Biographie d’Anne Robert Jacques Turgot

 

Anne Robert Jacques Turgot
Anne Robert Jacques Turgot

 

Informations principales

Anne Robert Jacques Turgot, baron de l’Aulnenote, généralement appelé simplement Turgot est un économiste et homme politique français, né le 10 mai 1727 à Paris en France et mort le 18 mars 1781 dans la même ville.

C’est un fervent partisan des théories libérales, notamment incarnées en France à cette époque par François Quesnay et le Marquis de Gourney. Turgot est considéré par certains comme le premier économiste classique français.

Turgot est tout d’abord nommé Secrétaire d’État à la Marine par le roi Louis XVI, qui le nommera ensuite Contrôleur général des Finances. Néanmoins, ses mesures pour réduire à long terme la dette nationale et améliorer la vie du peuple n’ont pas produit les effets espérés. Après seulement deux années, il sera remplacé par le Baron Jean Clugny de Nuits qui reviendra sur ses mesures économiques en les supprimant. Toutefois, une partie de son programme économique sera mise en application par les révolutionnaires à partir de 1791. En effet, ils vont décider d’instaurer la liberté du commerce et de l’industrie, la suppression des corporations et l’abolition des privilèges. Turgot avait pourtant prévenu Louis XVI qu’un roi intelligent, déterminé et guidé par la philosophie pouvait opérer une révolution paisible, alors que dans le cas contraire, un bouleversement violent amènerait le chaos et détruirait l’ordre social et les privilèges.

 

Laissez faire selon l’intérêt individuel et laissez faire le marché

Avant tout, Turgot a élaboré un vaste plan de réformes dont il a essayé d’établir les fondements, avant de détruire et de remplacer l’ancien mode de fonctionnement de l’économie. Concrètement, ce plan prévoyait comme principe premier d’établir la liberté économique et de mettre des limites à l’intervention de l’État, afin qu’il ne s’occupe que des éléments essentiels, comme par exemple garantir que la liberté économique est librement exercée.

En reprenant la pensée du Marquis de Gournay, Turgot affirme que l'intérêt général est réalisé en laissant faire l'intérêt individuel. Effectivement, pour lui, chaque individu connaît mieux que quiconque quels sont ses intérêts. En le laissant donc faire ce qu’il souhaite et dans le respect de la liberté d’autrui, l’État assure à la fois la réalisation de l'intérêt individuel, de l'intérêt général et de son propre intérêt. Sur la base de ce raisonnement, Turgot en conclut que ces trois formes d'intérêt se confondent.

En laissant l'intérêt des particuliers s’exercer, il y a une convergence de l'intérêt général et de l'intérêt de l’État. Cela signifie que la prospérité de l’État, mais aussi de tous les individus sont intimement liés. Pour Turgot, cela implique qu’en assurant la liberté économique et en supprimant tous les règlements, droits, taxes, monopoles qui entravent la production des biens et des services et les échanges commerciaux, l’État apporte un cadre et crée un environnement qui est favorable à l’exercice libre du travail. Cette dernière est, pour lui, la condition nécessaire à la prospérité.

Une fois que cette liberté économique est acquise, chaque individu est libre de faire ce qu’il veut, il est libre d’agir et d’entreprendre. Grâce à cette liberté, il peut chercher à réaliser son intérêt individuel. Cela est forcément bénéfique, car pour Turgot, là où se trouve l'intérêt individuel se trouve également l'intérêt de l’État et de tous.

Comme c’est le cas pour la société, l’activité économique est réalisée par des individus qui sont sous la tutelle d’un État qui a pour mission de protéger les droits de tous les individus concernés. L’État doit aussi veiller à ce que chacun d’eux accomplisse ses devoirs. Turgot se met en opposition avec la pensée mercantiliste. En effet, il considère que les mercantilistes mettaient en avant un État tyrannique, alors que lui, au contraire, propose un État libéral et protecteur de la liberté.

Turgot part du principe que la convergence et la concordance des divers intérêts vont permettre au travail de produire la richesse. C’est à partir de cela qu’il considère que l’industrie et le commerce produisent de la richesse au même titre que l’agriculture. Sur ce point, Turgot s’éloigne de la pensée physiocratique incarnée par François Quesnay, puisqu’il reconnaît à chaque secteur de l’économie une capacité à produire de la richesse. Il rejoint cependant la volonté des physiocrates de conserver la monarchie française, mais en la modernisant. Turgot souhaite en fait, tout changer sur le plan économique, mais pour qu’au final, rien ne change sur le plan politique.

Pour Turgot, le laissez-faire économique s’applique également au fonctionnement du marché, et par ricochet, à la détermination du prix du marché. Il considère que seule la liberté générale d’acheter et de vendre permet d’assurer au vendeur un prix qui encourage la production, et d’assurer au consommateur la meilleure marchandise au prix le plus bas.

Son analyse se base sur le fait que, pour lui, le prix est le résultat de la confrontation entre tous les vendeurs et tous les acheteurs. Quand la quantité proposée est trop importante ou que le nombre d’acheteurs n’est pas suffisant, alors le prix va baisser. À contrario, quand la quantité proposée est rare ou que le nombre d’acheteurs est important, alors le prix va augmenter.

Avant sa définition plus précise par Adam Smith dans La Richesse des Nations de 1776, Turgot a énoncé la loi de l’offre et de la demande, selon laquelle ce qui est rare vaut cher, et ce qui est abondant peut être trouvé pour peu cher. Cela implique que le prix du marché, que Turgot nomme le prix courant, n’est jamais trop faible ou trop élevé par rapport au prix naturel. Ce dernier étant le prix qui permet à chaque facteur de production d’être rémunéré en fonction de son utilisation.

Turgot considère alors que toute manipulation du prix par l’État a pour conséquence de fausser le libre fonctionnement du marché et provoque même une injustice au détriment de ceux qui subissent cette intervention publique. Par exemple, un prix trop bas va mettre en difficulté les producteurs, alors qu’un prix trop élevé va pénaliser les consommateurs. Il considère aussi que cette intervention va nuire, au final, davantage à l'intérêt du peuple, puisque ce dernier cherche une subsistance au prix le plus faible possible.

Pour Turgot, il faut donc laisser faire le marché, car les différentes offres et demandes vont trouver un prix qui va satisfaire les intérêts de chaque partie, et donc l'intérêt de tous.

 

Turgot peut être considéré comme le premier économiste classique français

Lors de l’année 1766, Turgot a rédigé un petit ouvrage qu’il a intitulé Réflexions sur la formation et la Distribution des richesses. C’est également à peu près à cette période qu’Adam Smith a commencé la rédaction de son œuvre La Richesse des Nations, qu’il publiera 10 ans plus tard.

À travers ce travail, Turgot reprend une partie de l’analyse de François Quesnay, selon laquelle la société est découpée en plusieurs classes sociales et en mettant la culture de la terre à la base de son raisonnement. Toutefois, il s’en distancie en considérant que la terre ne produit pas tout, ce qui implique que d’autres productions voient le jour et permettent les échanges. De plus, pour lui, si chaque individu se consacre exclusivement à sa tâche, il peut obtenir, grâce à son travail, une quantité supérieure de biens et de services que s’il les produisait entièrement lui-même. En effet, la variété et la diversité des besoins, ainsi que la satisfaction des intérêts individuels poussent à la spécialisation du travail.

Néanmoins, le travail du laboureur par exemple, produit davantage que son salaire, alors que le salaire d’un ouvrier va dépendre du marché, ce qui l’amène parfois à n’avoir qu’un salaire de subsistance. Cela amène Turgot à considérer que le travail agricole est supérieur sur les autres formes de travail et à voir l’unique source de la richesse dans le travail agricole.

C’est à partir de cette analyse qu’il propose une première division de la société en deux classes distinctes. D’une part, il y a la classe productrice qui correspond à celle des cultivateurs, et d’autre part, la classe stipendiée qui correspond à celle des artisans. Ces deux classes, grâce à leur travail, contribuent à la création et à la circulation de la richesse de la nation. Cependant, selon lui, les cultivateurs peuvent se passer des artisans, alors que ces derniers dépendent du travail des premiers pour produire.

Turgot propose alors d’ajouter la classe des propriétaires qu’il nomme de classe disponible. Cette classe n’a pas besoin de travailler pour subvenir à ses besoins, car elle possède des moyens qui l’en dispensent. Cela lui permet d’être disponible afin d’assurer des services non rémunérés comme de l’administration par exemple.

Concrètement, il y a d’une part, les deux classes laborieuses qui vivent de leur travail, et de l’autre, la classe oisive qui n’a pas besoin de travailler pour subvenir à ses besoins. Cela amène Turgot à considérer que c’est le travail qui est le critère d’identification des classes sociales.

Turgot rajoute à son raisonnement une nouvelle classe qui n’a pas non plus besoin de travailler pour vivre, car elle vit de métaux précieux (d’argent et d’or) et de son capital. C’est la classe des capitalistes qui vit de ses capitaux. Ces capitaux en question viennent d’une accumulation et sont mis à la disposition de la culture et des entrepreneurs de commerce ou de manufactures. Il y a donc ceux qui fabriquent et ceux qui achètent pour vendre.

À partir de cela, Turgot a identifié, de manière précise, comment la circulation de la monnaie permet d’assurer la production, les échanges, la répartition des revenus et la consommation

Il compare la circulation monétaire à la circulation sanguine d’un corps humain. Selon lui, la circulation monétaire permet aux dépenses de se réaliser. Il considère alors que tout prélèvement perturbe la circulation.

Le capital se trouve être le facteur complémentaire au travail qui permet à la richesse de se multiplier. Pour Turgot, il faut donc favoriser la multiplication du capital, peu importe qu’il vienne de l’agriculture, des manufactures, du commerce ou encore de la finance.

À l’inverse de ce que pensaient les scolastiques lors du Moyen-Âge sur le prêt à intérêt, Turgot estime que la monnaie en elle-même ne produit rien, mais grâce à son prêt, une activité apparaît et existe. Cette activité peut être risquée ce qui l’amène à considérer que l’intérêt ne fait, au final, que rémunérer le risque encouru par le prêteur.

Il ajoute alors à son raisonnement la classe industrieuse qui correspond, pour lui, à toutes les classes qui travaillent, excepté celle de l’agriculture.

Au final, la société selon Turgot se décompose donc en trois classes principales avec la classe productive qui comprend les agriculteurs, la classe industrieuse qui comprend notamment les commerçants et la classe disponible qui comprend les propriétaires et les capitalistes prêteurs d’argent.

Pour Turgot, la formation de la richesse de la nation s’effectue à partir du travail de la classe productive et industrieuse, de l’épargne, des capitaux et des dépenses de la classe disponible.

Turgot, à travers son ouvrage, met en avant une présentation de la manière dont se forme la richesse, comment elle se répartit et comment elle est utilisée. Cette analyse de la présentation de la science économique sera ensuite développée par les économistes classiques.

Par ailleurs, il différencie la valeur d’usage de la valeur d’échange. Il a réalisé un raisonnement qui deviendra ensuite la loi des rendements décroissants qui sera davantage développée par David Ricardo. Il va expliquer à ce sujet qu’il n’y a pas de proportionnalité garantie entre d’une part, l’accroissement des avances et des dépenses agricoles, et d’autre part, l’augmentation de la production liée à la fertilité de la terre.

 

Les réalisations financières et économiques de Turgot comme Contrôleur général des Finances

Turgot est d’abord nommé Ministre de la Marine en juillet 1774 par le roi Louis XVI, puis un mois après, il est également nommé Contrôleur général des Finances, il ne le restera finalement que deux ans.

Entre 1774 et 1776, il va essayer de mettre en application son programme de réformes inspiré des physiocrates.

La toute première action de Turgot a été de soumettre au roi une déclaration de principe, selon laquelle il a déclaré ne pas vouloir de banqueroute pour le pays, ni de taxation supplémentaire et ni non plus d’augmentation de l’endettement.

Face à une situation financière très dégradée, Turgot est contraint d’effectuer des économies strictes dans tous les ministères. Désormais, toutes les dépenses doivent être approuvées par un contrôleur. De plus, il supprime un certain nombre de fonctions inutiles, tout en dédommageant leurs titulaires. Il combat aussi les abus d’acquis au comptant.

Dès sa nomination comme Contrôleur général des Finances par Louis XVI, Turgot souhaite favoriser le libre-échange dans le domaine des grains en supprimant le droit de hallage, qui correspondait à un droit acquitté par tous les commerçants aux communes et villes pour pouvoir vendre leurs marchandises sous la halle de la commune ou ville concernée.

Il souhaite mettre en place une grande réforme de la Ferme générale qui regroupait toutes les personnes qui étaient chargées de collecter les taxes contre le versement au roi d’une somme annuelle forfaitaire. Cependant, au début, il se contente d’imposer des conditions sur le renouvellement des baux, d’améliorer l’efficacité des employés, de supprimer les abus des croupes (qui correspondent à une classe de pensions) et d’annuler certains fermages comme ceux qui concernent, par exemple, la fabrication de la poudre à canon, ainsi que l’administration des messageries.

Son programme contenait aussi la modernisation du service de diligences, en remplaçant ces dernières par de nouvelles plus confortables, surnommées de turgotines.

Les mesures mises en place par Turgot ont réussi à réduire nettement le déficit public, mais pas suffisamment pour avoir les moyens de mettre en place son idée principale, qui vise à remplacer les impôts indirects par une taxe sur l’immobilier. Il supprime toutefois un certain nombre de taxes mineures, ainsi que la contribution indirecte perçue par les municipalités sur les marchandises de consommation locale.

Turgot va aussi s’opposer à l’entrée en guerre de la France contre l’Angleterre qui visait à soutenir les colonies américaines, mais il ne sera pas écouté.

Il a également préparé, vers la fin de son mandat, la création de la Caisse d'Escompte, qui est l’ancêtre de la Banque de France et qui avait pour mission de permettre une baisse, d’abord des taux d’intérêt des emprunts commerciaux, puis des taux d’intérêt des emprunts publics.

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