Informations principales
Robert Merton Solow est un économiste américain, né le 23 août 1924 à Brooklyn, qui est l’un des cinq arrondissements de New York, aux États-Unis, et mort le 21 décembre 2023 à Lexington, dans l’État du Massachusetts, dans le même pays.
Il est essentiellement connu pour sa théorie de la croissance économique qui a permis de révéler le rôle déterminant du progrès technique. C’est dans ce contexte qu’il a obtenu, en 1987, le prix Nobel d’économie pour ses travaux qui ont abouti au modèle de Solow.
Robert Solow est considéré comme un économiste keynésien.
Avec son ami Paul Samuelson, il enrichit, en 1960, la courbe de Phillips qui établit à l’origine la relation entre le chômage et la hausse des salaires nominaux. Ce travail leur permet de prouver la relation empirique négative entre le taux de chômage et l’inflation, ce qui les aide à renforcer les théories de l’école keynésienne américaine à laquelle ils appartiennent.
Au-delà de ses nombreux travaux consacrés à la croissance, Solow s’est penché, entre autres, sur les politiques d’emploi et de stabilisation, sur l’étude du marché du travail, sur l’économie urbaine, sur les techniques de programmation linéaire et sur la question des ressources non-renouvelables.
Solow fait partie du groupe d’économistes d’inspiration keynésienne, comprenant entre autres Paul Samuelson et James Tobin, qui ont joué un rôle majeur dans les débats de politique économique au début des années 1960, plus particulièrement sous la présidence du président américain John Fitzgerald Kennedy. Robert Solow a donc été un membre du comité des conseillers économiques de ce président et a été l’un des bâtisseurs de ce qui a été appelé la “nouvelle économie”. C’est pour cette raison qu’il est souvent considéré comme faisant partie de la Nouvelle économie keynésienne. Cette époque a été marquée par l’interventionnisme et la conviction qu’un moyen de maîtriser le chômage et les récessions avait été trouvé. Robert Solow a estimé que cette expérience lui avait permis de comprendre que la macroéconomie pouvait aider à comprendre le monde, et même jusqu’à un certain niveau, à le changer.
D’un point de vue politique, Robert Solow se considère de centre gauche et il avait de la sympathie pour les régimes de capitalisme mixte comme ceux mis en place en Europe du Nord à son époque.
Les sujets de la croissance et du progrès technique développés par Robert Solow
Robert Solow a publié de nombreux ouvrages et articles, mais il a acquis sa notoriété grâce à deux articles publiés en 1956 et 1957 considérés comme les textes qui ont fondé la théorie néoclassique moderne de la croissance. Ce sont ces travaux qui lui ont permis d’obtenir le prix Nobel d’économie. Le sujet de la croissance a toujours intéressé les économistes. En effet, Karl Marx et les économistes classiques qualifiaient la croissance d’accumulation du capital. Pour Adam Smith et une grande partie de ceux qui l’ont suivi, cette accumulation est le résultat de l’épargne qui est alors transformée en investissement.
Ensuite, au milieu du 20ème siècle, les économistes Roy Forbes Harrod et Evsey Domar ont construit des modèles d’inspiration keynésienne qui révèlent que la croissance est instable. Ils ont montré que dès que l’on s’éloigne du chemin équilibré de croissance, aucune force ne la ramène sur le bon chemin. Ils constatent aussi que la croissance est ralentie à cause d’un manque de facteur capital par rapport au facteur travail. Cela justifie donc pour eux une intervention publique dans le but de soutenir l’épargne et donc par prolongement, l’investissement. Le modèle de Harrod-Domar a ouvert la voie aux modèles modernes de la croissance, et plus particulièrement au modèle de Solow.
Dans son article de 1956, le premier objectif de Robert Solow est de montrer qu’une croissance stable est possible. Selon lui, il suffit de ne pas retenir une des hypothèses du modèle de Harrod-Domar qu’il juge irréaliste, à savoir celle qui stipule que les coefficients de production sont fixes (c’est-à-dire le rapport entre les quantités de capital et de travail utilisées dans la production). Pour Solow, si on admet que ce rapport est flexible, et non plus fixe, et qu’il se modifie en fonction des changements dans la rémunération des facteurs, alors il est possible de montrer qu’il existe dans l’économie un chemin de croissance stable, caractérisé par le plein-emploi. En effet, si les facteurs peuvent se substituer, cela signifie qu’en cas de chômage, le prix du travail baisse, ce qui permet de libérer des fonds pour remplacer le facteur capital par le facteur travail et donc embaucher, et vice-versa.
Ce raisonnement amène Robert Solow à penser que l’équilibre est la règle, alors que le déséquilibre n’est en réalité que l’exception. Cela implique donc qu’à long terme, l’économie tend vers une situation d’équilibre. Ce modèle est connu sous le nom de modèle de Solow.
Néanmoins, cette analyse n’est pas le message principal que Solow a voulu transmettre. En effet, il a plutôt souhaité mettre en lumière le rôle que joue le progrès technique dans la croissance, rôle qu’il estime négligé par la science économique jusque-là. En effet, pour Solow, la croissance s’explique grâce à trois facteurs (deux endogènes et un exogène) que sont l’augmentation du capital à travers l’épargne, l’augmentation de la main-d’œuvre à travers la hausse de la population, et enfin, un facteur résiduel (aussi appelé résidu de Solow), exogène, à savoir l’innovation et le progrès technique. Selon Solow, c’est ce dernier facteur qui est le plus important pour expliquer la croissance, et non pas le taux d’épargne.
Alors que l’article que Solow a publié en 1956 présente un modèle théorique abstrait, celui qu’il va publier en 1957 propose, quant à lui, des méthodes de mesure empirique (c’est-à-dire basée sur l’expérience et l’observation) de la croissance, ce qui va permettre de poser les bases de ce qui sera ensuite appelée la comptabilité de la croissance.
Concrètement, Robert Solow a appliqué sa méthode aux données statistiques de l’économie américaine pour les années 1909 à 1949. C’est lors de ce travail qu’il a découvert que l’augmentation de la quantité de capital par heure de travail participe pour un huitième de la croissance, alors que tout le reste est apporté par le progrès technique.
Ce progrès technique prend, selon lui, des formes diverses et variées. En effet, il peut correspondre à une meilleure organisation du travail et de l’équipement existant ou être incorporé dans de l’équipement nouveau. Il peut aussi se manifester sous la forme d’amélioration des qualifications de la main-d’œuvre.
Robert Solow va être l’un des premiers économistes à mettre en avant l’importance des dépenses dans l’éducation et la recherche pour stimuler la croissance économique. Par ailleurs, il est convaincu qu’il n’est pas possible de compter uniquement sur les entreprises privées dans ce domaine. Cela signifie donc pour lui que les gouvernements ont un rôle essentiel à jouer, ce qui implique que la productivité est aussi une affaire d’État.
Le paradoxe de Solow
Robert Solow a fait remarquer, en 1987, soit environ 20 ans après l’invention d’Internet, que l’introduction massive des ordinateurs dans l’économie ne se traduisait pas par une augmentation statistique de la productivité, contrairement à toutes les attentes dans la mesure où l’informatique a représenté un progrès technique majeur. C’est cette constatation qui a reçu le nom de “paradoxe de Solow”, connu également par la formule “vous pouvez voir l’ère informatique partout, sauf dans les statistiques de la productivité”.
Robert Solow explique ce paradoxe par le fait qu’il y a un décalage dans le temps entre le moment où se produit l’investissement en connaissances et dans le matériel et le moment de son impact, lié au temps nécessaire à la formation nécessaire pour maîtriser les nouveaux outils et aux effets de l’obsolescence.
Les États-Unis ont connu une croissance soutenue environ à partir de l’année 1992, qui s’est matérialisée par une productivité record. Les économistes ont pensé que ce pays avait brisé ce paradoxe et Robert Solow lui-même a reconnu que son paradoxe n’était peut-être plus d’actualité, sans s’avancer davantage.
À nouveau aujourd’hui, les progrès technologiques tels que la numérisation de l’économie, le développement du commerce en ligne, l’apparition du cloud ou encore l’utilisation de plus en plus importante de l’intelligence artificielle pourraient remettre le paradoxe de Solow au goût du jour. En effet, toutes ces évolutions devraient permettre une importante amélioration de la productivité des entreprises, mais cela prend beaucoup de temps et à ce jour, qu’une petite partie des produits et des services sont numérisés à l’échelle mondiale, et principalement dans les pays les plus riches.
Les entreprises subissent encore des coûts de transition importants et ne devraient pouvoir tirer entièrement profit de ces nouvelles technologies que dans quelques années. Cette nouvelle arrivée de progrès technique et technologique devrait permettre d’augmenter la productivité, et cela, d’autant plus que les innovations et toutes les applications qui en découlent sont renforcées par des effets de réseaux, ce qui va permettre à une nouvelle génération d’entreprises de pointe d’émerger.
De nombreux débats et controverses
Robert Solow ne croit pas qu’un véritable dialogue constructif soit possible entre des acteurs qui partent d’hypothèses radicalement opposées. Sa carrière a été ponctuée par plusieurs débats ou controverses, autant avec des personnalités de droite, que de gauche.
La première controverse l’a opposé aux auteurs postkeynésiens, c’est-à-dire aux partisans radicaux de John Maynard Keynes, tels que Piero Sraffa, Joan Robinson, Nicholas Kaldor, Luigi Pasinetti ou encore Pierangelo Garegnani. La plupart de ces derniers sont basés à Cambridge, au Royaume-Uni, alors que Robert Solow, et son acolyte Paul Samuelson sont basés à Cambridge, dans l’État du Massachusetts, aux États-Unis. Cette controverse a porté le nom de “guerre des deux Cambridge” et a eu lieu dans les années 1950 et 1960.
Les économistes postkeynésiens n’acceptaient pas qu’il puisse exister un modèle de croissance stable. Selon eux, la faille principale de ce modèle est de croire qu’il est possible de mesurer une grandeur nommée « capital » en faisant abstraction de la connaissance des prix et du taux de profit. Dans la mesure où le capital dépend, entre autres, du taux de profit, cela signifie pour eux que le modèle néoclassique de détermination des prix et des revenus, qui est à la base de la stabilité de la croissance, s’effondre.
Robert Solow a répondu à ces critiques en introduisant, entre autres, un nouveau concept, à savoir celui de taux de rendement du capital. Il a également écrit un article dans lequel il déclare avoir abandonné l’idée qu’il puisse exister une réelle communication entre les participants à ce débat, au vu de leurs opinions trop opposées. La controverse a fini par s’éteindre d’elle-même, sans vraiment de gagnants.
À partir des années 1970 environ, le monétarisme, puis la nouvelle macroéconomie classique ont pris de l’ampleur. Les économistes néolibéraux se sont attaqués à la courbe de Phillips, que Solow avait introduite avec Paul Samuelson en 1960. Cette courbe illustre le fait qu’un arbitrage doit être fait entre l’inflation et le chômage (dans la mesure où moins de l’un engendre plus de l’autre) par les dirigeants politiques. Ces derniers doivent donc faire un choix dans leurs objectifs, et donc dans les politiques budgétaires et monétaires qu’ils vont mettre en place.
Milton Friedman affirme en 1968 qu’il existe un taux de chômage naturel qu’il est possible de réduire avec des politiques économiques traditionnelles, ce qui implique qu’il n’y a pas de choix à faire sur le long terme entre l’inflation et le chômage. Les nouveaux économistes classiques, quant à eux, estiment qu’il n’y a pas non plus d’arbitrage à faire à court terme, ce qui signifie que toute politique économique mise en place sera inefficace.
Robert Solow s’est opposé à ces raisonnements et il est même devenu l’un des critiques les plus tenaces de ces nouvelles approches qui privilégient l’autorégulation des marchés et qui préconisent le désengagement économique de l’État. Cela ne l’empêche pas de reconnaître que la courbe de Phillips n’a probablement pas la stabilité qui était prévue initialement.
Par ailleurs, il n’accepte pas le concept de taux de chômage naturel de Friedman. Concernant les thèses les plus radicales qui considèrent que les politiques économiques sont inefficaces et qui misent sur un équilibre parfait des marchés, Solow se montre très réticent face à cette approche. En effet, il considère que ces thèses résultent d’une illusion, à la fois théorique et méthodologique qui considère qu’il existe une science économique universelle et rationnelle. Solow estime, quant à lui, que cette dernière néglige l’influence des institutions sociales, des croyances et des idéologies. Selon lui, autant dans la science économique qu’ailleurs, il n’existe pas une vérité finale qui ne puisse pas être dépassée.
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