Biographie de Hyman Minsky

 

Hyman Minsky
Hyman Minsky

 

Informations principales

Hyman Minsky est un économiste et professeur américain, né le 23 septembre 1919 à Chicago aux États-Unis et mort le 24 octobre 1996 à Rhinebeck, dans l’État de New-York, dans le même pays.

Il s’inscrit dans le courant de pensée de l’École post-keynésienne, courant qu’il a beaucoup influencé. En effet, il a soutenu une certaine intervention de l’État dans l’économie et sur les marchés financiers, il s’est opposé en partie à la déréglementation financière qui a eu lieu dans certains pays dans les années 1980, il a souligné l’importance de la Banque Centrale en tant que prêteur en dernier ressort et enfin, il s’est opposé à la suraccumulation de la dette privée sur les marchés financiers.

Il tient sa notoriété de ses travaux sur les crises financières et leur lien avec le cycle économique.

Il a reçu en 1996 le prix Veblen-Commons de la part de l'Association pour l’économie évolutionniste.

 

Hyman Minsky et l’instabilité financière

Hyman Minsky a développé une théorie économique concernant la crise et les fluctuations cycliques qui reposent sur l’instabilité du système économique, et plus précisément sur l’instabilité financière. Pour Minsky, les crises financières et le chômage qui en découle sont des phénomènes récurrents.

Minsky s’est intéressé très tôt aux causes de l’instabilité du système économique, notamment à travers les écrits et les travaux de John Maynard Keynes, ainsi que par l’enseignement de Joseph Schumpeter quand il était à Harvard.

 

Le développement de la théorie économique de Keynes

Hyman Minsky va développer la théorie économique de Keynes. En effet, il juge que les apports fondamentaux de cette dernière sont révolutionnaires. Minsky met notamment en évidence, dans cette théorie, le rôle qu’a l’incertitude radicale concernant les décisions d’investir. Il en retient aussi le rôle actif et essentiel que la monnaie joue, en faisant le lien entre le présent et le futur, ainsi que le rôle essentiel qu’elle joue dans les décisions d’investir.

Se pose également le sujet du financement de l’investissement et celui du rôle que doivent avoir les intermédiaires financiers au moment d’une crise. Cette approche, inspirée de Keynes, l’amène à refuser, et même à critiquer la Synthèse néoclassique qui élude, par nature, le temps, l’incertitude et la monnaie.

Ainsi, du courant postkeynésien, Hyman Minsky puise la voie de la finance et de la monnaie, qui sont pour lui les principales sources de l’instabilité et des crises. Dans son analyse, il va donc privilégier le rôle des institutions financières au moment d’une crise, et le mode de financement des investissements.

Concrètement, en période de croissance, Minsky estime que les agents économiques sous-estiment les risques à cause de l’enthousiasme ambiant. Les entreprises demandent alors des crédits aux banques afin d’investir parce qu’elles anticipent une hausse de la valeur des actifs. Les banques, quant à elles, prêtent facilement et massivement à des taux d’intérêt faibles. L’abondance de liquidités dans l’économie engendre une certaine euphorie spéculative, ce qui amène les agents économiques à mettre en place des montages financiers de plus en plus risqués. 

Cette croissance provoque une augmentation de l’endettement, ce qui fragilise les institutions financières. Face à l’accroissement de la charge de l’endettement, ces dernières réagissent en exigeant des taux d’intérêt plus élevés. Certaines entreprises surendettées ont des difficultés croissantes à honorer leurs remboursements, et les surmontent en contractant de nouveaux emprunts.

 

La stabilité finit par engendrer de l’instabilité pour Hyman Minsky

Sur la base de ce raisonnement, Hyman Minsky considère que la prospérité engendre de véritables tensions financières, c’est-à-dire que la stabilité finit par engendrer de l’instabilité. Il désigne d’ailleurs cette période du cycle économique par le terme de “paradoxe de la tranquillité”. En effet, la croissance exige des quantités de plus en plus importantes de crédits. Cependant, ce processus va fragiliser les banques, et durant cette période, la crise à venir est en train de se préparer.

Lorsque le retournement de la conjoncture intervient, les entreprises surendettées vont liquider leurs actifs afin de récupérer de l’argent pour faire face à leurs obligations financières. Les banques, quant à elles, augmentent leurs taux d’intérêt à des niveaux qui cassent l’investissement, et donc par prolongement, l’emploi. Le cycle économique fait alors face à une dépression, puis à une récession

Toute cette période est qualifiée de “moment Minsky”. En effet, ce dernier correspond au phénomène selon lequel des investisseurs surendettés sont obligés de vendre massivement leurs actifs afin de pouvoir faire face à leurs besoins de liquidité pour leur permettre d’assumer leurs obligations financières. Cette vente massive d’actifs provoque une spirale, qui s’auto-entretient, de baisse du prix des actifs concernés et un épuisement de la liquidité disponible.

Pour Hyman Minsky, l’origine du cycle se situe dans l’endettement et dans la mise à disposition de liquidités surabondantes de la part des banques vers des entreprises qui ont fait des prévisions erronées. En effet, ces dernières ont fait des prévisions en pensant que le prix des actifs va continuer à monter, alors qu’en réalité, ils finissent par baisser à cause du retournement de la conjoncture.

La création monétaire endogène qui ne vient pas de l’intervention autonome de la banque centrale, mais de la demande de monnaie qui est exprimée par les agents économiques à l’égard des banques, contribue à fragiliser le système économique. Face à cette situation, Minsky fait intervenir l’État dans le but de stabiliser l’instabilité financière. En effet, il considère que les politiques de régulation budgétaires et monétaires peuvent limiter les effets de l’instabilité financière, et même potentiellement, permettre d’éviter la récession. Pour lui, c’est le rôle de l’État, et de la Banque Centrale en tant que prêteur en dernier ressort, de faire face à cette instabilité propre au système.

C’est pour cette raison que, selon Hyman Minsky, il est essentiel de ne pas fragiliser l’intervention de l’État et de ne pas contester son rôle, et donc par prolongement, celui de la politique économique. Il faut au contraire, selon lui, renforcer sa capacité d’intervention grâce à des réformes et à des institutions. Cela signifie donc concrètement que seule une régulation financière peut permettre de prolonger une croissance stable et de limiter la spéculation.

 

Les différentes étapes du capitalisme selon Hyman Minsky

Dans les années 1980, Hyman Minsky a basé ses recherches sur l’analyse keynésienne. Cependant, il pensait que les changements dans la structure de l’économie américaine (étant lui-même américain) nécessitaient une nouvelle analyse, qu’il a finalement trouvée en se tournant vers Joseph Schumpeter. Ce dernier, ainsi que John Maynard Keynes croyaient que la finance était le moteur de l’investissement dans les économies capitalistes. Cela impliquait que l’évolution des systèmes financiers, motivée par la recherche du profit, pourrait expliquer la nature changeante du capitaliste dans le temps.

C’est à partir de ce raisonnement que Minsky a divisé le capitalisme en quatre phases, à savoir commercial, financier, managérial et gestionnaire de fonds. Chacun de ces capitalismes est caractérisé par ce qui est financé et par qui réalise le financement.

 

Le capitalisme commercial ou capitalisme marchand

Tout d’abord, la première période que Minsky met en avant est liée au capitalisme marchand. Durant cette période, les banques utilisent leur connaissance privilégiée des banques éloignées et des commerçants locaux pour réaliser des bénéfices. Elles émettent des billets pour les produits et marchandises en créant essentiellement un crédit pour les commerçants (et donc en créant un passif pour elles-mêmes) de sorte qu’en cas de pertes imprévues, cela permette de garantir le paiement. Lorsque le crédit est remboursé, la somme correspondante est en quelque sorte détruite, ou effacée.

Les banques finançaient les stocks des commerçants, mais pas le capital social, ce qui signifie que la principale source de profit est le commerce, et non pas l’expansion de la production, comme cela sera le cas dans les périodes futures. Minsky a expliqué à ce sujet que le capitalisme commercial peut être considéré comme correspondant à la structure de la finance lorsque la production est assurée par le travail et les outils, plutôt que par le travail et les machines (introduites pendant la Révolution industrielle apparue plus tard).

 

Le capitalisme financier

Avec la Révolution industrielle, est arrivé le capitalisme financier. En effet, la Révolution industrielle a accordé plus d’importance à l’utilisation des machines dans la production et sur les coûts non-salariaux qui en découlent. Ce mouvement a nécessité des “actifs durables” et a fait de la société une entité, avec une responsabilité limitée pour les investisseurs. La principale source de financement est passée des banques commerciales aux banques d’investissement, en particulier avec la prolifération des actions et des obligations sur les marchés des valeurs mobilières. Dans la mesure où la concurrence entre les entreprises pouvait entraîner une baisse des prix et menacer leur capacité à honorer leurs engagements financiers, les banques d’investissement ont commencé à promouvoir la consolidation du capital en facilitant les fiducies, les fusions et les acquisitions. Néanmoins, le krach boursier de 1929 a mis fin à leur domination de l’économie.

 

Le capitalisme managérial

Les changements apportés par la crise financière de 1929 ont amené le capitalisme managérial. En reprenant la théorie du profit de l’économiste polonais Michal Kalecki, Hyman Minsky soutient que le niveau d’investissement détermine la demande globale et donc le flux de profits (c’est-à-dire que l’investissement se finance lui-même). 

Selon Minsky, les dépenses déficitaires keynésiennes des économies qui étaient en situation de post-dépression ont permis de garantir des profits. Par ricochet, ces dépenses ont permis aux entreprises de se financer à nouveau par elles-mêmes à partir de leurs profits (ce qui n’était pas arrivé depuis la première période du capitalisme). Sur la lancée de ce mouvement, la gestion des entreprises est devenue plus indépendante du banquier d’affaires et de l’actionnaire. Cela a entraîné un allongement de la durée des décisions commerciales, ce qui, selon Minsky, était potentiellement bénéfique. Cette évolution est toutefois compensée, selon lui, par le fait que les entreprises se sont bureaucratisées et qu’elles n’ont plus l’efficacité dynamique du capitalisme antérieur. Avec le temps, elles se sont en fait retrouvées « prisonnières de la tradition » et du passé.

Les décisions des pouvoirs publics en matière de dépenses, qui ont privilégié la consommation plutôt que le développement de biens d’équipement, ont également contribué à la stagnation, même si la stabilité de la demande globale a permis d’éviter les dépressions et les récessions.

 

Le capitalisme du gestionnaire de fonds

Hyman Minsky affirme qu’en raison des lois fiscales et de la manière dont les marchés capitalisent les revenus, la valeur des capitaux propres des entreprises endettées était plus élevée que celle des entreprises financées de manière prudente. Ce mouvement a, selon Minsky, conduit à un changement important. En effet, un marché du contrôle des entreprises s’est développé, ce qui a amené le capitalisme du gestionnaire de fonds. Les gestionnaires de fonds, dont la rémunération était basée sur le rendement total du portefeuille qu’ils géraient, ont rapidement accepté la hausse du prix des actifs de leur portefeuille qui venait du refinancement qui accompagnait les changements dans le contrôle des entreprises. En plus de vendre les actions à l’origine du changement de contrôle, les gestionnaires de fonds étaient acheteurs des passifs (c’est-à-dire des obligations) qui résultaient d’un tel refinancement.

L’indépendance des sociétés d'exploitation par rapport aux marchés monétaires et financiers qui caractérisait le capitalisme managérial était donc une étape transitoire pour Minsky. L’émergence de groupes de fonds gérés et axés sur le rendement et les gains en capital a permis aux marchés financiers d’exercer à nouveau une influence majeure sur les performances de l’économie. Toutefois, contrairement à l’époque précédente du capitalisme financier, l’accent n’était pas mis sur le développement du capital de l’économie, mais plutôt sur la rapidité des opérations de ceux qui spéculent, c’est-à-dire sur les profits générés.

Minsky a noté que l’essor de la gestion monétaire, qui consiste à négocier chaque jour d’énormes quantités d’argent (plusieurs millions quotidiennement), a entraîné une augmentation du nombre de titres et de personnes prenant des positions financières dans le but de réaliser des bénéfices. Cette prise de position était elle-même financée par les banques. Minsky a expliqué que les institutions financières s’étaient tellement éloignées du financement du développement du capital qu’elles avaient plutôt engagé d’importants flux de trésorerie dans la « validation de la dette« .

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