La Nouvelle économie keynésienne

 

Joseph Stiglitz et George Akerlof, deux des principaux représentants de la Nouvelle économie keynésienne
Joseph Stiglitz et George Akerlof, deux des principaux représentants de la Nouvelle économie keynésienne

 

Informations principales

La Nouvelle économie keynésienne est un courant de pensée économique qui est né dans les années 1980 et qui, à partir de cette date, prend la relève de la Synthèse néoclassique.

Elle est l’une des héritières du Keynésianisme originel de John Maynard Keynes.

La Nouvelle économie keynésienne cherche à améliorer la Synthèse néoclassique (caractérisée par l’intégration de certaines théories de l’école néoclassique au keynésianisme originel) en lui donnant des fondements microéconomiques solides.

Les économistes les plus importants de la Nouvelle économie keynésienne sont notamment Joseph Stiglitz, George Akerlof, Olivier Blanchard, Stanley Ficher, Michael Spence, James Mirrlees, Gregory Blanchard, Lawrence Summers et Janet Yellen.

Au sein de la famille keynésienne, la Nouvelle économie keynésienne est concurrente du Post-keynésianisme et de la Nouvelle économie classique.

 

Les imperfections des marchés

Les nouveaux économistes keynésiens ne pensent pas que les marchés s’équilibrent s’ils suivent la loi de l’offre et de la demande, contrairement à ce que défendent les économistes de la Nouvelle économie classique. En effet, pour les nouveaux économistes keynésiens, les salaires et les prix ne sont pas flexibles, mais « visqueux », c’est-à-dire qu’ils évoluent, mais plus lentement qu’ils ne le devraient pour s’adapter correctement à l’offre et à la demande du marché.

De plus, selon eux, les marchés souffrent de défauts de coordination et de mauvais équilibres de sous-emploi. L’économiste américain Gregory Mankiw affirme notamment que le cœur de la Nouvelle économie keynésienne est la perception du système économique comme un système d’équilibre général dynamique (c’est-à-dire qui évolue avec le temps). Ce système ne prévoit donc pas une allocation efficiente des ressources sur le court terme à cause des prix « visqueux », et probablement à cause de multiples autres imperfections du marché.

Les économistes de la Nouvelle économie keynésienne considèrent que les marchés n’ont pas de prix flexibles. Cela signifie qu’à l’inverse de la théorie libérale (telle que la pensée classique et néo-classique), les entreprises sont plus souvent prices makers (c’est-à-dire qui fixent ses prix sur le marché) que price takers (c’est-à-dire qui ne peut pas fixer ses prix sur le marché).

Par ailleurs, à cause des différents facteurs internes à l’entreprise, les salaires sont rigides. En effet, changer les prix ou les salaires peut représenter un coût pour l’entreprise, voire même être impossible (s’il y a des conventions collectives ou des accords de branche par exemple). Pour les nouveaux économistes keynésiens, les rigidités salariales nuisent à l’ajustement du marché. En outre, les entreprises ont parfois plus intérêt à rémunérer leurs salariés au-delà du salaire d’équilibre. Ce raisonnement répond à la problématique qu’il peut être difficile d’ajuster constamment les prix, sachant que ces changements de prix ont des externalités et des conséquences qui n’affectent pas que l’entreprise et ses clients.

Les nouveaux économistes keynésiens expliquent donc la difficulté d’atteindre l’équilibre sur le marché du travail par des rigidités qui sont causées par la fixation de la part des entreprises de salaires qui ne correspondent pas à la réelle productivité du salarié. C’est sur la base de ce raisonnement que les économistes Carl Shapiro et Joseph Stiglitz ont créé le concept de salaire d’efficience. Selon ces deux économistes, l’asymétrie d’information qui est subie par les employeurs concernant la productivité des employés les incite à fixer un salaire supérieur à celui qu’ils devraient recevoir, dans le but de les inciter à travailler le mieux possible.

Ce concept de salaire d’efficience amène celui de salaire de réserve. Dans le cas où le travailleur reçoit un salaire qui est au niveau de sa productivité, l’employé en question ne perd théoriquement rien à changer d’emploi, ce qui implique qu’il peut donc relâcher les efforts qu’il fournit au travail.

Par ailleurs, les économistes de la Nouvelle économie keynésienne ont également développé la théorie du contrat implicite. Selon cette théorie, les salariés sont réputés pour avoir une aversion au risque, c’est-à-dire qu’ils préfèrent la sécurité au risque. À partir de cela, ils ont supposé que l’entreprise lissait le salaire nominal ou réel dans le cycle économique, sous la forme d’une prime accordée aux salariés, en échange de l'assurance que le salaire de ces derniers ne variera pas en même temps que le cycle en question. Cela sous-entend donc que le salaire augmentera moins en période de bonne conjoncture, mais en contrepartie, il sera maintenu en période de ralentissement économique.

 

La viscosité des prix et la notion de coûts de catalogue

Selon la Nouvelle économie keynésienne, les prix et les salaires ne s’ajustent pas automatiquement. Pour eux, ils ne sont donc pas fluides, mais visqueux, ce qui signifie qu’ils ont besoin de temps pour se modifier. Cependant, ce principe des prix visqueux a des conséquences en chaîne sur tout le raisonnement. En effet, du moment où les prix ne s’ajustent pas, cela signifie que la politique monétaire peut être réhabilitée. Cela implique aussi que les défaillances du marché sont possibles. À travers des concepts tels que le salaire d’efficience ou le coût de catalogue, la Nouvelle économie keynésienne a cherché à comprendre les causes de la viscosité des prix et des salaires.

Pour les nouveaux économistes keynésiens, les coûts de catalogue font partie des imperfections qui peuvent mener à des défaillances de marché. Selon ce concept, les entreprises ne changent pas leurs prix, car les changer implique un coût d’adaptation. Les entreprises évitent par conséquent les petites variations de prix. Au lieu de modifier les prix, les entreprises vont plutôt jouer sur d’autres variables comme par exemple la qualité, la quantité ou les délais.

 

Les asymétries d’information et les notions de sélection adverse et d’aléa moral

Les nouveaux économistes keynésiens soutiennent que les marchés ne peuvent pas être parfaits, parce qu’ils sont assurément touchés par l’asymétrie d’information, c’est-à-dire que tous les agents économiques ne disposent pas des mêmes informations, ou seulement de manière partielle. Ces agents économiques ne peuvent pas tout savoir et ont en plus, un discernement imparfait, ce qui entraîne alors des défaillances de marché. C’est à partir de ce raisonnement que les nouveaux économistes keynésiens peuvent émettre une théorie sur la sélection adverse, notion notamment étudiée par George Akerlof. Selon le principe de la sélection adverse, un acheteur est moins bien informé qu’un vendeur (à cause des asymétries d’information) sur les caractéristiques d’un bien ou service, ce qui conduit l’acheteur à payer davantage ou par exemple à ne pas choisir le produit réellement voulu, dans la mesure où il ne dispose pas de toutes les informations nécessaires.

George Akerlof a modélisé le principe de la sélection adverse avec le marché de l’occasion automobile. Il a montré qu’en situation d’information imparfaite, le risque de sélection adverse (aussi appelé anti-sélection) va conduire le marché des voitures d’occasion à ne proposer que des voitures avec des défauts cachés. En effet, le prix moyen va être le résultat de la moyenne des prix des bonnes et des mauvaises occasions.

Dans la mesure où le consommateur est en situation d’information imparfaite (vu qu’il ne reconnaît pas les bonnes voitures des mauvaises voitures), il ne sera prêt à payer que le prix moyen et pas davantage, pour minimiser ses risques. Or, dans cette situation, les vendeurs des mauvaises occasions vont se réjouir, alors que les vendeurs de bonnes occasions, qui n’auront pas d’espoir de vendre, vont sortir de ce marché. Seuls les vendeurs de mauvaises voitures y resteront. Les acheteurs sont conscients de ce mécanisme et vont alors à leur tour se désintéresser du marché de l’occasion.

Les économistes de la Nouvelle économie keynésienne voient la sélection adverse, ainsi que l’aléa moral comme des causes de l’imperfection des marchés et des prix considérés comme visqueux. Dans ce raisonnement, la notion d’asymétrie d’information est capitale puisqu’une des parties a une meilleure information que l’autre, ce qui conduit à rendre le fonctionnement des marchés inefficient.

 

L’accélérateur financier

Les économistes de la Nouvelle économie keynésienne ont repris la théorie de l’accélérateur d’investissement afin de créer la théorie de l’accélérateur financier. Selon celle-ci, une récession augmente le risque pour les banques secondaires (c’est-à-dire les banques commerciales) qui vont alors réduire le flux des crédits qu’elles accordent aux entreprises et aux ménages. Cet assèchement du crédit réduit les opportunités de dépenses, et donc, cela a pour conséquence d’accentuer la récession. Ce phénomène est d’autant plus puissant que les banques subissent une asymétrie d’information. En effet, leur hypervigilance est causée par le fait qu’elles ne savent pas si elles peuvent faire confiance ou non aux agents économiques à qui elles voudraient prêter.

Donc concrètement, l‘accélérateur financier stipule qu’un petit choc économique, qu’il soit positif ou négatif, va avoir, à travers le canal du crédit bancaire, des effets en chaînes amplificateurs dans tout le système financier. Cela signifie qu’une récession économique peut se transformer en une dépression économique par le fait de l’accélérateur (négativement dans cette situation) que représente le système financier.

 

Les cycles économiques et le Modèle keynésien à effet de seuil

Les économistes de la Nouvelle économie keynésienne s’opposent à la conception des économistes de la Nouvelle économie classique selon laquelle les cycles peuvent s’expliquer par des chocs monétaires ou réels imprévisibles. En effet, les nouveaux économistes keynésiens considèrent que les récessions sont provoquées par une des grandes défaillances du marché. C’est à partir de cela qu’ils justifient, dans certains cas, l’intervention du Gouvernement dans la sphère économique.

Par ailleurs, Olivier Blanchard a développé le Modèle keynésien à effet de seuil selon lequel l’effet d’une augmentation de l’endettement public sur le comportement des différents agents économiques, et donc sur la croissance, dépend du seuil psychologique de la dette publique. En effet, lorsque la dette est considérée comme étant trop élevée par les agents économiques, alors ces derniers épargnent et consomment moins, ce qui réduit l’effet d’une relance budgétaire. Ce modèle est une réponse à la théorie de l’équivalence néo-ricardienne selon laquelle les agents économiques sont capables d’anticiper de manière rationnelle, une future hausse des impôts en réduisant leur consommation dans la situation où l’État s’endette pour effectuer une relance budgétaire.

Ce modèle keynésien à effet de seuil n’est pas soutenu de manière unanime par tous les économistes de la Nouvelle économie keynésienne.

 

Le chômage et l’effet d’hystérèse

Afin d’expliquer le chômage, les économistes de la Nouvelle économie keynésienne ont mis en place un nouveau modèle appelé le Modèle WS-PS. Ce modèle se fonde sur la boucle de rétroaction (qui décrit un phénomène qui a une influence mutuelle et qui est auto-entretenu entre deux variables économiques) entre le salaire et le chômage. Ce modèle est une alternative à la boucle de Phillips et permet d’avoir un concept qui a des fondements microéconomiques, mais avec une envergure macroéconomique. Les économistes de la Nouvelle économie keynésienne ont, par ailleurs, développé une nouvelle version de la Courbe de Phillips, mais fondée sur l’écart de production.

Les nouveaux économistes keynésiens ont réintroduit la notion de chômage involontaire, qui est rejetée par les nouveaux économistes classiques. Le concept de chômage involontaire désigne une situation où un agent économique souhaite offrir sa force de travail, mais n’a aucune proposition d’embauche de la part des entreprises. Cela correspond donc à une situation de chômage forcée pour un agent économique.

Les économistes de la Nouvelle économie keynésienne considèrent que le marché ne peut pas s’autoréguler pour réduire le chômage. Pour eux, des salaires élevés permettent d’avoir une hausse de la productivité des travailleurs. Une baisse des salaires, au contraire, réduirait leur productivité, et donc conduirait à une hausse du chômage.

Par ailleurs, Olivier Blanchard a développé le concept de l’effet d’hystérèse. Cet effet correspond au phénomène selon lequel, dans une économie, le chômage peut persister même si les causes de son origine ont disparu. Quand l’explication de l’origine du chômage (comme une crise conjoncturelle par exemple) n’est plus là, alors le chômage peut rester à un niveau élevé, à cause par exemple de la moindre confiance des employeurs envers des individus restés longtemps au chômage ou bien, à cause de la baisse d’employabilité des travailleurs.

 

Les interventions de l’État

La Nouvelle économie keynésienne soutient que les marchés ne s’autorégulent pas à cause de certaines de leurs failles nommées défaillances de marché. Ces failles sont partiellement liées au fait que les salaires et les prix ne s’ajustent pas automatiquement, que ce soit à la hausse ou à la baisse lors d’un choc économique, car ils sont visqueux. Avec ce raisonnement, les nouveaux économistes keynésiens considèrent l’État comme une puissance positive, du moment où ses politiques permettent de lutter contre les rigidités et de maximiser le bien-être collectif.

Pour eux, les orientations des politiques publiques doivent notamment consister à restreindre les monopoles, réduire les imperfections de marché, assurer le service de biens publics, stabiliser l’environnement macroéconomique, réguler les revenus dans le but de réduire la pauvreté et les inégalités, et enfin, définir des droits de propriété afin d’internaliser les externalités positives.

 

La monnaie et la politique monétaire

La Nouvelle économie keynésienne a réintroduit le concept d’une monnaie active. Cela signifie que la monnaie peut avoir des effets sur des grandeurs réelles telles que l’emploi et la croissance, au moins sur le court terme, ce qui implique qu’elle n’est pas neutre. Cependant, cette monnaie peut, dans certains cas, être neutre.

Les économistes de la Nouvelle économie keynésienne ont également réintroduit la possibilité pour la politique monétaire d’influer sur la production et l’emploi. Ils s’opposent donc à ce sujet aux nouveaux économistes classiques. Le fait que la politique monétaire puisse avoir un effet réel est lié au fait que les salaires et les prix ne s’ajustent pas automatiquement. Cela implique que la gestion de la monnaie a des conséquences sur les variables réelles, et donc qu’elle n’est pas neutre.

Par ailleurs, selon les nouveaux économistes keynésiens, la baisse du taux d’intérêt est censée inciter les agents économiques à arbitrer en défaveur de l’épargne et de l’investissement, et donc en faveur de la consommation. En effet, si la demande augmente, cela stimule la demande de travail, ce qui provoque une hausse du salaire réel. Cette hausse incite alors les agents économiques à travailler davantage, ce qui permet d’accroître l’activité économique.

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