Instabilité politique : quel impact sur l’économie française ?

 

Instabilité politique : quel impact sur l’économie française ?
Instabilité politique : quel impact sur l’économie française ?

 

Depuis plusieurs mois, la France traverse une période d’instabilité politique qui n’a pas d’équivalent depuis les débuts de la Vème République. Entre gouvernements successifs, blocages et tensions sociales, le pays semble piégé dans un cycle de crises qui dépassent le simple domaine de la politique pour toucher en profondeur l’économie française. 

Les conséquences de cette situation sont déjà visibles avec une croissance atone, des investissements reportés, et une confiance des marchés ébranlée. Pourtant, derrière les chiffres et les analyses, c’est le quotidien des Français qui est affecté, à travers un pouvoir d’achat en berne, des projets professionnels ou personnels mis en attente, et une incertitude qui pèse sur l’avenir, tout cela générant forcément beaucoup d’anxiété.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon l’OFCE, cette instabilité a déjà coûté 0,5 point de croissance à la France depuis la dissolution de juin 2024, soit l’équivalent de 15 milliards d’euros perdus. C’est bien sûr une somme colossale qui se traduit par plus de déficit, moins d’investissements, ou encore des emplois non créés, voire détruits. 

Mais au-delà de ces pertes immédiates, c’est toute la trajectoire économique du pays qui est menacée. La préparation du budget 2026 s’annonce déjà délicate, puisqu’il faut à la fois réduire le déficit public encore très important et préserver les services publics. Les marges de manœuvre se rétrécissent, tandis que les attentes des citoyens et des marchés n’ont jamais été aussi élevées.

Pourtant, cette situation n’est pas une fatalité. D’autres pays ont connu des crises similaires et s’en sont sortis. La France dispose encore d’atouts majeurs. Mais pour en tirer parti, il faudra d’abord retrouver une forme de stabilité politique, condition indispensable pour redonner confiance aux acteurs économiques et permettre au pays de se projeter sereinement dans l’avenir.

 

Une instabilité politique inédite en France en 2025

En 2025, la France vit une période d’instabilité politique sans équivalent depuis la création de la Vème République, pourtant réputée stable. Depuis les élections législatives de juin 2024, le pays s’enfonce dans une succession de crises gouvernementales, de blocages et de tensions sociales, ce qui crée une situation de turbulences inédite. Quatre Premiers ministres se sont succédé en moins de dix-huit mois, un rythme qui contraste fortement avec la stabilité relative des décennies précédentes. Cette instabilité n’est que le reflet d’une fragmentation profonde du paysage politique, avec une Assemblée nationale divisée en trois principaux groupes aux idées opposées, ce qui rend toute majorité absolue impossible et chaque réforme difficile à mettre en œuvre.

Les racines de cette crise remontent bien avant 2025. Mais les élections législatives de 2024 ont été le point culminant avec une fragmentation politique sans précédent, où aucun camp ne parvient à imposer une ligne claire, tandis que les tensions internationales ont encore compliqué la tâche des gouvernements successifs. Cette situation a créé un fossé entre les Français et les responsables politiques, alimentant un sentiment de défiance.

Selon une enquête Elabe, une grande majorité des Français (86 %) considère que les derniers rebondissements politiques sont « un spectacle navrant » et pas « à la hauteur de la situation ». Ils sont, selon ce sondage, 75 % à avoir approuvé la démission du Premier ministre Sébastien Lecornu. D’après les résultats d’un autre sondage Odoxa-Backbone, un peu plus d’un Français sur deux (57 %) jugent le président de la République « totalement responsable » de la démission de son chef de gouvernement. Selon ce même sondage, 70 % des Français sont favorables à une démission d’Emmanuel Macron, qui n’a, par ailleurs, jamais été aussi impopulaire.

Suite à la démission du Premier ministre et après des concertations, le Président de la République a décidé de nommer à nouveau Sébastien Lecornu Premier ministre. Sa mission est lourde puisqu’il doit réussir à faire voter le budget 2026 de la France avant la fin de l’année. Avec une Assemblée nationale fragmentée, la tâche sera ardue et un renversement par les députés n’est pas à exclure, ce qui aura à coup sûr des conséquences économiques négatives supplémentaires pour tout le pays.

 

L’économie française fragilisée par la crise politique

L’instabilité politique qui secoue la France depuis 2024 a des répercussions profondes et immédiates sur l’économie française, déjà mise à rude épreuve par des années de défis successifs. La croissance, atone depuis plusieurs trimestres, en est la première victime. Alors que les prévisions initiales tablaient sur une hausse du PIB de 1,1 % en 2025, les dernières estimations de l’Insee, datant du jeudi 11 septembre, prévoient 0,8 % de croissance, un niveau bien en deçà des attentes et des besoins du pays. Cela s’explique en grande partie par l’incertitude générée par les turbulences politiques, qui pèse sur la consommation des ménages et sur les décisions d’investissement des entreprises.

Ainsi, face à un avenir économique incertain, les comportements des ménages français changent. En effet, les dépenses de consommation, moteur traditionnel de la croissance hexagonale, marquent le pas. Les Français, inquiets pour leur pouvoir d’achat et leur emploi, privilégient l’épargne de précaution, ce qui réduit d’autant la demande intérieure. Les entreprises, quant à elles, reportent leurs projets d’investissement, faute de visibilité sur la fiscalité et les réglementations à venir.

Les marchés financiers ne sont pas en reste. La méfiance des investisseurs, tant nationaux qu’internationaux, se traduit par une hausse des taux d’emprunt pour l’État français. Les obligations d’État, autrefois considérées comme un placement sûr, voient leur rendement augmenter, ce qui reflète un risque perçu plus élevé. La France se retrouve à payer aussi cher que l’Italie, qui était pourtant considérée comme un mauvais élève en la matière. Cette défiance se répercute sur les entreprises, qui doivent elles aussi payer plus cher pour se financer, freinant encore davantage leur capacité à innover ou à embaucher.

La dette publique, déjà très élevée avant cette crise, est un sujet de préoccupation majeur. Avec un ratio qui dépasse les 115 % du PIB, la France se trouve dans une situation délicate. Chaque point de croissance perdu se traduit par des milliards de recettes fiscales en moins, ce qui creuse encore davantage le déficit. Les agences de notation ont d’ailleurs dégradé la note de la France, qui a perdu son double A, en septembre 2025, ce qui accroît encore davantage le coût de la dette et limite la marge de manœuvre du futur gouvernement.

Au-delà des chiffres, c’est toute la confiance dans l’avenir économique du pays qui est ébranlée. Les partenaires européens de la France commencent à s’impatienter, tandis que les investisseurs étrangers hésitent à engager des fonds dans un pays où les règles du jeu pourraient changer du jour au lendemain. Cette perte de crédibilité se mesure aussi dans les comparaisons européennes, où la France est en train de devenir un cancre.

L’urgence, aujourd’hui, est de rétablir la stabilité politique pour permettre à l’économie de respirer, et mettre en place des mesures capables de redonner confiance aux acteurs économiques. Sans cela, le risque est grand de voir la France s’enliser dans une spirale où crise politique et difficultés économiques s’alimenteraient mutuellement, au détriment de tous.

 

Instabilité politique : quel impact sur l’économie française ?
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L’étude de l’OFCE : 0,5 point de croissance perdu, soit 15 milliards d’euros

L’évaluation la plus frappante des conséquences économiques de l’instabilité politique en France vient de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), l’un des instituts de recherche les plus respectés en matière d’analyse conjoncturelle. Selon leur étude publiée en octobre 2025, la crise politique qui secoue le pays depuis juin 2024 a déjà coûté 0,5 point de croissance à l’économie française, ce qui représente concrètement 15 milliards d’euros. Cela représente par exemple plus de trois fois le budget du Ministère de la Culture pour une année ou encore au budget du Ministère de la transition écologique.

Pour parvenir à ce constat, les économistes de l’OFCE ont comparé la trajectoire réelle de l’économie française depuis 2024 avec un scénario de référence où la stabilité gouvernementale aurait été maintenue. La différence entre ces deux trajectoires révèle l’ampleur du gâchis, avec moins d’investissements des entreprises et des ménages, une consommation atone, une forte hausse du taux d’épargne et un ralentissement sur le marché de l’emploi.

Une grande partie de la croissance perdue vient des ménages, qui, à cause du climat d’incertitude, préfèrent épargner plutôt que consommer. Les Français, inquiets pour leur avenir, reportent leurs achats non essentiels et privilégient l’épargne de précaution, ce qui prive les entreprises d’un débouché crucial. Ainsi, le taux d’épargne a atteint 18,9 % au deuxième trimestre 2025, du jamais vu depuis 1979, hors période Covid. Dans la mesure où la consommation représente un peu plus de la moitié du PIB, cela a forcément un grand impact.

Les entreprises, quant à elles, contribuent en grande partie au reste. Face à un environnement politique imprévisible, elles préfèrent attendre avant d’investir dans de nouveaux projets ou d’embaucher. Et une dernière petite partie s’explique par la hausse des coûts de financement pour l’État et les collectivités locales, contrainte de payer des taux d’intérêt plus élevés pour emprunter sur les marchés, en raison de la prime de risque associée à l’instabilité.

Au-delà du coût en elle-même de l’instabilité politique, le risque est de créer un cercle vicieux qui s’auto entretient. En effet, l’instabilité politique affaiblit la croissance, ce qui aggrave les déséquilibres budgétaires, ce qui à son tour alimente la défiance des marchés et des citoyens, renforçant encore l’instabilité. Les économistes de l’OFCE soulignent que sans un retour rapide à une situation politique apaisée, ces 15 milliards d’euros ne seront qu’un début. Si la crise persiste en 2026, le coût pourrait être nettement supérieur, avec des répercussions durables sur l’emploi, les services publics et la compétitivité du pays.

 

Une instabilité politique qui pèse sur le budget 2026 et la trajectoire économique

L’instabilité politique qui caractérise la France en 2025 ne se contente pas d’affaiblir la croissance actuelle, elle hypothèque aussi l’avenir économique du pays, en particulier à travers son impact direct sur le budget 2026. Alors que les négociations budgétaires s’annonçaient déjà complexes en temps normal, la crise politique actuelle les rend encore plus périlleuses, avec des conséquences qui pourraient se faire sentir pendant des années. Le déficit public, déjà élevé avant cette période de turbulences, risque d’être difficile à réduire, avec toutes les conséquences que cela comporte.

Le problème central réside cependant dans l’équation impossible à laquelle le nouveau gouvernement va être confronté. Il faut bien sûr financer les dépenses essentielles, comme la santé, l’éducation, la sécurité ou encore la transition écologique, mais tout en réduisant un déficit qui va encore dépasser les 5 % du PIB en 2025. En plus de cela, la France s’est engagée auprès de ses partenaires européens à revenir sous le 3 % de déficit public d’ici 2029, comme l’y obligent les traités, ce qui laisse peu de flexibilité.

La dette publique, qui dépasse déjà les 115 % du PIB, est aussi un sujet de préoccupation majeur. Jusqu’ici, la France bénéficiait d’une certaine indulgence. Mais avec la dégradation de la note de la France (qui a perdu son double A), les investisseurs vont moins faire confiance en notre pays, ce qui va les pousser à demander des intérêts plus élevés sur l’argent qu’ils nous prêtent.

Par conséquent, entre une dette abyssale et des taux d’intérêt en hausse, ce sont déjà 67 milliards d’euros que la France va devoir payer cette année en intérêts (c’est-à-dire pour la charge de la dette). L’année prochaine, en 2026, ce sera probablement aux environs de 75 milliards et les prévisions prévoient plus de 100 milliards d’euros par an d’ici la fin de la décennie. Tout cet argent, utilisé pour payer des intérêts aux prêteurs de la France, est de l’argent qui ne sera pas utilisé au profit de tous les Français, pour les services publics, pour la transition écologique, pour l’investissement, l’innovation, l’éducation, la sécurité, la compétitivité des entreprises ou pour le pouvoir d’achat des ménages.

Par ailleurs, avec les mesures d’économies prévues par le gouvernement, le risque est également d’affecter encore davantage la croissance économique. Selon la Banque de France, la hausse du PIB ne dépassera pas 0,9 % en 2026. Ce montant sera peut-être revu en plus à la baisse en cas de crise politique continue ou s’il y a un nouveau choc national ou international quelconque (par exemple de nouveaux droits de douane de la part de Donald Trump ou de nouvelles tensions géopolitiques).

Le budget 2026, dont on ne connaît pas encore les grandes lignes, s’annonce donc comme un exercice d’équilibriste. Le Premier ministre va devoir trouver une majorité à l’Assemblée nationale, ce qui impliquera des concessions, mais lesquelles ? Quid de la réforme des retraites de 2023 ? Et les partis politiques vont-ils à nouveau renverser ce gouvernement ? Notre avenir dépendra de ce qu’il va se passer ces prochaines semaines.

 

Instabilité politique : quel impact sur l’économie française ?
Instabilité politique : quel impact sur l’économie française ?

 

Comment restaurer la stabilité politique et la confiance économique ?

La question de la stabilité politique et de la confiance économique n’est pas seulement un débat théorique, mais une nécessité absolue pour la France de 2025. Après des mois de turbulences politiques et de ralentissement économique, le pays se trouve à un carrefour : soit il parvient à retrouver un équilibre (permettant notamment le vote du budget pour l’année prochaine), soit il s’enfonce dans une spirale où l’instabilité politique et les difficultés économiques s’alimentent mutuellement, et cela, probablement jusqu’à 2027, date de la prochaine élection présidentielle. La bonne nouvelle, c’est que des solutions existent.

La première piste pour restaurer la stabilité passe par un retour à un fonctionnement institutionnel assez apaisé. Cela pourrait prendre la forme d’un gouvernement d’union nationale, basé sur un programme clair et limité dans le temps. Cela permettrait de dépasser les clivages partisans et de permettre une action publique plus lisible. L’enjeu serait de montrer aux Français comme aux marchés que la classe politique est capable de se rassembler autour de l’intérêt général.

Une autre piste serait de redonner la voix aux Français. Cela n’implique pas nécessairement la démission du Président de la République, mais plutôt des consultations, ou même des référendums qui permettraient de réimpliquer le peuple dans le processus de décision. Par ailleurs, Emmanuel Macron peut également décider de dissoudre l’Assemblée nationale. S’il le fait, il faut espérer que les Français donnent une majorité claire au pays.

Une autre voie consisterait à réformer en profondeur nos institutions pour les adapter à une société plus fragmentée. Cela peut par exemple passer par une dose de proportionnelle plus importante. La Constitution actuelle pourrait également être réformée. Ces mesures prendraient cependant du temps et nécessiteraient un consensus large, ce qui n’est pas gagné dans le contexte actuel.

Sur le plan économique, la priorité absolue doit être de rassurer les acteurs économiques, qu’il s’agisse des ménages, des entreprises ou des investisseurs internationaux. Cela passe d’abord par une communication claire et transparente sur la trajectoire budgétaire. Les marchés détestent l’incertitude, et une feuille de route crédible sur la réduction du déficit et la maîtrise de la dette serait un premier pas essentiel. Ensuite, il faudrait stabiliser le cadre fiscal et réglementaire pour permettre aux entreprises de planifier leurs investissements sur le long terme. Les secteurs stratégiques, comme l’immobilier ou le numérique, pourraient aussi bénéficier de mesures ciblées pour relancer l’activité.

Par ailleurs, les collectivités locales, mais également les partenaires sociaux, les élus locaux et les représentants de la société civile pourraient aussi jouer un rôle clé. Les crises politiques récentes ont souvent été amplifiées par un sentiment d’injustice et de déconnexion entre les décisions prises à Paris et les réalités vécues sur le terrain. Restaurer le dialogue social permettrait non seulement d’améliorer la qualité des mesures proposées, mais aussi de s’assurer qu’elles seront mieux acceptées et mises en œuvre.

La tâche est immense, mais pas impossible. D’autres pays ont connu des périodes de crise politique similaires et s’en sont sortis, donc la France devrait y arriver aussi, sachant qu’elle a tous les atouts pour.

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