
En France, le fait de posséder plusieurs logements est une réalité méconnue, souvent réduite à des clichés de rentiers ou à des débats sur les résidences secondaires. Pourtant, derrière ce sujet apparemment technique se cache une évolution majeure du marché immobilier et des dynamiques de patrimoine. On peut donc en venir à se demander qui sont vraiment les multipropriétaires, combien ils sont et ce que nous dit leur profil de la société française actuelle.
Loin d’être quelque chose d’isolé, la multipropriété concerne désormais deux tiers des logements en France. En effet, l’étude récente de l’Insee, parue ce 2 avril 2025, révèle une présence massive de propriétaires qui détiennent plusieurs biens, parfois dans des logiques de placement, d’anticipation de l’avenir, ou de transmission familiale. Ce phénomène a un impact important sur le marché immobilier et joue un rôle significatif dans les tendances et des dynamiques du marché immobilier.
Le profil des multipropriétaires reflète de fortes disparités sociales et géographiques. Plus âgés, plus aisés, vivant souvent dans les grandes métropoles ou dans l’Ouest de la France, ils appartiennent majoritairement aux catégories sociales supérieures. Le patrimoine immobilier n’est pas réparti au hasard, et les inégalités de détention traduisent aussi des trajectoires de vie très différentes.
Les motivations derrière la multipropriété sont multiples, à savoir sécuriser sa retraite, transmettre à ses enfants, investir pour diversifier son patrimoine, ou encore générer des revenus via la location. Ces raisons sont le plus souvent combinées, ce qui souligne l’importance stratégique que prend l’immobilier dans les décisions économiques des ménages.
Mais cette concentration de biens n’est pas sans effet sur le marché du logement. Effectivement, elle réduit l’offre disponible pour les primo-accédants, entretient des tensions dans certaines zones déjà saturées, et peut même contribuer à maintenir les prix à un niveau élevé. Cela interroge donc la capacité du marché à répondre aux besoins de tous.
Ce phénomène accentue également les écarts de patrimoine. Détenir plusieurs logements permet de générer des revenus, de valoriser son capital et de transmettre davantage à ses enfants. Cette mécanique patrimoniale creuse les inégalités entre ceux qui peuvent investir et ceux qui peinent à accéder à la propriété, voire à se loger dignement. Et cela a même parfois un impact sur plusieurs générations.
Enfin, la montée en puissance de la multipropriété soulève des questions politiques. Plusieurs interrogations se posent comme sur le fait d’encadrer davantage ou non la détention de logements, ou sur le fait d’éventuellement repenser la fiscalité. Alors que la crise du logement se durcit dans plusieurs territoires, le sujet devient un véritable enjeu de débat public.
Face à cette nouvelle donne concernant le thème de la propriété, s’intéresser à ce sujet qui structure de plus en plus notre économie et notre société devient primordial.
Une concentration du parc immobilier entre peu de mains
La multipropriété est un phénomène encore méconnu du grand public, mais les chiffres publiés par l’Insee, très sérieux institut de statistiques français, dans son étude parue le 2 avril 2025 révèlent une réalité marquante, à savoir que la propriété des logements en France est très concentrée. En effet, seulement 4 % des ménages détiennent à eux seuls la moitié des logements possédés par des particuliers et loués. Autrement dit, une toute petite partie de la population détient une large part du parc immobilier, principalement avec un objectif d’investissement.
Au total, près de 21 % des ménages français sont multipropriétaires, c’est-à-dire qu’ils possèdent au moins deux logements. Cela inclut bien sûr ceux qui détiennent une résidence principale et une résidence secondaire, mais aussi un grand nombre de personnes qui ont investi dans des logements dans le but de les louer. Ainsi, en 2022, 65 % des logements possédés par des particuliers sont détenus par au moins un multipropriétaire, soit 19,1 millions de logements (sur un total de 29 millions de logements).
Cette concentration est particulièrement marquée dans les zones urbaines et touristiques, où la demande locative est forte et les perspectives de rentabilité élevées. À Paris par exemple, plus de 80 % des logements possédés par des particuliers sont détenus par au moins une personne multipropriétaire. Cela reflète à la fois des stratégies d’investissement patrimonial et une dynamique de marché où l’accès à la propriété devient de plus en plus inégalitaire. En dehors des résidences principales, 57 % des logements de multipropriétaires sont loués, ce qui est souvent une source de revenus non négligeable pour les personnes concernées.
Le développement de la multipropriété s’inscrit dans un contexte plus large, à savoir celui d’une financiarisation croissante de l’immobilier, c’est-à-dire qu’elle est devenue au fil du temps un pilier essentiel de la constitution du patrimoine en France, et non plus un simple besoin de base (celui de se loger). Cela signifie que le logement est bien sûr un besoin fondamental, mais est aussi devenu un moyen majeur pour s’enrichir et pour transmettre aux générations suivantes. Dans un pays comme la France, où la pierre est souvent perçue comme une valeur refuge, cette tendance à concentrer les biens immobiliers entre les mains d’une minorité soulève des enjeux économiques, sociaux et politiques de plus en plus visibles.
Le profil des multipropriétaires en France
L’image que chacun d’entre nous se fait d’un multipropriétaire varie en fonction de notre imaginaire propre, collectif, en fonction de notre vécu et de beaucoup d’autres critères. Mais l’étude publiée par l’Insee ce mois d’avril 2025 permet de mieux cerner la réalité de cette catégorie de ménages. En France, 21 % des ménages sont multipropriétaires, c’est-à-dire qu’ils possèdent au moins deux logements. Ce phénomène, qui concerne des millions de logements, n’est pas homogène, puisqu’il est fortement lié à l’âge, au niveau de revenu et à la catégorie socioprofessionnelle.
La multipropriété concerne avant tout les ménages les plus âgés. En effet, près de 30 % des personnes âgées de 55 à 65 ans sont multipropriétaires. Cet âge-là représente un pic, puisqu’avant les ménages sont en cours d’enrichissement, et ensuite ils ont tendance à vendre ou à transmettre les logements qu’ils possèdent, afin de payer par exemple une maison de retraite. Au-delà de 65 ans, la multipropriété diminue pour ne concerner plus qu’une personne de 90 ans ou plus sur dix.
Cette surreprésentation de personnes relativement âgées s’explique par un effet d’accumulation patrimoniale au fil de la vie. Effectivement, les retraités ont eu le temps d’acquérir leur résidence principale, puis un ou plusieurs autres biens, souvent grâce à la hausse des prix de l’immobilier ou à des transmissions familiales. À l’inverse, les jeunes ménages, moins dotés en capital initial, peinent déjà à accéder à un premier bien, et sont donc très peu représentés parmi les multipropriétaires.
La situation professionnelle joue également un rôle important. Les cadres, professions libérales et retraités sont nettement plus nombreux à posséder plusieurs logements. Ce sont les catégories les plus à même de mobiliser un capital important ou de bénéficier d’une stabilité financière suffisante pour investir dans l’immobilier. À l’inverse, les employés et ouvriers ne représentent qu’une minorité des multipropriétaires. Lorsqu’ils le sont, c’est parfois à travers une indivision familiale ou grâce à un bien hérité.
Enfin, la répartition des logements détenus est très inégale. La majorité des multipropriétaires ne possèdent que deux logements, mais une toute petite minorité détient un grand nombre de biens. Ainsi, 60 % des multipropriétaires possèdent seulement deux logements et les détenteurs d’au moins 10 logements ne représentent que 3 % des multipropriétaires. Par ailleurs, la moitié des multipropriétaires sont des femmes, à hauteur de 49 %, mais elles ne représentent que 40 % de ceux qui détiennent au moins 10 logements.
En 2022, en France hors Mayotte, 660 000 logements sont détenus entièrement ou en partie par des personnes résidant à l’étranger. Les pays concernés sont généralement des pays limitrophes de la France, tels que le Royaume-Uni pour 13 % de ces logements, suivis des résidents de Suisse (11 %), de Belgique (9 %), des États-Unis (7 %), d’Italie (7 %) et d’Allemagne (6 %).
Ces éléments dessinent donc un profil bien défini, à savoir qu’être multipropriétaire aujourd’hui en France, c’est majoritairement être âgé, appartenir aux catégories sociales les plus favorisées, et bénéficier d’un capital accumulé au fil du temps. C’est aussi un indicateur puissant des inégalités de patrimoine, car posséder plusieurs logements reste largement inaccessible à une partie importante de la population.
Pourquoi posséder plusieurs logements ?
La possession de plusieurs logements ne relève pas seulement du hasard ou de l’héritage. En effet, elle répond à des motivations multiples, souvent bien réfléchies, qui combinent des logiques patrimoniales, économiques et parfois familiales.
La raison la plus fréquemment avancée est l’investissement locatif. Beaucoup de multipropriétaires achètent un second logement pour le louer, afin de percevoir des revenus réguliers ou de préparer leur retraite. Selon l’Insee, lorsque les biens des multipropriétaires ne sont pas occupés comme résidence principale, ils sont alors le plus souvent loués, ce qui représente 57 % des logements. Les autres logements se partagent à parts presque égales entre les résidences secondaires à hauteur de 23 % et les logements vacants à hauteur de 20 %. Ces derniers sont souvent des biens reçus en héritage et dont le sort, que ce soit la vente ou la location, attend le règlement de la succession.
Qu’il s’agisse de location longue durée ou de meublés touristiques, le fait de mettre un logement en location le transforme en actif financier, dans un contexte où l’immobilier est perçu comme un placement relativement sûr face à la volatilité des marchés financiers.
Mais la logique patrimoniale joue aussi un rôle clé. Certains logements sont acquis ou conservés en prévision d’une transmission à leurs enfants, ou encore pour disposer d’un bien à revendre en cas de besoin. L’immobilier est ainsi perçu comme une assurance contre l’avenir. Cette motivation est particulièrement forte chez les personnes âgées, dont la multipropriété est souvent le fruit d’une accumulation progressive dans une logique d’épargne ou d’anticipation successorale.
Il existe également une dimension d’usage personnel. Les résidences secondaires sont parfois conservées pour les vacances, les week-ends, ou pour rester à proximité d’un proche, d’un lieu d’enfance ou d’un territoire auquel on est attaché. Toutefois, ce type de multipropriété est moins fréquent que les formes orientées vers l’investissement. Parmi les 2,1 millions de logements vacants détenus par au moins un multipropriétaire, 55 % le sont depuis plus d’un an.
Enfin, le parcours résidentiel peut aussi expliquer certains cas. Un ancien logement principal peut par exemple être conservé après un déménagement, notamment si sa mise en location est rentable ou si le propriétaire espère une plus-value future. Ce type de multipropriété est souvent lié à des opportunités de marché, plus qu’à un projet initial structuré.
Derrière la multipropriété, on trouve donc un ensemble de stratégies individuelles qui mêlent rendement, sécurité, transmission et confort personnel. Néanmoins, dans un marché du logement sous tension, notamment dans certaines grandes villes, les 2,1 millions de logements vacants détenus par au moins un multipropriétaire, dont 55 % depuis plus d’un an, interrogent sur les effets collectifs d’une telle concentration de biens.

Multipropriété et marché du logement : quels effets ?
La montée de la multipropriété en France, telle que révélée par l’Insee, soulève une question centrale, à savoir les effets qu’elle a sur le marché du logement. Lorsque près d’un ménage sur cinq détient plusieurs logements, cela ne peut être sans conséquences sur les équilibres immobiliers, particulièrement dans les zones les plus tendues.
L’un des effets les plus visibles est la raréfaction de l’offre de logements disponibles à l’achat ou à la location pour les ménages modestes ou primo-accédants. En concentrant plusieurs biens immobiliers entre les mains d’un même propriétaire, la multipropriété contribue à réduire le nombre de logements effectivement accessibles sur le marché. Ce phénomène est d’autant plus préoccupant dans les grandes villes, les littoraux ou les zones touristiques, où la tension immobilière est déjà forte. Ainsi, dans certaines communes, les résidences secondaires représentent plus de la moitié du parc de logements, ce qui accentue les difficultés pour se loger à l’année. Cela est également vrai pour les étudiants, qui dans certaines villes comme Paris, ont énormément de mal à trouver un logement.
La multipropriété entretient également la dynamique de hausse des prix. En achetant plusieurs logements comme placements ou résidences secondaires, les multipropriétaires participent à l’augmentation de la demande dans des territoires où l’offre ne suit pas toujours. Cette pression haussière sur les prix peut rendre le logement encore moins abordable pour de nombreux ménages. Selon l’Insee, les ménages qui détiennent plusieurs logements sont souvent plus aisés, ce qui leur permet de soutenir cette demande, même lorsque les prix augmentent. Par contre, les ménages plus pauvres ou les primo-accédants qui souhaitent acheter pour la première fois se retrouvent parfois dans des situations compliquées au vu des prix toujours plus élevés. Cela les pousse souvent à revoir leurs critères, ou même parfois à abandonner leur projet d’achat.
Les ménages qui souhaitent acheter leur première résidence principale peuvent se retrouver en concurrence avec des investisseurs souvent mieux armés financièrement (étant donné qu’ils ont des revenus élevés, davantage de capital disponible, une plus grande capacité d’emprunt, etc), ce qui peut rendre leur accession à la propriété plus difficile.
Enfin, cette concentration patrimoniale pose la question de la fluidité du marché immobilier. Des logements détenus en surnombre peuvent rester vacants ou faiblement occupés, notamment s’ils ne sont pas mis en location. Cela nuit à l’efficacité du marché, étant donné que des biens existent, mais qu’ils ne circulent pas, ou ne répondent pas aux besoins des habitants. À l’échelle locale, cela peut peser sur l’activité économique et sur la vitalité démographique de certains territoires.
Au-delà de cela, la location saisonnière s’est beaucoup développée ces dernières années, notamment dans les villes et les lieux touristiques. Tous ces logements loués à la nuit sont autant de logements en moins pour les locataires à l’année. Quand cela ne concerne qu’un nombre restreint de logements, cela est tout à fait supportable, mais certaines villes se sont vues envahies par ce type de location, ce qui crée des déséquilibres économiques et sociaux (moins de vie sociale, des commerces qui ferment, moins de familles avec les conséquences que cela engendre, etc).
Une source de richesse et d’inégalités patrimoniales
La multipropriété constitue aujourd’hui un levier important de constitution du patrimoine en France. Détenir plusieurs logements permet à certains ménages de se bâtir un capital solide, souvent transmis aux générations suivantes. L’immobilier reste en effet une valeur refuge, prisée pour sa stabilité relative et sa rentabilité potentielle, notamment dans les zones tendues où les prix continuent de grimper. Selon l’Insee, les multipropriétaires possèdent à eux seuls les deux tiers des logements du parc national détenus par les particuliers, un chiffre révélateur de la concentration du patrimoine immobilier.
Mais cette réalité ne concerne qu’une partie de la population. La multipropriété accentue les écarts entre ceux qui peuvent investir dans la pierre et ceux qui peinent à accéder à la propriété, voire à se loger correctement. En 2021, plus de 40 % des ménages ne possèdent aucun bien immobilier, et qui se retrouvent donc 25 % locataires dans le parc privé et 18 % dans le parc social. Ces chiffres traduisent une inégalité d’accès à l’investissement locatif et à l’accumulation patrimoniale.
La situation est d’autant plus marquée que les revenus générés par les loyers, ou les plus-values réalisées à la revente, permettent aux multipropriétaires de réinvestir plus facilement. Le fait de ne plus payer de loyer ou de crédit immobilier permet aussi aux ménages concernés d’épargner davantage et donc d’investir plus. Ce mécanisme d’auto-renforcement, aussi qualifié “d’effet boule de neige”, tend à creuser encore davantage l’écart entre ceux qui détiennent un patrimoine et les autres. Dans certaines zones urbaines, la pression exercée par les achats de logements destinés à la location contribue même à faire monter les prix, ce qui rend l’accession à la propriété encore plus difficile pour les ménages modestes.
Ce phénomène interroge enfin la transmission du patrimoine. Les enfants de multipropriétaires ont davantage de chances d’hériter de biens immobiliers, ce qui renforce les inégalités entre générations. Ces inégalités peuvent même finir par se transmettre de génération en génération pendant longtemps. La question de la reproduction sociale par le biais de l’immobilier se pose avec de plus en plus d’intensité, à mesure que l’écart entre les propriétaires et les non-propriétaires se creuse.
Au-delà d’un besoin fondamental, la multipropriété est devenue à la fois un outil d’enrichissement personnel et un facteur qui crée des inégalités économiques et sociales. Le logement est devenu une sorte d’actif financier qui a une incidence importante sur les trajectoires individuelles et collectives.
Des enjeux politiques et économiques de plus en plus débattus
Longtemps restée en marge du débat public, la question de la multipropriété immobilière s’impose aujourd’hui comme un enjeu économique et politique de premier plan. L’étude publiée par l’Insee en avril 2024 a mis en lumière l’ampleur du phénomène. Il y a, en France, des millions de logements détenus par des millions de multipropriétaires et une part croissante du parc immobilier est concentrée entre les mains d’une minorité d’acteurs. Ce constat soulève de nombreuses interrogations sur le fonctionnement du marché du logement, sur le patrimoine des individus, sur la justice sociale et sur les politiques publiques.
La dimension politique est bien sûr incontournable, dans la mesure où c’est la loi qui encadre le marché, décide de la fiscalité ou des aides apportées. Dans un contexte où la crise du logement s’aggrave dans plusieurs grandes agglomérations, la concentration de la propriété immobilière est perçue comme un symbole des inégalités croissantes. La rareté de l’offre, les prix élevés et la spéculation nourrissent un sentiment d’injustice chez les jeunes, les classes moyennes et les locataires modestes, souvent exclus de la propriété.
Face à cela, certaines collectivités territoriales ont déjà adopté des mesures, comme par exemple l’encadrement des loyers, la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, ou encore la régulation des plateformes de location touristique. Mais ces initiatives, souvent locales, restent limitées dans leurs effets et interrogent sur la réponse qui pourrait être apportée à l’échelle nationale.
Un rapport de 2021 sur le logement estimait que pour faire face à la démographie, à l’évolution de la population et de ses modes de vie (davantage de personnes seules ou âgées par exemple), et pour lutter contre l’augmentation du nombre de sans-abris, il fallait construire chaque année environ 500 000 logements. Or, de mars 2024 à février 2025, 331 000 logements ont été autorisés à la construction, ce qui n’est donc pas suffisant pour répondre aux besoins. Le secteur du logement est basé sur la loi de l’offre et de la demande. Cela signifie que plus il y a de logements, et moins les prix augmenteront, et moins il y aura de logements par rapport au nombre de personnes en cherchant un, et plus leurs prix seront élevés (autant à l’achat qu’à la location). Cela rend capital le fait de construire davantage.
Au-delà du logement, la multipropriété est aussi un sujet de réflexion sur le modèle de patrimoine qui s’est imposé en France. L’immobilier, qui est perçu comme un actif sûr et transmissible, est devenu un instrument majeur d’accumulation de richesse, ce qui accentue les écarts entre les ménages. L’enrichissement par la pierre est souvent facilité par l’héritage ou l’accès au crédit, ce qui sont des facteurs qui favorisent mécaniquement les plus aisés. Cette dynamique nourrit les inégalités patrimoniales, et par ricochet, les inégalités sociales, intergénérationnelles et territoriales.
Enfin, la multipropriété soulève un débat de fond, à savoir le choix qu’il faut faire entre les logiques d’investissement privées d’une part, et les limites qui peuvent être fixées pour garantir un droit au logement pour tous d’autre part. Le sujet touche à des valeurs fondamentales, comme la liberté d’entreprendre, le droit à la propriété, mais aussi la solidarité et l’intérêt général. Faut-il davantage taxer les multipropriétaires ? Ou au contraire moins les taxer pour qu’ils investissent davantage dans la construction ? Encourager la réorientation des investissements vers d’autres secteurs ? Redonner un rôle plus central au logement social ? Ou au contraire investir davantage d’argent dans le secteur privé ? Ces pistes, souvent clivantes, illustrent la complexité du débat.
Les Français sont des passionnés d’immobilier et donc la multipropriété qui en découle fait partie intégrante du sujet. Cependant, la multipropriété s’inscrit dans le cadre plus large du secteur du logement dans son ensemble. Étant donné que l’immobilier a une place prépondérante dans nos vies, allant du besoin essentiel à un véritable outil d’investissement, en passant par le bien que l’on cède à ses enfants, il est devenu un miroir des enjeux et des fractures de notre époque et son traitement politique aura des conséquences durables sur la France et les Français.