Informations principales
Franco Modigliani est un économiste italo-américain, né le 18 juin 1918 à Rome, en Italie et mort le 25 septembre 2003 dans la ville de Cambridge, dans l’État du Massachusetts, aux États-Unis.
Suite à l’obtention de ses diplômes en science économique à l’Université catholique du Sacré-Cœur, en Italie, il quitte son pays en 1938, après que Mussolini a mis en place une politique anti-juive dans le prolongement de celle de l’Allemagne Nazie. Après avoir eu, en 1944, son doctorat à la New School for Social Research à New York, il devient professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et à l’université Carnegie-Mellon.
Modigliani a acquis une certaine notoriété grâce au développement, avec Richard Brumberg de la théorie du cycle de vie, ainsi que grâce au développement, avec Merton Miller, du théorème Modigliani-Miller, sur le sujet de la finance d’entreprise.
Selon certains auteurs, Modigliani appartiendrait au courant économique de la Synthèse néoclassique ou néokeynésianisme. En effet, il a cherché à rapprocher les théories de John Maynard Keynes avec les analyses néoclassiques, notamment en travaillant sur la consommation d’une part, et avec son analyse de la valeur de l’entreprise, d’autre part.
En 1985, il a reçu le Prix Nobel d’économie pour ses analyses pionnières de l’épargne, et plus particulièrement sur le comportement d’épargne des ménages, et des marchés financiers, notamment à travers le théorème Modigliani-Miller.
Franco Modigliani, critique des théories monétaristes
Dès 1944, Franco Modigliani s’est fait remarquer en écrivant un article sur la théorie de John Maynard Keynes qui a déclenché une controverse concernant le rôle essentiel de la préférence pour la liquidité, concept keynésien critiqué par les économistes classiques (c’est-à-dire libéraux). En effet, la préférence pour la liquidité est une théorie qui stipule que les agents économiques (les ménages par exemple) préfèrent posséder leur richesse et leur patrimoine sous la forme de liquidité (c’est-à-dire sous forme de monnaie disponible), plutôt que sous la forme d’actifs. Les économistes classiques critiquent cette vision dans la mesure où ils estiment que les agents économiques ne peuvent pas vouloir de la liquidité pour elle-même.
Dans les années 1950 et 1960, Modigliani a participé, aux côtés, entre autres, de James Tobin et de Paul Samuelson, à la polémique qu’il y a eue entre les keynésiens d’une part et les monétaristes d’autre part.
Ensuite, durant sa longue carrière, il continuera de critiquer les théories monétaristes, tout en attirant, dans le même temps, la vigilance des pouvoirs publics sur les risques de dérive des déficits publics.
La théorie du cycle de vie
Dans les années 1950, Franco Modigliani élabore, en collaboration avec Richard Brumberg, alors l’un de ses étudiants, la théorie du cycle de vie. Cette dernière met en évidence les différents comportements d’épargne des individus au cours de leur vie. En effet, si à un certain moment, la propension moyenne à consommer diminue lorsque le revenu augmente, Modigliani relève qu’elle reste constante lorsque le revenu évolue dans le temps. Concrètement, cela signifie donc que les individus ont tendance à faire appel à l’emprunt quand ils sont jeunes (par exemple un emprunt immobilier), puis au cours de leur vie, ils augmentent progressivement leur épargne, avant de finalement désépargner, toujours progressivement, quand ils approchent de la retraite et plus encore, de la fin de leur vie.
La Théorie générale de Keynes
John Maynard Keynes affirme dans son ouvrage majeur, la Théorie générale, qu’en moyenne et la plupart du temps, les individus ont tendance à augmenter leur consommation au fur et à mesure que leur revenu croît, mais pas d’une quantité aussi importante que l’accroissement du revenu, c’est-à-dire que la consommation augmente moins rapidement que les revenus. Cette théorie porte le nom de Loi psychologique fondamentale et a un rôle important dans l’approche keynésienne. En effet, étant donné que la consommation progresse moins rapidement que les revenus, cela implique que la dynamique d’investissement joue un rôle de plus en plus important pour déterminer si la demande effective suffit ou non pour écouler toute la production potentielle, et donc par prolongement, si le plein-emploi peut être atteint ou non.
Toutefois, les analyses empiriques (c’est-à-dire basées sur l’expérience et les faits) réalisées pour mesurer l’épargne ne sont pas parvenues à mettre en évidence cette tendance. En effet, non seulement le taux d’épargne reste à peu près stable à long terme, mais en plus, il connaît, à court terme, des fluctuations importantes. Ce constat va donc à l’encontre de l’affirmation keynésienne.
L’apport de Modigliani avec la théorie du cycle de vie
Avec Richard Brumberg, l’un de ses étudiants, Franco Modigliani a émis l’hypothèse du « cycle de vie ». Selon celle-ci, les individus épargnent lorsqu’ils sont jeunes en mettant de côté une partie des revenus qu’ils perçoivent de leurs activités professionnelles. Quand ils deviennent plus âgés et que les revenus d’activité deviennent faibles ou nuls, ils ponctionnent dans le patrimoine qu’ils ont constitué.
L’hypothèse du cycle de vie équivaut finalement à dire que l’épargne sert à lisser la consommation tout au long de la vie. Durant la période d’activité, elle est inférieure aux revenus, avant de devenir ensuite plus importante lors de la retraite. Cela signifie donc qu’à l’inverse de l’hypothèse keynésienne, elle ne progresse pas plus rapidement que le revenu au niveau de la société, mais seulement au niveau de chaque individu, et seulement durant la part de sa vie active, avant qu’il ne désépargne vers la fin de sa vie.
Pour Modigliani, ce raisonnement amène à l’idée que le déterminant de l’épargne n’est pas le revenu perçu, mais plutôt le revenu espéré par chaque individu sur l’ensemble de sa vie. Cela ne signifie pas non plus que l’épargne individuelle va être régulière et constante pendant toute la période d’activité. En effet, certains peuvent emprunter plus facilement, par exemple s’ils ont déjà à leur disposition un patrimoine qui peut servir de caution, alors que d’autres ne le pourront pas. Cela permet aux premiers de rendre régulière leur consommation grâce à l’emprunt, ce qui leur permet de ne pas avoir des fluctuations dans leurs revenus immédiats. Ces individus peuvent aussi acquérir un patrimoine à crédit, et donc étaler leur épargne dans le temps, au rythme des remboursements. Cela signifie donc que l’évolution du revenu et l’évolution de l’épargne n’est pas forcément identique.
Pour les individus qui ne peuvent pas emprunter et conformément à l’analyse keynésienne, toute variation de leur revenu a un impact immédiat et proportionnel sur leur consommation. Dans la situation où le revenu d’un individu augmente et que celui-ci estime que cette hausse est durable, alors son comportement d’épargne va en être durablement modifié, tandis que cela ne sera pas le cas si la hausse est perçue comme exceptionnelle ou temporaire, dans la mesure où, dans ce dernier cas, le revenu espéré sur la vie entière ne sera pas ou peu modifié.
Modigliani et Brumberg expliquent donc que la capacité d’endettement et les variations de revenu (à savoir qu’elles soient durables ou non) sont à l’origine des fortes fluctuations dans le temps du taux d’épargne, ce qui permet d’expliquer l’instabilité du taux d’épargne.
Une analyse microéconomique et des conséquences macroéconomiques
L’analyse du cycle de vie est d’ordre microéconomique, puisqu’elle s’intéresse au comportement d’épargne des individus supposés rationnels, mais il y a également des conséquences macroéconomiques. En effet, l’épargne globale (c’est-à-dire de tous les individus) va dépendre de la proportion des actifs et des retraités, ce qui signifie qu’une société qui vieillit va moins épargner qu’une société qui rajeunit, étant donné que la proportion d’individus qui liquide son patrimoine sera plus élevé.
Toutefois, si le vieillissement est lié à un allongement de la vie, sans allongement de la période d’activité, alors le taux d’épargne va augmenter, puisque chaque individu doit augmenter son patrimoine pour avoir la capacité de consommer plus longtemps.
L’épargne globale va également dépendre de la croissance économique. En effet, les jeunes actifs espèrent à l’avenir avoir des revenus plus élevés, ce qui les poussent à épargner davantage, ce qui a pour conséquence d’élever le taux d’épargne de la société tout entière.
Finalement, si l’épargne a bien un effet perturbateur, ce n’est pas lié à des raisons structurelles comme le pense Keynes, parce qu’elle aurait tendance à augmenter plus rapidement que les revenus, mais c’est lié à l’accentuation des fluctuations cycliques. Ces dernières créent de l’instabilité à court terme, sans toutefois exercer de frein à long terme sur la consommation, étant donné que chaque individu finit par consommer ce qu’il avait mis de côté précédemment.
Le théorème de Modigliani-Miller
Franco Modigliani a collaboré avec l’économiste américain Merton Miller, ce qui a donné naissance au théorème de Modigliani-Miller, qui est une analyse fondamentale de la finance d’entreprise moderne.
Le théorème postule que, sous certaines hypothèses, la valeur d’une entreprise n’est pas affectée selon qu’elle est financée par des capitaux propres (notamment par des ventes d’actions) ou par de la dette (à savoir des emprunts d’argent), ce qui signifie que le ratio dettes/capitaux propres n’est pas important pour les entreprises privées.
Ce raisonnement implique que la valeur de l’entreprise vient seulement de ses futurs profits, peu importe que cette valeur soit financée par des fonds propres (qui seront rémunérés par des dividendes ou par une plus-value) ou par de la dette (qui sera rémunérée par des intérêts).
Cela implique aussi que la valeur de l’entreprise n’est pas affectée par la politique de dividendes qu’elle met en place. En effet, les actionnaires qui ne perçoivent pas de gains (à travers des dividendes par exemple) sont exactement compensés par une plus-value supérieure.
Certains économistes ont critiqué ce théorème en estimant notamment que l’accumulation de dette peut aboutir à un risque de faillite, contrairement à la constitution de fonds propres, ce qui peut avoir une influence sur la valeur de l’entreprise.
L’un des pionniers de la théorie des anticipations rationnelles
Franco Modigliani est, avec son confrère Emile Grunberg, l’un des pionniers de la théorie des anticipations rationnelles. En effet, l’article qu’ils ont écrit en 1954 a servi de base aux travaux sur le sujet, notamment menés par Robert Lucas et Thomas Sargent.
Cette théorie défend l’idée selon laquelle les agents économiques peuvent anticiper certaines décisions gouvernementales et ainsi modifier leurs comportements en fonction de la politique économique qui est menée.
Le taux de chômage non inflationniste
En 1975, Franco Modigliani, dans un article dont le co-auteur était son ancien élève Lucas Papademos, a introduit le concept de “taux de chômage non inflationniste” (NIRU en anglais pour Non-inflationary rate of unemployment).
Ce concept est une amélioration de la notion de “taux de chômage naturel”. Concrètement, cela désigne un niveau de chômage en dessous duquel l’inflation augmente. Cela signifie que lorsque le taux de chômage est inférieur au NIRU, alors l’inflation accélère ou est relativement forte, et à contrario, lorsque le taux de chômage est supérieur au NIRU, l’inflation est faible.
Dans ce même article, Modigliani a affirmé que les décideurs monétaires devraient cibler la production et l’emploi lors de l’élaboration de leur politique économique. Selon lui, l’objectif approprié du taux de chômage non inflationniste se trouve à environ 5,5 %.
Sur la base des recherches menées par Franco Modigliani et Lucas Papademos, l’économiste américain James Tobin a inventé le concept de “Taux de chômage n’accélérant pas l’inflation” (NAIRU en anglais pour Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment). Cet indicateur économique mesure approximativement le taux de chômage qui serait compatible avec un taux d’inflation stable.
La performance ajustée au risque de Modigliani
En 1997, Modigliani et sa petite-fille, Leah Modigliani, ont développé ce qu’on appelle aujourd’hui la “performance ajustée au risque de Modigliani“, aussi nommé Ratio Modigliani-Modigliani. C’est un dérivé du ratio de Sharpe.
Ce concept est utilisé pour calculer le rendement ajusté en fonction du risque d’un investissement. Concrètement, il montre le retour sur investissement ajusté du risque par rapport à un indice de référence, par exemple le “marché”.
Des critiques des économistes post-keynésien
Les travaux de Modigliani sur la politique budgétaire ont été critiqués par les adeptes de l’économie post-keynésienne, qui ont contesté le « keynésianisme » de ses points de vue, se basant sur sa contribution au concept du NAIRU, ainsi que sa position générale sur les déficits budgétaires.
Le théorème de Modigliani-Miller implique que, pour une économie fermée, les emprunts de l’État ne sont que des impôts différés. En effet, les dépenses de l’État ne peuvent être financées que par la « planche à billets » (c’est-à-dire l’augmentation de la masse monétaire), l’impôt ou l’emprunt. Le financement monétaire des dépenses de l’État implique donc l’imposition ultérieure d’une « taxe d’inflation » qui a, au final, le même effet sur le revenu permanent qu’une imposition explicite.
Toutefois, ils ont reconnu sa voix dissidente sur la question du chômage, dans laquelle Modigliani s’est accordé très tôt avec les économistes hétérodoxes sur le fait que le chômage à l’échelle européenne à la fin du 20ème siècle était causé par le manque de demande causé par les politiques d’austérité.