Informations principales
Edmond Malinvaud est un économiste et professeur français, né le 25 avril 1923 à Limoges, en France et mort le 7 mars 2015 à Paris, dans le même pays.
Il a été professeur au Collège de France (grand établissement d’enseignement et de recherche français) et administrateur de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).
Edmond Malinvaud a exercé ses fonctions de chercheur et d’enseignant, et il a en même temps consacré une partie importante de sa carrière à des fonctions publiques comme statisticien, conseiller économique et comme responsable de nombreuses institutions. C’est à ce titre qu’il a dirigé l’INSEE pendant près de quinze ans, de 1974 à 1987, assurant son indépendance et son développement. Pour lui, le but de l’économie est d’aider à améliorer le sort de l’humanité.
Edmond Malinvaud s’est spécialisé en économétrie. Il a fondé la théorie du déséquilibre (qui a donné naissance à l’École du déséquilibre), qui est une tentative de justifier la macroéconomie keynésienne grâce à la microéconomie. La théorie du déséquilibre est une théorie économique qui explique le chômage involontaire (selon lequel un individu souhaite offrir sa force de travail, mais n’obtient aucune embauche de la part des entreprises) et l’insuffisance de la demande effective (qui correspond au niveau de demande qui est anticipé par les entreprises à partir de leurs prédictions). Selon ce raisonnement, le chômage involontaire et l’insuffisance de la demande effective sont dus à un déséquilibre du marché qui vient des imperfections d’information et des défauts de coordination entre les différents agents économiques.
Dans le livre La croissance française, publié en 1972, avec Jean-Jacques Carré et Paul Dubois, il démontre que le progrès technique explique en grande partie la croissance des Trente Glorieuses.
Malgré le fait qu’il ait été un économiste et un mathématicien, Edmond Malinvaud considérait quand même que l’économique ne devait pas négliger le social et le politique, sous peine de ne pas pouvoir comprendre la combinaison des facteurs qui ont un impact sur la croissance et les structures de la société. De plus, il estimait que les mathématiques étaient un outil indispensable, mais qu’elles ne devaient pas non plus être une fin en soi.
Le sujet des déséquilibres
Pour Edmond Malinvaud, les agents autonomes prennent des décisions, mais ils sont contraints par des institutions et des structures qui encadrent leurs comportements. L’économie est alors un système dont l’état est le résultat des décisions de ces agents autonomes. Cela implique donc pour lui que la macroéconomie et la microéconomie sont liées de manière étroite. Un système de ce style peut être marqué par des dysfonctionnements qui sont autant le résultat de l’action des agents économiques, que de celui des pouvoirs publics. Pour Malinvaud, c’est le chômage qui est le plus grave de ces dysfonctionnements, dans la mesure où ses conséquences sont catastrophiques pour le bien-être des populations et pour le risque qu’il fait peser sur la stabilité sociale et politique.
Le concept d’équilibre joue un rôle primordial dans le raisonnement économique, mais Edmond Malinvaud rejette l’idée que l’équilibre soit réalisé de manière instantanée, dans un monde sans heurts ou tensions, et qu’il ait des caractéristiques générales et permanentes. En effet, selon lui, pour rendre compte de la réalité économique, il est plus approprié d’utiliser une approche en termes d’équilibre temporaire à prix fixes (aussi appelé équilibre général non walrasien) selon laquelle les équilibres sont temporaires et se réalisent à prix fixes. Cette approche est présente, de manière implicite, dans les travaux de John Maynard Keynes et de plusieurs de ses interprètes, comme, par exemple, John Hicks.
Concrètement, le but est d’expliquer comment les comportements microéconomiques peuvent générer des déséquilibres macroéconomiques permanents, autant sur le marché des biens, que sur celui du travail. Ces déséquilibres correspondent à une absence d’égalité entre l’offre et la demande sur ces marchés. C’est pour cette raison que ce courant de pensée a été nommé l’École du déséquilibre, et que Malinvaud en a été l’inspirateur. Il s’est ensuite essentiellement développé en France dans les années 1970.
Les différents types de chômage et leurs caractéristiques selon Edmond Malinvaud
Edmond Malinvaud a présenté pour la première fois, lors d’une conférence à Helsinki, en Finlande, sa théorie de l’équilibre général à prix fixes en la désignant comme le fondement d’une théorie macroéconomique du chômage. C’est dans le cadre de cette théorie qu’il distingue trois états macroéconomiques, qu’il a nommés le chômage keynésien, le chômage classique et l’inflation contenue.
Le chômage keynésien est provoqué par un excédent d’offre qui est généralisé. Cela implique que les travailleurs (ceux qui vendent ou “offrent” leur travail) n’arrivent pas à trouver un emploi au salaire existant et que les entreprises (qui vendent ou “offrent” des biens) n’arrivent pas à vendre tout ce qu’elles voudraient, aux prix en vigueur. Malinvaud estime donc que dans cette situation, il y a un sous-emploi et que les entreprises ne produisent pas autant qu’elles le voudraient, à cause d’une insuffisance de la demande effective (qui correspond au niveau de demande qui est anticipé par les entreprises à partir de leurs prédictions). Cela correspond au cas keynésien.
Le chômage classique se caractérise par un excédent d’offre de travail (trop de travailleurs qui cherchent un emploi donc), ainsi qu’un excédent de demande de biens (ce qui correspond à la consommation), dans la mesure où les consommateurs sont rationnés en tant que vendeurs de travail et acheteurs de biens. Malinvaud estime à ce propos que lorsque la main-d’œuvre n’est pas complètement employée, mais que les entreprises vendent quand même toute la production qu’elles souhaitent réaliser, il est possible de parler de sous-emploi classique. Ce sous-emploi est, de manière fondamentale, lié à une profitabilité (et une rentabilité) des entreprises qui est insuffisante.
Enfin, il y a l’inflation contenue qui correspond à la situation dans laquelle les demandes des acheteurs de biens (c’est-à-dire les consommateurs) et les demandes des acheteurs de travail (c’est-à-dire les entreprises) sont rationnées, ce qui conduit à un excédent de demande généralisé.
Edmond Malinvaud juge que les raisons qui font que les prix, et en particulier les salaires, ne se modifient pas afin de rétablir les équilibres sont à la fois nombreuses et complexes. Pour lui, elles relèvent autant, si ce n’est plus, de facteurs sociaux et politiques, que strictement économiques. Il considère donc que c’est la tâche, entre autres, de l’économie du travail de les faire connaître. Par exemple, en mettant en évidence comment sont déterminés les contrats de travail.
Malinvaud a estimé que durant les décennies qui ont suivi 1965, l’économie française avait connu les trois types d’équilibre qu’il avait décrits. Mais pour rendre la situation plus complexe, il ajoute que les chômages classique et keynésien peuvent coexister. Or, les politiques à mettre en place pour les combattre sont différentes et suivent des objectifs parfois contradictoires. En effet, accroître les dépenses publiques, par exemple, n’est efficace que pour combattre le chômage keynésien. Les mesures qui sont nécessaires pour lutter contre le chômage classique peuvent aggraver la situation relative au chômage keynésien. Enfin, réduire les salaires peut permettre de stimuler la profitabilité des entreprises, mais entraîne un effet dépressif sur la consommation et l’intensité capitalistique (c’est-à-dire les actifs qui sont nécessaires pour générer un revenu).
Edmond Malinvaud estime que le problème avec les nouvelles approches macroéconomiques telles que le monétarisme, l’économie de l’offre ou encore les anticipations rationnelles est qu’elles se concentrent beaucoup sur les phénomènes de long terme, alors que lui constate que, dans les économies modernes, le chômage keynésien est beaucoup plus fréquent. Par rapport aux développements plus récents de la macroéconomie, notamment aux États-Unis, Malinvaud exprime une certaine déception. En effet, beaucoup de ses collègues semblent croire qu’il n’y a pas grand-chose à faire afin de lutter et de résorber un chômage qu’ils considèrent volontaire ou frictionnel (ce dernier correspondant à celui qui est constitué par les personnes qui cherchent un emploi pendant une courte durée).
Un New Deal européen est nécessaire pour Edmond Malinvaud
Dans un texte publié en novembre 1993, Edmond Malinvaud propose, avec douze autres économistes, une initiative de relance à l’échelle européenne, qu’il compare ensuite à un New Deal européen. Ce dernier se décomposerait en trois volets, à savoir abaisser rapidement les taux d’intérêt réel à un niveau proche de zéro, exonérer le salaire minimum de toute charge sociale patronale dans le but de réduire le coût du travail non qualifié, et enfin, lancer des programmes d’investissements dont la finalité serait collective, équivalents à 4 % du PIB (produit intérieur brut) européen. Ces mesures pourraient être notamment financées par une hausse de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) et par une écotaxe.
Dans l’un des entretiens qu’il donnera suite à la publication de ce texte, il a affirmé rester fidèle, toute sa vie, à l’idée selon laquelle les économistes peuvent influencer l’emploi. En effet, pour lui, la politique économique doit avoir pour objectif de combattre les fluctuations conjoncturelles afin d’assurer la stabilité des prix et le plein-emploi, mais également sur le long terme, d’assurer une croissance qui permette d’assurer les objectifs de développement qu’une collectivité nationale fixe.