Informations principales
Friedrich List est un économiste allemand né le 6 août 1789 à Reutlingen, dans le Saint-Empire romain germanique (aujourd’hui l’Allemagne) et mort le 30 novembre 1846 à Kufstein, dans l’Empire d’Autriche (aujourd’hui l’Autriche).
Il est considéré comme l’un des pères du nationalisme germanique après avoir développé la théorie du “protectionnisme éducateur”.
Cependant, autant du point de vue politique, qu’économique, il se définissait comme un libéral. En effet, il a soutenu l’union douanière allemande (c’est-à-dire le Zollverein) qui impliquait l’absence de taxes à l’intérieur du pays. Il a également été à l’initiative de la construction des chemins de fer, qui seront, entre autres, l’un des facteurs de la victoire de la Prusse contre la France lors de la guerre de 1870.
Le protectionnisme, selon lui, ne devait être qu’une phase dans le développement industriel des nations. Il considère que le libre-échange est acceptable uniquement dans un monde qui est composé de pays à la maturité comparable.
Durant sa carrière, il s’est montré très critique des théories classiques des économistes britanniques Adam Smith et David Ricardo, qu’il accuse d’hypocrisie, sur le sujet du commerce international. En effet, il juge que la domination économique britannique du 19ème siècle ne vient pas du libre-échange, mais de l’asservissement des nations moins développées et des bénéfices de la colonisation.
Au-delà de ses activités économiques, Friedrich List a exercé de nombreuses fonctions telles que celles de journaliste, de politicien, d’ambassadeur et de greffier. De plus, il a vécu dans divers pays comme l’Allemagne, la France, l’Angleterre, ou encore aux États-Unis. Sa riche expérience professionnelle a forcément influencé ses travaux.
L’économie des nations
Initialement, les auteurs classiques (dont le plus célèbre est Adam Smith) considéraient qu’une nation a le même comportement qu’un individu, à savoir qu’elle cherche à maximiser ses richesses. Friedrich List ne partage pas cette vision et pense, à l’inverse, que la puissance d’une nation dépend de sa capacité à développer ce qu’il appelle des “forces productives”, qui lui permettront ensuite de créer de la richesse à l’avenir. Ce raisonnement l’amène à mettre en avant un ensemble d’activités qui avaient été jusqu’alors négligées par la science économique puisqu’elles ne créaient pas de richesses sur le court terme. Ces activités sont par exemple l’éducation, la recherche, l’administration, mais également les infrastructures de transport, etc.
Une division de l’histoire économique en différentes étapes
Friedrich List a été l’un des premiers économistes à diviser l’histoire économique en différentes étapes. En effet, selon lui, le développement économique d’une nation est divisé en plusieurs phases. Il y a l’état sauvage, l’état pastoral, puis l’état agricole dans lequel l’agriculture est le cœur de l’économie, ce qui oblige le pays à importer les produits industriels. Il y a ensuite, selon lui, l’état agricole-manufacturier dans lequel l’industrie commence à se développer, mais pas suffisamment, ce qui fait qu’elle ne peut répondre qu’en partie à la demande nationale, ce qui nécessite au pays de continuer à importer l’autre partie. Enfin, il y a l’état agricole-manufacturier-commercial dans lequel l’industrie nationale produit suffisamment pour satisfaire la demande du marché intérieur, et est même en capacité d’exporter.
L’économie politique selon Friedrich List
Dans son ouvrage intitulé Esquisses d’un nouveau système d'économie politique, publié en 1827, Friedrich List fait une distinction entre sa propre économie politique et les économies individuelle et cosmopolite (mises en avant, entre autres par Adam Smith et David Ricardo). En effet, il explique à ce sujet que chaque nation dispose de son économie particulière et que des circonstances générales peuvent venir faire profiter, ou au contraire faire obstacle à cette économie. C’est dans ce cadre qu’il se demande si des éléments particuliers tels que la population, le travail, les moyens de communication, les machines, les restrictions, la consommation, l’épargne, les arts et sciences ou encore les importations de capitaux peuvent améliorer les forces productives.
Il s’interroge sur ce sujet parce que l’idée centrale de List est que les nations passent par différentes phases de développement. Si le commerce qui se fait entre deux nations de même niveau (surtout d’un point de vue économique) est bénéfique, alors cela signifie que le commerce entre deux nations qui ont des niveaux différents sera toujours au détriment de la nation qui est la moins avancée. En effet, un pays qui dispose d’une industrie mature et développée va écraser le pays qui dispose d’une industrie naissante, puisque l’afflux de produits du premier va empêcher aux entreprises du deuxième d’avoir des débouchés.
C’est sur la base de ce raisonnement que Friedrich List défend l’idée selon laquelle les États doivent d’abord faire grandir les industries naissantes nationales, afin qu’elles atteignent une taille critique qui leur permette ensuite d’affronter la concurrence internationale. Pour atteindre cet objectif, il faut garantir à ces entreprises un marché réservé, ce qui implique, pour lui, de mettre en place un certain niveau de protectionnisme. De plus, il estime que cela nécessite d’avoir les infrastructures suffisantes, ainsi qu’une concentration de capital suffisamment importante, ce qui doit être rendu possible grâce à l’existence d’un pouvoir politique assez centralisé.
Friedrich List démontre avec son raisonnement que chaque élément qu’il avance procure des avantages et des inconvénients dans une situation donnée. Il cite par exemple les États-Unis qu’il décrit comme une nation jeune (ce qui était le cas au moment où il a écrit son livre). Selon lui, ce pays se doit de protéger exclusivement les produits qui demandent beaucoup de main-d’œuvre et de marchandises agricoles, plutôt que les produits plus fins. Les choses seront différentes avec un autre pays. C’est la raison pour laquelle, selon lui, chaque nation doit suivre sa propre voie afin de développer ses propres forces productives.
Le protectionnisme éducateur, concept majeur de Friedrich List
Selon Friedrich List, dans le cadre des échanges internationaux, les entreprises nationales ne peuvent pas se développer si le marché est déjà pris et occupé par les entreprises étrangères, venant de pays plus avancés sur le plan économique. Ce qu’il appelle le « protectionnisme éducateur » (c’est-à-dire un protectionnisme raisonné) a donc pour objectif de protéger le marché national sur le court et le moyen terme pour ensuite permettre, sur le long terme, un libre-échange réciproque, et non pas à sens unique, qui avantagerait seulement un des participants. Le but de Friedrich List est donc l’éducation industrielle d’une nation. La théorie qu’il a développée concerne ainsi plus particulièrement les pays en voie de développement.
Cependant, pour lui, le protectionnisme n’est qu’une étape dans le développement industriel des nations, notamment dans le cas où il y a la naissance d’industries qui ne sont pas encore assez matures pour affronter la concurrence internationale. Ce n’est qu’une fois que le développement industriel est largement amorcé et que le retard économique de la nation est comblé que le pays peut basculer vers le libre-échange. Si un pays qui n’a pas atteint le dernier stade de son développement s’ouvre à la concurrence des autres pays et au commerce international, alors il sera perdant puisque son industrie sera trop faible. Les importations qui en découlent vont avoir pour effet de décourager le développement de l’industrie nationale. Les pays concernés doivent donc mettre en place des politiques protectionnistes pour laisser à leurs industries le temps de se renforcer, et être ainsi compétitives au niveau international.
Friedrich List estime que les pays de la zone tempérée (ceux d’Europe notamment) ont des critères naturels qui favorisent le développement de l’industrie manufacturière, tandis que les pays de la zone torride (à savoir une grande partie de l’Afrique et de l’Amérique latine) disposent d’un monopole naturel sur la production de matières premières. C’est sur la base de cette analyse qu’il considère qu’il y a spontanément une division du travail, ainsi qu’une coopération et une complémentarité des forces productives entre ces deux groupes de pays.
Dans son raisonnement, les manufactures ont une place très importante puisque selon lui, elles permettent de développer significativement les forces morales de la nation. En plus de cela, elles permettent d’exploiter toutes les ressources naturelles du pays, à savoir le vent, l’eau, les minéraux et les combustibles. Elles donnent également à l’agriculture une forte impulsion, ce qui génère une hausse de la rente foncière, des profits, ainsi qu’une augmentation des salaires agricoles. Enfin, Friedrich List juge que les manufactures constituent un marché permanent pour l’agriculture, que même les guerres et les prohibitions ne peuvent empêcher. Cela signifie donc que, pour lui, protéger l’industrie profite, de manière indirecte, à l’agriculture. Néanmoins, il rejette une forme de protectionnisme sur l’agriculture, car cela provoquerait une augmentation des prix des produits bruts, ce qui nuirait à l’industrie.
Des critiques envers les idées d’Adam Smith
Friedrich List reproche à Adam Smith de baser sa théorie économique sur un monde cosmopolite imaginaire, en laissant tomber les passions et les intérêts nationaux, et cela, malgré les leçons de l’histoire. C’est sur la base de cette analyse qu’il fait une distinction entre sa propre économie politique qu’il juge la seule réalisable (à son époque) et cette économie cosmopolite en question. Malgré tout, il ne fait pas une croix sur une association à l’échelle humaine qui permettrait, grâce au commerce, d’amener le bonheur et la prospérité à l’humanité.
Concernant le système que Smith a développé, List estime que ce n’est pas un système industriel, mais un système mercantile (c’est-à-dire basé sur le commerce avec la recherche exclusive du profit), qu’il appelle “système de la valeur échangeable”. Il reproche à ce système d’être uniquement une théorie de la valeur échangeable (c’est-à-dire une théorie des richesses), sans prendre en compte les forces productives du pays.
Pour lui, l’éducation économique d’une nation est plus importante que la simple production de valeurs, et les sacrifices d’une génération peuvent permettre de favoriser la capacité productive et la puissance des générations suivantes. En effet, Friedrich List explique qu’il faut distinguer les causes de la richesse de la richesse elle-même. Un individu peut détenir de la richesse, c’est-à-dire des valeurs échangeables, mais il deviendra pauvre s’il n’est pas capable de produire plus de valeurs qu’il n’en consomme. À l’inverse, un individu peut être pauvre, mais s’il est capable de produire au point de dépasser sa consommation, alors il deviendra riche. List juge donc que le pouvoir de créer des richesses est beaucoup plus important que la richesse elle-même, puisqu’il garantit à son détenteur la possession et l’accroissement de ce qui a déjà été acquis, mais en plus, la récupération de ce qui a été perdu.
Par ailleurs, Friedrich List a aussi mis en avant ce qu’il qualifie de stratégie anglo-saxonne (principalement de la part du Royaume-Uni et des États-Unis), à savoir le “retrait de l’échelle”. Ce dernier consiste à prôner le libre-échange aux pays européens dans le but d’écouler plus facilement la production de leur industrie, alors qu’elle a été construite à l’abri d’un système protectionniste. La parabole qu’il utilise pour désigner cette stratégie est très parlante puisqu’il demande ce que fait un individu quand il parvient au sommet d’un édifice. À cette interrogation, il répond que l’individu en question retire l’échelle pour empêcher les autres de le rejoindre.
Concrètement, il juge que la théorie du libre-échange ne sert qu’à dissimuler l’impérialisme britannique de l’époque, qui tire d’importants profits des inégalités de développement entre les nations. Au milieu du 19ème siècle, l’Angleterre écrase littéralement le monde entier de sa supériorité industrielle et commerciale. Il reproche alors aux Anglais d’avoir construit leur puissance en se protégeant par des barrières douanières, et de promouvoir ensuite les thèses du libre-échange, dès qu’ils sont assurés de dominer la planète grâce à leur puissance économique.
Dans son ouvrage Esquisses d’un nouveau système d’économie politique, List fait la description du procédé du dumping. C’est à cette occasion qu’il accuse les cartels, les comptoirs de vente et les trusts d’utiliser cette technique pour vendre à bas prix à l’étranger, mais en gardant tout de même des prix élevés sur le marché intérieur national.
Friedrich List, un important promoteur des chemins de fer
Friedrich List a été le plus important promoteur et soutien du développement des chemins de fer en Allemagne et une très grande partie de ses propositions sur le sujet ont été adoptées et appliquées. Il a mis en avant de nombreux avantages procurés par le développement du système ferroviaire. En effet, selon lui, c’est un moyen important de défense nationale parce qu’il permet de faciliter la concentration, la distribution et le commandement de l’armée, ce qui a été l’un des facteurs de la victoire allemande lors de la guerre de 1870.
Le système ferroviaire favorise aussi le développement culturel de la nation en apportant le talent, la connaissance et le savoir-faire au marché. Il protège la société de la famine, améliore l’hygiène de la population en réduisant notamment la distance entre le malade et ce qui permet de le guérir. Enfin, il permet de renforcer le tissu social en rapprochant les amis et les connaissances et améliore l’esprit de la nation grâce à une meilleure connexion entre les différentes villes et les différents lieux. Ces communications favorisent l’échange de nourriture et de biens, ce qui donne au pays un sentiment d’unité. List compare le système ferroviaire à un système nerveux qui a le double avantage de renforcer l’opinion publique et le pouvoir de l’État.
Afin de financer les compagnies de chemin de fer, Friedrich List préconise l’émission d’obligations (c’est-à-dire de titres de dettes) qui seraient garanties par l’État.