Informations principales
Gary Stanley Becker est un économiste et professeur d’université américain, né le 2 décembre 1930 à Pottsville, dans l’État de Pennsylvanie, aux États-Unis, et mort le 3 mai 2014 à Chicago, dans le même pays.
Il a été professeur dans le département de sociologie et d’économie à l’Université de Chicago. Gary Becker a reçu le Prix Nobel d’économie en 1992 pour son apport à l’analyse économique qui concerne les comportements et attitudes humains, ainsi que pour sa thèse portant sur le capital humain en prenant pour base la rationalité néoclassique. Il a également obtenu l’une des plus hautes distinctions américaines, à savoir la National Medal of Science.
Il est essentiellement connu pour ses travaux qui visent à élargir le domaine de l’analyse microéconomique à de multiples et nombreux comportements humains.
Gary Becker a aussi été l’un des premiers à travailler sur la notion de capital humain et à la développer.
Ses analyses économiques sur la criminalité ont posé les fondements de l’analyse économique du droit en influençant autant les économistes, que les juristes. De ce fait, les travaux de Gary Becker ont permis de mieux comprendre les comportements criminels.
Il est également considéré comme l’un des fondateurs de l’économie de la famille grâce à son ouvrage sur le sujet publié en 1981, intitulé Traité sur la famille.
L’analyse microéconomique adaptée à d’autres domaines ne relevant pas de l’économie
Gary Becker a mené ses travaux dans une démarche qualifiée d’impérialisme économique, c’est-à-dire qu’il souhaite appliquer l’analyse économique à de nombreux aspects de la vie sociale, et pas uniquement ceux qui relèvent habituellement du domaine de l’économie. Il a donc tenté d’étendre le modèle de l’Homme rationnel développé par les économistes néoclassiques afin d’expliquer certains aspects du comportement humain. C’est pour cela qu’il a reçu un Prix Nobel d’économie, pour avoir élargi le domaine de l’analyse microéconomique à toute une panoplie de comportements et d’interactions humaines, ainsi qu’à des comportements qui ne concernent pas le marché. C’est Becker qui a significativement développé cette vision.
Il s’est employé à adapter ce modèle dans quatre domaines principaux, à savoir la criminalité, l’investissement en capital humain, la discrimination sur le marché des biens et de services, en enfin, la répartition des tâches et l’allocation du temps au sein de la famille.
L’économie de la discrimination
En publiant en 1957 son ouvrage L’économie de la discrimination, Gary Becker a intégré dans ses réflexions la notion de discrimination. En effet, il émet une hypothèse selon laquelle les individus vont généralement augmenter le coût de leurs transactions si elles ont lieu avec une catégorie de personnes minoritaire, c’est-à-dire une minorité, qu’eux-mêmes discriminent.
Toutefois, il précise que la concurrence permet de réduire la discrimination qui peut être observée sur le marché, parce que les entrepreneurs qui font beaucoup de discriminations vont subir les coûts les plus importants et vont donc être éliminés du marché par les entrepreneurs qui font le moins de discriminations. Sur la base de ce raisonnement, il estime que la discrimination n’est, au pire, qu’un phénomène passager et temporaire, tant que cela se passe dans une économie basée sur un marché libre et concurrentiel.
Les recherches qu’a menées Gary Becker l’amènent à la conclusion que lorsque les minorités équivalent à un pourcentage très faible de la population, une grande partie des coûts discriminatoires a tendance à retomber sur les minorités. Cependant, quand les minorités en question correspondent à une partie plus large de la population, alors les coûts discriminatoires retombent, à la fois sur la minorité concernée, mais aussi sur la majorité.
Gary Becker a également été un précurseur en réalisant des recherches sur les prophéties autoréalisatrices qui touchent la relation salariale entre les minorités et la majorité. Pour lui, ce type de relation mène à un sous-investissement dans les capacités de production, ainsi que dans l’éducation des minorités concernées.
Les travaux de Becker sur l’économie du crime
Gary Becker s’est intéressé très tôt à l’économie du crime. En effet, une des anecdotes sur lui veut que durant ses études, il était en retard pour passer un examen. Une fois arrivé sur le parking, il a dû arbitrer entre le fait de payer une place de parking, mais par conséquent perdre du temps, ou alors se garer illégalement et donc, prendre le risque de payer une amende. Face à cette situation, Becker a réalisé un calcul rapide entre la probabilité d’être arrêté et de payer une amende d’une part, et le coût de se garer correctement d’autre part. Face à cela, il a fait le choix, de manière rationnelle, du “crime”.
C’est à partir de cette expérience que Becker a émis l’hypothèse que les criminels effectuent ces mêmes calculs rationnels. Toutefois, cette théorie allait à l’encontre des idées de l’époque qui voulaient que le crime n’était que le résultat d’une maladie mentale ou d’une pression sociale.
Gary Becker reconnaît que beaucoup d’individus agissent avec des contraintes éthiques et morales importantes. Concernant les criminels, il considère qu’ils agissent de manière rationnelle dans les situations où les bénéfices et les avantages de leurs crimes sont supérieurs à la probabilité qu’ils se fassent arrêter, condamner et délivrer une amende ou une peine de prison.
En prenant le point de vue de la politique publique, un choix est également à faire. En effet, étant donné que le coût de l’augmentation d’une amende est minime par rapport à celui de l’augmentation de la surveillance, cela amène à considérer que la politique la plus efficiente (c’est-à-dire avoir les meilleurs résultats avec les moyens les plus faibles possibles) consiste à réduire la surveillance, mais en contrepartie, à maximiser les amendes. Néanmoins, Gary Becker reconnaît que cette approche comporte des limites.
Ce sujet sera plus tard développé par certains élèves de Becker comme, par exemple, Isaac Ehrlich. Ils ont voulu affiner ce raisonnement et calculer l’impact qu’auraient des amendes d’une part, et des mesures préventives d’autre part, sur la prévention des crimes.
La théorie du capital humain de Becker
Gary Becker a développé toute une théorie concernant la notion de capital humain, notamment dans son ouvrage publié en 1964 nommé Le capital humain, une analyse théorique et empirique.
Sur ce sujet du capital humain, il explique qu’un individu prend la décision de se former, c’est-à-dire d’investir dans son capital humain. Pour prendre cette décision, l’individu réalise un calcul rationnel dans lequel il fait une comparaison entre les gains et les coûts qui vont être engendrés par cette décision.
Les gains sont évalués par l’acquisition de nouveaux savoirs, de compétences et de savoir-faire. Ces acquisitions permettent de valoriser son offre de travail grâce à un salaire plus élevé grâce à l’augmentation de sa productivité marginale du travail. Cela permet également à l’individu concerné d’obtenir de meilleures conditions de travail, ainsi que d’avoir de meilleures perspectives d’évolution concernant sa carrière.
Les coûts, quant à eux, sont évalués directement par le coût monétaire en lui-même d’une part, et indirectement par les coûts d’opportunités (c’est-à-dire les coûts de la non-réalisation), d’autre part. Dans le cas de la formation d’un individu, le coût d’opportunité correspond au manque à gagner du salaire qui n’est pas perçu pendant la durée de la formation.
Au-delà du travailleur, l’employeur trouve, lui aussi, son intérêt à investir dans le capital humain. En effet, cela lui permet d’obtenir une productivité marginale du travail plus importante. Investir dans la main-d’œuvre, et donc dans la formation, permet d’accroître l’efficacité productive.
Enfin, l’État y trouve également son intérêt puisqu’une élévation du capital humain, c’est-à-dire de la main-d’œuvre nationale permet d’assurer de meilleurs emplois, et donc des revenus plus élevés.
Dans la mesure où chaque agent économique trouve un intérêt à cet investissement, la question du financement se pose et reste à éclaircir.
Le concept du capital humain développé par Gary Becker a permis d’apporter une dimension qualitative dans le domaine du travail, et de montrer sa diversité et son hétérogénéité. Cela a également permis d’enrichir la théorie néoclassique qui considérait que la rémunération du travail n’était qu’un facteur coûteux. À l’inverse, Becker apporte une approche dans laquelle la ressource humaine peut rapporter.
En appliquant ce concept à l’étude du marché du travail, cela permet d’obtenir des éléments d’explication concernant sa segmentation. Effectivement, les marchés du travail sont démultipliés parce que l’offre est rendue plus hétérogène par une diversité importante de formations.
En appliquant également ce concept aux théories de la croissance endogène (c’est-à-dire qui est issue d’éléments venant de l’intérieur), cela permet d’avoir une meilleure approche de la croissance, dans laquelle le capital humain, technique et public permettent d’élever le taux de croissance du revenu national.
Par ailleurs, Gary Becker a effectué des recherches pour connaître l’impact de certains éléments, comme l’alcoolisme, la prise de drogues, les bonnes et mauvaises habitudes ou encore la ponctualité sur le capital humain.
Il a aussi travaillé sur la différence qu’il existe concernant le retour sur investissement pour les différentes classes sociales de la population, et ce que cela implique pour la mise en place des politiques macroéconomiques. Par exemple, des parents aisés vont investir davantage dans l’éducation de leurs enfants, que des parents pauvres.
À travers ses travaux, Gary Becker fournit un outil aux politiques d’éducation, et d’une manière plus générale, aux politiques économiques d’une manière.
Becker a souhaité généraliser sa logique à d’autres champs des sciences sociales, et pas seulement à l’économie. Il a ainsi appliqué la rationalité des coûts/avantages au choix de son conjoint par exemple, ou encore au choix de se suicider ou de se tuer, ce qui provoquera des réactions vives et hostiles. À ce sujet, certains sociologues ont avancé le fait que l’amour ne se met pas en équation comme cela, que le suicide laisse peu de place à la rationalité économique, et enfin que le meurtrier n’est pas dissuadé par la peine de mort.
De plus, les travaux de Gary Becker sur le capital humain ont été critiqués à d’autres niveaux. En effet, il lui a été reproché de ne prendre en compte que le niveau d’étude et la qualité de la formation reçue, sans faire attention à la taille de l’entreprise, aux éventuelles discriminations, aux syndicats, etc. Sa théorie ne donne pas non plus d’explications sur le fait que certaines catégories d’individus investissent davantage que d’autres dans le capital humain.
Certains économistes ont aussi remis en question le fait qu’un investissement dans de la formation permette d’accroître sa rentabilité. Pour eux, cela n’est pas sûr et systématique.
L’allocation du temps : l’approfondissement de la théorie du capital humain
Suite à ses travaux sur le capital humain, Gary Becker a décidé d’approfondir sa théorie en y intégrant la notion de temps, qu’il considère comme une ressource qu’il faut allouer. Pour cela, il a publié en 1965 un article intitulé Une théorie de l’allocation du temps dans The Economic Journal.
Certains auteurs et économistes vont considérer que les travaux de Becker sur le capital humain et sur la notion de temps sont une rupture avec l’approche traditionnelle qui prédominait concernant l’économie du consommateur. En effet, avec Gary Becker, le consommateur n’est plus seulement cette dernière qualification, mais devient également producteur. Il produit les biens non-marchands lui-même, ceux qui vont lui procurer de la satisfaction. Ces biens combinent à la fois des biens marchands et du temps. Par exemple, un repas correspond à un bien non-marchand, qui vient de l’union d’ingrédients et de temps.
L’économie de la famille et la théorie de l’enfant gâté
Les raisonnements de Gary Becker sur le sujet de l’économie de la famille sont rassemblés dans son ouvrage Traité sur la famille, publié en 1891 et en 1991.
C’est en travaillant sur sa théorie du capital humain que Becker s’est également intéressé au rôle de la famille dans la formation de ce capital en question. Il met en avant le fait que, pour lui, le mariage, le divorce, ou encore le taux de fécondité deviennent des variables qu’il est possible d’expliquer grâce à cette théorie. En effet, il considère que les décisions qui découlent de ces comportements peuvent être expliquées dans le cadre des gains et des coûts marginaux. Par exemple, un couple de personnes riches aura des coûts de divorce beaucoup plus élevés, et donc un taux de divorce probablement plus faible.
Gary Becker a aussi eu un raisonnement concernant l’impact des salaires réels élevés sur la valeur du temps. Cela sous-entend l’impact sur les coûts de la production domestique, comme par exemple l’éducation des enfants. Dans la mesure où les femmes ont accru leur investissement en capital humain, et qu’elles entrent plus qu’avant sur le marché du travail, cela signifie que le coût d’opportunité de l’éducation d’un enfant augmente, c’est-à-dire que le coût de l’éducation d’un enfant sera plus élevé, puisque la femme va perdre une plus grande quantité de salaire, d’opportunités professionnelles, etc pour éduquer ses enfants. De plus, la hausse du rapport entre le profit et la production de l’éducation augmente le désir des parents de fournir à leurs enfants une éducation coûteuse. La conséquence principale de ces deux phénomènes est un taux de natalité plus bas.
Dans son développement de l’économie de la famille, Gary Becker a introduit le théorème de l’enfant gâté. Avec celui-ci, il a montré que si le chef de famille se montrait altruiste envers les autres membres de la famille, alors, il est tout à fait rationnel pour les autres membres de la famille, qui sont supposés être égoïstes, de se comporter comme s’ils étaient également altruistes. Les membres de la famille agissent alors de telle sorte que cela permet de maximiser le revenu global de toute la famille, et pas seulement le leur directement.
Gary Becker a émis une autre hypothèse, mais considérée comme étant plus controversée. En effet, il a émis le raisonnement selon lequel les parents se comportent souvent de manière altruiste envers leurs enfants, considérés comme égoïstes, en investissant beaucoup dans ces derniers, dans le but de se prémunir au moment de la vieillesse. Becker en a déduit cette conclusion après avoir constaté que les placements retraite habituels ont un taux de rendement inférieur à celui de l’investissement dans ses enfants.
Cependant, malgré cet investissement, les parents ne peuvent jamais être sûrs que les enfants en question prendront soin d’eux le moment venu. Étant donné qu’ils ne peuvent pas forcer, d’un point de vue juridique, les enfants à prendre soin d’eux plus tard, ils vont généralement utiliser, selon Becker, le levier de la manipulation, c’est-à-dire instiller un sentiment de “faute” aux enfants, un sentiment d’obligation ou encore en mettant en avant l’amour filial. Cette technique n’agit donc pas directement, mais indirectement et très efficacement, selon Becker, afin de forcer les enfants concernés à aider leurs parents au moment de la retraite.
En continuant son raisonnement, Gary Becker voit dans la Sécurité Sociale un potentiel ennemi de la famille, puisqu’elle peut avoir pour effet de distendre les liens familiaux, en supprimant les incitations qui sont faites aux parents d’agir de manière altruiste avec leurs enfants.
Les critiques des travaux de Gary Becker
Les travaux de Gary Becker ont été critiqués par certains économistes. En effet, il a été remis en cause le fait que les acteurs se comportent de manière rationnelle dans pratiquement toutes les situations, ce qui est à la base des travaux de Becker. Ces acteurs en question cherchent aussi, peu importe le domaine de la société, à maximiser l’utilité de leurs actions dans le but de satisfaire, du mieux possible, leurs intérêts individuels égoïstes. Les économistes critiques disent que cela ne se passe pas systématiquement comme cela.
De plus, les théories de Gary Becker supposent que tous les comportements humains, y compris ceux considérés comme altruistes peuvent être traduits en termes économiques, et toutes les relations sociales sont vues comme des contrats qui sont bénéfiques d’un point de vue de l’utilité. Par conséquent, il a été reproché aux analyses de Becker de ne pas prendre suffisamment en compte les implications sociologiques et anthropologiques (c’est-à-dire humaines et sociales). Il a également été reproché à ces raisonnements, qui tentent d’expliquer les valeurs et les sentiments par des concepts économiques, d’être simplifiés excessivement, sans prendre en compte la complexité du domaine social.
Les autres reproches concernent le fait que les individus ne sont pas systématiquement égoïstes, mais prennent en compte d’autres éléments comme les normes sociales, la confiance envers les autres individus, le degré de coopération, etc. Cela signifie que l’individu peut se comporter parfois de manière égoïste, mais que ce n’est pas une règle absolue.