Informations principales
Robert Alexander Mundell est un économiste et professeur canadien, né le 24 octobre 1932 à Kingston dans la province d’Ontario au Canada et mort le 4 avril 2021 à Sienne, dans la région de Toscane en Italie. Robert Mundell est affilié à l’École néo-keynésienne qui a pour objectif de réaliser une synthèse entre l’École néoclassique et le Keynésianisme.
Il a fréquenté plusieurs grandes universités et a notamment obtenu en 1955 un doctorat au MIT (Massachusetts Institute of Technology).
Dans les années 1960, Robert Mundell et Marcus Fleming ont tous les deux développé un modèle économique propre. Leurs travaux sont ensuite repris sous le terme de Modèle de Mundell-Fleming, qui est une extension du Modèle IS/LM aux économies ouvertes. Le but de ce modèle est de généraliser la théorie keynésienne aux taux de change, à la dynamique monétaire et aux marchés de capitaux, et cela, dans les économies ouvertes.
Robert Mundell est également à l’origine, en collaboration avec Fleming, de la théorie des zones monétaires optimales. Cette théorie, publiée en 1961 montre qu’en cas de dévaluation monétaire, les zones qui profitent du meilleur bénéfice du fait de la proximité de leurs comportements économiques sont généralement celles réparties à cheval sur plusieurs zones monétaires existantes.
Il a commencé à travailler en 1974 à l’université Columbia de New York en tant que professeur d’économie, poste qu’il conservera jusqu’à la fin de sa carrière. Il a également conseillé de nombreuses institutions internationales et gouvernements tels que le Fonds Monétaire International (FMI), les Nations unies, la Banque Mondiale, la Réserve fédérale des États-Unis et plusieurs gouvernements d’Amérique latine et d’Europe, entre autres.
Robert Mundell a ardemment défendu la création de l’euro, ce qui lui vaudra le titre de Père de l’euro (parmi d’autres). Il recevra à ce titre le Prix Nobel d’économie en 1999 pour son combat en faveur de la monnaie unique, ce qui permettra de saluer au passage la naissance de cette dernière, ainsi que pour ses travaux sur les politiques monétaires et fiscales dans les économies ouvertes.
Par ailleurs, il a critiqué la version de la taxe Tobin émise par le mouvement ATTAC (une organisation altermondialiste). En effet, contrairement à son créateur James Tobin qui souhaitait taxer seulement les transactions sur le marché des devises, ATTAC veut taxer l’ensemble des transactions financières.
Les influences d’Adam Smith et de John Maynard Keynes
Robert Mundell a été influencé à la fois par Adam Smith et par John Maynard Keynes. En effet, une grande partie de ses travaux est basée sur l’analyse keynésienne.
Mais en même temps, il a été présent parmi les économistes de l’offre qui ont inspiré la politique économique du Président américain, Ronald Reagan, au début des années 1980. Le programme mis en place consistait à réduire brutalement les dépenses publiques et les impôts, à diminuer la régulation publique et à mettre en place une politique anti-inflationniste. De nombreux économistes keynésiens se sont alors sentis trahis par le positionnement de Mundell.
Robert Mundell expliquait à ce propos que les économistes keynésiens de l’époque ne préconisaient pas la bonne politique économique. En effet, pour lui, la diminution de l’inflation et le retour de la croissance devaient passer par une politique fiscale qui consistait à baisser les impôts. Toutefois, cette combinaison économique était à cette époque partagée et défendue par les économistes de l’offre, ce qui explique sa participation à ce mouvement.
Robert Mundell a une analyse qui reste keynésienne dans ses fondamentaux, mais il ne veut pas être dogmatique. À ce titre, il souhaite rester lucide, ce qui l’a amené à réaliser l’impact qu’emmènerait une mobilité des capitaux parfaite, et cela, sur les mécanismes économiques, ainsi que sur la politique économique.
Le Modèle de Mundell-Fleming
Quand Robert Mundell a rédigé sa thèse dans le cadre de son doctorat, il a partagé avec son directeur James Meade qui l’a supervisé, beaucoup de préoccupations économiques similaires. En effet, ils ont tous les deux considéré que le modèle keynésien devait être transposé en économie ouverte, et ne pas rester seulement en économie fermée. Pour cela, Mundell va reprendre le Modèle IS/LM élaboré par Hicks Hansen et y ajouter la mobilité des capitaux. Au même moment, l’économiste britannique Marcus Fleming a, lui aussi, réalisé cette adaptation. Malgré le fait que chacune des deux adaptations ait été faite indépendamment l’une de l’autre, elles prendront le nom de Modèle de Mundell-Fleming.
Le fait que les économies soient ouvertes, et non plus fermées, modifie le contexte dans lequel s’opère les politiques économiques. Cela implique que l’efficacité de ces politiques dépend de la mobilité internationale du capital et de la nature du système de changes.
En intégrant la mobilité des capitaux au raisonnement, cela signifie pour Mundell que la stimulation de l’activité économique, dans le cadre des changes fixes, s’opère à partir de la politique budgétaire. Mais dans ce cas, il faut consacrer la politique monétaire à la balance des paiements, qui prend en compte les échanges de capitaux, de biens et de services.
En prenant le même contexte, mais dans le cadre des changes flexibles, la politique budgétaire est complètement ruinée. C’est donc la politique monétaire qui réussit à stabiliser efficacement l’activité économique.
C’est sur la base de ce raisonnement que Robert Mundell a défendu le système des taux de change fixes. Toutefois, les conclusions de ses travaux ont été publiées dans un article en 1960 et se sont finalement révélées être justes. En effet, il a démontré qu’avec un système de changes flottants et avec une parfaite mobilité des capitaux, la politique monétaire se trouve être l’outil le plus puissant, alors que la politique budgétaire, quant à elle, perd son efficacité pour relancer l’activité.
Conformément à ce qu’avait prédit Mundell, les politiques budgétaires perdront de leur efficacité après la chute du système de Bretton Woods.
Le triangle d’incompatibilité complété par Robert Mundell
En prenant en compte les conclusions du Modèle de Mundell-Fleming, Robert Mundell apporte sa contribution au concept du triangle d’incompatibilité. Il démontre à ce sujet qu’il existe une incompatibilité pour une économie nationale ouverte d’atteindre plusieurs objectifs principaux à la fois. En effet, il estime qu’une économie ne peut pas avoir simultanément une politique monétaire autonome (en ce qui concerne l’inflation par exemple), une libre circulation des capitaux et une stabilité des taux de change.
Mundell considère que le pays doit renoncer à l’une d’entre elles et donc choisir deux des trois possibilités présentes. Effectivement, si le pays choisit la libre circulation du capital, alors cela signifie qu’il sacrifie, soit son indépendance en ce qui concerne la politique monétaire, soit les taux de change fixes et ainsi de suite.
Robert Mundell ajoute que la politique monétaire ne peut pas poursuivre simultanément un objectif interne et un objectif externe. Elle doit alors choisir de stabiliser ses taux de change, ou alors de stabiliser le niveau général des prix.
Toutefois, Robert Mundell estime que l’économie nationale peut avoir une autre possibilité. En effet, cette autre possibilité consiste à choisir une politique monétaire concertée. Il explique à ce propos que le degré le plus abouti de la concertation d’un point de vue monétaire se trouve dans une politique monétaire unique, ce qui implique l’adoption d’une monnaie unique.
Ce raisonnement l’amènera à développer le concept des zones monétaires optimales.
La théorie des zones monétaires optimales
Robert Mundell a élaboré son concept des zones monétaires optimales en 1961 en se basant sur son raisonnement sur le triangle d’incompatibilité et les conclusions qui en découlent. En effet, il considère qu’un pays peut décider de choisir une politique monétaire unique avec l’adoption d’une monnaie unique, plutôt que de devoir choisir deux des trois possibilités du triangle d’incompatibilité et donc en sacrifier une d’elles.
Il estime à ce sujet que l’union monétaire, au sein d’une économie globalisée sera forcément bénéfique pour les économies qui la constituent. Néanmoins, il précise qu’il y a deux conditions pour que cela soit réellement efficace. D’une part, les économies qui constituent l’union monétaire doivent avoir des facteurs de production mobiles, et d’autre part, elles doivent avoir des spécialisations homogènes de leur appareil productif. Dans ces conditions, il considère qu’il n’y a pas d’appréhensions à avoir concernant d’éventuels chocs asymétriques, tels que des migrations importantes de main-d’œuvre ou encore des délocalisations nombreuses d’entreprises.
Il met en avant le fait que le principe de l’union douanière doit permettre de redonner à la politique monétaire son autonomie, dans le contexte d’une libre circulation des capitaux. En effet, la politique monétaire est à nouveau autonome puisqu’elle n’a plus à se préoccuper de préserver des taux de change fixes à l’intérieur de la zone monétaire, et cela, grâce à la monnaie unique.
La théorie de la zone monétaire optimale conçue par Mundell s’applique dans la situation où un État choisit une union monétaire plutôt qu’une autonomie monétaire. Cette théorie permet de déterminer si l’union en question est optimale, et dans le cas échéant, pourquoi elle serait quand même souhaitable.
En intégrant une zone monétaire, les États concernés se retrouvent à utiliser une monnaie unique, ce qui implique qu’ils doivent fixer le taux de change entre tous les États membres. Concrètement, cela signifie que si un État a des prix trop élevés par rapport aux autres pays membres, alors il n’aura plus l’équilibre, selon le raisonnement de David Hume et son mécanisme d’ajustement des prix au niveau international.
Ce mécanisme stipule que si les prix sont trop élevés, la demande étrangère pour les biens concernés va diminuer, ce qui va entraîner aussi une diminution de la valeur de la monnaie. Ces diminutions vont engendrer une baisse de l’activité économique et des prix. Cependant, à l’intérieur d’une union monétaire, la valeur de la monnaie va rester la même. Cela signifie que si les prix sont rigides, il y aura probablement des conséquences économiques négatives pour l’État concerné. Robert Mundell décrit alors cette union monétaire par le qualificatif d’union monétaire non optimale. Pour faire face à cela, il estime qu’il faut une mobilité du travail parfaite et que cette dernière vienne constituer un substitut à la variation des prix. Dans le cas de l’union monétaire par exemple, cela correspondrait à un déplacement de la main-d’œuvre entre les différents États-membres.
Dans son raisonnement sur les zones monétaires non optimales, Mundell a pris pour exemple les États-Unis. En effet, selon lui, ce pays n’est pas une zone monétaire optimale puisque la mobilité du travail et la flexibilité des prix n’est pas parfaite. Cela oblige la mise en place d’autres mécanismes afin de compenser les différents écarts qui peuvent exister entre les États. Mundell considère pour les États-Unis que cette compensation se fait par des transferts entre les États à travers le gouvernement fédéral, ce qui permet de maintenir la cohésion de cette zone monétaire considérée comme non optimale.
La théorie des zones monétaires optimales a notamment été utilisée pour la création de l’euro, même si les pays qui ont constitué cette union monétaire n’avaient pas toutes les conditions optimales.
Cependant, Mundell considère dans le cadre de son raisonnement que la réelle zone optimale correspondrait à la planète entière. Il rejoint à ce titre la position qu’avait exposée John Maynard Keynes lors de la Conférence de Bretton Woods de 1944 qui soutenait une monnaie unique mondiale nommée le bancor, et une seule Banque Centrale qui aurait été le Fonds Monétaire International (FMI). Le projet de Keynes ne concernera finalement que quelques pays européens et aura mis des décennies à se concrétiser réellement.
Toutefois, pour Mundell, la monnaie unique ne doit être qu’un moyen et une étape dans le but d’harmonisation des politiques économiques.
La défense d’une monnaie mondiale unique
Robert Mundell s’est positionné en faveur d’une éventuelle monnaie mondiale unique, idée émise initialement par John Maynard Keynes. Il estime à ce titre que la mise en place d’une telle monnaie serait un outil formidable pour promouvoir le commerce international dans un climat de transparence et d’ouverture. Il considère que cela permettrait de supprimer les crises de change et les opérations d’arbitrage en ce qui concerne les produits dérivés qui circulent dans le monde. Mundell estime à ce titre que le système de change actuel, basé sur les taux de change flottants, est inefficace, et même absurde.
Il met en avant deux manières de mettre en place une monnaie mondiale. Cela serait soit grâce à une banque mondiale qui émettrait du papier-monnaie (comme les billets de banque par exemple), soit en revenant à l’étalon-or qui est un système dans lequel chaque unité monétaire est établie par rapport à une référence à un poids fixe d’or et dans lequel chaque monnaie nationale doit être convertible en or, et cela, de manière libre. L’étalon-or est le système monétaire qui prévalait jusqu’aux années 1930 environ.
Robert Mundell soutient prioritairement le système de l’étalon-or, car il estime que le fait d’opter pour une banque mondiale serait utopique sur le long terme. En effet, il estime que confier à seulement quelques personnes tous les pouvoirs monétaires, tout en leur demandant de ne s’en servir uniquement pour maintenir la stabilité de la monnaie est quelque chose de peu crédible sur le long terme.
L’effet Mundell-Tobin
Robert Mundell a été le premier à mettre en avant l’idée que l’augmentation du taux d’intérêt nominal devrait ralentir, d’un point de vue proportionnel, quand l’inflation augmente. Ce raisonnement se base sur la théorie qui veut qu’en réponse à l’inflation, les individus détiennent généralement moins de monnaie, mais en contrepartie, davantage d’autres types de capitaux. Ce mouvement réduit au final la demande de monnaie, et engendre une moindre hausse du taux d’intérêt nominal, voire même une baisse de celui-ci.
De manière plus formelle, l’effet Mundell-Tobin indique que la baisse du taux d’intérêt réel qui vient d’une hausse de l’inflation anticipée qui augmente le taux d’intérêt nominal a pour conséquence de diminuer les encaisses monétaires réelles et par ricochet, la richesse réelle. Au final, cela réduit la consommation et accroît l’épargne.
Robert Mundell a été le premier à montrer que l’inflation anticipée avait des effets économiques réels. Un argument similaire a été introduit par l’économiste James Tobin, ce qui explique le nom d’effet Mundell-Tobin.