Informations principales
Simon Smith Kuznets est un économiste et statisticien américain d’origine biélorusse, né le 30 avril 1901 à Pinsk, dans l’ancien Empire russe (maintenant la Biélorussie) et mort le 8 juillet 1985 à Cambridge, dans l’État du Massachusetts, aux États-Unis.
Il est considéré comme l’un des plus importants contributeurs à la théorie de la croissance économique. En effet, il est l’un des créateurs des comptes nationaux et c’est lui qui a inventé l’agrégat économique du produit intérieur brut (PIB).
Il a obtenu, en 1971, le prix Nobel d’économie pour ses travaux sur la croissance économique qui ont mené à une nouvelle compréhension approfondie des structures économiques et sociales, ainsi que du processus de développement.
Toute sa vie, Kuznets a été méfiant de l’approche déductive et abstraite des travaux de la majorité des économistes contemporains. Sans rejeter la théorie, la nécessité de formuler des hypothèses et de construire des modèles, il a toujours accordé une importance fondamentale au contenu empirique (c’est-à-dire aux faits et à l’expérience). Pour Kuznets, afin d’interpréter la réalité, il faut avant pouvoir la quantifier, et cette réalité n’est jamais purement économique. Cela implique donc pour lui que les dimensions sociales, historiques, culturelles et institutionnelles, entre autres, doivent être prises en compte.
La comptabilité nationale et une critique de la pensée keynésienne
La naissance de la comptabilité nationale moderne au début de la Seconde Guerre mondiale est souvent associée à John Maynard Keynes et à ses collaborateurs. En réalité, Simon Kuznets en est le véritable créateur et ce sont ses méthodes qui sont encore aujourd’hui utilisées à travers le monde. En effet, dès les années 1920, il se lance dans l’étude des processus de croissance à long terme de la production et des prix, ainsi que des fluctuations cycliques. C’est dans ce cadre qu’il se penche sur la définition et la mesure des éléments de la comptabilité nationale, c’est-à-dire du produit national brut (PNB), du revenu national, de la consommation, de l’épargne et de l’investissement.
À travers ses travaux, il montre comment éviter les doubles mesures en ne prenant en compte que des valeurs ajoutées. Il décrit et mesure également la fonction de consommation et met en évidence la relation entre la production globale et l’investissement, que Keynes nommera ensuite « multiplicateur ». Les travaux de Simon Kuznets sont liés de manière assez étroite à la révolution keynésienne, dont ils constituent une base de faits et d’expériences sur laquelle Keynes s’appuiera ensuite. Ils seront aussi utilisés par l’économétrie, une nouvelle discipline qui apparaît au début des années 1930.
En 1931, le congrès des États-Unis fait appel à Simon Kuznets afin qu’il construise un indicateur qui permette de mesurer les effets de la Grande Dépression des années 1930. C’est cela qui l’amène à élaborer le produit intérieur brut (PIB). Une fois cet indicateur amélioré par John Maynard Keynes et ses collaborateurs, le PIB par habitant est devenu une mesure commune de développement, à l’issue de la conférence de Bretton Woods de 1944.
Simon Kuznets a fait une constatation qui contredit une analyse de John Maynard Keynes et qui contribue à remettre en cause, après la guerre, le keynésianisme, en remontant jusqu’en 1869 dans les estimations de la production nationale. En effet, Keynes affirmait que la propension à consommer, c’est-à-dire la relation entre le niveau du revenu et celui de la consommation, avait tendance à diminuer au fur et à mesure qu’un individu, et qu’une société d’une manière générale s’enrichissait. Il accordait une grande importance à ce raisonnement connu sous le nom de loi psychologique fondamentale. Cette loi justifiait, selon lui, une redistribution des revenus et donnait une légitimité économique à l’État-providence.
À l’inverse de cette analyse, Simon Kuznets considérait que, sur une très longue période, le taux d’épargne est, au moins aux États-Unis, relativement stable, aux alentours de 12 %. Cela signifie que la part du revenu des ménages américains qui est consacrée à la consommation augmente proportionnellement au revenu.
Malgré son rôle pionnier dans le domaine de la comptabilité nationale, Simon Kuznets a souligné les limites du produit national brut (PNB) en tant qu’indicateur du bien-être. De plus, il a reconnu que ne pas prendre en compte le travail domestique était une faiblesse importante de cette comptabilité.
Les notions de croissance, de fluctuations et de répartition développées par Simon Kuznets
Durant toute sa carrière, le principal objet de préoccupation de Simon Kuznets a été l’étude de la croissance économique et de ses conséquences sur les fluctuations économiques et sur la répartition des revenus. L’élaboration des concepts de la comptabilité nationale n’a été, au final, qu’un instrument pour servir cet objectif.
C’est pour ses travaux de la croissance économique qui ont permis une compréhension nouvelle et approfondie des structures économiques et sociales et du processus de développement qu’il a reçu le prix Nobel d’économie en 1971.
Les Cycles de Kuznets
Simon Kuznets était fasciné par les cycles longs d’environ 50 ans concernant l’évolution des économies capitalistes, que son confrère Nicolaï Kondratiev a mis en évidence. Il s’est aussi intéressé aux cycles d’environ une dizaine d’années de Clément Juglar. C’est à la suite de cela que Simon Kuznets décrit, dans son premier livre, des cycles intermédiaires d’environ une vingtaine d’années.
Il explique essentiellement ces cycles par des facteurs démographiques et par des variations de l’investissement (notamment dans la construction) et des échanges extérieurs. En effet, selon lui, la hausse des investissements est directement liée à la disponibilité des moyens financiers, issus d’un solde commercial positif (ce qui amène une entrée de capitaux dans le pays). La croissance générée par l’augmentation des investissements stimule les importations, ce qui détériore la balance commerciale. Cela provoque une crise de confiance, qui fait fuir les capitaux, et donc qui freine l’investissement, et par prolongement, la croissance. Ce mécanisme entraîne une réduction des importations, ce qui permet de redresser le solde commercial, qui redevient positif, et in fine, de restaurer la confiance.
Ces phénomènes ont ensuite été connus sous le nom de Cycles de Kuznets.
La croissance moderne
En s’inspirant, entre autres, de la théorie des innovations de Joseph Schumpeter, Simon Kuznets s’est intéressé à ce qu’il appelle la “croissance moderne”, un processus qui a commencé, selon lui, à la fin 18ème siècle dans le nord-ouest de l’Europe, avant d’ensuite se propager petit à petit à la planète entière. Pour lui, comme pour ses confrères Karl Marx et Joseph Schumpeter, cette croissance est un processus endogène, c’est-à-dire qui est dû à des causes internes. De plus, elle est marquée par une interaction entre les avancées scientifiques et technologiques, les innovations, la croissance de la productivité, la croissance de la population, les changements structurels de l’économie, les politiques économiques, les transformations idéologiques, et beaucoup d’autres.
Selon Kuznets, la croissance se traduit par trois phénomènes essentiels, à savoir la hausse du revenu réel par habitant, les changements dans la structure de vie (dont le plus visible est la baisse de la part de l’emploi agricole), et enfin, l’urbanisation, qui se traduit par une modification dans la répartition géographique de la population. Pour lui, les rythmes et les modalités de la croissance varient en fonction des pays, mais il considère que des mécanismes fondamentalement similaires sont à l’œuvre, autant dans les pays communistes, que capitalistes.
Par ailleurs, il rejette le mécanicisme (qui est une philosophie matérialiste qui prend pour modèle la théorie de l’homme-machine) et l’absence de fondement basé sur les faits et l’expérience de la théorie du décollage et des étapes de la croissance de l’économiste américain Walt Rostow. Selon cette dernière théorie, toute hausse du niveau de richesses d’un pays passe nécessairement par cinq phases, de durées différentes, et la croissance économique, ainsi que le développement économique et social des pays suivent toujours la même trajectoire. À l’inverse de ce raisonnement, Simon Kuznets juge que la croissance économique est toujours un combat, et donc qu’il est dangereux de donner l’impression qu’elle est automatique et sans problème et que l’économie va d’elle-même vers des niveaux supérieurs d’activité, et cela, sans incident.
Les relations entre la croissance économique et la répartition des revenus étudiées par Simon Kuznets
Simon Kuznets a également étudié les relations entre la croissance économique et la répartition des revenus. Sur ce sujet, il s’est montré innovant dans les méthodes de mesure de cette répartition. En effet, grâce à ses travaux, il montre que la relation entre la croissance économique et la distribution des revenus a une forme de U renversé, à savoir qu’elle décroît dans les premières phases de la croissance, ce qui engendre un appauvrissement accru des plus pauvres, avant de finalement s’accroître dans les dernières phases, ce qui est bénéfique pour les plus bas revenus.
Cela s’explique par le fait qu’au début, une assez faible part de la population profite des bénéfices de la croissance économique. Il explique aussi que la croissance économique d’un pays peut-être définie comme une hausse de sa capacité d’offrir à sa population, sur le long terme, une plus grande variété de biens économiques. Cette capacité croissante est basée, selon lui, sur le progrès technique et sur les ajustements idéologiques et institutionnels que cela requiert. Les bénéfices de la croissance s’étendent ensuite aux autres secteurs de l’économie.
Par ailleurs, il a également insisté sur certaines conséquences indésirables que la croissance pouvait engendrer telles que, par exemple la pollution ou l’urbanisation à l’excès qui mène, entre autres, à la congestion de la circulation automobile.