioses, mais différemment
Louis XIV et Donald Trump, bien que séparés par des siècles et des contextes radicalement différents, partagent une caractéristique commune, à savoir l’utilisation des finances publiques pour façonner leur vision grandiose du pouvoir. Cependant, si leur recours à ces ressources reflète une ambition similaire de marquer leur époque, leurs méthodes et priorités divergent profondément, ce qui révèle des conceptions distinctes de l’État et de son rôle dans la société.
Louis XIV voyait dans les finances publiques un instrument essentiel pour asseoir la gloire de la monarchie. Son règne est jalonné de projets spectaculaires, tels que la construction du château de Versailles, véritable symbole de la centralisation absolue du pouvoir et de la grandeur française. Le roi mobilisait les ressources du royaume pour financer des guerres, des fortifications et des œuvres culturelles, dans le but de consolider l’image d’un État puissant et raffiné. Cette gestion centralisée des finances publiques, orchestrée notamment par Colbert, visait à renforcer la souveraineté du royaume tout en montrant la suprématie du roi sur ses sujets et ses rivaux européens. Ces dépenses fastueuses, parfois critiquées pour leur coût, étaient au service d’une vision cohérente qui était celle de glorifier la France et de maintenir l’autorité royale.
À l’inverse, Donald Trump adopte une approche plus contradictoire. Prônant officiellement une réduction massive des dépenses publiques, il n’hésite pas à employer les finances fédérales pour des projets qu’il juge stratégiques ou emblématiques de sa vision de l’Amérique. Son projet de fusion avec le Canada, son ambition d’annexer le Groenland, sa volonté de réinvestir dans le contrôle du canal de Panama, sa volonté de faire des États-Unis un leader dans certains secteurs, de baisser massivement la fiscalité ou encore celle de relancer la construction de son mur avec le Mexique nécessitent des investissements colossaux, avec probablement une mobilisation à la fois des fonds publics et des partenariats privés. Ces initiatives, alignées sur son slogan « Make America Great Again », s’éloignent des principes d’ultralibéralisme stricts pour refléter une forme d’interventionnisme ciblé, destiné à renforcer la suprématie géopolitique des États-Unis.
Cette différence s’exprime aussi dans leur rapport au prestige et à l’opinion publique. Là où Louis XIV concevait ses projets comme des symboles intemporels de la grandeur française, Trump les inscrit dans une logique médiatique, en visant des résultats immédiats et une valorisation personnelle. Sa politique économique repose sur des choix spectaculaires, souvent polarisants, qui cherchent à impressionner sa base électorale tout en consolidant son image de leader disruptif.
Malgré ces divergences, les deux dirigeants se rejoignent sur un point. Leurs projets, bien que grandioses, pèsent lourdement sur les finances publiques et suscitent des controverses quant à leur nécessité et à leur durabilité. Louis XIV a laissé un royaume endetté et fiscalement précaire, tandis que la politique de Trump, qui combine réductions fiscales massives et investissements ambitieux, risque de creuser davantage le déficit fédéral. Dans les deux cas, l’usage des ressources publiques reflète une volonté de marquer l’histoire, quitte à en faire porter le coût aux générations futures.
Trump partage de nombreux points communs avec Louis XIV, mais aussi des différences évidentes
Comparer Donald Trump à Louis XIV, c’est rapprocher deux figures emblématiques aux ambitions démesurées, dont les styles de gouvernance et les contextes révèlent à la fois des parallèles frappants et des différences importantes. Si leurs quêtes respectives de grandeur nationale les placent dans une lignée commune, leurs méthodes et les réalités de leur époque façonnent des trajectoires singulières.
Tout d’abord, la centralité du pouvoir est un point de convergence majeur. Louis XIV, à travers la monarchie absolue, incarnait pleinement l’idée que l’État se confond avec la personne du roi. Tout le monde connaît ce proverbe « L’État, c’est moi », qu’il n’a d’ailleurs probablement jamais dit. Quant à Trump, même s’il a été élu dans un cadre démocratique, partage une approche similaire, centrée sur sa personnalité et sa capacité à imposer sa vision. Son recours fréquent à des ordres exécutifs et son mépris des contre-pouvoirs rappellent la volonté de Louis XIV de marginaliser les parlements locaux et d’affirmer la supériorité de sa propre autorité. Cette personnalisation du pouvoir, toutefois, prend chez Trump une tournure hypermédiatique, alimentée par les réseaux sociaux et une stratégie de polarisation constante, à des années-lumière des dynamiques feutrées de la cour de Versailles.
Sur le plan économique, les deux hommes mobilisent des ressources considérables pour réaliser des projets qui reflètent leur vision de la grandeur nationale. Pour Louis XIV, il s’agissait d’un faste visible, comme la construction de Versailles, le financement de campagnes militaires ou le mécénat culturel qui servaient à immortaliser l’image d’une monarchie puissante et rayonnante. Trump, de son côté, alloue les ressources fédérales de manière plus paradoxale. Même s’il prône la réduction de l’État, il n’hésite pas à investir massivement dans des projets importants, comme la construction du mur à la frontière avec le Mexique, dans la baisse conséquente de la fiscalité ou dans des infrastructures stratégiques qui visent à renforcer le leadership américain. Ces initiatives, même si elles sont éloignées des splendeurs de Louis XIV, traduisent une même obsession, à savoir laisser une empreinte durable sur l’histoire.
Cependant, leur rapport au rôle de l’État et à la modernité marque une différence fondamentale. Louis XIV considérait l’État comme l’incarnation directe de sa volonté et le moteur principal du développement national. En revanche, Trump cherche à démanteler de nombreuses institutions fédérales, à déléguer certaines fonctions au secteur privé et à recentrer l’action publique sur des objectifs qu’il juge stratégiques. Cette vision, portée par des figures comme Elon Musk dans son administration, reflète un ultralibéralisme pragmatique, en décalage avec l’interventionnisme centralisé du Roi-Soleil. Toutefois, la politique de Trump pour l’international et l’extérieur de son pays est plus nuancée puisqu’il partage la même obsession que Louis XIV pour une balance commerciale excédentaire, étant prêt à imposer des droits de douane et à déclarer des guerres commerciales s’il le juge nécessaire pour atteindre ses objectifs.
Par ailleurs, autant Louis XIV que Donald Trump s’inscrivent dans une logique de rivalité avec les autres pays, cherchant à renforcer la position de la France au cœur du Vieux Continent pour l’un, et imposer les États-Unis comme une puissance hégémonique à l’échelle mondiale pour l’autre. Ses ambitions pour fusionner les États-Unis avec le Canada, contrôler le canal de Panama ou annexer des territoires comme le Groenland témoignent d’une vision expansionniste qui est marquée par les enjeux de la mondialisation et du contrôle des ressources stratégiques. À travers ses nombreuses guerres et le développement de l’empire colonial, Louis XIV a non seulement consolidé les frontières de la France, mais les a également agrandies.
Enfin, leurs héritages respectifs posent des questions similaires, mais dans des contextes différents. Louis XIV a laissé derrière lui un royaume au sommet de son rayonnement culturel et militaire, mais épuisé par des guerres coûteuses et un système fiscal inégalitaire. Trump, à travers ses politiques de réduction de l’État et ses dépenses controversées, risque également de creuser les inégalités sociales et d’alourdir le déficit américain, tout en laissant un pays profondément divisé.