Informations principales
James Tobin est un économiste américain, né le 5 mars 1918 à Champaign, aux États-Unis et mort le 11 mars 2002 à New Haven, dans le même pays.
En plus de l’économie, James Tobin a été l’un des conseillers économiques du président américain John Fitzgerald Kennedy au début des années 1960. C’est notamment dans ce cadre qu’il a analysé l’impact des politiques budgétaire et monétaire sur l’économie.
Il est considéré comme un économiste néo-keynésien. Ses apports les plus significatifs l’ont été dans les domaines de l’investissement, des marchés financiers et des politiques budgétaire et monétaire.
Il a acquis sa notoriété grâce à la création de la Taxe Tobin, taxe sur les transactions monétaires internationales, dont l’objectif est de réduire la volatilité des taux de change.
James Tobin a obtenu, en 1981, le prix Nobel d’économie pour ses travaux concernant les marchés financiers et leurs rapports avec les décisions de dépenses, et par conséquent avec l’emploi, la production et l’évolution des prix.
Il a également étudié les critères que les entreprises doivent adopter, dans le cadre d’un arbitrage entre un investissement physique et un investissement financier. Cette théorie a pour nom le Q de Tobin.
À travers son œuvre, James Tobin a contribué à l’élaboration de la Synthèse néoclassique et posé les fondements de la théorie moderne des finances.
Lors de son adolescence, James Tobin a vécu la dépression des années 1930, ce qui le marquera pour toute sa carrière. De plus, sa mère, qui était travailleuse sociale, l’avait sensibilisé aux conséquences du chômage et de la pauvreté. Tobin s’est tourné vers l’économie parce qu’il avait la conviction qu’elle pouvait apporter des solutions aux graves problèmes sociaux, économiques et politiques.
Des points communs avec John Maynard Keynes et des critiques envers le monétarisme et la nouvelle économie classique
Le premier livre auquel James Tobin se mesure est l’œuvre principale de John Maynard Keynes, intitulée la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, publiée en 1936, la même année qu’il a commencé à étudier l’économie. Dans cet ouvrage, il trouve les deux volets qui le fascinent en économie, à savoir la théorie d’un très bon niveau et des solutions concrètes pour lutter contre la dépression et le chômage. Tobin y découvre aussi une remise en cause de la conviction de l’économie classique qui prône le laissez-faire et défend la capacité des marchés livrés à eux-mêmes (c’est-à-dire sans intervention publique) à assurer la croissance, la stabilité des prix et le plein-emploi.
À l’inverse de cette vision libérale, James Tobin estime donc que les pouvoirs publics se doivent d’intervenir pour réaliser ces objectifs, notamment grâce à des politiques budgétaires et monétaires. C’est pour cela qu’il s’est défini toute sa vie comme un économiste keynésien.
Malgré tous les points communs que James Tobin s’est trouvés avec la pensée de Keynes, il n’a pas non plus été un de ses disciples inconditionnels. En effet, dès ses premières publications, il émet des critiques sur certaines de ses thèses. Il estime par exemple que la demande de consommation n’est pas autant liée au revenu courant que le pense Keynes, mais qu’elle dépend plutôt du revenu à long terme et de la richesse détenue.
Il a participé, avec entre autres Paul Samuelson et John Hicks, à l’élaboration de ce que Samuelson a nommé la Synthèse néoclassique. Ce courant tente de concilier la macroéconomie keynésienne avec la microéconomie inspirée de Léon Walras qui est fondée sur le fait que les agents économiques sont rationnels. Cette école de pensée utilise notamment le graphique IS-LM et la courbe de Phillips qui pose un arbitrage entre l’inflation et le chômage.
La Synthèse néoclassique va atteindre son apogée aux États-Unis au début des années 1960, ce qui permettra à Tobin de devenir l’un des trois membres du comité des conseillers économiques du président américain John Fitzgerald Kennedy. C’est à ce titre qu’il va contribuer à la rédaction du premier rapport économique du nouveau président qui réaffirme notamment la responsabilité du gouvernement dans l’atteinte du plein-emploi et qui décrit les moyens pour l’atteindre.
À partir des années 1950, la guerre du Vietnam et son financement, la crise du système monétaire international et les chocs pétroliers ont participé à mettre fin à trente années de croissance soutenue. La stagflation (c’est-à-dire une croissance faible avec une forte inflation) qui a suivi a favorisé, sur les plans idéologique, théorique et politique, le retour des thèses que Keynes avait attaquées dans les années 1920 et 1930, à savoir la conviction dans le laissez-faire et dans la main invisible, ainsi que le rejet de l’interventionnisme.
Dès les années 1950, James Tobin commence alors à s’opposer à Milton Friedman, avant de devenir l’un des plus fervents critiques du monétarisme qu’il incarnait. Il est ensuite contrarié d’assister à la radicalisation du conservatisme qui se traduit notamment par l’économie de l’offre mise en place par le président américain Ronald Reagan à travers des politiques de baisses d’impôts, qui profitent beaucoup aux riches. Cependant, Tobin se montrera encore plus critique envers les théoriciens des anticipations rationnelles et de la nouvelle macroéconomie classique, qu’il juge opposés à toute intervention de l’État, mais en le masquant derrière un raisonnement mathématique sophistiqué.
James Tobin a également critiqué la théorie du taux de chômage naturel (selon laquelle il y a un taux de chômage d’équilibre vers lequel l’économie tend sur le long terme). Cependant, il considère quand même que l’absence totale de chômage et en même temps l’absence d’inflation n’est pas compatible. Mais à l’inverse des monétaristes et des nouveaux économistes classiques, il pense qu’il est nécessaire de mener une politique active de lutte contre le chômage et parallèlement, instaurer un contrôle des revenus dans le but de combattre l’inflation. Avec cette vision, il partage l’idée de certains partisans radicaux de Keynes, regroupés dans le courant post-keynésien.
L’articulation entre l’économie réelle et les phénomènes financiers et monétaires
Selon James Tobin, l’une des principales faiblesses des différentes théories économiques courantes, y compris celle du keynésianisme, concerne l’articulation qu’il y a entre l’économie réelle et les phénomènes financiers et monétaires. Il juge que le concept de la préférence pour la liquidité, à travers laquelle Keynes fait un lien entre la demande de monnaie et le taux d’intérêt, est un pas important dans la bonne direction. Toutefois, alors que Keynes estimait que la préférence pour la liquidité déterminait les taux d’intérêt, lui défend l’idée inverse, à savoir que le niveau des taux d’intérêt influe cette préférence pour la liquidité en question.
Un certain nombre des contributions théoriques les plus importantes de Tobin ont consisté à développer, corriger et prolonger les thèses de Keynes.
Dans un article publié en 1947, il reproche par exemple à Keynes de ne prendre en compte, dans son modèle, que deux instruments financiers, à savoir la monnaie et les obligations. Lui considère qu’il est nécessaire de prendre en compte le fait qu’un agent économique a le choix entre un grand nombre d’instruments financiers pour détenir et conserver sa richesse.
Dans un article publié en 1958, James Tobin développe l’analyse du choix de portefeuille par les agents, ce qui a contribué à poser les fondements de la théorie moderne des finances. Cette théorie définit le processus de sélection de titres dans le but de créer le portefeuille le plus efficient possible, c’est-à-dire qui engendre la rentabilité maximum, pour un niveau de risque minimum.
C’est également dans cet article qu’il va énoncer le théorème de séparation selon lequel un investisseur, quand il compose son portefeuille, peut éliminer le risque spécifique de chaque titre, en le personnalisant et en choisissant des actifs très différents, ce qui permet de ne rester exposé qu’au risque systémique. Il estime à ce titre que le seul actif sûr est la monnaie.
Le Q de Tobin
En 1969, James Tobin propose un nouvel indice, qu’il nomme “Q” avec pour objectif de mettre en évidence le lien qui existe entre les secteurs financiers d’une part et les secteurs réels de l’économie d’autre part.
Concrètement, l’indice Q correspond au rapport entre deux évaluations d’un même actif. En effet, il y a d’une part l’évaluation marchande, c’est-à-dire le prix qui a cours pour l’échange de l’actif concerné, par exemple en Bourse (l’évaluation boursière), et d’autre part, le coût de remplacement ou de reproduction de l’actif en question, c’est-à-dire son prix lorsqu’il est à nouveau produit. Cela signifie donc qu’il faut diviser l’évaluation marchande par le coût de remplacement pour obtenir le montant de l’indice Q.
James Tobin juge que ce rapport détermine le rythme de l’investissement. En effet, ce dernier est stimulé lorsque l’évaluation du capital qui est faite par le marché est supérieure à ce que cela coûte réellement pour le produire, et vice-versa. Par exemple, la récession qui a eu lieu dans les années 1973 et 1974 peut s’expliquer par une brutale chute du coefficient Q, elle-même causée par des politiques monétaires anti-inflationnistes trop strictes.
La Taxe Tobin
La récession des années 1973 à 1975 a amené à remettre en question l’État-providence et l’interventionnisme keynésien. Cette remise en cause a entraîné avec elle l’écroulement du système monétaire international qui avait été mis en place à Bretton Woods. La déréglementation de la circulation financière internationale qui a suivi a provoqué un décrochage de plus en plus important de l’univers financier par rapport à l’univers réel. Cette situation a alors généré un gonflement massif des flux de capitaux, ainsi qu’une flambée de la spéculation à l’échelle internationale. James Tobin juge que cette situation est lourde de menaces pour l’avenir de l’humanité.
Dans son ouvrage le plus important, à savoir la Théorie générale, paru en 1936, John Maynard Keynes avait envisagé la mise en place d’une taxe sur les transactions afin de lutter contre la grande tendance à la spéculation sur l’entreprise. James Tobin a repris cette idée en 1978, qui sera alors appelée la Taxe Tobin (ou Taxe Robin des Bois), en proposant de mettre en place une taxe sur toutes les transactions financières internationales. Le taux de cette taxe serait entre 0.05 % et 0.1 %.
L’objectif de cette taxe serait de pénaliser les mouvements de capitaux à court terme, dans la mesure où plus la circulation d’un capital est rapide, et plus elle serait lourde. De ce fait, elle permettrait, selon Tobin, de réduire les conséquences du flottement des monnaies (et donc de limiter la volatilité des taux de change), ce qui permettrait aux États de mener des politiques monétaires autonomes. De plus, les recettes fiscales issues de cette taxe pourraient être versées au Fonds Monétaire Internationale (FMI) ou à la Banque mondiale, qui aident notamment au développement des pays les plus pauvres.
En 1998, l’association Attac (d’abord Association pour une Taxe Tobin d’aide aux citoyens, puis renommée Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne) est créée en France dans l’optique d’imposer une taxation des transactions financières. Cette association se présente comme un mouvement altermondialiste. C’est à ce titre que ses partisans font de la Taxe Tobin l’un de leurs emblèmes.
Lors d’une entrevue pour un journal français en novembre 1998, James Tobin dit constater que certaines personnalités politiques comme François Mitterrand et Jacques Chirac étaient intéressées par son projet de taxe, mais que le ministre des Finances à ce moment-là, Dominique Strauss-Kahn était contre. Il a ajouté que la gauche appréciait son projet, mais que malgré cela, aucun ministre des Finances ou même gouverneur de Banque Centrale en Europe ne l’a repris ou tenté de l’appliquer.
Plus tard, Tobin a pris ses distances avec l’association Attac en considérant qu’elle détournait son nom et a rappelé son soutien aux organisations internationales, telles que l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale, organisations critiquées par l’association. Il ajoute également soutenir le libre-échange.