
Le financement de l’économie n’est pas qu’une affaire lointaine et déconnectée de banques ou de marchés financiers. Effectivement, c’est un mécanisme central qui permet aux projets de naître, aux activités de se développer et de croître, ainsi qu’aux sociétés de se transformer. À travers lui, les ressources disponibles sont mises en circulation, en reliant ceux qui disposent d’un excédent d’épargne (c’est-à-dire qui ont une capacité de financement) à ceux qui en ont besoin pour consommer, produire ou investir (c’est-à-dire qui ont un besoin de financement).
L’argent circule ainsi entre les différents acteurs économiques, dans un système de flux où les ménages, les entreprises, les États, ou encore les institutions financières telles que les banques, interagissent en permanence. Les entreprises, en particulier, s’appuient sur le financement pour lancer de nouveaux projets, innover, moderniser leurs équipements ou conquérir de nouveaux marchés. Sans accès au crédit ou à l’investissement, leur croissance serait rapidement freinée et il leur faudrait peut-être des années ou même des décennies pour réunir l’argent nécessaire à leurs projets.
Les ménages ne sont pas en reste, puisque même s’ils épargnent beaucoup, ils sollicitent aussi des financements importants, notamment pour l’acquisition de leur logement. Cette double position d’épargnants et d’emprunteurs fait d’eux un élément indispensable du système financier. Par ailleurs, la stabilité de ce système repose sur des institutions comme les banques centrales, qui assurent la régulation monétaire, pilotent les taux d’intérêt et veillent au bon fonctionnement des marchés, tout en restant indépendantes des décisions politiques.
Dans cet ensemble complexe, les États jouent un rôle majeur. Leurs besoins de financement sont considérables, qu’il s’agisse de financer les services publics, d’investir dans les infrastructures ou de soutenir l’activité en période de crise. Leur capacité à emprunter, notamment sur les marchés, a donc une influence directe sur l’économie. Leur impact est d’autant plus important que leur taille surpasse largement celle des ménages et des entreprises dans les pays développés.
En fin de compte, le financement agit comme une force structurante, dans la mesure où il peut soutenir la croissance, favoriser les transformations technologiques ou écologiques, mais aussi engendrer des déséquilibres s’il est mal réparti ou mal orienté. Comprendre ces enjeux est essentiel pour mieux saisir les dynamiques profondes qui façonnent nos économies.
Afin de tout comprendre à cet article ou si vous l’avez manqué, je vous recommande d’aller lire le précédent intitulé : Le financement de l’économie.
Les agents économiques qui ont de l’argent prêtent à ceux qui en ont besoin
Le financement de l’économie repose sur un principe fondamental, à savoir que ceux qui disposent d’une capacité de financement mettent leurs ressources à disposition de ceux qui ont un besoin de financement. C’est un mécanisme d’échange essentiel au bon fonctionnement de toute économie. D’un côté, certains agents comme les ménages, les entreprises très rentables ou encore certains États, disposent d’un excédent de ressources qu’ils peuvent placer ou prêter. De l’autre, des agents économiques (d’autres ménages ou entreprises, ainsi que les États) ont besoin de capitaux pour consommer, investir, ou faire face à des dépenses plus importantes que leurs revenus.
Ces flux financiers peuvent passer par deux grands circuits, à savoir le circuit direct, lorsque les épargnants placent leur argent sur les marchés financiers en achetant par exemple des actions ou des obligations, et le circuit indirect, lorsque les banques et les institutions financières jouent un rôle d’intermédiaire entre les épargnants et les emprunteurs, en collectant l’épargne pour la redistribuer sous forme de prêts, et dans les deux cas en échange d’intérêts.
Le marché financier sur lequel se réalisent les émissions de titres est appelé le marché primaire ou le marché du “neuf”. Le marché secondaire ou marché de l’occasion est plus connu sous le nom de Bourse ou alors Bourse des valeurs mobilières. C’est là que s’échangent les titres déjà émis et qui font l’objet d’une cotation (c’est-à-dire d’une évaluation qui permet d’établir leurs prix grâce à l’offre et à la demande). Le contrôle et la régulation des opérations boursières sont faits par l’AMF (Autorité des Marchés Financiers).
En France, il y a par exemple le CAC40, qui est l’indice boursier phare de la Bourse de Paris. La signification de CAC est Cotation Assistée en Continu, ce qui signifie que sa valeur varie constamment (toutes les 15 secondes) tous les jours ouvrés de 9h à 17h30. Le CAC40 rassemble les 40 entreprises les plus représentatives des différentes branches d’activité en France parmi les 100 plus fortes capitalisations boursières.
Tous ces processus permettent d’emmener l’épargne où elle est nécessaire et faire en sorte qu’elle ne reste pas inactive, et même qu’elle devienne un moteur de l’activité économique. En facilitant la circulation de l’argent, le financement contribue à créer de la richesse, à soutenir l’innovation, à répondre aux besoins des ménages et des entreprises, et à assurer le bon fonctionnement de l’État.
Mais ce système repose sur un équilibre fragile, puisque la confiance des prêteurs, la solvabilité des emprunteurs, et la qualité des intermédiaires financiers sont autant de conditions pour que ce flux, entre ceux qui ont de l’argent et ceux qui en ont besoin, fonctionne sans problème. Cela signifie qu’au-delà du simple transfert de fonds, c’est toute une organisation économique, sociale et institutionnelle qui intervient.
Les investissements ont un rôle majeur pour les entreprises
Pour les entreprises, le financement n’est pas seulement un moyen de faire face à des besoins de trésorerie. En effet, il est d’abord un levier essentiel pour investir. Or, l’investissement joue un rôle central dans le développement de toute activité économique. Il permet de renouveler les équipements, de moderniser les infrastructures, de recruter, de se digitaliser, ou encore de mener des projets de recherche et développement. Sans investissement, il devient difficile pour une entreprise de rester compétitive, d’innover ou simplement de maintenir son niveau de production. Il lui faudrait par exemple des années, ou même des décennies, pour réunir l’argent dont elle a besoin pour lancer un nouveau projet.
Investir suppose d’engager des sommes souvent importantes, bien au-delà des ressources immédiates dont disposent les entreprises. C’est là que le besoin de financement prend tout son sens. Selon leur taille, leur secteur et leur profil de risque, les entreprises vont se tourner vers différentes sources, l’autofinancement lorsque les bénéfices le permettent dans un premier temps, et puis les emprunts bancaires, ou encore les marchés financiers s’il s’agit de grandes structures cotées.
Il y a de nombreux avantages pour une entreprise à avoir recours aux marchés financiers ou à s’introduire en Bourse. En effet, en ouvrant son capital, elle ne s’endette pas, il n’y a pas d’intérêts à payer comme avec un emprunt bancaire, il y a moins de frais et c’est souvent plus simple. Cela lui fait également de la publicité. Elle peut se comparer avec les autres entreprises pour s’améliorer. Cela exige également d’elle une gestion plus transparente et plus rigoureuse, ce qui peut être bénéfique à plus moyen ou long terme.
Par contre, l’inconvénient principal est que les actionnaires lui mettent la pression pour avoir des bénéfices plus importants et plus rapidement. Ils ont généralement une vision à court terme de la gestion de l’entreprise, donc tout est une question d’équilibre, faire appel aux marchés financiers, mais en conservant une certaine indépendance.
Le financement de l’investissement est aussi un indicateur de confiance. Lorsqu’une entreprise investit, elle parie sur l’avenir, sur une croissance de la demande, c’est-à-dire sur davantage de ventes, ou sur une amélioration de sa productivité. À l’échelle d’un pays, une dynamique forte d’investissement privé est souvent le signe d’une économie en bonne santé. À l’inverse, lorsque les entreprises freinent leurs projets faute de financement ou de visibilité, cela peut être le symptôme d’un climat économique dégradé et d’une confiance altérée.
L’enjeu est donc de garantir aux entreprises un accès suffisamment large et stable au financement, en particulier pour les plus petites d’entre elles, qui rencontrent parfois davantage d’obstacles. Car si l’investissement est un fort moteur pour la croissance économique, il est aussi une condition de la transformation de l’économie, qu’il s’agisse de transition écologique, de relocalisation industrielle ou d’innovation technologique, rien ne peut avancer sans un minimum de capital à engager.
Les ménages aussi ont des besoins de financement, tout en étant de gros épargnants
Les ménages occupent une place singulière dans le financement de l’économie. D’un côté, ils sont les principaux fournisseurs d’épargne, notamment à travers les livrets d’épargne réglementés, les assurances-vie ou les actifs financiers. De l’autre, ils ont, eux aussi, régulièrement recours au financement, en particulier lorsqu’il s’agit de réaliser de gros projets comme l’achat d’un logement, l’acquisition d’un véhicule ou encore la réalisation de travaux de rénovation. Cette double position, à la fois de créanciers et de débiteurs, en font un acteur essentiel dans la circulation de l’argent au sein de l’économie.
Le financement des ménages passe très largement par les crédits bancaires. Le prêt immobilier représente la plus grosse part de l’endettement des ménages français, suivi par les crédits à la consommation. Ces emprunts permettent de lisser dans le temps des dépenses importantes, ce qui rend possible une amélioration du cadre de vie sans devoir disposer immédiatement de toute la somme nécessaire. S’ils devaient, par exemple, attendre d’avoir réuni tout l’argent pour acheter un logement, peu d’individus seraient propriétaires.
Mais en parallèle, les ménages sont aussi à l’origine d’un volume considérable d’épargne, qui alimente indirectement les circuits de financement. En déposant leur argent sur des produits d’épargne, ils le confient en réalité aux banques et aux institutions financières, qui vont ensuite le réinjecter dans l’économie sous forme de prêts ou d’investissements. L’épargne des ménages peut ainsi financer des projets d’entreprises, des infrastructures publiques, ou être utilisée par les États pour équilibrer leurs budgets.
La situation économique générale, le niveau des taux d’intérêt ou encore la confiance dans l’avenir influencent fortement le comportement des ménages. En période d’incertitude, ils ont tendance à épargner davantage et à reporter leurs projets, ce qui peut freiner l’activité économique. À l’inverse, dans un climat favorable, ils consomment et investissent plus facilement, ce qui stimule la croissance.
Cette capacité d’épargne, couplée à un accès relativement large au crédit, donne aux ménages un rôle structurant. Ce sont eux qui, en grande partie, orientent la dynamique économique par leurs choix de consommation, d’investissement et de placement. Cela vient également du fait qu’ils correspondent à l’agent économique le plus important.
Les banques centrales sont indépendantes des États et ont des missions spécifiques
Les banques centrales jouent un rôle central dans l’économie, mais leur action est souvent mal comprise. Contrairement aux banques commerciales, elles ne prêtent pas directement de l’argent aux ménages ou aux entreprises. Leur fonction est plus large et plus structurelle. En effet, elles veillent à la stabilité monétaire et financière, et disposent pour cela de puissants leviers d’action. En Europe, c’est la Banque centrale européenne (BCE) qui joue ce rôle pour l’ensemble des pays de la zone euro, tandis que la Banque de France participe à la mise en œuvre de ses décisions à l’échelle nationale.
L’une des missions principales d’une banque centrale, si ce n’est la principale, est de contrôler l’inflation, c’est-à-dire la hausse générale des prix. Elle cherche à la maintenir à un niveau modéré et stable (évalué par les économistes aux alentours de 2 %), en ajustant notamment ses taux directeurs. En relevant ces taux, elle rend le crédit plus cher, ce qui freine la consommation et l’investissement, et donc l’inflation. À l’inverse, en les abaissant, elle stimule le recours au crédit et relance l’activité, et donc in fine, l’inflation. Ce pilotage de la politique monétaire est un instrument puissant, capable d’influencer l’ensemble de l’économie. C’est la raison pour laquelle ses décisions sont scrutées avec attention.
Les banques centrales interviennent aussi sur les marchés financiers, notamment à travers les opérations dites de « rachat d’actifs » (comme lors de l’assouplissement quantitatif, plus connu sous son nom anglais de quantitative easing). En injectant massivement de la monnaie dans l’économie, elles soutiennent le financement des États et des entreprises en période de crise, et évitent ainsi un effondrement du crédit.
Ce pouvoir important impose une indépendance vis-à-vis des gouvernements. L’objectif est d’éviter toute pression politique à court terme ou à plus long terme qui pourrait nuire à la stabilité monétaire. Cette indépendance, prévue par les traités européens dans le cas de la BCE, assure une gestion plus rigoureuse et crédible de la monnaie. Cela ne signifie pas que les banques centrales sont coupées du monde politique, mais leurs décisions sont prises de façon autonome, sur la base de données économiques et d’objectifs définis à long terme.
Afin de dissocier le politique du monétaire, la BCE ne peut pas, par exemple, acheter des obligations d’État sur le marché primaire (c’est-à-dire sur le marché sur lequel sont émises les nouvelles obligations créées). Ces obligations sont comme des prêts que l’État émet pour financer son déficit budgétaire. Il est alors obligé de s’adresser aux marchés financiers.
Les missions des banques centrales ont eu tendance à s’élargir avec le temps. Elles doivent aujourd’hui surveiller la stabilité du système financier, favoriser l’emploi ou la croissance, prévenir les crises bancaires, voire réfléchir à l’introduction de monnaies numériques. Leur rôle ne cesse de s’adapter, tout en conservant cette même vocation, celui de garantir un cadre monétaire sain pour l’ensemble de l’économie.
L’État, comme celui de la France, a un important besoin de financement
Comme les entreprises ou les ménages, l’État a besoin de financements pour faire fonctionner les services publics, investir dans les infrastructures, soutenir l’économie et assurer la redistribution. Mais ses dépenses excèdent régulièrement ses recettes, ce qui l’oblige à emprunter. Ce recours à l’endettement public est aujourd’hui une composante structurelle du fonctionnement des finances publiques, notamment en France, où le pays n’a pas connu d’excédent budgétaire depuis des décennies.
Le financement de l’État repose d’abord sur les impôts, les taxes, et les cotisations sociales, qui représentent la majorité de ses ressources. Mais lorsque ces recettes ne suffisent pas à couvrir les dépenses, ce qui est généralement le cas, le déficit public doit alors être comblé par l’émission de dette. Concrètement, l’État émet des obligations sur les marchés financiers. Cela signifie qu’il emprunte de l’argent aux investisseurs, en échange d’un remboursement avec des intérêts. Ce sont donc les marchés, en grande partie, qui financent les besoins de l’État.
Dans les traités de la Banque Centrale Européenne (BCE), il lui est interdit de prêter directement aux États. Cela implique que l’État français n’a pas le droit, par exemple, de demander à la Banque de France d’émettre de la monnaie pour financer son déficit budgétaire ou d’acheter directement la dette qu’elle émet. Certains États ont abusé de ces solutions par le passé, avec des résultats souvent désastreux.
Le financement par les marchés financiers n’est pas forcément problématique à court terme, surtout si les taux d’intérêt sont faibles. Mais une dette publique élevée pose des questions à long terme, notamment sur sa soutenabilité et sur la part du budget consacrée au remboursement des intérêts. En France, la charge de la dette représente déjà plusieurs dizaines de milliards d’euros par an, ce qui limite la marge de manœuvre de l’État pour financer d’autres priorités.
Le besoin de financement public s’amplifie en période de crise, peu importe qu’elle soit économique, financière, géopolitique, environnementale, etc. L’État intervient alors massivement pour soutenir l’activité, amortir les chocs économiques ou investir dans la transformation du pays. Cette capacité à emprunter est donc aussi un outil de stabilisation et de relance.
Toutefois, elle suppose une gestion rigoureuse à moyen terme. Car si les investisseurs doutent de la capacité d’un État à rembourser, ils peuvent exiger des taux d’intérêt plus élevés, ce qui rend le coût de la dette plus élevé. C’est pourquoi les agences de notation, les règles budgétaires européennes et les politiques de réduction des déficits sont des contraintes qui ont été mises en place et qui pèsent sur le financement des États. En obligeant les États à être sérieux dans la gestion de leurs finances, ils veulent les protéger contre leurs propres dérives.
L’enjeu est donc double, à savoir celui de garantir un financement suffisant pour répondre aux besoins de la population, tout en assurant la crédibilité de la trajectoire budgétaire à long terme.
Au final, quels impacts a le financement sur l’économie ?
Le financement, qu’il vienne des ménages, des entreprises, des banques ou de l’État, est un moteur essentiel de l’économie. Il ne s’agit pas seulement d’un mécanisme technique, mais bien d’un levier de croissance, de transformation et de stabilité. Sans financement, pas d’investissement et sans investissement, pas de développement économique.
L’un des premiers effets du financement est de permettre aux acteurs économiques de dépasser la contrainte du temps. Une entreprise peut ainsi investir avant d’avoir accumulé des profits suffisants. Un ménage peut acheter un logement sans attendre d’avoir épargné la totalité de son prix. Un État peut lancer une politique publique ambitieuse sans attendre une hausse des recettes fiscales. En cela, le financement fluidifie les projets, accélère les décisions, favorise l’innovation et la croissance économique. Globalement, cela permet de créer de la richesse et des emplois.
Effectivement, le financement a un effet multiplicateur sur l’activité économique. Lorsqu’un crédit est accordé à une entreprise, celle-ci peut investir, embaucher, produire davantage. Cela crée du revenu pour d’autres agents, qui vont consommer ou investir à leur tour. Le financement, s’il est bien orienté, génère donc un cercle vertueux de croissance et de création de richesses.
Toutefois, les impacts du financement dépendent fortement de la manière dont il est distribué. Un financement qui alimente la spéculation ou la surconsommation peut entraîner des bulles financières, des déséquilibres ou des crises. À l’inverse, un financement orienté vers la production, l’innovation, l’éducation ou la transition écologique, peut renforcer les bases de l’économie à long terme.
Le niveau des taux d’intérêt, fixé notamment par les banques centrales, joue ici un rôle central, puisque des taux bas facilitent l’endettement et encouragent l’investissement, mais peuvent aussi pousser à prendre des risques excessifs. À l’inverse, des taux trop élevés peuvent freiner l’activité, même si leur objectif est souvent de maîtriser l’inflation.
Enfin, le financement participe à la répartition des richesses. Selon qu’il soit plus ou moins accessible, il peut favoriser l’égalité des chances, ou au contraire, renforcer les inégalités. Savoir à qui on prête, dans quelles conditions, et pour financer quoi, est donc une question profondément politique, autant qu’économique.