Informations principales
William Stanley Jevons est un économiste et logicien britannique, né le 1er septembre 1835 à Liverpool, au Royaume-Uni et mort le 13 août 1882 à Bulverhythe, dans le même pays.
Il est le cofondateur, avec Léon Walras et Carl Menger, de l’École néoclassique (selon laquelle les marchés ont des mécanismes autorégulateurs qui conduisent à l’optimum économique et qui rendent donc le rôle de l’État mineur en économie) et de la Révolution marginaliste fondée sur la notion d’utilité marginale.
Cette dernière correspond à l’utilité qu’un agent économique (tel qu’un consommateur par exemple) tire de la consommation d’une quantité supplémentaire d’un bien. Selon Jevons, cette utilité est inversement proportionnelle au nombre d’unités de ce produit qu’il possède déjà, au moins au-delà d’une certaine quantité critique. Le consommateur va donc acheter une unité supplémentaire d’un bien, tant que l’utilité qui lui est associée est supérieure au prix de ce bien.
En suivant ce raisonnement, cela implique que plus un bien est rare, et plus son utilité marginale sera grande. Par exemple, l’utilité marginale de l’eau sera très faible si on en dispose déjà en abondance, et à contrario très grande, si on n’y a pas ou très peu accès.
Dans son livre intitulé Theory of Political Economy, publié en 1871, il expose la version finale de la théorie de l’utilité marginale de la valeur. Il fait aussi valoir que l’économie, en tant que science préoccupée par les quantités, est nécessairement mathématique et qu’il est donc important de partir des faits.
Jevons a reçu une reconnaissance publique pour son travail, publié en 1865 dans l’ouvrage intitulé La question du charbon. Dans ce livre, il attire l’attention sur l’épuisement progressif des réserves de charbon en Grande-Bretagne et a avancé l’idée que l’augmentation de l’efficacité de la production d’énergie conduit à une consommation accrue de celle-ci, et non inférieure comme on pouvait le penser.
En effet, selon lui, le progrès technique n’est pas nécessairement la solution pour faire face à l’épuisement des ressources énergétiques. Par exemple, plus les machines à vapeur sont efficaces et plus leur coût d’utilisation est faible, et plus la demande de ressources augmente. Cette vision est connue aujourd’hui sous le nom de Paradoxe de Jevons, qui porte son nom, mais aussi sous le nom d’Effet rebond. Grâce à ce travail particulier, Jevons est considéré comme l’un des premiers économistes d’un certain niveau à développer une perspective écologique sur l’économie.
En parallèle de ses recherches sur l’économie, Jevons a travaillé sur la logique, ce qui l’a amené à inventer et à construire le piano logique, un ordinateur mécanique.
La Révolution marginaliste et la théorie de l’utilité
William Stanley Jevons a développé les idées qui allaient le rendre célèbre relativement tôt dans sa carrière. En effet, dès 1860, il avait déjà formulé la théorie de l’utilité et considérait peu de temps après que les auteurs seront capables de montrer que la philosophie consiste seulement à déterminer la probabilité des choses. Il a donc positionné la théorie de l’utilité en tant que fondement de ses idées sur la substitution des produits. Selon cette théorie, le degré d’utilité d’un produit est une fonction continue (c’est-à-dire qu’il n’y a pas de ruptures) de la quantité de produits disponibles.
Cela signifie que moins un produit sera disponible, et plus son utilité sera importante et vice-versa. Le consommateur va donc acheter une unité supplémentaire d’un bien, tant que l’utilité qui lui est associée est supérieure au prix de ce bien. En suivant ce raisonnement, cela implique que plus un bien est rare, et plus son utilité marginale sera grande. Par exemple, l’utilité marginale de l’eau sera très faible si on en dispose déjà en abondance, et à contrario très grande, si on n’y a pas ou très peu accès.
Avec ce raisonnement, Jevons met en avant que pour lui, l’économie est essentiellement une science mathématique.
Ce n’est qu’après la publication de son ouvrage intitulé Theory of Political Economy en 1971 que Jevons découvre des applications des mathématiques à l’économie politique faites précédemment par des auteurs antérieurs, notamment Antoine Augustin Cournot et Herman Gossen. À la même époque que lui, deux auteurs, Carl Menger et Léon Walras, développent une théorie de l’utilité assez proche de celle de Jevons, mais chacun de manière indépendante.
Herman Gossen a probablement été le premier à mettre à jour le lien entre la valeur d’échange et l’utilité, mais Jevons a été beaucoup plus loin dans le raisonnement. En effet, il estime que toute valeur provient de la valeur d’échange et dépend donc uniquement de l’utilité. C’est cette analyse qui sera le fondement de la Révolution marginaliste (et donc de l’École néoclassique) incarnée par Jevons, Menger et Walras.
Jevons identifie bien que les grands moteurs de l’action humaine sont les plaisirs et les peines, mais il estime cependant que ce ne sont pas les seuls et que les autres fondements devront être traités dans d’autres disciplines. Pour lui, l’utilité, comme la valeur, n’est pas propre, mais dépend des besoins des individus.
Par ailleurs, Jevons n’a pas fait de distinction explicite entre les concepts d’utilité ordinale et cardinale. L’utilité cardinale permet de discuter de l’ampleur relative des utilités, tandis que l’utilité ordinale implique seulement que les biens peuvent être comparés et classés en fonction du bien qui procure le plus d’utilité.
Bien que Jevons ait précédé le débat sur l’ordinalité ou la cardinalité de l’utilité, ses raisonnements mathématiques nécessitaient l’utilisation de fonctions d’utilité cardinales. Par exemple, dans son ouvrage Theory of Political Economy, il affirme que dans un premier temps, le plaisir et la douleur doivent être mesurés sur la même échelle, ce qui implique qu’ils ont les mêmes dimensions, sont des quantités du même type, qui peuvent être ajoutées et soustraites. En ce qui concerne les mesures, l’addition et la soustraction requièrent la cardinalité, tout comme l’utilisation intensive du calcul intégral par Jevons. La cardinalité n’implique pas la mesurabilité directe, à laquelle Jevons ne croyait pas.
Sur la Question du charbon et le Paradoxe de Jevons
Lors d’un débat sur le traité de commerce franco-britannique de 1860, le Parlement britannique s’est inquiété et interrogé sur la menace que pourrait faire peser l’épuisement de ses réserves de charbon sur la suprématie industrielle et commerciale britannique. Cela a poussé Jevons à étudier plus profondément la question et à publier, en 1865, ses résultats dans son ouvrage intitulé Sur la question du charbon.
Selon lui, si la hausse de la consommation de charbon se maintient, cela risque de conduire à une hausse des prix, parce qu’il serait nécessaire de mettre en exploitation des mines dont les coûts d’exploitation seraient plus élevés que les précédentes. Par ailleurs, il a ajouté que le fait d’utiliser des machines qui consomment moins d’énergie n’entraîne pas une baisse de la consommation, comme envisagé initialement, mais au contraire, engendre l’utilisation de davantage de machines, qui contrebalancent finalement les économies d’énergie réalisées. Il remarque d’ailleurs que les améliorations technologiques (comme par exemple la machine à vapeur) et les gains de rentabilité ont conduit à une augmentation de la consommation totale de charbon, et non pas à une baisse. Ce constat est aujourd’hui connu sous le nom de Paradoxe de Jevons (aussi appelé Effet rebond).
Jevons avait une vision assez pessimiste sur la manière de faire face à ce problème, car il était sceptique et dubitatif sur la possibilité de trouver des énergies de substitution. La seule suggestion assez positive qu’il a émise est celle de réduire la dette nationale, afin d’avoir la capacité de faire face aux problèmes futurs. Cette proposition a d’ailleurs été reprise par le Ministre des Finances britannique d’alors, William Ewart Gladstone.
De l’activité du soleil aux cycles économiques
En 1875, Jevons a lu un article sur l’influence de la période des taches solaires sur le prix du maïs lors d’une réunion de la British Association for the Advancement of Science. Les taches solaires sont des régions plus sombres et moins chaudes du soleil, dans lesquelles il y a souvent des explosions gigantesques connues sous le nom d’éruptions solaires. L’intensité de l'activité solaire y est donc liée et cela a un impact sur la Terre et sur ses activités.
Cet article a attiré l’attention des médias et a conduit à l’invention du mot « sunspottery » en anglais, qui signifie « tache solaire » en français, pour désigner les allégations de liens entre divers événements cycliques et les taches solaires.
Plus tard, dans son texte intitulé Commercial Crises and Sun-Spots, Jevons a analysé les cycles économiques, faisant la supposition que les crises économiques ne sont pas des événements aléatoires, mais qu’elles sont basées sur des causes préalables discernables. Pour clarifier son raisonnement, il a présenté une étude statistique qui établit un lien entre les cycles économiques et les taches solaires. Selon son raisonnement, les taches solaires affectent le climat, qui à son tour affecte les cultures. On peut donc s’attendre à ce que les changements au niveau des cultures entraînent des changements économiques. Des études ultérieures ont montré que le temps ensoleillé avait un impact positif faible, mais significatif sur les rendements boursiers, probablement en raison de son impact sur l’humeur des traders.
Les travaux dans le champ de la logique menés par Jevons
Parallèlement à ses recherches en économie, Jevons a travaillé sur la logique. C’est dans ce cadre qu’il a, en 1863, publié un petit volume intitulé Pure Logic or the Logic of Quality apart from Quantity, en se basant sur la logique de George Boole, mais en retirant ce qu’il considérait comme un faux habillage mathématique.
Dans les années suivantes, il s’est attelé à construire une machine logique, appelé le piano logique (ou logic piano en anglais), qu’il a présenté à la Royal Society en 1870. Cette machine permettait d’aboutir mécaniquement aux conclusions amenées par un jeu de prémisses, c’est-à-dire des propositions qui amènent à des conclusions dans le cadre d’un raisonnement logique. Cette machine est le résultat de ce qu’il considérait comme le “grand et universel principe de tout raisonnement”. Plus concrètement, l’idée est qu’il est possible, dans les problèmes de logique, comme cela se fait dans les équations d’algèbre, de subsister à un énoncé un élément doté des mêmes propriétés.
Dans les années suivantes, il a publié un ouvrage intitulé Elementary Lessons on Logic, qui est ensuite devenu le texte élémentaire de logique le plus lu en langue anglaise.
En 1874, Jevons publie un texte intitulé The Principle of Science, dans lequel il énonce et développe l’idée que l’induction correspond simplement à l’inverse de la déduction. Néanmoins, dans la mesure où il est compliqué de tenir compte de toutes les causes possibles, il fait la déduction que les lois générales sont, au mieux, seulement probables. Cela implique donc que, pour lui, les probabilités sont utilisées pour mesurer des anticipations rationnelles.