Informations principales
James Denham-Steuart est un économiste et juriste écossais, né le 21 octobre 1712 à Édimbourg, en Écosse et mort le 26 novembre 1780 dans le comté de Lancashire, en Angleterre.
Il a reçu une formation de juriste à l’Université d’Édimbourg, avant d’être ensuite admis au barreau en tant qu’avocat. Alors que sa famille se situe plutôt dans la tradition whig (selon laquelle l’Histoire progresse inévitablement vers davantage de liberté et anti absolutisme royal), il se rapproche des jacobites, fervents soutiens de la dynastie détrônée des Stuarts.
James Steuart est considéré comme étant le précurseur écossais de l’économie politique et comme l’auteur de l’un des premiers traités d’économie politique, intitulé An Inquiry into the Principles of Political Economy, publié en 1767.
Il est assimilé par certains économistes (notamment Adam Smith) au mercantilisme, mais certaines de ses analyses permettront d’annoncer le keynésianisme. En effet, il va prôner une intervention assez importante de l’État dans l’économie. Steuart ne s’est pas intéressé qu’à la richesse d’une nation, source de sa puissance, mais également à la consommation individuelle et au bien-être des individus.
Les travaux d’Adam Smith, venus à peine quelques années après les siens, masqueront presque complètement son œuvre.
Le combat perdu de Steuart contre Adam Smith
L’Écosse était, au 18ème siècle, une des terres où a débuté la nouvelle discipline de l’économie politique. C’est Steuart qui lui a donné ce nom, en 1767, soit quelques années après Antoine de Montchrestien en France, qui l’avait déjà fait en 1615. Quelques années après, en 1776, Adam Smith a publié son œuvre majeure intitulée Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. Ce dernier connaissait le traité d’économie de Steuart, mais il l’a volontairement ignoré en se vantant même de réfuter dans son propre ouvrage les analyses qu’a développées Steuart, mais sans citer son auteur.
Les deux économistes étaient notamment en désaccord sur le sujet de l’intervention de l’État dans l’économie. Steuart est parfois considéré comme le dernier des mercantilistes, mais Adam Smith méprisait ces derniers, ce qui est l’une des raisons de leurs divergences d’opinions.
Adam Smith et James Denham-Steuart avaient des caractères différents. En effet, le premier était un pur intellectuel, alors que le deuxième était davantage un homme d’action, agissant énergiquement pour favoriser le retour des Stuart sur le trône d’Écosse, ce qui lui a causé près de vingt ans d’exil, ainsi qu’un séjour en prison.
Karl Marx a accusé Thomas Malthus d’avoir pris la théorie de la population à James Steuart. Ce dernier a également reçu des éloges de la part des théoriciens de l’École historique allemande qui défendaient une intervention active de l’État dans l’économie.
Ce n’est que suite à la révolution keynésienne que l’œuvre de Steuart a été reconnue à sa juste valeur et finalement réhabilitée.
La méthode de l’économie politique de James Denham-Steuart
Lorsque James Steuart était en exil sur le continent européen, il s’est interrogé sur la méthode qu’il fallait employer dans le domaine de l’économie politique et des sciences morales. À ce sujet, il rejette l’idée qu’il existe des lois universelles, qui seraient applicables en tout temps et en tout lieu, en économie comme dans d’autres domaines. Il critique à ce titre les certitudes comme celles que peuvent avoir les physiocrates. Il juge que ces derniers usent de facilité en élaborant des systèmes qui ne sont, au final, qu’un enchaînement de conséquences incertaines, établies avec un nombre réduits de principes fondamentaux, adoptés de manière trop légère.
Steuart estime que, au vu de la variété et de la diversité des conditions et des institutions, autant dans le temps que dans l’espace, le théoricien se doit d’être très prudent quand il cherche à dégager des lois générales, qu’il souhaite valables partout, pour tous les peuples et dans toutes les circonstances. Il considère qu’en se basant sur l’observation, l’induction, mais également sur la vérification et sur la déduction, l’économie politique doit s’adapter à divers objets, tels qu’aux opérations de l’esprit, aux habitudes, aux mœurs, aux coutumes des peuples, etc. Le but est d’arriver à un nouveau système d’institutions plus utiles.
Par ailleurs, James Denham-Steuart a critiqué ceux qui, à partir de lois générales, en déduisent des propositions politiques qui peuvent être, selon lui, potentiellement dangereuses. Il considère que les propositions politiques en question doivent aussi être adaptées aux circonstances particulières. Parmi les lois universelles qu’il attaque, se trouve la théorie quantitative de la monnaie, développée notamment par David Hume.
Lors du débat qui a opposé les keynésiens (partisans des politiques discrétionnaires, c’est-à-dire qui s’adaptent au fur et à mesure à la conjoncture) et les monétaristes (partisans des politiques fondées sur des règles qui ne bougent ensuite plus) au 20ème siècle, James Steuart se range du côté des défenseurs des politiques discrétionnaires. Le long exil qu’il a connu en Europe lui a permis d’étudier et d’analyser les réponses très variables que les différents pays européens ont apportées aux problèmes monétaires auxquels ils étaient confrontés.
Pour lui, l’objectif de l’économie politique est d’assurer un certain revenu de subsistance pour chaque personne, de parer à toutes les circonstances qui pourraient rendre sa situation précaire, de fournir à la société toutes les choses qui sont nécessaires pour satisfaire ses besoins, et enfin, de procurer un emploi à tous. Le but est de faire en sorte de créer des relations réciproques entre tous les individus et de créer des liens de dépendance entre eux.
Le sujet de l’emploi et des politiques économiques
Malgré leurs divergences, autant Steuart que Smith accordent beaucoup d’importance à l’Histoire et aux institutions. Adam Smith s’est inspiré de Steuart, qui s’est lui-même inspiré de Turgot pour ses thèses sur les stades du développement économique, sur le passage de l’économie pastorale à l’économie agricole et, à partir de là, le passage à l’économie manufacturière et monétaire. Toutefois, alors que pour Smith, il s’agit d’un processus spontané, c’est plutôt, pour Steuart, une évolution qui doit être encadrée et gérée de manière étroite par les pouvoirs publics, qui doivent être gérés par un Chef d’État bénévole et omniscient.
James Denham-Steuart se positionne à contre-courant du laissez-faire qui s’imposera quand même, de manière graduelle, comme thème dominant de la politique économique entre la fin du 18ème siècle et le début du 20ème siècle.
Il ne croyait pas, par exemple, qu’il existait une “main invisible” qui permet aux marchés de s’équilibrer spontanément, comme le pense Adam Smith. Au moment du débat sur les grains, il défendait une intervention de l’État afin d’assurer la stabilité des prix, et donc par ricochet, celle de la nourriture. Afin de remédier à ce problème, il a proposé une coopération agricole au niveau européen.
Toujours concernant les prix, il rejette l’idée qu’il existe une valeur qui soit absolue et objective. Pour Steuart, la valeur réelle d’une marchandise équivaut à son coût de production. Cela signifie que tout prix excessif par rapport à la valeur réelle correspond donc au profit. Avec ce raisonnement, il amène l’idée d’une élasticité de la demande.
Par ailleurs, James Steuart ne croyait pas non plus qu’il y avait un équilibre spontané sur le marché du travail. Il considérait que le droit à l’emploi était un élément essentiel du contrat social. C’est pour cela, qu’il prônait un certain nombre de mesures protectionnistes dans le but d’atteindre le plein-emploi. Néanmoins, cela ne l’empêchait pas de se méfier des effets pervers de certaines d’entre elles. C’est pour cette raison qu’il préférait opter pour une politique de dépenses et de travaux publics, une fiscalité élevée et des interventions monétaires actives qui visent notamment à baisser les taux d’intérêt pour stimuler l’activité.
Steuart a aussi émis une distinction entre la monnaie réelle et la monnaie de crédit dont il considérait que le gouvernement devait en développer l’usage. De plus, sur la dette publique, il estime que c’est l’un des instruments les plus puissants et les plus essentiels de l’intervention étatique. Il en nie les effets pervers, dont notamment, le danger d’une éventuelle banqueroute de l’État.