Informations principales
François Quesnay est un médecin et également économiste français, né à Méré en France le 4 juin 1694, et mort à Versailles dans le même pays le 16 décembre 1774. Il est l’un des fondateurs de la physiocratie avec le Marquis de Mirabeau.
Son œuvre majeure est le Tableau économique, publié en 1758 qui est la première représentation synthétique et graphique du fonctionnement de l’économie.
Le courant économique de la physiocratie a eu une courte existence d’à peine une vingtaine d’année, de 1756 avec la publication des premiers articles de François Quesnay, jusqu’à l’éviction de Turgot en 1776, qui a été brièvement contrôleur général des finances du roi Louis XVI. L’année 1776 est aussi une année fondamentale pour la science économique, puisqu’elle marque l’extinction des idées physiocratiques, mais également l’émergence de celles d’Adam Smith avec la publication de son ouvrage La Richesse des Nations. À partir de ce moment-là, le classicisme s’est imposé. Les idées de Quesnay n’auront finalement pas eu une réelle application pratique.
Le concept de l’ordre naturel et l’intervention de l’État dans l’économie
L’ordre naturel constitue pour François Quesnay et pour les physiocrates d’une manière générale, un ordre cognitif (c’est-à-dire qui permet de comprendre le réel) et prescriptif (c’est-à-dire qui permet de savoir quoi faire et comment). C’est donc par la connaissance de cet ordre qu’il est possible d’agir. Une fois que cet agencement est connu, chaque individu peut trouver sa place et assurer sa fonction dans un cadre qui a l’avantage d’imposer des bornes et des limites. Cet ordre indique ce qui est, ainsi que ce qui doit être, il devient alors normatif, c’est-à-dire qu’il impose des normes. Au-delà de cela, il fournit son mode de reproduction en fonction du respect des lois naturelles. Ces dernières constituent alors la garantie de la reproduction de la richesse et la perpétuation de l’ordre dans le temps.
Cet ordre, qui structure la société, assigne à l’État un certain nombre de prérogatives et de missions auxquelles il doit se conformer et surtout se limiter. L’État devient alors le garant et le responsable de l’ordre naturel. Cet ordre naturel en limite cependant le champ d’intervention. Pour qu’il puisse se reproduire, il existe deux conditions.
La première condition de cette reproduction de l’ordre naturel se base sur la liberté à la fois pleine et totale d'action des différents agents économiques. Cela signifie qu’il faut laisser faire ces derniers, ce qui permet ainsi aux lois économiques, élevées au statut de lois naturelles, d’œuvrer sans obstacle pour la production de la richesse.
Pour François Quesnay, l’ordre naturel correspond à un ordre providentiel qui est voulu et désiré par Dieu dans le but d’assurer la justice, le bonheur individuel, ainsi que l’Harmonie sociale. De plus, pour lui, ce gouvernement de la nature s’exerce et se manifeste alors par l’intermédiaire du Roi. Cela signifie que seul Dieu peut contraindre le Roi à mener la bonne politique économique, mais il faut qu’il soit éclairé pour cela. C’est donc l’économiste qui doit instruire le Roi du fonctionnement de l’ordre naturel et qui lui transmet son savoir. Le but est que le Roi établisse le gouvernement par la nature, c’est le principe de la physiocratie. Pour Quesnay, ne pas prendre en compte et ignorer l’ordre naturel, ou même transgresser les lois naturelles conduiront forcément à l’appauvrissement du Royaume, et même à terme, à sa ruine.
La seconde condition qui doit permettre de préserver l’ordre naturel se trouve dans le respect de la propriété privée.
Tout part du travail agricole qui met en valeur la capacité productrice de la terre. Le travail agricole permet de générer de la richesse qui va se répartir et se transformer entre les différentes classes sociales. Cela implique donc que des impôts injustes qui portent atteinte à la propriété privée vont provoquer un découragement de la capacité productive du travail agricole. Cela aura pour conséquence de gravement nuire à la prospérité de l’agriculture, et par conséquent, à la prospérité générale de tout le royaume. Le rôle du monarque, éclairé par l’économiste, est d’agir pour que son intervention œuvre à l'intérêt et au bien-être général. Sa position lui permet également de canaliser les potentiels conflits d’intérêts particuliers, puisqu’il est le garant et le dépositaire de l’ordre naturel.
À travers son raisonnement, François Quesnay a cherché à établir une rupture avec l’interventionnisme économique de l’État qui était hérité du colbertisme. Il a voulu mettre en avant, à la place, un État protecteur, qui fait exister l’individu comme sujet. Ce dernier doit être libre d’exercer ses droits et l’État doit être garant de ceux-ci.
Pour les économistes physiocrates, il est nécessaire de diriger et de canaliser l'action politique en ce qui concerne l’économie selon le jugement des Hommes basé sur le droit, l’ordre et les lois de la nature. Pour eux, seul Dieu commande au Roi par l’intermédiaire de l’économiste. Néanmoins, le soutien à une plus grande liberté économique ne signifie pas, pour François Quesnay, une liberté totale sans contrôle.
Concernant la détermination du prix du grain sur lequel Quesnay a travaillé, il explique à ce sujet que le prix en question a une incidence sur le pouvoir d’achat des salariés, celui-ci permettant d’assurer leur subsistance. La fixation du prix dépend du marché, mais son niveau doit garantir à chaque classe de la société la récupération de la part de revenu qui lui revient. Cela signifie que, de la détermination du prix par le libre marché, dépend au final la stabilité de l’ordre social. Cela implique qu’un problème ou un dysfonctionnement dans la détermination du prix empêche la population de se nourrir à cause d’un prix trop élevé. Cette situation conduit alors à une intervention politique de l’État, qui grâce à sa « police des grains », peut réguler le prix ou les quantités. Le but est d’éviter qu’une pénurie de blé se transforme en révoltes de la faim.
L’État monarchique physiocratique reste en suspens, dans un état de veille, mais en capacité d’intervenir s’il y a un dysfonctionnement ou un problème, dans le but de garantir l’ordre naturel. La main visible du monarque (c’est-à-dire du Roi) se manifeste si cela est nécessaire et la science économique (à travers l’économiste) la guide dans ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. François Quesnay va parvenir à trouver, grâce à son Tableau économique, le moyen le plus pédagogique et clair afin de guider l’intervention de l’État, selon l’ordre naturel.
Le Tableau économique de François Quesnay et sa finalité
Afin d’exposer ses recommandations économiques, François Quesnay a élaboré et publié en 1758 un Tableau économique dans le but de le présenter au Roi. Concrètement, il s’agit d’une représentation schématique d’un circuit économique dont les flèches symbolisent les flux monétaires au sein de l’économie. C’est d’ailleurs ce dernier point qui lui a valu le surnom de zigzag. Dans cette représentation schématique, les flux monétaires qui viennent de la culture de la terre circulent entre trois classes. Chaque classe assure une fonction comme un organe le ferait dans un corps humain. Quesnay est également médecin, ce qui lui permet de faire certains parallèles. Le corps social, comparé à un corps humain, fonctionne selon des lois naturelles décrites par le tableau.
François Quesnay distingue trois classes sociales qu’il définit en fonction du rapport qu’elles ont avec la terre. Tout d’abord, il y a la classe des propriétaires qui possède la terre, cela correspond à la noblesse et au clergé. Ensuite, il y a la classe productive qui cultive la terre et la met en valeur grâce à son travail. C’est cette classe qui assure la production agricole, cela correspond aux paysans. Enfin, il y a ce que les physiocrates appellent la classe stérile. Celle dernière n’a aucun lien direct et immédiat avec la terre, son travail vise à transformer le produit de la terre. Cela correspond aux artisans, commerçants, manufacturiers et financiers.
Pour François Quesnay, chaque classe sociale occupe une place distincte dans l’ordre naturel, ce qui lui assigne sa fonction économique.
Si toutes les classes sociales remplissent leur fonction sans s’en détourner, le circuit économique se reproduit alors à l’identique, ce qui préserve l’ordre social et politique existant. Dans ce fonctionnement, c’est le Roi qui doit assurer la bonne gestion du royaume agricole, et ensuite veiller à ce que chacun reçoive son dû, mais aussi à ce que chacun dépense ce qu’il doit, et pas davantage. C’est également son rôle de doser l’imposition par rapport à la richesse du royaume. Il ne doit donc pas alourdir systématiquement les impôts sur ceux qui contribuent à la création de la richesse. Cela signifie qu’il ne faut pas écraser l’agriculture, qui est source de richesse, par l’impôt.
Le Roi doit également entreprendre les travaux d’entretien et de développement des voies de circulation dans le but de faciliter et développer la circulation de la production.
Pour Quesnay, il ne faut pas empêcher l’État d’intervenir, mais plutôt lui prescrire une intervention, en fonction des lois naturelles. Si ces dernières ne l’exigent pas, alors l’intervention publique n’a pas lieu d’être, car laisser faire les lois naturelles suffit. Toutefois, laisser faire ne signifie pas pour autant ne rien faire ou faire n’importe quoi, comme l’ont fait jusqu’alors les mercantilistes, selon les physiocrates.
François Quesnay donne alors à l’État un rôle essentiel d’un point de vue économique en faisant de son intervention, le moyen d’agir pour l'intérêt général. Il s’agit donc de l’acteur le plus important du système.
Concernant le Roi, il a le statut de monarque de droit divin, ce qui fait de lui l’individu le mieux placé pour comprendre et agir pour faire régner l’ordre naturel voulu par Dieu. Avec ce raisonnement, Quesnay réaffirme la primauté du pouvoir royal, mais en cherchant à le guider.
Finalement, l’ordre social est conforté par un ordre économique dans lequel, grâce à la terre, le travail acquiert sa qualité productive. Au contraire, la bourgeoisie commerçante et industrielle n’a pas cette qualité productive, vu qu’elle ne fait que transformer. Cependant, faire supporter les impôts exclusivement sur le produit du travail risque, à terme, de compromettre la reproduction du circuit économique. En effet, des paysans obligés de donner leurs semences pour payer les impôts hypothèquent, en même temps la reproduction future et les impôts qui en découlent. Pour les physiocrates, trop d’impôts tuent l’impôt.
Au-delà d’une simple description, le Tableau économique élaboré par François Quesnay a pour objectif final d’avertir le Roi sur les effets prévisibles de sa politique économique. Il prône également une véritable révolution fiscale, ainsi qu’un libéralisme contrôlé. Il ne s’agit pas, selon eux, de ne rien faire ou de laisser faire n’importe quoi comme peuvent le faire les mercantilistes, mais de bien faire.