Biographie de Gunnar Myrdal

 

Gunnar Myrdal
Gunnar Myrdal

 

Informations principales

Gunnar Myrdal est un économiste, sociologue et homme politique suédois, né le 6 décembre 1898 à Gagnef en Suède et mort le 17 mai 1987 à Danderyd, dans le même pays.

Myrdal est un fervent défenseur de la social-démocratie.

Il a obtenu en 1974 le Prix Nobel d’économie (en même temps que l’économiste austro-britannique Friedrich Hayek malgré leurs opinions opposées) pour leurs travaux pionniers dans la théorie de la monnaie et des cycles économiques, ainsi que pour leur analyse de l’interdépendance des phénomènes, autant économiques, que sociaux et institutionnels.

Il est surtout connu aux États-Unis pour son étude des relations raciales, ce qui lui a permis de publier en 1944 son livre Un dilemme américain : le problème des Noirs et la démocratie moderne (An American Dilemma). Ce travail a eu une influence sur l’arrêt Brown v. Board of Education, rendu en 1954 par la Cour suprême des États-Unis et qui a ensuite fait date. Cet arrêt a statué que les lois des États américains qui établissent la ségrégation raciale dans les écoles publiques sont inconstitutionnelles.

En Suède, ses travaux et son influence politique ont joué un rôle important dans la création du Folkhemmet (concept politique qui a eu un rôle majeur dans l’histoire du Parti social-démocrate suédois et dans l’élaboration de l’État-providence suédois) et de l’État-providence d’une manière générale.

Son autre contribution majeure concerne les conditions économiques de l’Asie du Sud-Est (à travers son ouvrage Asian Drama). Il est en particulier pessimiste concernant un potentiel développement de l’Asie.

Au-delà de ses activités économiques, Gunnar Myrdal a exercé en tant que conseiller et membre de plusieurs commissions gouvernementales, comme parlementaire, et même comme ministre. Son action, d’abord réduite à l’intérieur de la Suède, s’est ensuite déployée au niveau international, quand il est devenu secrétaire exécutif de la commission économique de l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour l’Europe. 

Par ailleurs, il a dirigé, aux États-Unis et en Asie, d’importantes équipes de recherche. 

Son épouse, Alva Myrdal a été sa collaboratrice et a même signé plusieurs travaux avec lui, notamment dans le domaine de la politique familiale, de la démographie ou encore du logement. Ils ont notamment publié en 1934 l’ouvrage intitulé État critique du problème démographique, dans lequel ils préconisent le développement de réformes sociales natalistes, qui influencera significativement les politiques sociales suédoises mises en place ensuite.

Grâce à son investissement en faveur du désarmement, Alva Myrdal a obtenu en 1982 le Prix Nobel de la paix.

 

Le concept de grandeurs économiques et la défense d’une politique d’expansion

Dans la thèse de doctorat que Gunnar Myrdal a publiée en 1927, il est l’un des premiers auteurs à introduire les notions d’anticipations, d’incertitude et de risque dans l’analyse de la formation des prix. Il étudie notamment quels sont les impacts des anticipations de profit sur les projets des entrepreneurs. Suite à ce travail, il décide d’appliquer ces notions à la macroéconomie, qui est alors appelée la théorie monétaire. Pour cela, il réalise une analyse critique des thèses développées par son mentor, l’économiste suédois Knut Wicksell. C’est grâce à cela qu’il fera son plus grand apport à la théorie économique, à travers son ouvrage intitulé L’Équilibre monétaire, publié en 1931.

La version allemande publiée quelque temps après, en 1933, introduit les concepts de grandeurs économiques ex ante (ce qui correspond aux grandeurs anticipées) et ex post (ce qui correspond aux grandeurs réalisées). Cette vision prend réellement son sens dans les relations entre l’épargne et l’investissement. En effet, d’un point de vue ex post, l’épargne et l’investissement sont égaux, ce qui n’est pas le cas d’un point de vue ex ante. En effet, dans la situation de cette dernière, si l’investissement qui est anticipé (au niveau du pays) est inférieur à l’épargne qui est désirée, alors cela va provoquer une contraction de l’investissement effectif, et par prolongement, du revenu national. Myrdal ajoute que ce processus est cumulatif, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de tendance à l’équilibre.

L’analyse que Gunnar Myrdal a développée est proche de celle de Keynes dans son ouvrage principal intitulé la Théorie générale et de celle de l’économiste polonais Michal Kalecki. En effet, dans toutes ces approches, on y retrouve des idées comparables à celles de l’efficacité marginale du capital (qui correspond à un taux de profit anticipé sur l’investissement) et de la propension à épargner.

Dans un texte de Myrdal, publié en 1934 et préparé pour soutenir le discours de son ami Ernst Wigforss, alors ministre des Finances, Myrdal apporte des éléments théoriques qui permettent de justifier une politique d’expansion, qu’il qualifie lui-même de keynésienne. À ce titre, il propose notamment la mise en place d’une politique budgétaire contracyclique (c’est-à-dire qui va contre le cycle en cours). Il justifie l’intérêt de cette politique grâce au concept de multiplicateur selon lequel davantage de dépenses publiques permettent de stimuler, au final, par ricochet, l’économie tout entière.

Gunnar Myrdal n’est, à cette époque, pas le seul économiste suédois à proposer une intervention active de l’État dans l’économie, en se basant sur une analyse nouvelle du fonctionnement de l’économie. Avec entre autres Bertil Ohlin, ils forment l’École de Stockholm, associée très étroitement à la mise en place des politiques du gouvernement social-démocrate, après sa prise de pouvoir en Suède en 1932

 

Des objectifs économiques contradictoires à atteindre selon Gunnar Myrdal

Myrdal et ses confrères de l’École de Stockholm ont beaucoup développé le concept de l’État-providence. Ils ont également mis en relief que les différents objectifs souhaitables pour le pays, à savoir la croissance, le plein-emploi, la stabilité des prix et l’équilibre extérieur peuvent se retrouver en contradiction les uns avec les autres. Cela signifie qu’un arbitrage est nécessaire et que cet arbitrage en question nécessite de créer des consensus entre les divers groupes sociaux. C’est au final ce qui caractérise le “modèle suédois” social-démocrate.

C’est grâce à ce raisonnement que, autant Myrdal que les autres membres de l’École de Stockholm considéraient qu’ils avaient plusieurs années d’avance sur John Maynard Keynes, autant en matière de théorie économique, que de politique économique. Ils le lui ont d’ailleurs exprimé quand il est venu présenter son œuvre, selon lui révolutionnaire, en Suède.

 

Le normatif ne peut pas être séparé du positif et le sujet des présupposés idéologiques

Dans un de ses livres les plus connus, intitulé L’élément politique dans le développement de la théorie économique, publié en 1930, ainsi que dans d’autres de ses ouvrages ensuite, Gunnar Myrdal insiste beaucoup sur le fait que, autant en économie que dans les sciences sociales d’une manière générale, il n’est pas possible de séparer le normatif du positif. L’économie positive s’attache à décrire et à expliquer les phénomènes économiques sur la base de l’observation et de l’expérience, alors que l’économie normative s’attache à mettre des jugements sur ce qui devrait être fait, c’est-à-dire avec une dimension morale. Selon lui, les deux sont donc étroitement liés.

Myrdal estime que le scientifique a des valeurs et sa propre vision du monde, ce qui a forcément un impact sur son travail théorique, et cela, à tous les niveaux, qu’il le veuille ou non. Il considère donc qu’il est plus honnête de la part du scientifique d’avouer dès le début les présupposés idéologiques qu’il comporte. Gunnar Myrdal se l’est appliqué à lui-même en jugeant que les siens étaient apparentés à la social-démocratie et à l’humanisme rationaliste.

 

Une vision institutionnelle et une nouvelle approche des problèmes sociaux par Gunnar Myrdal

Durant toute sa vie, Myrdal ne cessera de critiquer la théorie économique orthodoxe (c’est-à-dire celle qui fait consensus), qu’il juge isolée par rapport aux autres disciplines. Il lui reproche également de mener des analyses uniquement en termes d’équilibre, principe qui n’existe pas dans la réalité. De plus, il ajoute qu’elle manque de sens historique et qu’elle a un aveuglement par rapport aux institutions. Il rejette notamment le concept de la main invisible développé par Adam Smith.

Gunnar Myrdal se considère d’abord comme un pur économiste, avant d’évoluer et de se rapprocher de l’institutionnalisme, qui prend en compte le rôle joué par les institutions dans l’économie et, d’une manière plus générale, dans l’approche de la réalité à travers des faits socioculturels. C’est à ce titre qu’il affirme que seule une approche multidisciplinaire (c’est-à-dire qui prend en compte plusieurs disciplines) est en mesure d’apporter un éclairage sur les problèmes contemporains, y compris en ce qui concerne les problèmes qui sont en apparence purement économiques. Cela implique donc que la seule approche économique n’est pas suffisante.

Il va ensuite appliquer cette nouvelle approche à deux questions auxquelles il a consacré une grande partie de ses recherches et deux ouvrages majeurs. Ces deux sujets sont ceux de la discrimination raciale aux États-Unis (à travers l’ouvrage An American Dilemma) et des problèmes de développement dans huit pays asiatiques (à travers l’ouvrage Asian Drama). Afin d’étudier ces problématiques, il a utilisé un concept qu’il a repris à Knut Wicksell, mais auquel il a donné une signification plus large, à savoir celui de la causalité circulaire et cumulative selon lequel un ensemble de facteurs négatifs finissent par créer un cercle vicieux dont il est difficile de sortir. Dans cette situation, seule une redistribution mise en place par l’État peut remédier à cela.

Myrdal a par exemple étudié les problèmes des individus noirs aux États-Unis. Il a constaté que les problèmes qu’ils rencontraient étaient liés à toute une série de facteurs qui interagissent les uns avec les autres en s’aggravant. Ces facteurs sont la pauvreté, la sous-éducation, la mauvaise santé et la criminalité. Même si, selon lui, les Américains blancs ne sont pas “naturellement” racistes, il estime qu’ils le deviennent quand même malgré eux, parce qu’ils finissent par croire que les personnes noires sont responsables de la situation dans laquelle ils sont. Il considère que seules de profondes transformations politiques, mais également institutionnelles, économiques et culturelles pourraient changer ce qui est, selon lui, le problème moral principal des États-Unis.

Ce même type d’analyse est appliqué par Gunnar Myrdal afin de comprendre pourquoi les pays les plus pauvres (ceux du tiers-monde) n’arrivent pas à sortir du cercle vicieux du sous-développement dans lequel ils sont. Il explique à ce propos que tous les facteurs de pauvreté et de stagnation se diffusent et s’alimentent les uns les autres. Il considère que ces facteurs sont de tous types, à savoir politiques, économiques, mais aussi sociaux, psychologiques ou encore culturels. Face à cette situation et pour sortir de l’impasse, il estime qu’il faut mettre en place des programmes de transformation radicale qui doivent permettre de revenir dans le cercle vertueux de la croissance.

À l’inverse de ce que pense la majorité des économistes de cette époque, il n’y a pas, selon lui, d’arbitrage à faire entre la croissance d’une part, et l’égalité d’autre part. Au contraire, il estime que davantage d’égalité permet de générer plus de croissance. Avec ce raisonnement, Myrdal s’est posé en précurseur de l’idée de développement durable, ce dernier prenant davantage en compte l’aspect social, par rapport à l’économie traditionnelle.

De plus, il considérait que seuls des changements profonds au niveau international, à travers en quelque sorte d’un État-providence mondial, seraient en mesure d’apporter des solutions aux problèmes auxquels est confrontée l’humanité. Néanmoins, vers la fin de sa vie, en voyant les politiques des grandes puissances, il était de plus en plus pessimiste et radical, au point de se rapprocher du marxisme, qu’il avait pourtant critiqué.

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