Informations principales
La Nouvelle économie classique est un courant de pensée économique qui est né dans les années 1970 en reprenant l’analyse classique d’Adam Smith, Jean-Baptiste Say et David Ricardo. Cette école de pensée rejette donc le Keynésianisme, ainsi que la Synthèse néoclassique qui l’a suivie. Cependant, la Nouvelle économie classique se base entièrement sur des principes néo-classiques afin de les mettre à jour et de leur donner des fondements plus solides. De plus, cette école repose sur des fondations microéconomiques (c’est-à-dire en se basant sur les individus et leurs interactions) dans le but d’en déduire des modèles macroéconomiques (c’est-à-dire qui se basent sur de grands ensembles).
Les nouveaux économistes classiques partent d’un nouveau postulat selon lequel, avant de décider d’investir, de consommer, de produire ou d’épargner, les agents économiques utilisent, de manière rationnelle, les informations (de plus en plus nombreuses) dont ils disposent. Ils prônent également une intervention réduite de l’État dans le système économique. Ils soutiennent aussi que la monnaie est neutre et qu’il y a un équilibre permanent entre l’offre et la demande sur les marchés, grâce à une concurrence parfaite et à la flexibilité des prix.
Le représentant le plus connu de la Nouvelle économie classique est l’économiste américain Robert Lucas, Prix Nobel d’économie en 1995. Il a émis l’hypothèse qu’avant d’agir, un agent économique anticipe l’avenir. Il en a déduit la notion d’anticipations rationnelles qui sont, selon les nouveaux économistes classiques, immédiates.
D’autres économistes ont réalisé des apports significatifs tels que Thomas Sargent, Edward Prescott, Finn Kydland, Robert Barro et Neil Wallace.
La « Critique de Lucas »
L’économiste américain Robert Lucas a posé une des bases de la méthodologie de la Nouvelle économie classique à travers un article publié en 1976 dans lequel il émet des critiques, connues sous le nom de « Critique de Lucas« . Dans cet article, il critique les modèles macroéconométriques qui viennent de la Synthèse néoclassique en les considérant notamment irréalistes et naïfs. En effet, selon lui, ces modèles n’ont pas de fondations microéconomiques solides, car ils ne prennent pas en compte la rationalité individuelle des agents. Pour lui, ces modèles ne sont pas capables de prendre en compte les réactions des agents (c’est-à-dire leurs anticipations) après l’annonce d’une politique économique.
Robert Lucas base son raisonnement sur le fait que les modèles de la Synthèse néoclassique étaient construits sans prendre en compte les boucles de rétroaction (qui correspondent à un phénomène d’influence mutuelle et qui est auto-entretenu entre deux variables économiques) du système économique. Les économistes de la Synthèse considèrent les acteurs comme des agents passifs, qui n’ont pas de réaction, de vision de moyen et long terme. Cela implique pour eux qu’ils réagissent toujours, de manière uniforme, à une politique économique. Robert Lucas est donc en désaccord avec cette vision.
Les agents représentatifs
Les économistes de la Nouvelle économie classique voient l’économie dans le cadre d’un système d’équilibre général, grâce au jeu de l’offre et de la demande. Par conséquent, la présence d’un grand nombre d’agents économiques différents et hétérogènes peut rendre difficile la modélisation économique des offreurs et des demandeurs. Ces économistes ont alors décidé d’avoir un agent économique qui permet de représenter tous les agents.
Un agent représentatif dans un modèle économique représente donc tous les agents identiques du même type, cela peut concerner des individus, des entreprises, etc.
La rationalité économique et les anticipations rationnelles
L’un des principes essentiels de la Nouvelle économie classique est celui de la rationalité des agents. Cela signifie qu’en tant qu’homo œconomicus (ou « homme économique »), ces agents cherchent à maximiser leur utilité.
La notion de rationalité des agents peut être liée à celle d’anticipations rationnelles. En effet, selon ce dernier principe, les agents économiques peuvent prédire avec succès les conséquences des actions de la puissance publique. Si l’agent économique ne dispose pas d’une information suffisamment pertinente au moment de l’anticipation (à cause par exemple d’un choc exogène imprévisible), alors il va se tromper.
C’est la Nouvelle économie classique qui a créé le concept d’anticipations rationnelles. Pour elle, cette notion n’est pas adaptative, mais au contraire, immédiatement parfaite grâce aux informations disponibles.
Les économistes Robert Lucas et Thomas Sargent ont montré que la politique économique conjoncturelle ne peut pas stimuler la croissance et l’emploi, à cause des anticipations rationnelles des agents économiques. En effet, ces derniers vont anticiper, ainsi qu’adapter leurs décisions en fonction des interventions budgétaires et monétaires de l’État. Ils vont par exemple épargner davantage afin de pouvoir faire face aux hausses d’impôts. Ces dernières sont décidées pour financer les déficits et les dettes créés par des plans de relance (c’est le principe du Théorème d’équivalence ricardienne ou de Barro-Ricardo). Par conséquent, toute mesure de politique économique se trouve finalement neutralisée et inefficace pour les nouveaux économistes classiques.
Un raisonnement en équilibre général et l’efficience des marchés financiers
Pour les nouveaux économistes classiques, il est nécessaire de raisonner dans un cadre de pensée dans lequel l’économie possède, à chaque instant, un équilibre général unique, ce qui implique d’atteindre le plein-emploi, ainsi que la pleine utilisation des capacités de production. Cet équilibre doit être atteint grâce à un mécanisme d’ajustement des prix et des salaires.
En effet, les économistes de la Nouvelle économie classique soutiennent que, du moment où les prix sont flexibles, les marchés atteignent, de manière spontanée, un équilibre général. Cela signifie pour eux que le marché a une capacité autorégulatrice. Cela implique que seuls les chocs aléatoires vont faire dévier l’économie de sa position naturelle. Ces chocs peuvent être par exemple des crises extérieures, une alternance politique, etc.
Ce raisonnement rompt avec les conclusions de la Synthèse néoclassique et de la Nouvelle économie keynésienne qui soutiennent que l’économie peut être coincée dans des déséquilibres de long terme, ou bien connaître des équilibres, mais de sous-production.
Par ailleurs, les économistes de la Nouvelle économie classique soutiennent qu’en situation de concurrence pure et parfaite, le chômage involontaire n’est pas possible. Le chômage volontaire, quant à lui, vient des calculs d’optimisation des agents économiques libres et rationnels.
De plus, ils soutiennent notamment qu’une politique monétaire expansionniste ne permet pas de réduire le chômage, y compris à court terme, car les agents économiques vont anticiper l’inflation et donc ne pas se laisser berner par elle.
L’économiste américain Eugene Fama a développé la théorie des marchés financiers efficients selon laquelle les marchés financiers sont efficients, c’est-à-dire que les prix des actifs reflètent bien toute l’information qui est disponible au sujet du prix. Si les marchés sont efficients, cela implique qu’il est alors impossible de faire mieux que le marché.
De plus, pour Fama, l’efficience du marché se caractérise aussi par son efficience allocative ou opérationnelle, c’est-à-dire que le marché permet aux capitaux de se diriger vers les placements les plus rentables.
La neutralité de la monnaie
L’économiste américain Robert Lucas soutient que la monnaie est neutre. Il prend donc la même position que les économistes monétaristes, mais de manière plus radicale. En effet, comme les économistes monétaristes, il considère qu’il n’est pas possible que la monnaie ait un effet positif de long terme sur l’activité économique. Cependant, contrairement à eux, il soutient aussi que la monnaie est neutre sur le moyen terme. Il base son raisonnement sur le fait que lorsque le salaire des agents économiques augmente, ces derniers vont comprendre immédiatement que cela implique que le niveau des prix augmente aussi dans l’économie. Ils réalisent alors qu’au final, leur pouvoir d’achat est identique. Pour Robert Lucas, la capacité des agents économiques à anticiper de façon parfaite rend les politiques monétaires inutiles, excepté si les autorités réussissent à créer un effet de surprise.
Ce raisonnement sur la neutralité de la monnaie de la part de la Nouvelle économie classique se construit face à deux autres écoles économiques, à savoir le néo-classicisme et la Synthèse néoclassique (ou neokénésianisme).
Les économistes de la Synthèse néoclassique ont montré que la monnaie avait un effet réel. À partir de cela, les nouveaux économistes classiques n’ont pas cherché à montrer que ce n’était pas le cas, mais plutôt à montrer que cela était véridique uniquement sur le très court terme, et donc pas de manière systématique. Ils se distinguent donc de l’École néo-classique qui considérait que la monnaie était simplement un « voile » pour l’économie.
Les politiques publiques pro-cycliques et contra-cycliques
L’économiste norvégien Finn Erling Kydland et l’économiste américain Edward Christian Prescott ont étudié et développé la notion d’incohérence temporelle qui décrit une situation dans laquelle une politique économique qui a été décidée à un moment, devient finalement inutile quelque temps plus tard, généralement une fois mise en œuvre.
Les économistes Kydland et Prescott ont souligné la propension des puissances publiques (autant budgétaires que monétaires) à mettre en place des politiques, considérées comme judicieuses au moment où elles sont décidées. Néanmoins, quand leurs effets se font sentir sur l’économie, elles ne sont plus considérées comme judicieuses. Ce raisonnement les amène à considérer qu’il est possible pour un Gouvernement de mener des politiques pro-cycliques (c’est-à-dire qui va dans le même sens que le cycle), plutôt que contra-cycliques (c’est-à-dire qui va contre le cycle) au moment où il fallait, en fait, faire l’inverse pour retrouver une situation normale. Ce concept a été nommé d’incohérence temporelle.
La théorie des cycles économiques réels et la théorie des chocs de politique monétaire
La théorie des cycles économiques réels est une théorie majeure qui a été développée par les économistes de la Nouvelle économie classique. Étant donné qu’ils considèrent que la monnaie est neutre, les cycles économiques ne peuvent alors, selon eux, qu’être des cycles réels, c’est-à-dire basés sur des variables réelles et non pas monétaires. En effet, les cycles sont produits par des chocs réels exogènes (c’est-à-dire d’éléments extérieurs) qui vont venir modifier la structure des prix, comme par exemple les évolutions de productivité ou les innovations. Selon eux, ces cycles sont provoqués par des chocs aléatoires, et les effets apparaissent à travers des changements de comportements de la part des acteurs quand ils prennent en compte ces signaux.
Les économistes Robert Lucas, Thomas Sargent et Neil Wallace ont également formulé une autre théorie des cycles économiques, nommée la théorie des chocs de politique monétaire. Cette théorie stipule que ce sont les mouvements abrupts de la politique monétaire qui causent les cycles économiques. Cependant, cette analyse n’a pas été validée de manière empirique, c’est-à-dire par l’expérience.
L’impact du financement sur la valeur d’une entreprise ou d’un actif
L’impact du financement sur la valeur de l’entreprise a été étudié par les économistes Merton Miller et Franco Modigliani grâce à leur Théorème de Modigliani-Miller. Selon cette théorie, la structure de financement d’une entreprise, ou d’un actif n’a aucun effet sur sa valeur.
En prenant les hypothèses d’une absence de coûts de transaction, d’absence d’impôts et que les marchés sont efficients, la valeur de l’entreprise ou de l’actif ne dépend pas de la source de son financement, à savoir si ce sont des fonds propres ou de la dette.
Normalement, l’effet de levier augmente le rendement financier de l’entreprise, ce qui signifie qu’un endettement permet de générer un revenu qui est supérieur à la valeur empruntée. Toutefois, l’endettement va aussi accroître le risque financier et provoquer une baisse de la valeur des actions, et par ricochet, du rendement des actions. La valeur de l’entreprise qui correspond à la somme de la valeur de son capital et de son endettement reste alors constante.
Le rejet de l’intervention de l’État
La Nouvelle économie classique est favorable au retrait de la puissance publique de la sphère économique, puisqu’elle considère que ses actions créent des distorsions de marché. Par conséquent, les nouveaux économistes classiques soutiennent la non-intervention de l’État, y compris dans les pays en développement.
Cependant, certains modèles de croissance endogène, tels que le modèle de Romer, le modèle de Barro ou le modèle de Lucas font de l’intervention de l’État dans l’économie, une nécessité afin de stimuler la croissance de long terme. L’État doit intervenir à travers des dépenses dans l’éducation, les infrastructures, la santé et l’environnement, mais en restant à l’équilibre budgétaire.
Le rejet de l’intervention de la Banque Centrale et son indépendance
La suite et la conséquence logique de l’hypothèse de l’équilibre des marchés et de celle de l’anticipation rationnelle est que les Banques Centrales n’ont pas, pour les nouveaux économistes classiques, à intervenir sur les marchés. En effet, leur intervention ne provoquerait au final que davantage de distorsions sur ces marchés. De plus, étant donné que la monnaie est neutre, elle ne peut donc pas agir sur les grandeurs réelles, et ne peut alors pas être utilisée pour améliorer une situation économique.
Par ailleurs, les économistes de la Nouvelle économie classique prônent une indépendance des Banques Centrales. Ils soutiennent notamment que l’indépendance de la Banque Centrale vis-à-vis du pouvoir politique est la condition de son efficacité et de sa crédibilité sur les marchés.
Le rejet de la Courbe de Phillips
Les nouveaux économistes classiques se sont inspirés des travaux de l’École monétariste pour rejeter la Courbe de Phillips. En effet, cette courbe, issue de la Synthèse néoclassique, montrait qu’il existe un arbitrage entre l’inflation et le chômage, ce qui fait que l’augmentation de l’inflation permettait de réduire le chômage, et vice-versa.
La Nouvelle économie classique s’est inspiré du monétariste américain Milton Friedman qui a observé que le lien inverse entre l’inflation et le chômage n’existait plus de manière empirique (c’est-à-dire en se basant sur l’expérience), et même que ce lien était, d’un point de vue théorique, douteux. En effet, selon lui, les anticipations adaptatives des agents économiques rendent peu probables sur le long terme un arbitrage entre l’inflation et le chômage, car les agents économiques se rendent compte du caractère erroné de leur anticipation, ce qui va faire augmenter à nouveau le chômage.
Ping : Biographie de Robert Lucas - L'économie avec Lénaïc
Ping : Biographie de Robert Barro - L'économie avec Lénaïc
Ping : La Synthèse néoclassique ou Néokeynésianisme - L'économie avec Lénaïc