Informations principales
Léon Walras est un économiste français né à Évreux le 16 décembre 1834 et mort à Montreux le 5 janvier 1910. Il a effectué toute sa carrière universitaire comme professeur à l’Université de Lausanne en Suisse. Il a beaucoup été influencé par les travaux économiques de son père Auguste Walras.
Léon Walras distingue trois types d’économies. L'économie pure qui est l’objet d’une science pure et qui traite des faits naturels qui sont dépendants de forces que l’on ne voit pas et qui sont fatales, l'économie sociale qui est l’objet d’une science pure morale mélangée à une science pure appliquée et qui vise à définir un idéal de justice et enfin, l’économie politique appliquée qui a pour objectif de donner des lignes directrices pour l'action politique.
Léon Walras est principalement connu pour ses travaux sur la notion d’équilibre général avec la Loi de Walras et sur le développement du concept d’utilité marginale.
Ses ouvrages majeurs ont été la « Théorie unique de l'impôt » de 1861 et « Éléments d'économie politique pure » de 1874 abrégé parfois en EEPP.
Dans ce second livre, Walras a analysé que pour atteindre l’équilibre de marché, les échanges doivent avoir seulement lieu après un tâtonnement walrasien guidé par un commissaire-priseur. À compter de cela, il a démontré de manière mathématique, à partir d’une seule hypothèse, que l’existence d’un équilibre général est atteint par la rareté.
Des décennies après, des spécialistes de Walras ont beaucoup débattu pour savoir s’il fallait le considérer comme un libéral, comme un socialiste ou encore comme un socialiste libéral. Il est quand même considéré comme faisant partie du courant néo-classique.
Pour Léon Walras, l’État a une vision raisonnable et judicieuse qui est supérieure aux individus dans les domaines dont il est responsable. Son rôle principal consiste à réguler l’économie de marché grâce à la lutte contre les monopoles et en gérant directement les monopoles naturels. D’un point de vue social, il a une vision méritocratique du monde donc pour lui, l’État n’a pas à corriger les inégalités naturelles, il doit simplement veiller à ce que les règles du jeu soient égales, ainsi que les mêmes pour tous. Il considère enfin que, grâce au crédit, il est possible de généraliser le capital et en même temps, la société.
La vision des sciences et des mathématiques de Léon Walras
Selon Léon Walras, l’Homme de science se doit d’élaborer un idéal social et économique en se mettant du point de vue de l’absolu et de la perfection. Le critère du savant est parfaitement objectif, car c’est celui de la vérité qui s’exprime, notamment dans l'économie pure grâce à la médiation fait par l’outil mathématique. Walras est fasciné par cet outil. L’appropriation des mathématiques par l’économie implique aussi celle de ses caractéristiques, c’est-à-dire qu’un résultat mathématique est juste ou faux, mais ne se situe pas dans un espace intermédiaire qui serait une semi-vérité. Il est donc universel, c’est-à-dire vrai tout le temps et partout. Les démonstrations mathématiques sur lesquelles repose le modèle de l’équilibre général ne doivent donc pas être discutées par nature, d’un point de vue idéologique ou politique.
La formalisation est importante puisque peu importe que les hypothèses ne soient pas réalistes, étant donné qu’elles sont considérées comme nécessaires pour l’outil mathématique. Le modèle permet donc de donner une vision de la réalité si elle était parfaite, et non de la réalité telle qu’on peut l’observer. Cela permet à l’économiste d’avoir des conclusions qui peuvent guider le législateur sans lui prendre son rôle et lui dire quoi faire. Le seul objectif de l’économiste pour Walras est de trouver la vérité.
L’observation et l’expérience permettent de déminer le terrain, de donner une consistance à des objets concrets qui servent alors à leur tour de base pour les formes abstraites et idéales. Les types d’idéaux permettent à l’Homme de science de se pencher dessus, ce qui sera le socle de son raisonnement d’où il déduira des lois et des rapports. Pour Walras, les déductions seront vraies si la démarche est logique.
Les fondements de la valeur selon Walras
Pour comprendre les fondements de la valeur selon Léon Walras, cela nécessite de comprendre la vision marginaliste et la notion d’utilité.
La vision marginaliste
Léon Walras partage avec les économistes Stanley Jevons et Carl Menger le concept d’utilité marginale, selon lequel la valeur économique est le résultat de l’utilité marginale de chaque bien.
Pour les marginalistes, il faut prendre en compte le concept d’utilité finale. Lorsqu’un bien est disponible en plusieurs exemplaires, leur consommation successive se révèle à chaque fois la source d’une utilité décroissante. Ainsi, la valeur d’un bien va résulter de celle que lui accordera un individu en fonction de son utilité finale, c’est-à-dire l’utilité et donc la satisfaction qui est liée à la consommation de la dernière unité du bien en question. L’utilité est appréhendée comme la capacité d’un bien à répondre à un besoin ou à un désir, à procurer à l’agent économique concerné un certain degré de plaisir ou d’éviter un effort.
Le marginalisme permet d’éviter le problème de la classification des biens en catégories. Ce qui est important pour le consommateur est le bien en lui-même, mais surtout l’utilité produite par chaque nouvelle consommation de ce bien.
Les travaux d’Auguste Walras
Léon Walras a beaucoup été influencé par les travaux de son père Auguste Walras.
Concernant le processus de la valeur-utilité, Auguste Walras considère que l’utilité est une condition de la valeur dans le sens où un bien n’aurait aucune valeur s’il ne servait à rien. Cependant, ce n’est pas la cause unique de la valeur. Le raisonnement est simple. Du moment qu’aucun lien de proportionnalité ne peut être établi entre l’utilité d’un bien et sa valeur, on ne peut pas en conclure que la valeur détermine l’utilité. Et cela d’autant plus que si certains biens sont vitaux, ils ne sont pas forcément chers comme par exemple l’eau. Mais l’inverse est aussi vrai, certains biens sont chers alors que leur utilité est moindre.
Dans la même lignée, la valeur travail est discréditée à cause de la prise en compte des coûts de production et de la notion de travail incorporé de David Ricardo. Il est difficile d’établir un lien de détermination entre les deux alors que certains biens qui n’ont pas de coûts de production ont quand même une valeur marchande. Auguste Walras critiquera Ricardo pour ne pas avoir su justifier en quoi le travail lui-même avait une valeur.
Les approfondissements de Léon Walras
Léon Walras a approfondi les notions de limitation et de quantités limitées. Ces notions doivent être étudiées avec celles de richesses et de valeurs à travers l’échange, celui-ci étant considéré comme un fait social. Tout est donc lié.
La valeur puise sa source dans la limitation, d’un point de vue qualitatif d’une part pour savoir si un bien va durer dans le temps et la durée, et d’un point de vue quantitatif d’autre part. La limitation dans la durée permet de différencier le capital et les revenus et la limitation dans les quantités permet de mettre en avant la rareté des biens. Cette rareté correspond au rapport entre la quantité limitée d’un bien et celle pour laquelle s’exprime des besoins. Cela signifie que tout bien disponible en quantité limitée aura une valeur dont l’intensité va varier en fonction de son degré de rareté. Cependant, l’utilité va aussi jouer un rôle important.
L’utilité pour Léon Walras répond à un besoin qui est exprimé au-delà de toute considération éthique ou morale. Ce qui est important pour Walras est la capacité à satisfaire ce besoin. Il ne porte pas de jugement de valeur quant à la nature de l’usage du bien concerné.
À partir de la rareté et de l’utilité, Walras va construire les modalités de l’échange sur le marché, qui est le lieu de rencontre entre les acteurs, et sur lequel ils vont exprimer leurs préférences personnelles. La confrontation des attentes individuelles permet d’établir des valeurs d’échange des biens, dont les prix sont l’expression. Au centre du mécanisme, il y a le secrétaire walrassien (ou crieur), qui centralise les intentions de chacun en matière d’offre et de demande. Ce processus permet d’ajuster de manière automatique le système des prix de manière à rendre compatibles les projets de vie des individus.
Le secrétaire walrassien
Le secrétaire de marché de Léon Walras est une métaphore qui a un rôle central dans la détermination des prix puisqu’il recueille les intentions quantitatives des agents aux prix qu’il propose lui, afin de réajuster son système jusqu’à obtenir l’équilibre général. Aucun échange ne peut avoir lieu en dehors de l’équilibre.
Concernant la procédure, Walras veut prouver que la solution théorique et la solution de marché sont identiques. Cela est possible, car la hausse ou la baisse correspondent à un procédé de résolution par tâtonnement du système des différentes équations d’égalité concernant l’offre et la demande.
Cette notion de secrétaire de marché doit être prise en compte au niveau de l’ensemble de l’œuvre de Walras.
Le modèle de Walras peut notamment être analysé en termes de machine d’échange qui établit une relation entre la mécanique et la liberté. Il est nécessaire de remplacer les échanges empiriques par une machine d’échange. Le réformateur doit donc donner une réalité constitutionnelle à l'action centrale qui est incarnée par le crieur. La machine d’échange est un idéal et l’individu concerné doit réaliser un idéal. Elle protège la liberté qui correspond au pouvoir de chacun de mettre en œuvre ses forces et ses talents. La liberté n’est donc pas assurée quand l’échange engage l’individu envers les autres, cependant elle est assurée quand l’échange dégage l’individu des autres et le rend quitte de tous les autres.
Les positions idéologiques de Walras sont considérées comme naïves et incultes. Il n’y a pas de relations économiques et de transferts entre l’État et les agents autonomes. Il y a également l’impossibilité pour un agent anodin d’influencer autant le libre jeu de l’échange (qui est vu comme un mécanisme) que la situation des autres individus.
La théorie de l’échange est alors la théorie d’une séparation entre d’un côté la poursuite par chacun de la satisfaction maximale et de l’autre, de l’opération globale qui conduit à la compatibilité de chaque poursuite individuelle.
Pour Walras, l’indépendance des agents durant tout le processus correspond à la liberté qui leur est accordée pour arriver à leurs fins et donc d’atteindre leurs positions personnelles particulières.
La représentation de Walras permet de rendre l’individu quitte de tous les autres, mais sans pour autant soumettre chaque associé à l’ensemble de la communauté et réciproquement. Le crieur est le moyen qui permet aux agents de parvenir à leurs fins.
Le système walrassien est à la poursuite d’un idéal de justice qui assemble la justice sociale, l’efficacité économique et la liberté individuelle.
L’idéal Walrassien
Léon Walras a développé une approche complexe de la justice sociale dont l’un des problèmes fondamentaux est de combiner la liberté individuelle la plus large possible et l’autorité de l’État.
La justice sociale
Cette autorité de l’État doit être suffisamment contraignante pour imposer le cadre d’exercice de la liberté, sans la remettre en question. Cependant, l’individualisme, du point de vue de la justice, pose des difficultés. En effet, l’individu isolé reste le justiciable, il a des droits et des devoirs, mais suit de manière individuelle des contraintes. Il est aussi doté d’une conscience morale individuelle qui lui permet d’avoir une conception propre de ce que doit être une société juste. À contrario, si l’on prend en compte les théories de la justice sociale, les questionnements majeurs portent davantage sur les droits et les devoirs, leur nature, leur répartition entre les différents acteurs, leurs conséquences sur les comportements individuels, le poids des autres organisations et des autres institutions et enfin, sur les conséquences qui peuvent être observables ou non de la dynamique économique et sociale.
Walras s’est demandé s’il valait mieux choisir la richesse, y compris si elle vient de la source la plus impure, ou la justice qui mène à la ruine totale. Il soutient la liberté et se refuse à faire un choix, tant que la liberté est préservée.
L’intervention de l’État
Si la justice et l'intérêt peuvent être bafoués, c’est à cause de l’intervention après les faits qui remet en question le mécanisme de l’allocation des ressources par la machine d’échange (ou crieur walrassien). Car une remise en question de ce mécanisme opposera la justice et l'intérêt, le choix ne peut se faire qu’au détriment de l’un des deux. De la justice parce que le marché est censé réaliser une allocation qui est conforme aux talents et aux efforts individuels, ou de l'intérêt parce que toute autre allocation sera supposée moins productive.
Peu importe le choix fait, il sera insatisfaisant, il faut chercher la solution du problème avant ou « a priori », c’est-à-dire dans la détermination des termes de la procédure. La justice doit alors agir avant l’échange et non pas après. En effet, si les conditions de l’échange sont justes, avec des individus libres et égaux, qui n’ont pas de contraintes, alors le résultat de l’échange sera lui aussi considéré comme juste. Si le jeu du marché est efficace, alors la répartition qui en découle conciliera à la fois la justice et l'intérêt. Le laisser remplir sa mission tout en voulant la justice, c’est placer la justice en dehors des limites de son action en précédant cette action.
Il y a des conditions pour construire une société juste qui favorise le libre jeu du marché et qui supprime les entraves à son bon fonctionnement avec une concurrence que Walras souhaite parfaite. Cela passe par une absence de fiscalité qui doit favoriser la motivation individuelle, la propriété publique des sols permet d’assurer l’indépendance financière et politique de l’État et empêche la formation de monopoles et les agents doivent être autonomes pour assurer leur survie.
Le marché doit être le lieu d’une amélioration possible des positions individuelles, et ne doit pas être le lieu de luttes et de querelles d’influence. Les agents peuvent décider d’aller ou non sur le marché, mais étant donné que leur survie n’est pas en jeu, ils y trouveront forcément un avantage. L’État quant à lui doit assurer les charges régaliennes ainsi que l’éducation et l’instruction des acteurs gratuitement pour tous. Grâce à cela, il réalise un idéal d’égalité des individus, ce qui favorise l’accomplissement individuel et donc l’efficacité économique. Dans tous les cas, pour Walras, la concurrence est essentielle pour avoir un système économique performant.
L’échange
L’échange est censé favoriser l'intérêt et donc l’efficacité. Il satisfait les conditions de justice à condition qu’il respecte les positions personnelles particulières initiales, c’est-à-dire seulement s’il est neutre pour les agents économiques et qu’il ne remet pas en cause leurs projets de vie. Ces projets leur sont propres et sont l’expression de leur liberté fondamentale.
Pour Walras, le rôle de chaque individu est d’accomplir de manière volontaire sa destinée en étant libre.
Si l’échange fonctionne avec une équivalence dans la transaction et sans frottement, les inégalités de talents ou d’efforts seront alors préservées. Pour cela, il faut exclure la fraude, la tromperie et toute autre escroquerie et il est nécessaire de préserver la libre concurrence (grâce à l’absence de monopole notamment). Pour Walras, ce sont les missions de l’État de garantir cette équivalence.
Dans ces conditions, la liberté des acteurs procure le maximum d’utilité dans certaines limites. Les choses qui troublent cette liberté sont un empêchement à l’atteinte de ce maximum et donc quelles qu’elles soient, elles doivent être supprimées.
Cette liberté est une condition de la justice distributive qui exige que chaque individu possède lui-même ce que la nature lui a donné ou ce qu’il s’est donné lui-même grâce à son développement, son travail et sa persévérance. Les positions personnelles particulières sont alors le résultat naturel et nécessaire de l’activité des individus. L’État ne doit pas les perturber en intervenant. L'action de celui-ci et ses liens avec les individus sont délimités dans le temps.
D’abord, avant l’échange en assurant des conditions sociales générales qui sont équivalentes pour tous. Ensuite, pendant l’échange en réglementant le milieu d’accomplissement des destinées individuelles grâce à la libre concurrence notamment. Enfin, après l’échange, il doit laisser intactes les positions personnelles particulières en ne mettant pas d’impôts au nom de la liberté de chacun, mais aussi en ne corrigeant pas les inégalités.
Pour Walras, celles-ci ne peuvent pas venir du marché puisque l’État en assure l’équité. Du moment que les principes de justice de Walras sont préservés et assurés dans la sphère sociale par les institutions, la répartition qui découle des actions individuelles sera alors réputée juste.
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