Informations principales
Paul Davidson est un économiste américain, né le 23 octobre 1930 à New York, aux États-Unis.
Il est diplômé en sciences économiques de l’université de New York et a obtenu un doctorat à l’université de Pennsylvanie. En plus de ses recherches, il a enseigné la macroéconomie dans plusieurs universités et a été nommé professeur émérite de l’université du Tennessee.
Il a principalement travaillé sur la macroéconomie, discipline qui étudie le système économique au niveau global à travers les relations entre les grands agrégats économiques que sont le revenu, la consommation et l’investissement. Ses recherches portent plus particulièrement sur le système monétaire national et international, le salaire nominal, le sujet des ressources naturelles et la dette des pays en développement. Dans le cadre de ses travaux, il s’est montré très critique envers l’économie dominante.
Il a acquis une certaine notoriété en étant l’une des figures majeures de l’école américaine du post-keynésianisme.
Paul Davidson : un défenseur de la Théorie générale de Keynes
La Théorie générale de John Maynard Keynes a été une révolution pour la pensée économique. Dans ce livre, Keynes critique vivement l’économie classique et le libéralisme que cela sous-entend.
Malgré le bouleversement induit par cette révolution, Paul Davidson identifie, au sein de la société, une tentation de revenir en arrière. En effet, selon lui, Keynes avait remis en cause et rejeté trois hypothèses de l’économie classique. Premièrement, le fait qu’il soit possible d’avoir un remplacement entre les produits et les actifs non reproductibles. Deuxièmement, le fait que seules les valeurs réelles aient une influence sur les agents, à l’exclusion des valeurs nominales. Troisièmement, la vision d’un monde ergodique, ce qui signifie que les moyennes et les fluctuations observées dans le passé se reproduisent à l’identique pour chaque période de temps.
Paul Davidson reproche à la théorie macroéconomique dominante (qu’il appelle la “mainstream macroeconomic theory”) de vouloir réintroduire ces postulats de l’économie classique, ce qui, par prolongement, remettrait à jour la loi de Say, selon laquelle que l’offre crée sa propre demande.
Davidson rejoint Keynes qui avait critiqué la théorie de l’existence d’une substituabilité entre les actifs non reproductibles et les biens reproductibles. En effet, Keynes a affirmé que l’épargne excessive aurait pour conséquence d’augmenter la demande des actifs non reproductibles. La hausse de leur prix que cela engendrerait aurait pour effet de détourner les épargnants, au bénéfice de la consommation. Avec ce raisonnement, il a estimé qu’il était impossible pour les économistes d’expliquer la persistance du sous-emploi.
La place essentielle de l’incertitude
Paul Davidson a mis l’accent, de manière répétée, sur la place centrale de l’incertitude dans la théorie keynésienne, mais également de façon plus globale, dans l’économie réelle.
À la suite de John Maynard Keynes, les économistes néoclassiques, défenseurs du libéralisme, se sont intéressés à l’incertitude, mais leur conception de cette notion est beaucoup plus restrictive, puisqu’ils la réduisent à une simple distribution de probabilité connue par les agents économiques. Paul Davidson l’oppose à la “véritable incertitude”. En effet, il suggère une conception de l’incertitude qui est “non ergodique”, c’est-à-dire dans laquelle, sur la base des statistiques, il n’est pas possible de prévoir le comportement futur à partir de la connaissance du comportement passé. Davidson estime qu’entre le commencement d’une action et ses conclusions, il y a un laps de temps qui peut être long, et qui conduit les agents économiques à aller d’un passé irrévocable à un futur incertain.
Paul Davidson se moque ouvertement des différentes hypothèses des économistes néo-classiques pour définir la monnaie, mais également pour expliquer son existence et son utilisation. En effet, selon lui, la monnaie est incompréhensible sans l’incertitude. Se référant à Keynes, il explique que le désir des agents économiques de détenir de la monnaie en tant que réserve de richesse équivaut à un baromètre qui mesure le degré de doutes par rapport à leurs propres calculs et conventions concernant le futur.
Selon Paul Davidson, la monnaie n’est pas détachée du reste de l’économie. Il considère donc que ce n’est pas la monnaie qu’il faut expliquer, mais le concept d’économie monétaire. Il estime que le caractère essentiel de cette dernière est le contrat monétaire, dans lequel la monnaie est utilisée comme unité de compte et acceptée comme une contrepartie tout à fait valable dans l’échange. Cela induit alors que chaque partie a connaissance du poids des droits et des obligations futurs qui naissent de ses contrats. Pour Davidson, la monnaie permet de réduire l’incertitude à laquelle sont soumis les contractants. Par ailleurs, avec ce raisonnement et le système qu’il décrit, il met en avant l’importance du rôle de l’État et du droit.
La monnaie endogène et exogène
Depuis les débuts de la science économique et de l’économie politique, il y a des débats pour savoir si les variations de la masse monétaire sont une cause, ou bien un effet de l’activité économique réelle. Selon Paul Davidson, il y a en réalité deux questions qui sont posées de manière sous-jacente et auxquelles il apporte des réflexions.
Premièrement, il se demande quel est le degré d’élasticité (c’est-à-dire de variation) de l’offre de monnaie par rapport au taux d’intérêt.
Pour John Maynard Keynes par exemple, l’offre de monnaie est parfaitement inélastique, parce qu’exogène (c’est-à-dire extérieur au système). Cela implique qu’une variation de la demande de monnaie va affecter le taux d’intérêt, mais pas la masse de monnaie en circulation. L’offre de monnaie sera alors représentée par une droite verticale.
Pour d’autres économistes, elle se situe à un juste milieu, étant ni entièrement élastique, ni entièrement inélastique. Ce sera le cas par exemple lorsque les banques sont plus motivées à prêter de l’argent quand le taux d’intérêt est élevé. Cela implique qu’une variation de la demande va modifier la quantité de monnaie en circulation, ce qui aura un effet sur le taux d’intérêt. La courbe sera alors croissante.
Enfin, certains économistes, qualifiés d’économistes “horizontalistes”, voient l’offre de monnaie parfaitement élastique. Cela implique qu’une variation de la demande va modifier la quantité de monnaie en circulation, ce qui n’aura aucun effet sur le taux d’intérêt. La courbe sera alors totalement horizontale, d’où le nom qui leur a été donné. Davidson cite dans cette catégorie l’économiste britannique Nicholas Kaldor.
Deuxièmement, il s’interroge pour savoir si l’offre de monnaie est indépendante de la demande, ou non. Il cherche aussi à savoir si un déplacement de la courbe de la demande de monnaie entraîne avec lui un déplacement de la courbe d’offre, ou non. Paul Davidson juge que ces questions ne sont pas exactement équivalentes, puisqu’il serait possible d’avoir une offre verticale mobile sur l’axe horizontal, ou bien une offre oblique ou horizontale rigide. L’offre de monnaie ne sera exogène que dans le cadre de conditions très restrictives, à savoir qu’elle doit être, en même temps, parfaitement verticale et indépendante de la demande.
Finalement, Paul Davidson estime que l’économie réelle montre des situations dans lesquelles l’activité productive engendre une création monétaire endogène et des situations dans lesquelles des décisions de l’autorité monétaire entraînent une création monétaire exogène.
Le statut particulier du salaire nominal
Dans le cadre de ses travaux, Paul Davidson a fait ressortir le statut particulier du salaire nominal. En effet, dans le système économique de Léon Walras, le niveau absolu des prix est indéterminé, parce que le marché du travail est considéré et traité comme tous les autres marchés. Néanmoins, le salaire n’est pas le résultat d’un tâtonnement walrasien qui permettrait de trouver l’équilibre grâce à un ajustement de l’offre et de la demande. Il est déterminé par des négociations collectives et des réglementations, sachant que ces négociations portent sur le salaire nominal.
Davidson juge qu’un modèle économique réaliste traiterait le salaire nominal en tant que donnée exogène, c’est-à-dire extérieur au système. Grâce à cela, le niveau général des prix devient alors déterminé, parce que tous les autres prix vont s’ajuster par rapport à lui.
Dans la mesure où le salaire nominal est exogène, la capacité de la politique monétaire à contrôler le niveau des prix ne sera que très limitée.
Paul Davidson a mis en garde contre la crise financière de 2008
Paul Davidson a mis en garde contre la crise imminente des prêts hypothécaires à risque en janvier 2008. Il a même explicitement contesté la recommandation d’Alan Greenspan, alors ancien Président de la Réserve fédérale des États-Unis (poste qu’il a quitté en 2006). Ce dernier souhaitait une solution basée sur le marché pour laisser les prix de l’immobilier (et la sécurité liée aux prêts hypothécaires) baisser jusqu’à ce que les investisseurs les voient comme de bonnes affaires et commencent à acheter, ce qui aurait, selon lui, stabilisé l’économie.
Davidson a prédit avec précision que si le Congrès américain ne faisait rien, alors dans un an (soit au début de l’année 2009), les États-Unis, et par prolongement le monde, pourraient être embourbés dans la plus grande récession depuis la Grande Dépression des années 1930.
Au milieu du mois de septembre 2008, la banque d’investissement multinationale américaine Lehman Brothers a fait faillite, ce qui a été le point culminant de l’effondrement de l’économie et le début d’une crise financière. Alan Greenspan a alors admis lors de son témoignage au Congrès avoir été choqué par le fait que son idéologie du libre marché était erronée.