Salon de l’agriculture 2025 : dans quel état est l’agriculture française aujourd’hui ?

 

Salon de l’agriculture 2025 : dans quel état est l’agriculture française aujourd’hui ?
Salon de l’agriculture 2025 : dans quel état est l’agriculture française aujourd’hui ?

 

Le Salon de l’Agriculture 2025, qui a lieu du 22 février au 2 mars 2025, se tient dans un contexte particulièrement complexe pour le secteur agricole français. Entre pressions économiques et sociales, enjeux de compétitivité et transitions écologiques, l’agriculture doit relever de nombreux défis pour assurer sa pérennité, et son rôle stratégique dans l’économie du pays. En effet, ce secteur ne se limite pas à la production alimentaire, il est aussi un véritable pilier de la souveraineté nationale et de l’aménagement du territoire.

L’agriculture française occupe une place centrale dans l’économie du pays, tant par son poids dans le commerce extérieur, que par son rôle dans l’indépendance alimentaire. Elle est source de créations d’emplois, mais est également un levier stratégique pour garantir l’approvisionnement en produits agricoles, dans un monde qui est marqué par des tensions géopolitiques de plus en plus importantes. Pourtant, cette agriculture est soumise à de nombreuses tensions économiques. Entre la volatilité des prix, l’augmentation des charges, la pression foncière, les catastrophes naturelles et les difficultés liées à la rentabilité des exploitations, de nombreux agriculteurs peinent à maintenir leur activité, vivent dans la pauvreté et certains sont même contraints de cesser leur production.

Par ailleurs, le secteur évolue dans un cadre concurrentiel de plus en plus exigeant. Les marchés agricoles sont influencés par des dynamiques mondiales, à travers notamment l’importation de pays qui ne respectent pas forcément les mêmes règles, et à travers la signature de traités de libre-échange. Face à ces enjeux, la capacité des agriculteurs français à faire valoir la qualité de leurs productions et à maintenir des prix compétitifs est primordiale.

C’est dans ce cadre que le rôle des aides publiques est déterminant. La Politique agricole commune (PAC) mise en place au niveau de l’Union européenne par exemple, représente une source de financement indispensable pour nombre d’exploitants. La question du financement de l’agriculture et des règles qu’elle doit suivre, ou pas, est constamment une source de grandes préoccupations.

Cependant, l’avenir de l’agriculture n’est pas uniquement fait de difficultés. Effectivement, l’innovation et la modernisation du secteur constituent des opportunités majeures. L’essor de l’agriculture de précision, la robotisation et l’intelligence artificielle permettent d’optimiser les rendements et de limiter l’impact environnemental des exploitations. L’agriculture biologique et les pratiques agroécologiques, bien que confrontées à des difficultés économiques, offrent des perspectives de développement intéressantes pour une production plus durable, sans négliger l’aspect économique.

Par ailleurs, les agriculteurs peuvent aussi diversifier leurs sources de revenus en vendant directement leur production aux consommateurs, sans frais intermédiaires, en recyclant leurs déchets agricoles à travers la méthanisation qui produit de l’énergie, ou encore en utilisant leurs terres pour installer des panneaux solaires et ainsi dégager un revenu complémentaire.

Face à ces enjeux, des plans français et européens ont récemment été mis en place pour structurer l’avenir du secteur. La France a voté, le 20 février 2025, une loi d’orientation agricole qui élève l’agriculture au rang d’intérêt général majeur et vise à encourager l’installation des jeunes agriculteurs, à simplifier les obligations, à renforcer la souveraineté alimentaire, et à soutenir les exploitations. De son côté, la Commission européenne a dévoilé, le 19 février 2025, sa vision stratégique pour l’agriculture et l’alimentation à l’horizon 2040, qui met l’accent sur l’attractivité du métier, la résilience du secteur, l’adaptation aux défis climatiques, la simplification, et la mise en place de règles justes avec les produits importés de l’étranger.

Entre l’adaptation aux marchés, la modification du secteur et des métiers, les soutiens publics et les nouvelles pratiques, le secteur agricole devra forcément se réinventer pour faire face aux défis à venir.

 

L’agriculture, un secteur clé pour l’économie française et pour la souveraineté du pays

L’agriculture occupe une place centrale dans l’économie française, tant par son poids économique, que par son rôle stratégique dans l’indépendance alimentaire du pays. La France est depuis longtemps une puissance agricole de premier plan en Europe, mais aussi dans le monde.

Avec une production hors subventions de 89,3 milliards d’euros en 2024 selon l’Insee, très sérieux Institut de statistiques français, soit environ 18 % de la production agricole de l’Union européenne, elle se positionne comme le premier producteur agricole européen. Cela représente tout de même environ 3,5 % du PIB (Produit Intérieur Brut) de la France. Cette force repose sur la diversité de ses productions, qui comprennent des grandes cultures (comme le blé, le maïs et le colza), l’élevage, la viticulture, les fruits et légumes, ainsi qu’une industrie agroalimentaire de premier ordre qui transforme et exporte massivement les produits agricoles français. Plus précisément, et toujours selon l’Insee, les deux plus grosses productions, à savoir végétale et animale, ont représenté respectivement 46,5 milliards d’euros et 33,9 milliards d’euros.

Ce secteur génère plus d’un million d’emplois directs et indirects, soit 5 % de l’emploi en France, répartis entre les exploitations agricoles, les industries agroalimentaires et les services associés (tels que la logistique, la distribution et le commerce international). Et pourtant, le nombre d’exploitations agricoles ne cesse de diminuer. En 2020, la France comptait environ 390 000 exploitations, soit 100 000 de moins depuis 2010, contre plus d’1,5 million en 1970. Cette tendance pose la question du renouvellement des générations et de l’avenir du modèle agricole français, puisque de nombreux agriculteurs partent à la retraite et ne sont pas remplacés. La conséquence de la réduction du nombre d’exploitations est qu’elles sont de plus en plus grandes, d’une moyenne de 42 hectares en 2000, elles sont passées à une moyenne de 69 hectares en 2020.

L’agriculture et l’agroalimentaire jouent également un rôle important dans la balance commerciale de la France, même s’il est de plus en plus maigre. En 2024, l’excédent commercial agricole et agroalimentaire a atteint 4,9 milliards d’euros, niveau le plus bas depuis 20 ans. La France exporte principalement des vins et spiritueux, des céréales et des produits laitiers, mais dans le même temps, elle importe de plus en plus de fruits, légumes et viandes. Cette dépendance croissante aux importations, notamment pour les produits issus de filières qui ont du mal à rester compétitives face à la concurrence étrangère, fragilise la souveraineté alimentaire du pays.

La compétitivité française est également mise à l’épreuve par la volatilité des marchés internationaux, les désastres écologiques, et les accords de libre-échange signés par l’Union européenne. Certains de ces accords, comme le CETA avec le Canada ou le projet d’accord avec le Mercosur, permettent l’entrée sur le marché européen de produits agricoles à bas coût, souvent issus de modèles de production moins encadrés en termes de normes environnementales ou sanitaires. Ces accords sont dénoncés par une partie des agriculteurs français, qui y voient une menace directe pour la viabilité de leurs exploitations. L’intérêt au niveau européen est de vendre, par exemple, davantage de voitures à l’étranger, ce qui rapporte beaucoup plus que certains produits agricoles.

L’agriculture ne se limite pas à un rôle économique. En effet, au-delà de l’aspect purement financier, il s’agit aussi d’un enjeu de souveraineté. La capacité de la France à produire une alimentation diversifiée, de qualité, et compétitive sur son propre sol, est essentielle pour garantir l’autonomie du pays, et éviter les tensions sur les marchés en cas de crises géopolitiques ou climatiques. Il en va également de notre capacité à décider et à choisir pour nous-mêmes quelle agriculture nous voulons, quels produits et de quelles qualités, etc.

Sur le plan territorial, l’agriculture façonne aussi les paysages et participe au dynamisme des régions rurales. Avec plus de 50 % du territoire français consacré à l’agriculture, elle joue un rôle clé dans l’aménagement du territoire et la gestion des ressources naturelles. Cependant, la désertification rurale et la disparition progressive des petites exploitations au profit de modèles plus industriels interrogent sur l’avenir de cette organisation.

 

Une agriculture sous tension économique

Si l’agriculture française demeure un pilier de l’économie nationale, elle traverse néanmoins une période difficile, qui n’est cependant pas nouvelle. La rentabilité des exploitations est mise à mal par la hausse des coûts de production, une volatilité accrue des prix, une concurrence internationale de plus en plus rude, et un accroissement des désastres écologiques. Dans ce contexte, de nombreux agriculteurs peinent à dégager un revenu suffisant pour vivre dignement, ce qui met en péril la viabilité de nombreuses fermes.

Le revenu moyen des agriculteurs français est très variable en fonction des filières. Selon l’Insee, le revenu moyen en 2021 d’un foyer agricole était de 1 910 euros par mois, soit 22 920 euros pour l’année. Néanmoins, cette moyenne cache de grandes disparités avec certaines filières comme la viticulture ou les grandes cultures qui s’en sortent bien et d’autres, comme l’élevage bovin ou la production laitière, qui sont en grande difficulté. La taille des exploitations joue aussi un rôle important, puisque les plus grandes ont des revenus plus importants et s’en sortent donc mieux. Par ailleurs, les agriculteurs ne s’estiment pas assez payés au vu de la grande quantité d’heures qu’ils font, qui est beaucoup plus importante que la moyenne des autres travailleurs.

Selon l’Insee, 15 % des agriculteurs non salariés déclarent un revenu nul ou déficitaire et un sur cinq bénéficie du microbénéfice agricole, qui correspond à un régime d’imposition qui est réservé aux revenus inférieurs à un seuil fixé. Ces derniers gagnent en moyenne 670 euros par mois en 2021. D’une manière plus globale, 18 % ont un revenu qui les situe sous le seuil de pauvreté, contre 14 % pour l’ensemble de la population. Cela ne tient cependant pas compte d’éventuels revenus complémentaires, ni de leur patrimoine, qui est souvent assez important, étant donné qu’ils possèdent généralement les terres sur lesquelles ils travaillent.

Historiquement, la situation des agriculteurs est préoccupante. Mais les crises successives de ces dernières années ont encore aggravé la situation, en augmentant notamment fortement les coûts de production. En effet, depuis 2022, l’envolée des prix des intrants agricoles (c’est-à-dire les engrais, le carburant, et l’alimentation animale) a pesé lourdement sur les exploitations. Par exemple, la production française d’engrais azotés minéraux assure seulement 34 % des besoins annuels du pays, ce qui la rend très dépendante des importations, et donc des variations des prix des cours mondiaux. Et il se trouve que la Russie et l’Ukraine étaient de très gros producteurs d’engrais, pays qui se sont retrouvés en guerre massive à partir de 2022. Ainsi, les coûts des engrais azotés ont fortement augmenté par rapport à leur niveau de 2020.

Cette inflation des coûts de production n’a pas toujours été compensée par une hausse des prix de vente. Dans certaines filières, les prix payés aux producteurs restent structurellement bas, notamment dans l’élevage et les productions laitières, où la grande distribution et les industriels imposent des marges très serrées. De nombreux agriculteurs se retrouvent ainsi dans une situation où ils vendent parfois à perte, ce qui fragilise encore davantage leur modèle économique.

L’autre difficulté majeure pour les exploitants est l’instabilité des marchés agricoles. Les prix des matières premières agricoles fluctuent fortement sous l’effet de nombreux facteurs, tels que les tensions géopolitiques, les taux de change, le cours du pétrole, ou encore en fonction des conditions climatiques extrêmes. Par exemple, la guerre en Ukraine a provoqué des hausses brutales des cours du blé et du maïs en 2022, avant que les prix ne rechutent sous l’effet de la surproduction et de la réouverture des routes d’exportation.

Cette volatilité complique la gestion des exploitations et rend les revenus agricoles imprévisibles. Les outils de couverture des risques, comme les assurances ou les mécanismes de stabilisation des revenus, restent encore trop peu accessibles ou trop coûteux pour une majorité d’exploitants.

Face à ces difficultés économiques, de nombreux agriculteurs s’endettent pour maintenir leur activité. En 2021, l’endettement des exploitations agricoles a atteint en moyenne 204 330 euros, contre à peine 50 000 euros en 1980, avec bien sûr des écarts importants entre les exploitations et les types de production. Les jeunes agriculteurs, en particulier, sont confrontés à des besoins d’investissement considérables pour reprendre ou moderniser une exploitation. Rien que pour le matériel par exemple, il faut compter 300 000 euros pour un tracteur ou plus de 350 000 euros pour une moissonneuse-batteuse, un montant qui peut aller jusqu’à 600 000 euros pour des matériels très sophistiqués.

Au-delà de l’investissement et de l’alimentation des animaux, des aléas peuvent compliquer la donne, tel qu’un tracteur à réparer, une canicule qui grille les récoltes, ou encore une vache malade qu’il faut abattre et remplacer.

 

Salon de l’agriculture 2025 : dans quel état est l’agriculture française aujourd’hui ?
Salon de l’agriculture 2025 : dans quel état est l’agriculture française aujourd’hui ?

 

Les marchés agricoles et le sujet de la concurrence

L’agriculture française évolue dans un environnement de plus en plus concurrentiel, dans lequel les marchés sont de plus en plus complexes, où des accords commerciaux internationaux sont signés, et où des contraintes réglementaires variées sont mises en place. Si la France bénéficie encore d’une production agricole diversifiée et d’un fort ancrage sur les marchés européens, elle doit faire face à une pression accrue de la concurrence, tant au sein de l’Union européenne, qu’au niveau international.

Le marché agricole français est fortement structuré par la grande distribution, qui pèse sur la formation des prix en imposant des marges réduites aux producteurs. Les négociations annuelles entre agriculteurs, industriels et distributeurs sont souvent marquées par des tensions. Les producteurs dénoncent régulièrement des prix d’achat trop bas qui ne couvrent pas leurs coûts de production, et les distributeurs prétendant défendre le pouvoir d’achat des Français. L’application de la loi EGalim, censée assurer un meilleur partage de la valeur ajoutée entre les acteurs, reste mitigée, avec des effets contrastés selon les filières. C’est notamment pour cette raison qu’une loi EGalim 4 est en préparation et pourrait voir le jour au début de l’été 2025.

À cela s’ajoute une concurrence à l’intérieur même de l’Union européenne, notamment en raison de disparités fiscales et sociales entre les pays européens. Certains États membres, comme l’Espagne ou la Pologne, affichent des coûts de production plus bas, grâce à une main-d’œuvre moins coûteuse et des réglementations environnementales parfois plus souples. Ainsi, les importations agricoles intra-européennes, notamment de fruits et légumes, exercent une pression sur les prix français, ce qui fragilise certaines exploitations locales. Tout le monde connaît par exemple les fameuses fraises espagnoles, ou les tomates espagnoles que Ségolène Royal avait qualifiées “d’immangeables” au début de l’année 2024, leur reprochant de ne pas respecter les normes françaises, et de pratiquer une forme de concurrence déloyale. 

Malgré tout, l’Union européenne reste le principal partenaire commercial dans le secteur agroalimentaire, puisqu’elle absorbe 55 % de nos exportations, et nous fournit 64 % de nos importations en 2022. De plus, la PAC (Politique Agricole Commune) joue un rôle crucial pour les agriculteurs français.

Sur le plan international, la France reste un acteur majeur du commerce agricole, mais elle doit faire face à une concurrence de plus en plus vive de la part de puissances agricoles comme le Brésil, les États-Unis, ou encore l’Ukraine. Ces pays, qui disposent de vastes territoires cultivables et de coûts de production plus bas, inondent le marché mondial de produits agricoles à des prix souvent inférieurs à ceux des productions françaises, et avec des normes souvent inférieures. En effet, les normes de production ne sont pas toujours homogènes. Alors que les agriculteurs français doivent respecter des réglementations strictes sur le bien-être animal et l’usage des pesticides entre autres, ces exigences sont bien moindres dans certains pays exportateurs vers l’Europe.

Les traités de libre-échange conclus par l’Union européenne avec divers pays ont des répercussions directes sur la compétitivité de l’agriculture française. L’accord CETA avec le Canada, ou encore l’accord en discussion avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), sont particulièrement controversés. Ces accords permettent l’entrée sur le marché européen de viandes, de céréales ou de fruits tropicaux à des tarifs souvent plus compétitifs que ceux des productions françaises. L’Union européenne espère vendre en échange des produits à forte valeur ajoutée comme des voitures ou des machines.

Face à ces enjeux, de nombreux agriculteurs réclament une régulation plus stricte des importations agricoles et des clauses miroirs, c’est-à-dire l’application des mêmes standards environnementaux et sanitaires aux produits importés, qu’aux productions européennes.

 

Le financement de l’agriculture et les aides publiques

L’agriculture française repose sur un système complexe de financement, qui mêle ressources privées et soutiens publics. Face aux défis économiques et aux fluctuations des marchés, les agriculteurs doivent souvent jongler entre crédits bancaires, subventions et aides de la Politique agricole commune (PAC) pour maintenir la viabilité de leurs exploitations. Dans un contexte où la rentabilité de certaines filières est mise à mal, les aides publiques jouent un rôle central pour garantir la pérennité du secteur agricole.

Le financement des exploitations agricoles passe en grande partie par des crédits bancaires, indispensables pour investir dans du matériel, agrandir une exploitation, ou faire face à des aléas climatiques. Selon un rapport de la Direction générale du Trésor, publié fin novembre 2024, le taux d’endettement des exploitations agricoles dépasse en moyenne les 40 % en 2022. Avec les risques liés à la volatilité des prix agricoles et aux incertitudes climatiques, les banques sont de plus en plus prudentes et imposent souvent des conditions de prêt plus strictes. Face à cette situation, et même si cela reste insuffisant, l’État et les collectivités proposent des dispositifs de soutien, comme des prêts bonifiés ou des garanties publiques sur les emprunts.

La Politique agricole commune (PAC) constitue la principale source d’aides publiques pour les agriculteurs français. En 2023, la France a perçu 9,4 milliards d’euros d’aides de la PAC, ce qui en fait la plus grande bénéficiaire avec plus de 16 % de l’enveloppe totale. Le budget alloué à la PAC en 2023, soit 58,3 milliards d’euros au total, se compose des crédits du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). La PAC représente environ un tiers du budget européen.

Ces aides de la PAC se déclinent donc en plusieurs volets. Il y a les aides directes qui sont versées aux agriculteurs en fonction des surfaces exploitées, et qui représentent la majorité du soutien public. Il y a les aides au développement rural destinées à financer des projets de modernisation, de transition écologique, ou d’installation de jeunes agriculteurs. Et enfin, il y a les mesures de soutien aux filières fragiles, comme celle de l’élevage.

Les aides de la PAC sont aussi conditionnées à des critères environnementaux avec des critères écologiques à respecter, notamment en termes de réduction des intrants chimiques et de préservation des sols.

Outre la PAC, l’État français mobilise également des fonds pour soutenir l’agriculture. Parmi les dispositifs les plus notables figurent le Plan France 2030, qui prévoit plusieurs milliards d’euros pour l’innovation agricole, notamment pour la transition agroécologique et le développement de nouvelles technologies, les aides d’urgence, déclenchées en cas de crise climatique ou économique, et les exonérations fiscales et sociales, notamment pour les jeunes agriculteurs.

Les régions jouent également un rôle important dans le financement de l’agriculture, via des aides spécifiques à certaines filières locales, ou à travers des programmes de soutien à l’agriculture biologique et aux circuits courts.

Si les aides publiques sont indispensables pour maintenir un tissu agricole dynamique, elles ne suffisent pas à résoudre les difficultés structurelles du secteur. D’une part, elles sont souvent perçues comme une compensation aux faibles prix du marché, plutôt que comme un véritable levier de compétitivité. D’autre part, elles sont régulièrement critiquées pour leur complexité administrative, et pour les retards de versement qui mettent en difficulté de nombreux exploitants.

 

L’innovation, la modernisation, l’agriculture biologique et les nouvelles manières de vendre : des leviers de compétitivité ?

L’agriculture française fait face à de nombreuses difficultés et à des défis majeurs. Mais il existe cependant diverses solutions qui peuvent être appliquées pour améliorer la compétitivité du secteur, tout en prenant en compte les aléas extérieurs, comme celui du dérèglement climatique.

L’innovation technologique peut jouer un rôle clé dans l’amélioration de la compétitivité des exploitations agricoles françaises. Le développement de l’agriculture de précision, qui repose sur l’utilisation des données et des nouvelles technologies, permet d’optimiser les rendements, tout en réduisant les coûts et l’impact environnemental. Grâce aux capteurs, à la robotique, et à l’intelligence artificielle, les agriculteurs peuvent ajuster avec une grande précision l’apport en eau, en engrais, et en traitements phytosanitaires, ce qui améliore l’efficacité de leurs pratiques, source de gains économiques.

La robotisation constitue également une avancée majeure, en particulier dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. Les robots de désherbage ou de récolte permettent de réduire la pénibilité du travail et d’optimiser la gestion des cultures. De plus, l’essor des biotechnologies, comme les nouvelles techniques de sélection variétale (NBT), offre des perspectives intéressantes pour améliorer la résistance des cultures aux maladies et aux aléas climatiques.

Toutefois, ces innovations nécessitent des investissements conséquents. En 2024, le coût moyen d’un robot agricole variait entre 80 000 et 200 000 euros, une somme difficilement accessible pour de nombreuses exploitations. Et les aides publiques ou divers dispositifs de soutien ne sont pas suffisants, ce qui rend leur déploiement inégal et compliqué.

Face à ces tensions économiques, des solutions émergent pour tenter d’améliorer la viabilité du secteur. La diversification des revenus agricoles, par exemple via la vente directe, les circuits courts ou l’agritourisme, permet à certains exploitants de mieux valoriser leur production et de réduire leur dépendance aux intermédiaires.

D’autres misent sur la transition agroécologique, qui vise à réduire les coûts de production en limitant l’usage des intrants, et en développant des pratiques plus durables. Des modèles plus résilients, comme l’agriculture de conservation, l’agroforesterie, la diversification des cultures, ou l’agriculture biologique, se développent progressivement, bien que leur rentabilité reste parfois incertaine à court terme. Étant un peu plus cher que les produits classiques, les aliments biologiques sont aussi plus souvent victimes des crises lorsqu’elles surviennent. En 2023, environ 10 % des surfaces agricoles françaises étaient consacrées au bio, contre seulement 3 % en 2010. Cette transition a été soutenue par des aides publiques, notamment via la PAC et des dispositifs nationaux.

Enfin, certains producteurs cherchent plutôt à monter en gamme en misant sur des labels de qualité (AOP, IGP, bio par exemple) pour valoriser leurs produits et se différencier des productions de masse.

Par ailleurs, l’essor des énergies renouvelables en milieu agricole, comme la méthanisation, ou le photovoltaïque sur les exploitations, pourrait devenir une source de revenus complémentaires.

 

Des plans français et européens

L’agriculture française est actuellement au cœur de réformes majeures, tant au niveau national qu’européen, qui visent à renforcer sa compétitivité, sa durabilité, et son attractivité pour les générations futures.

Le 20 février 2025, soit deux jours avant le début de ce Salon de l’Agriculture 2025, la France a adopté une nouvelle loi d’orientation agricole. Elle vise à moderniser le secteur, à répondre à la colère des agriculteurs et à faire face aux défis d’aujourd’hui et de demain, c’est-à-dire à horizon 2030. L’objectif de cette loi est surtout de faire face aux départs à la retraite massifs des dix années qui viennent, et donc de renouveler les générations d’agriculteurs

Comme le voulait le premier syndicat agricole, la FNSEA, l’une des mesures phares de cette loi consacre « la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture » au rang d'intérêt général majeur.

Dans la mesure où la protection de l’environnement a une valeur constitutionnelle, contrairement à cet « intérêt général majeur » inscrit dans une loi simple, le principe de « non-régression de la souveraineté alimentaire » a été introduit dans le texte par les sénateurs. C’est une sorte de miroir de la non-régression environnementale, déjà présent dans la loi.

Le texte accorde aussi une présomption d’urgence en cas de contentieux autour de la construction d’une réserve d’eau pour l’irrigation, dans le but de réduire les délais des procédures.

La version initiale du projet de loi prévoyait des objectifs en matière de développement de l’agroécologie, c’est-à-dire de méthodes de production plus respectueuses de l’environnement, mais cela a finalement été supprimé. En revanche, l’objectif de consacrer 21 % de la surface agricole française au bio en 2030 est présent dans le texte.

Par ailleurs, la loi impose le principe « pas d’interdiction sans solution », concernant les pesticides. Ce principe invite le gouvernement à s’abstenir d’interdire les usages de produits phytopharmaceutiques autorisés par l’Union européenne en l’absence d’alternatives viables.

Parmi les principales mesures de cette loi figure aussi le soutien à l’installation des jeunes agriculteurs grâce à des dispositifs financiers et techniques. L’objectif est d’assurer le renouvellement des générations. Cela comprend des aides à l’installation, des formations spécifiques, un soutien à l’innovation, et un accompagnement personnalisé pour les jeunes entrepreneurs agricoles. Avec des départs massifs à la retraite dans les dix ans qui viennent, cette loi vise à attirer de nouveaux agriculteurs. Ainsi, le texte fixe l’objectif de 400 000 exploitations agricoles en France en 2035, et 500 000 agriculteurs qui y travaillent.

Pour atteindre cet objectif, le texte crée un guichet unique départemental, intitulé “France services agriculture”, pour accompagner les personnes qui veulent s’installer en agriculture, ou les agriculteurs qui souhaitent céder leur exploitation. Un nouveau diplôme de niveau bac +3 va également être créé, baptisé Bachelor agro.

La loi d’orientation agricole prévoit, par ailleurs, un « diagnostic modulaire de l’exploitation agricole« , censé aider les jeunes agriculteurs qui le demandent dans leur projet de reprise d’une ferme. Ce diagnostic leur fournira des informations sur « la viabilité économique, environnementale et sociale » de l’exploitation en question.

Quant au statut des haies, souvent pointé du doigt par les agriculteurs pour sa complexité et les injonctions contradictoires qu’il entraîne, il est désormais unifié. Des contraintes pour leur destruction ont été levées, avec la mise en place d’une simple « déclaration unique préalable » à faire, qui vaut autorisation sans réponse contraire de l’administration dans un délai maximal de quatre mois.

La loi prévoit également une dépénalisation de certaines infractions à l’environnement

L’échelle des peines en cas d’atteintes à l’environnement est révisée, avec une large dépénalisation des infractions concernées. En effet, lorsque les infractions liées aux atteintes à l’environnement ne sont pas commises « de manière intentionnelle », les individus concernés ne risquent plus qu’une simple amende administrative de 450 euros maximum, ou d’un stage de sensibilisation à la protection de l’environnement.

Les parlementaires ont également fait un pas vers un « droit à l’erreur » administrative des agriculteurs, en approuvant le fait que « la bonne foi » d’un exploitant est présumée lors d’un contrôle.

Quant à la Commission européenne, elle a publié la veille, le 19 février 2025, une communication intitulée “Une vision pour l’agriculture et l’alimentation” à l’horizon 2040, dans laquelle elle promet de simplifier la PAC, et de limiter l’importation de produits qui ne respecteraient pas certaines normes environnementales.

La vision se compose de plusieurs domaines prioritaires avec la simplification des règles de l’UE, la recherche, l’innovation et la numérisation.

La Commission européenne promet de nouvelles mesures de simplification de la PAC, et de s’attaquer à la difficile question de la réciprocité des normes, c’est-à-dire s’assurer que les produits importés dans le marché commun respectent nos normes environnementales, notamment sur l’utilisation de pesticides. Cette proposition devrait s’accompagner d’une stratégie numérique pour l’agriculture, pour soutenir la transition du secteur.

Avec ce plan, la Commission souhaite travailler avec le secteur agroalimentaire pour améliorer sa compétitivité et sa résilience, renforcer la dimension locale, et rétablir le lien vital entre l’alimentation, le territoire, la saisonnalité, les cultures, et les traditions.

La Commission veut rendre l’agriculture européenne attractive, en encourageant les jeunes à entrer dans la profession et prépare pour cela une stratégie sur le renouvellement des générations. Elle veut également veiller à ce que les agriculteurs ne soient plus contraints de vendre en dessous de leurs coûts de production, en proposant une réforme de la législation sur les pratiques commerciales inéquitables.

L’institution européenne souhaite aussi accélérer les procédures de mise sur le marché des biopesticides, et instaurer une « boussole sur la durabilité » pour aider les exploitants à améliorer leurs performances environnementales. Elle reconnaît la nécessité de concilier l'action climatique, avec la sécurité alimentaire et les défis spécifiques auxquels le secteur est confronté. Cela signifie que les agriculteurs devraient être encouragés à l’avenir pour adopter des pratiques respectueuses de la nature, plutôt que sanctionnés.

Enfin, la dernière priorité du texte porte sur les conditions de vie et de travail équitables en milieu rural. Un nouveau plan d'action rural devrait ainsi voir le jour dans les prochains mois.

Pour mener toutes ces actions, la Commission européenne veut privilégier la concertation et le dialogue. Cette vision n’est qu’un texte général et la déclinaison de ces grandes priorités en textes concrets doit se faire dans les prochains mois, donc certaines évolutions ne sont pas à exclure.

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