Informations principales
John Stuart Mill est un économiste, mais également philosophe et logicien britannique, né le 20 mai 1806 à Londres en Angleterre, et mort le 8 mai 1873 à Avignon en France.
Il est considéré comme l’un des penseurs libéraux les plus influents du 19ème siècle. Il est également considéré comme l’un des derniers économistes représentants de l’École classique, et en même temps, un des premiers nouveaux classiques, de l’École néo-classique.
À partir des réflexions de Jeremy Bentham, Mill va proposer une compréhension personnelle de la théorie de l’utilitarisme, dont il met en avant les limites.
Mill va être l’un des premiers défenseurs du féminisme en soutenant le droit de vote des femmes, ainsi que leur émancipation.
Il va également proposer un système de logique qui va permettre de faire une transition entre l’empirisme du 18ème siècle qui se base sur les expériences, et la logique contemporaine.
En 1848, Mill a publié son ouvrage Principes d’économie politique, qui sera plus tard considéré par certains comme la bible du libéralisme économique et du laissez-faire. Par ailleurs, en 1861, va paraître le premier grand traité qui concerne la démocratie représentative écrit par Mill, nommé Considérations sur le gouvernement représentatif.
La pensée de John Stuart Mill correspond à un empirisme dans lequel la perception de la réalité du monde est basée sur l’expérience individuelle et sur les associations d’idées.
Vers la fin de sa vie, la pensée économique de Mill va évoluer puisqu’il se tournera davantage vers la théorie socialiste. Ce changement de pensée peut rendre ses thèses contradictoires, dans la mesure où il va tenter de promouvoir en même temps le libéralisme économique, et le socialisme. Il considère cependant qu’il n’y a pas de vérité absolue qui soit infaillible et qu’il est possible d’obtenir une synthèse basée sur le compromis. L’objectif final est d’arriver à l’épanouissement intellectuel et au progrès social.
Le lien de John Stuart Mill avec Jeremy Bentham et les raisons de la méconnaissance de sa pensée
Autant d’un point de vue moral, qu’économique, la pensée de John Stuart Mill a souvent été assimilée à celle de Jeremy Bentham ou présentée comme une caricature de celle de ce dernier. Cependant, Mill montre comment il s’est affranchi de Bentham à travers son autobiographie publiée peu avant sa mort. Le manque de connaissance de l’œuvre de John Stuart Mill s’explique pour plusieurs raisons.
La première raison vient de l’éclectisme de Mill, c’est-à-dire qu’il emprunte des éléments à plusieurs pensées des sciences économiques, humaines et sociales. Cela fait de lui, à la fois un économiste, philosophe, sociologue, logicien, moraliste, publiciste et homme politique élu. Il est donc nécessaire, pour comprendre la pensée économique de Mill, d’avoir une approche globale de son œuvre.
La seconde raison vient des contradictions assumées par Mill dans sa pensée. En effet, il défend vivement la liberté individuelle, prône le libéralisme économique et politique, met en avant les avantages du libre-échange, popularise l’expression “laissez-faire”, mais en même temps, il légitime un certain nombre d’exceptions dans lesquelles il défend une intervention de l’État qu’il juge nécessaire.
Mill prône un libéralisme économique empreint de socialisme, mais tout en défendant la concurrence et en étant très méfiant du communisme. Il décrit d’ailleurs ce dernier comme étant un système qui porte atteinte aux libertés individuelles. John Stuart Mill souhaite donc un libéralisme économique social, et non pas un socialisme libéral.
Enfin, la troisième raison vient du fait que Mill a consacré à la science économique seulement quelques écrits, et non pas la totalité de son œuvre, qui est également dédiée à la philosophie et à la morale.
Les influences de John Stuart Mill
Le père de John Stuart Mill était également économiste. Durant sa jeunesse, il lui a fait lire des ouvrages économiques, et notamment ceux de David Ricardo, Jean-Baptiste Say et de Jeremy Bentham.
En 1820, son père l’envoie en France pour son éducation pendant une année chez Samuel Bentham, le frère de Jeremy Bentham.
Quand il revient en Angleterre, son père achève son ouvrage Principes d’économie politique et lui demande d’en faire un résumé. L’époque le favorisant, la pensée de David Ricardo est très présente dans cette œuvre, ce qui permet à John Stuart Mill d’aborder les thématiques de l’endettement de l’État et des impôts, du problème du libre-échange et de l’inflation monétaire.
Au-delà de cette culture économique, John Stuart Mill connaît très bien les travaux de Malthus, au point d’admettre et d’adopter ses thèses concernant le principe de population. Il adhérait par exemple au contrôle volontaire des naissances, notamment au travers de la contraception. L’objectif était de diminuer la quantité de la classe laborieuse, afin de leur garantir le plein-emploi et des salaires plus élevés.
Une vision globale des sciences humaines et sociales et une approche basée sur l’abstraction et l’induction
John Stuart Mill, à travers ses travaux et ses raisonnements, va considérer que l’économie est un des éléments faisant partie des sciences humaines et sociales. Cela signifie que l’économie appartient à un ensemble plus vaste et qu’il faut donc préciser les limites de son savoir.
Mill va émettre un raisonnement sur la conception a priori abstraite de la science économique et sa portée factuelle qui nécessite une méthode inductive. Pour lui, il faut donc combiner à la fois l’abstraction et l’induction.
Concrètement, un raisonnement économique abstrait peut révéler un certain nombre de conclusions. Mais le raisonnement économique dans les faits doit prendre en compte toutes les circonstances du moment, au même titre que les autres sciences sociales. Cela signifie alors pour John Stuart Mill que les lois économiques ont une portée relative, et non pas absolue.
C’est notamment pour cela qu’il considère que l’économiste ne doit pas étudier uniquement sa propre science, mais la mettre en relation avec les autres sciences. Pour lui, il n’est pas possible d’obtenir une vérité économique seule, car en associant les différentes sciences sociales, cela révèle une vérité qui possède plusieurs facettes.
L’utilitarisme de Mill
La lecture des ouvrages de Jeremy Bentham a joué un rôle déterminant dans la formation de la pensée de John Stuart Mill. Le principe d’utilité de Bentham et son principe du plus grand bonheur pour le plus grand nombre ont structuré sa pensée. De plus, au même moment, l’économie politique s’est imposée dans le débat public avec le sujet de la dette et de l’imposition à la suite des guerres napoléoniennes.
Le principe d’utilité élevé en règle qui guide l’action humaine selon un arbitrage entre les plaisirs d’un côté, et les peines de l’autre, amène à la recherche du plus grand plaisir possible et de la peine la plus faible possible. D’un point de vue collectif, ce principe vise, pour le gouvernement, à chercher le plus grand bonheur pour le plus grand nombre.
Cependant, la capacité à mesurer, de manière quantitative, ce qui est utile transforme cette notion en un calcul froid pour Mill, ce qui va l’amener à prendre ses distances avec l’utilitarisme benthamien. Le bonheur du plus grand nombre ne peut pas se résumer par un calcul quantitatif, il faut aussi une estimation qualitative. Par exemple, Jeremy Bentham avait déduit qu’un yo-yo et un poème avaient autant de valeur parce qu’ils produisaient la même quantité de plaisirs, ce que Mill trouvait incongru.
Si la valeur peut se mesurer par l’utilité de la chose en question et par sa capacité à procurer du plaisir, ce qui est utile pour Mill correspond à tout ce qui contribue au bonheur général. Selon lui, ce qui est utile vise une fin supérieure, c’est-à-dire les plaisirs de l’esprit. Le but est de favoriser le bonheur de tous. À contrario, l’utilité temporaire réalise une fin subalterne, c’est-à-dire des plaisirs inférieurs qui n’apportent que le bonheur individuel.
L’utilitarisme de John Stuart Mill se distingue de celui de Jeremy Bentham sur au moins deux points. D’une part, celui de Mill est qualitatif, alors que celui de Bentham est quantitatif. D’autre part, celui de Mill est un utilitarisme altruiste, alors que celui de Bentham correspond à un utilitarisme égoïste.
L’utilitarisme de Mill ne renvoie pas à la satisfaction d’une personne égoïste qui recherche sa satisfaction personnelle. Il renvoie plutôt à la compétence du sage, à qui la recherche de l'intérêt général s’impose à lui, et passe avant la satisfaction de son intérêt personnel. Pour lui, l’idéal utilitariste correspond donc au bonheur général et non au bonheur personnel.
Le libéralisme de Mill
John Stuart Mill s’est demandé dans quelles conditions le bonheur individuel et le bonheur de tous peuvent se réaliser.
La liberté, condition nécessaire au bonheur et au bien-être général
Pour lui, la condition nécessaire et essentielle à la réalisation du bonheur se trouve dans la liberté. À ce propos, dans son ouvrage De la liberté, il a défendu la liberté individuelle absolue, mais dans la limite qu’elle ne porte pas atteinte à la liberté d’autrui. Il considère que chaque individu doit disposer d’une liberté totale, légale et sociale d’entreprendre et de réaliser toute action, et ensuite d’en supporter les conséquences tant que cela ne nuit à personne. Mill a cherché à définir les conditions réciproques d’exercice des rapports entre l’individu et la société. Le but est de préserver les droits et les libertés des individus, ce qui est pour Mill un gage de bonheur. Il s’agit aussi de fixer les limites de l’exercice du gouvernement sur les individus.
Pour lui, la liberté d’action d’un individu peut être entravée, mais seulement pour l’empêcher de nuire aux autres, et si besoin par la force.
En matière de liberté, il considère que les libertés de penser, d’expression, de discussion, d’association, de réunion et d’opposition ne doivent être limitées par aucune restriction, tant qu’elles ne nuisent pas à autrui. Dans la mesure où personne ne détient la vérité, il faut laisser chacun s’exprimer et publier. Même si c’est une opinion minoritaire, rien ne dit au final si elle est vraie ou fausse et fondée ou non.
Pour Mill, le bien-être intellectuel de toute l’humanité et donc son bien-être général vont dépendre de la capacité des individus à penser et à s’exprimer librement.
Concernant la liberté d’agir, il dit qu’il faut mettre des limites à cette liberté par rapport au préjudice qu’elle pourrait causer aux autres. En effet, comme l’avait dit un juge à un accusé, “votre liberté de donner un coup-de-poing s’arrête là où commence mon nez”. Il est nécessaire de canaliser les impulsions, tout en donnant à chaque individu la liberté de développer sa propre individualité dans l’action.
Cet accomplissement personnel est le gage du bien-être, tant qu’il n’empiète pas sur les droits des autres.
Ainsi, il faut laisser la liberté à la minorité qui est constituée des personnes de génie, et non pas les brider ou les faire entrer dans un moule. Cela signifie que Mill prône la liberté de chaque individu de s’affirmer par ses actes ce qu’il est réellement. Il s’oppose donc à la normalisation et à l’uniformisation des comportements, par le biais de la coutume et des traditions. Il voit l’origine du progrès et du bien-être dans l’affirmation libre de l’individualisme. Mais cette affirmation doit se faire en respectant les comportements des autres dans la société et leur bien-être.
Ce raisonnement induit pour Mill que les vertus sociales s’imposent aux vertus privées et que l’éducation a le rôle de les faire diffuser. L’État ne doit pas interférer dans la sphère privée, excepté pour sanctionner les atteintes délibérées à la liberté individuelle, mais également pour éduquer, informer et protéger.
La liberté d’un point de vue commercial
D’un point de vue commercial, l’arrivée d’un nouveau producteur sur le marché a un impact négatif sur les intérêts des producteurs qui sont déjà installés sur le marché en question.
À partir de cela, dans la mesure où le fait qu’il y ait un nouvel entrant affecte et nuit à la liberté de commerce de ceux qui sont déjà présents, l’État va se donner le droit de fixer le prix, de réglementer l’accès au marché, ainsi que les procédés de fabrication. Toutefois, afin d’assurer des prix bas, des produits de qualité tout en ayant des quantités abondantes, Mill considère qu’il fait laisser les producteurs libres d’entrer et de produire comme ils l’entendent. L’État se doit de leur assurer une égale liberté d’accès sur le marché et la liberté d’y exercer leur activité. John Stuart Mill considère à ce titre que le contrôle de l’État est légitime dans le but d’éviter la fraude, et la falsification des produits qui peuvent potentiellement nuire aux consommateurs.
Selon Mill, l’intervention de l’État a donc pour objectif de protéger. Cependant, il s’est quand même interrogé sur les limites à fixer à ce contrôle. Mill amène le raisonnement que l’État peut interdire certains produits en fonction de leur dangerosité (comme c’est le cas de l’opium par exemple). Il considère que l’État est également compétent pour éduquer et informer les individus en leur exposant et expliquant les risques qu’ils prennent s’ils les consomment.
Cependant, Mill estime aussi que les interdictions doivent se juger au cas par cas par l’État. Un produit nocif qui met en péril l’individu, justifie une restriction en ce qui concerne la liberté de consommer. De la même manière, une personne qui décide de se vendre comme esclave signifie qu’elle se prive de l’usage de sa liberté, ce que ne peut pas accepter l’État, au nom du respect de la liberté qu’il défend. Cela signifie que l’État protège l’exercice de la liberté d'action. Mill préconise donc que l’État intervienne pour éduquer les individus dans leur usage de la liberté, et leur faire prendre conscience de tout ce que cela implique.
La liberté d’un point de vue démographique
D’un point de vue démographique, un pays en situation de surpopulation se retrouve appauvri pour Mill. Si tous les citoyens possèdent la liberté de procréer, certains d’entre eux n’ont pas les moyens de nourrir leur famille. John Stuart Mill indique que l’État doit tout d’abord informer ses citoyens que la surpopulation entraîne un appauvrissement de la nation. Après cela, il considère que l’État a le pouvoir légitime d’interdire le mariage aux couples qui n’ont pas les moyens suffisants pour entretenir leur famille. Il peut même punir, si cela est nécessaire, ceux qui ne pourraient pas nourrir leurs enfants.
Mill justifie donc une restriction de liberté en ce qui concerne la procréation par le fait que l’État doit assurer le bonheur de chacun et de tous en même temps. Ce dernier peut restreindre cette liberté aux citoyens dans le but de les dissuader ou de les empêcher de faire des enfants qui seraient voués à la misère et à la souffrance. Cela signifie que l’État se donne le droit de limiter la liberté de certains, dans l’objectif de ne pas hypothéquer le bonheur des autres, et donc au final, le bonheur de tous.
Les limites de la liberté d’agir et du rôle de l’État
Si John Stuart Mill considère que la liberté de penser, comme celle de s’exprimer, ne doivent pas être limitées, la liberté d’agir, quant à elle, doit pouvoir s’exprimer largement, mais doit néanmoins pouvoir donner lieu à un contrôle. Mill s’est alors interrogé au sujet du champ d’intervention de l’État. Il juge que s’il est nécessaire de mettre des limites à l’exercice de la liberté, il faut aussi en mettre dans l’intervention de l’État. Pour lui, ce dernier doit rester au service des individus et de leurs capacités, et non pas les remplacer en les asservissant.
Mill met donc en avant la question de la frontière qu’il y a entre le plein exercice de la liberté d’une part, et la canalisation de cet exercice par l’État d’autre part. John Stuart Mill s’est toujours méfié de la tendance despotique, et même autoritaire de l’État, ce qui explique qu’il veut aussi lui imposer des bornes.
La défense de la condition féminine et du statut des femmes
En 1830, John Stuart Mill va rencontrer Harriet Taylor qui deviendra plus tard son épouse. Les deux, considérés comme étant des esprits brillants, ont une fascination réciproque l’un pour l’autre. Harriet Taylor va aider Mill à s’émanciper. Elle va notamment le sensibiliser aux questions sociales et au statut de la femme dans la société victorienne de l’époque.
De plus, il reconnaît l’influence qu’elle a eu sur l’évolution de ses idées. À son contact, son inclinaison économique va évoluer vers un socialisme tempéré.
Concernant la condition féminine et le statut des femmes, John Stuart Mill va écrire à ce sujet un ouvrage intitulé L’assujettissement des femmes. Dans celui-ci, il va défendre l’égalité des sexes au titre du respect de la liberté individuelle.
Sur ce thème, il va reprendre les idées de la Révolution française, sachant que les philosophes français du 18ème siècle étaient pour lui (et pour son père) des modèles à suivre.
Les lois économiques concernant la production, la richesse et leur répartition
Concernant les lois économiques, John Stuart Mill émet une différence entre d’une part, les lois de la production et des richesses qui dépendent de la nature, et d’autre part les lois de la distribution qui dépendent de l’ordre social et de la volonté humaine.
Mill considère, au même titre que ses prédécesseurs, que l’économie consiste à étudier et à comprendre les lois qui dirigent la création de richesses, la production et la répartition de la production et des richesses en question. Néanmoins, contrairement à eux, il estime que la production et la création de la richesse d’une part, et leur répartition de l’autre ne sont pas soumises aux mêmes lois.
Pour Mill, en fixant les règles qui permettent de répartir les richesses, la société porte atteinte à la liberté individuelle. Il considère qu’en plus, cette répartition ne dépend presque uniquement que de la naissance. Pour John Stuart Mill, il faut modifier ce constat, dans le but de garantir une plus grande liberté des actions individuelles. Il faut, selon lui, établir une plus grande égalité en ce qui concerne les conditions de départ. Cela ne signifie pas, pour lui, qu’il faut attaquer la propriété privée, cela doit passer par la réduction des inégalités sociales, grâce à une plus juste répartition des richesses.
Mill préconise alors de mettre en place une fiscalité directe avec l’instauration de droits de succession, la remise en cause du droit d’aînesse selon lequel l’aîné d’une famille recevait la plus grande part d’héritage, la disparition du salariat pour le remplacer par des associations d’ouvriers dans lesquelles la liberté ne serait pas soumise à autrui, et enfin, le partage des terres en rendant les paysans propriétaires, dans le but de remettre en cause le statut des propriétaires terriens qui ont hérité leur statut, sans forcément le mériter.
À l’inverse de David Ricardo, pour Mill, les lois qui régissent la répartition des richesses ne dépendent pas de l’économie, mais de la société elle-même. Cela signifie qu’en mettant des limites au droit de propriété et en mettant en place une redistribution équitable entre tous les individus libres, l’égalisation des chances doit donner à chaque individu la possibilité d’exercer sa liberté et de contribuer à l’utilité générale. Pour Mill, cela est l’un des exemples du libéralisme social.
L’état stationnaire selon Mill
Concernant l’état stationnaire John Stuart Mill partage le raisonnement de David Ricardo selon lequel à terme, il y aura un plafonnement probable du taux de profit. Toutefois, il ne le rejoint pas sur les craintes qu’il a. En effet, à l’inverse de Ricardo, Mill considère que cet état stationnaire va permettre de libérer les individus de leur quête d’enrichissement et de poursuite de leur intérêt personnel. Les individus en question vont pouvoir alors se concentrer sur la satisfaction des besoins supérieurs avec les plaisirs de l’esprit, de la culture et des arts. Mill considère ces plaisirs comme étant supérieurs et gage du bonheur pour tous, ce qui est conforme à sa conception de l’utilitarisme.
La vision de Mill sur l’échange international et le libre-échange
Concernant les échanges internationaux et le libre-échange, John Stuart Mill se place dans la continuité des travaux de David Ricardo sur le sujet. En effet, il adhère à la thèse de la spécialisation, mais non pas à partir de la loi des coûts comparatifs développée par Ricardo, mais en fonction de l’intensité de la demande extérieure réciproque. Cela signifie que Mill ne raisonne pas en partant des coûts comparés, mais en prenant en compte les demandes comparées. Concrètement, cela implique qu’un pays qui réalise l’échange le plus profitable correspond à celui dont les produits vont être les plus désirés à l’étranger. À partir de cela, l’intensité de la demande qui est exprimée, met le pays concerné en situation d’obtenir une quantité plus importante de produits en échange de sa production.
Cette analyse de Mill signifie qu’il ne faut pas raisonner à partir des coûts de production, mais plutôt à partir du rapport d’échange entre les produits qui sont exportés et les produits qui sont importés en termes de valeur d’échange.
John Stuart Mill défend le libre-échange parce qu’il a constaté les gains qu’a retirés la Grande-Bretagne de la division internationale du travail. Toutefois, Mill considère aussi que l’instauration du libre-échange ne se résume pas uniquement à la suppression des droits de douane. Pour lui, cela implique une organisation politique, sociale et économique dans laquelle le laissez-faire s’applique. En effet, il estime qu’en donnant à chaque individu la liberté de faire ce qu’il veut sur le plan économique, les individus en question, tels que les producteurs et les consommateurs peuvent se débrouiller seuls, et même le doivent.
Le laissez-faire implique, pour Mill, que l’État reste à l’écart et qu’il ne doive surtout pas intervenir dans l’économie. Cette dernière se trouve donc en situation d’autorégulation, étant donné que la concurrence libre entre tous les individus est le mécanisme d’autorégulation du marché. C’est pour cela que, selon lui, il faut laisser faire la concurrence.
Pour Mill, ce raisonnement est, au final, conforme à sa conception de l’exercice de la liberté, ainsi que des droits de l’individu. Il considère que la concurrence contribue au progrès de la société dans sa globalité, même si cela porte atteinte à certaines classes de travailleurs.
Une des premières expressions de la loi de l’offre et de la demande
John Stuart Mill va émettre une analyse concernant la détermination de la valeur des choses et des prix. Pour cela, il va reprendre les travaux de ses prédécesseurs et exposer une ébauche de ce que sera la loi de l’offre et de la demande.
Mill va expliquer à ce propos qu’il est possible d’obtenir un prix d’équilibre pour les quantités échangées grâce à l’égalisation de l’offre et de la demande sur le marché, par le biais de la concurrence.
Mill va améliorer les travaux de David Ricardo en distinguant trois catégories de biens. Pour lui, il y a les biens reproductibles dont le prix est établi par rapport à leur coût, les biens non-reproductibles, qui sont limités et rares, et dont le prix dépend de la demande, et enfin, les biens reproductibles à coût croissant dont le prix s’établit en fonction de la rente croissante.
Dans la mesure où la majorité des biens échangés sont des biens reproductibles, cela signifie que leurs coûts de production permettent d’établir leur prix et leur valeur.
Cela amène au raisonnement que si le prix du marché augmente par rapport aux coûts de production des biens en question, la perspective de gains plus élevés va mécaniquement attirer de nouveaux producteurs. La présence de ces derniers va avoir pour conséquence d’accroître l’offre, ce qui va ramener le prix à son niveau normal. Mill considère donc que le mécanisme d’autorégulation du marché est constitué de la concurrence et qu’il est alors nécessaire de laisser faire ce marché.
Le concept du laissez-faire de Mill et l’intervention de l’État
Le principe général de John Stuart Mill d’un point de vue productif et commercial est le laissez-faire, et donc le principe particulier correspond à l’intervention de l’État.
Mill considère que l’État doit intervenir grâce à un protectionnisme, mais seulement pour les industries naissantes et de manière provisoire. À part cela, l’État doit également intervenir afin de garantir que la liberté est librement exercée et pour corriger les inégalités qui empêchent cet exercice de la liberté. Concrètement, cela signifie que l’État doit intervenir afin de permettre que les ouvriers et la population aient accès à une instruction gratuite.
Ce raisonnement de Mill sur ce sujet vient de l’héritage idéologique de la Révolution française qu’il apprécie et veut défendre. Il a même estimé sur cette lancée qu’il était plus facile de gouverner un peuple éclairé, qu’un peuple maintenu dans l’ignorance et donc davantage exposé aux illusions et à la démagogie.
La conception de la monnaie de Mill
Concernant la monnaie, John Stuart Mill se met dans la droite lignée des travaux de David Ricardo. Il va alors présenter une approche quantitativiste de la valeur de la monnaie en considérant que la valeur de la monnaie dépend de sa quantité.
Il veut démontrer que le pouvoir d’achat de la monnaie suit une trajectoire proportionnellement inverse au niveau général des prix. Mill reprend alors la théorie selon laquelle la monnaie n’est qu’un simple instrument d’échange qui permet de faciliter les échanges, et qui n’a donc aucune influence sur la valeur des choses.
Il considère que l’introduction de monnaie ne modifie pas la loi du marché. Cette dernière permet, y compris, de déterminer la valeur de la monnaie elle-même. Cela implique que la monnaie correspond à une marchandise dont la valeur va dépendre, pour le court terme, de la confrontation de l’offre et de la demande de monnaie, et pour le long terme, des coûts de production. Ce raisonnement s’applique à toutes les marchandises, quelles qu’elles soient.
Cette analyse de la monnaie permet, selon Mill, d’éviter « l’illusion » selon laquelle la monnaie serait quelque chose de particulier et donc de plonger dans une certaine complexité monétaire. Cela permet pour lui d’éviter cette illusion qui pousserait les agents économiques de raisonner à partir des valeurs nominales et non pas des valeurs réelles (c’est-à-dire en prenant en compte l’inflation).
Mill avance aussi l’explication que lorsque la quantité de monnaie s’accroît, les prix augmentent aussi, a priori. Cependant, Mill indique que tous les prix n’augmentent pas dans les mêmes proportions. En effet, au-delà d’un certain niveau de prix, certains produits ne sont plus demandés, et donc vendus. Mill en déduit qu’il n’y a pas systématiquement de causalité entre la monnaie et les prix, même si des exceptions existent.
Par ailleurs, Mill va aussi mettre en avant la notion qu’il nomme la rapidité de circulation de la monnaie, intitulée depuis par le terme de vitesse de circulation de la monnaie. Il explique à ce propos qu’elle permet de déterminer la valeur de la monnaie.
Concrètement, en passant de mains en mains, un billet ou une pièce permet d’assurer les échanges. Cela signifie qu’un même billet peut assurer durant une seule journée plusieurs échanges. Mill en déduit qu’il est nécessaire d’ajouter à la quantité de monnaie qui assure la circulation des marchandises dans l’économie, la vitesse de circulation de la monnaie.
À la suite de ce raisonnement, John Stuart Mill va proposer une égalité selon laquelle tous les biens vendus, le montant des marchandises, ainsi que les transactions effectuées correspondent à la quantité de monnaie qui est multipliée par la vitesse de circulation de la monnaie. Cela signifie que la quantité de monnaie en circulation (représentée dans l’équation par M) correspond au rapport entre la valeur des biens vendus (évaluée par p x q) et le nombre qui exprime la vitesse de circulation de la monnaie (représentée par v).
L’équation de Mill donne donc [M = (p x q) / v].
Avec l’introduction de ce concept, John Stuart Mill va ouvrir une nouvelle voie à l’analyse monétaire, parce qu’il met en avant la rapidité de circulation de la monnaie qui évolue et varie en fonction des réserves de monnaie détenues par les individus, les banquiers privés et les Banques Centrales. S’ils prennent la décision de conserver de la monnaie en réserve, alors l’augmentation de quantité de monnaie ne va pas produire son impact de hausse des prix, étant donné que la détention de monnaie l’aura capté.
Tant que la monnaie ne joue que le rôle d’un instrument d’échange et que sa vitesse de circulation reste identique, cela signifie que la théorie quantitative reste pertinente. À partir du moment où la monnaie devient une réserve de valeur en étant thésaurisée (c’est-à-dire épargnée), avec une variation de la vitesse de circulation en fonction des intentions de détention des individus, alors la théorie quantitative perd toute sa pertinence pour expliquer l’inflation. Mill suggère néanmoins qu’il peut y avoir des exceptions.