Informations principales
La Synthèse néoclassique est une école de pensée économique majeure qui est issue de l’intégration de certaines théories néoclassiques au keynésianisme originel. Ce courant a été dominant dans le monde économique, mais également politique durant les Trente Glorieuses, c’est-à-dire entre la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945 et le choc pétrolier de 1973.
Ses fondateurs sont l’économiste américain Paul Samuelson et l’économiste britannique John Hicks. D’autres économistes ont réalisé des apports significatifs tels que William Alban Phillips et Robert Solow.
L’École de la Synthèse a ensuite été dépassée par la Nouvelle économie classique et par la Nouvelle économie keynésienne.
L’origine de la Synthèse néoclassique
Une année après la publication en 1936 de la « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie » par John Maynard Keynes, l’économiste britannique John Hicks a proposé une première synthèse. Il a notamment donné une formalisation mathématique de l’ouvrage de Keynes, que même ce dernier a jugé acceptable. Ce modèle proposé par Hicks se nomme « IS/LM » et a permis de produire une double synthèse.
D’une part, une synthèse au sens d’un résumé simple et compréhensible par tous.
D’autre part, Hicks a réussi à établir une cohabitation entre l’analyse néo-classique et l’analyse keynésienne. Cela a été possible en créant un clivage dans lequel l’une des deux analyses constitue le cas particulier de l’autre. Dans cette configuration, une synthèse devient possible. Par exemple, un économiste keynésien va voir le sous-emploi comme la situation générale, et donc le plein-emploi comme une exception (le cas particulier). À contrario, un économiste néo-classique va voir dans le sous-emploi une situation exceptionnelle, et donc dans le plein-emploi, le cas général. Cette différence dans l'appréciation et l’analyse de la situation permet à chacun de conserver sa filiation théorique, mais rend en même temps compatibles et alternatifs les deux modes de pensée.
John Maynard Keynes lui-même avait indiqué qu’au plein-emploi, la théorie classique reprenait tous ses droits et précisé également que le plein-emploi est aussi rare qu’éphémère. Le modèle IS/LM de Hicks (qui a été ensuite repris par d’autres économistes) s’avère finalement la manière la plus commode de diffusion et d’acceptation des idées de Keynes, car elle reprend la majorité des préceptes de l’analyse keynésienne. Ces préceptes sont que le chômage est involontaire et causé par l’insuffisance de la demande effective, l’autorégulation des marchés ne garantit généralement pas le plein-emploi, l’atteinte du plein-emploi s’obtient par une relance des dépenses publiques, et enfin, la demande commande l’offre à court terme.
Cependant, Hicks ne reprend pas l’idée de Keynes selon laquelle l’économie est par nature incertaine, instable et monétaire.
John Hicks propose donc une théorie majoritairement keynésienne. Dans ses travaux, il expose de manière pédagogique comment l’intervention de l’État dans l’économie à travers une augmentation des dépenses publiques amène cette économie vers le plein-emploi, ce qui a pour conséquence de faire disparaître le chômage involontaire.
Le modèle IS/LM est complété par la Courbe de Phillips (de l’économiste néo-zélandais Alban William Phillips) qui relie le taux d’inflation et le taux de chômage.
Les fondements théoriques de la Synthèse néoclassique
La Synthèse néoclassique a formalisé le Keynésianisme originel qui était très peu mathématisé, et qui n’était donc pas doté d’une importante force démonstrative. Cette mathématisation par les économistes de la Synthèse a été rendue possible par l’apport des statisticiens et des mathématiciens convertis à l’économie. Les principaux auteurs de la Synthèse comme John Hicks ou Paul Samuelson par exemple étaient également des mathématiciens.
La Synthèse néoclassique intègre à son analyse les mécanismes keynésiens à court terme, et les mécanismes néo-classiques à long terme. Le cœur de son raisonnement est le modèle IS/LM. La Synthèse néoclassique soutient notamment que John Maynard Keynes a raison sur le court terme, et que le keynésianisme originel permet de comprendre les différentes perturbations économiques, et apporte des méthodes pour les corriger.
La théorie de l’équilibre général de l’École néo-classique, quant à elle, serait confirmée à long terme, mais sous certaines conditions.
Par ailleurs, les économistes de la Synthèse peuvent mettre en avant l’existence de l’effet Keynes, selon lequel il y a une autorégulation du chômage par le système économique à travers le canal du taux d’intérêt.
Le modèle IS/LM
John Hicks voit l’ouvrage de la Théorie générale de Keynes comme un cas particulier de la théorie classique. Le modèle IS/LM est donc un modèle économique qui cherche à retranscrire l’équilibre général des économistes néo-classiques, mais dans des termes keynésiens. Ce modèle raisonne en termes d’agrégats nationaux, c’est-à-dire dans une optique macroéconomique (en opposition avec la microéconomie).
Concrètement, ce modèle est une mise en équation des principaux équilibres économiques.
L’explication du modèle IS/LM
Le modèle IS/LM s’intéresse à une relation entre le marché des biens et le marché de la monnaie, et cela, dans une économie fermée (c’est-à-dire sans importations, ni exportations).
Hicks repense l’équilibre général de l’économie à partir de deux droites.
D’une part, la droite IS qui représente l’équilibre entre l’investissement (I) et l’épargne (S), ce qui implique l’équilibre sur le marché des biens et des services.
D’autre part, la droite LM qui représente l’équilibre entre la demande de liquidités (L) et l’offre de monnaie (M), ce qui implique l’équilibre sur le marché monétaire.
L’intersection (c’est-à-dire le croisement) des deux droites IS et LM dans un repère permet de déterminer un point d’équilibre avec un revenu d’équilibre (Y*) et un taux d’intérêt d’équilibre (i*).
L’équilibre alors obtenu ne correspond pas automatiquement au plein-emploi, mais correspond à un équilibre de sous-emploi. Pour atteindre le plein-emploi, il faut juste déplacer les deux droites afin que leur intersection se fasse au revenu de plein-emploi. Il faut alors déplacer IS et LM vers la droite du repère.
Le déplacement de la droite IS équivaut à un accroissement de la demande globale qui est provoqué par l’augmentation de l’investissement ou des dépenses publiques.
Le déplacement de la droite LM, quant à elle, correspond à un accroissement de l’offre de monnaie, dans lequel la politique monétaire accompagne la politique de relance budgétaire.
Pour Keynes, il n’est pas concevable de procéder à une politique de relance par de la monnaie, étant donné que la préférence pour la liquidité pourrait au final faire échouer la politique de relance. En effet, tout supplément de monnaie peut être thésaurisé (c’est-à-dire épargné, sans être utilisé pour investir par exemple), la politique échoue à cause de ce qu’il appelle la trappe à liquidité.
Le modèle permet d’expliquer que pour atteindre le plein-emploi, il suffit de déplacer deux droites et que le déplacement de l’une d’entre elles passe par un accroissement des dépenses publiques engagées par l’État, et que l’autre passe par l’accroissement de l’offre de monnaie.
Les enseignements du modèle IS/LM
Le modèle IS/LM apporte un cadre qui permet de comprendre les conséquences d’une politique budgétaire et d’une politique monétaire.
Une politique budgétaire consiste à accroître les dépenses de l’État, et donc de la demande sur le marché des biens et des services. Cela signifie que le niveau de production est accru. Cela va se matérialiser par le déplacement de la courbe IS vers le haut, ce qui correspond à une hausse du revenu et du taux d’intérêt.
Une politique monétaire consiste à augmenter la quantité de monnaie en circulation dans un pays, c’est-à-dire de l’offre de monnaie. C’est alors la courbe LM qui va se déplacer vers le bas, ce qui correspond à une hausse du revenu et une baisse du taux d’intérêt.
Une politique mixte, quant à elle, va combiner une politique budgétaire et une politique monétaire. Le but est que les deux formes de politiques puissent avoir un effet renforcé sur la hausse du revenu.
Le modèle IS/LM a permis d’apporter, grâce à la modélisation mathématique, une démonstration des effets bénéfiques de la politique économique qui était préconisée par John Maynard Keynes, en suivant le processus d’interactions entre les marchés issu des économistes néo-classiques.
Par ailleurs, le modèle IS/LM a été expliqué par les économistes Mundell et Fleming dans le cadre d’une économie ouverte.
Dans les années 1960, aux États-Unis, le Président John Fitzgerald Kennedy a mis en place, sous l’influence de l’École de la Synthèse, une politique économique qui a allié une politique monétaire souple et une politique budgétaire de relance.
La courbe de Phillips
William Alban Phillips (1914-1975) est un économiste néo-zélandais qui a d’abord été ingénieur électricien avant de se tourner vers l’économie. Il s’est particulièrement intéressé à la modélisation de la macroéconomie keynésienne.
À partir de statistiques sur l’économie britannique entre 1861 et 1957, il a observé une relation inverse entre le taux de chômage et le taux de croissance des salaires nominaux (c’est-à-dire sans prendre en compte l’inflation). Il a constaté que plus le taux de chômage est élevé et moins la croissance des taux de salaires nominaux est forte. Il en découle donc une relation nommée la « Courbe de Phillips« .
Les économistes Robert Solow et Paul Samuelson ont reformulé cette relation en prenant plutôt en considération le niveau du chômage et celui de l’inflation. Selon ces deux auteurs, il y a un dilemme entre l’inflation et le chômage. En effet, plus le taux de chômage est élevé, et moins l’inflation est forte. Cela signifie que les économies doivent choisir entre lutter contre l’inflation et lutter contre le chômage. Cela implique qu’il faut accepter de l’inflation pour pouvoir lutter, de manière efficace, contre le chômage. Sur un graphique, cela se matérialise par une courbe descendante.
Cette relation inverse entre le chômage et l’inflation est souvent appelée « Courbe de Phillips » par abus de langage.
Le modèle de Solow
Robert Solow a développé un modèle qui permet d’expliquer la croissance économique grâce à l’accumulation de capital et au facteur travail.
Une des notions importantes de ce modèle est la combinaison productive. Robert Solow considère que le travail et le capital sont substituables. Cela signifie qu’il est possible de faire varier la quantité de travail et la quantité de capital nécessaire afin d’obtenir un certain niveau de production. La choix de la combinaison productive, c’est-à-dire de la quantité de travail et de capital va dépendre du prix de chacun de ces facteurs de production.
Solow s’est basé sur l’étude des données de l’économie américaine de la première moitié du 20ème siècle et en a déduit que l’augmentation des deux facteurs de production n’explique pas entièrement la croissance. La part qui est inexpliquée de la croissance correspond alors pour lui au progrès technique. Il définit le progrès technique comme un résidu qui permet d’expliquer la croissance économique des pays.
Dans le modèle de Solow, le progrès technique est exogène, ce qui signifie qu’il n’est pas expliqué par le modèle lui-même, mais par une donnée extérieure.
Le progrès technique amène à la conclusion que l’investissement permet de soutenir la croissance économique. Si l’investissement dépasse la dépréciation du capital, alors cela signifie que le capital est plus performant et plus productif.
Le modèle de Solow a été repris par l’économiste américain Paul Romer qui y a intégré le progrès. Ce dernier est pour lui le résultat de l’activité économique, grâce à l’accumulation de connaissances. Cela a permis d’aboutir à un modèle de croissance endogène, c’est-à-dire qui est générée par l’activité économique. Ce raisonnement a donné le Modèle de Romer, du nom de son auteur.
Le Théorème de Haavelmo
Le Théorème de Haavelmo est un modèle de l’économiste et statisticien norvégien Trygve Haavelmo.
Ce Théorème de Haavelmo est un théorème économique selon lequel une politique budgétaire de relance de la part de l’État peut être réalisée sans accroître le déficit public. Cela est possible si l’État augmente en même temps l’imposition du même montant que les dépenses effectuées par la politique de relance. Le résultat sera quand même atteint, à savoir une stimulation de la croissance économique, mais sans dégrader les finances publiques.
Ce mécanisme peut être expliqué par le fait que l’État va ponctionner de l’épargne privée, qui aurait été sinon thésaurisée (c’est-à-dire épargnée, mais sans qu’elle ne soit utile à l’économie, ni investie, ni placée, seulement conservée de côté). La ponction de cet argent a un effet positif sur la croissance économique grâce à l’effet multiplicateur de la dépense publique.
Le Modèle Hecksher-Ohlin-Samuelson
Le Modèle Hecksher-Ohlin-Samuelson (HOS) est la vision du commerce international du courant de la Synthèse néoclassique. Ce modèle porte le nom des économistes Paul Samuelson, Bertil Ohlin et Eli Heckscher qui ont participé à sa création.
Ce modèle HOS permet d’expliquer le commerce international par les différences de dotations en facteurs de production des pays qui participent à ce commerce international.
Le modèle HOS a permis ensuite la création du Théorème de Stolper-Samuelson, qui se fonde sur le modèle HOS afin de déduire les effets du commerce international sur les inégalités sociales.
Concrètement, le théorème HOS stipule que chaque pays tend à se spécialiser dans la production et l’exportation des biens qui incorporent, de manière intensive, les facteurs de production qui sont abondants sur son territoire. Le pays concerné importe alors les produits qui nécessitent le recours à des facteurs de production relativement rares dans le pays.
Des études ont montré que les continents sont dotés de capitaux différents (l’Afrique dispose d’importantes ressources naturelles, etc).
Cela vient du fait que plus le facteur de production va être abondant, plus son prix relatif va être bas, et donc, par conséquent, peu coûteux. Cela signifie que le pays gagne, grâce à cela, un avantage comparatif face à ses concurrents.
Par exemple, si un pays a beaucoup de capital (tel que le capital productif, des machines, etc), alors il va se spécialiser dans les biens qui vont nécessiter beaucoup de capital. À contrario, les pays qui ont un facteur travail abondant vont se spécialiser plutôt dans les productions qui ont besoin de beaucoup de main-d’œuvre.
La Théorie du déséquilibre
La Théorie du déséquilibre est une théorie néoclassique qui cherche à aller au-delà du paradigme néoclassique walrassien (c’est-à-dire de l’économiste Léon Walras). Cette théorie y ajoute des éléments keynésiens, dans le but d’expliquer les causes du chômage involontaire et l’insuffisance de la demande effective. Pour la Théorie du déséquilibre, ces derniers sont dus à un déséquilibre du marché qui est lié à des imperfections d’information, et à des défauts de coordination entre les agents économiques.
Cette théorie a cherché à procurer des fondations microéconomiques à la théorie keynésienne du chômage involontaire, en la mélangeant avec les théories néo-classiques.
Cette théorie a été élaborée et développée dans les années 1970 par les économistes Robert Clower, Edmond Malinvaud et Jean-Pascal Benassy.
La Théorie du déséquilibre part du constat que les déséquilibres du marché du travail sont permanents. Pour expliquer ces déséquilibres, cette théorie fait le choix d’abandonner les hypothèses néo-classiques de l’information parfaite et de la flexibilité parfaite des prix. Les déséquilibres sont alors expliqués par la rigidité salariale et notamment à la baisse, ce qui l’empêche donc de jouer son rôle d’ajusteur.
Cette théorie admet la possibilité que le chômage keynésien puisse exister, en plus du chômage classique, ce qui implique qu’il puisse y avoir un chômage involontaire prolongé. En effet, les prix à court terme sont rigides, ce qui peut provoquer des déséquilibres, dont le chômage fait partie. Le chômage apparaît donc comme un déséquilibre entre l’offre et la demande sur le marché de l’emploi. Selon la théorie du déséquilibre, le marché devrait ajuster l’offre et la demande dans le but d’atteindre un équilibre général. Cependant, cela ne peut pas avoir lieu par la rigidité des prix. En effet, cette rigidité empêche les prix de baisser quand l’offre et la demande ne sont pas alignées. Par conséquent, l’ajustement s’effectue par le biais des quantités échangées, ce qui signifie que tous les demandeurs ne trouvent pas d’offre au prix consenti. Ainsi, l’excès d’offre se traduit alors par du chômage.
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