Biographie de Nicholas Georgescu-Roegen

 

Nicholas Georgescu-Roegen
Nicholas Georgescu-Roegen

 

Informations principales

Nicholas Georgescu-Roegen, né Nicolae Georgescu est un mathématicien et économiste hétérodoxe américain d’origine roumaine, né le 4 février 1906 à Constanța en Roumanie et mort le 30 octobre 1994 à Nashville, dans l’État du Tennessee, aux États-Unis.

Il a fait ses études à l’université de Bucarest, à l’Institut de la statistique de l’université de Paris, à l’University College de Londres, et à Harvard, où il a notamment collaboré avec Joseph Schumpeter. Ce dernier lui a appris, entre autres, l’irréversibilité de l’évolution économique et la distinction entre les concepts de croissance et de développement.

Il a occupé en Roumanie plusieurs postes dans la fonction publique, sans lien avec ses études, ce qui l’a éloigné de son travail de recherche. Après son départ du pays en 1948 suite aux guerres et aux dictatures, il a exercé plusieurs métiers, dont celui de professeur dans plusieurs universités en Europe et aux États-Unis.

Nicholas Georgescu-Roegen considère que l’économie est comme une extension de la vie biologique humaine. C’est sur la base de cette analyse qu’il a fondé le concept de bio-économie selon lequel l’économie doit prendre en compte le vivant, l’environnement et les ressources énergétiques.

Ses travaux de recherche et son observation des évolutions économiques l’ont amené à mettre progressivement en lumière l’impasse d’une croissance illimitée dans un monde fini (qui correspond à notre planète). En effet, des années avant de nombreuses autres personnes, il a alerté sur les dégâts que la croissance causait sur l’environnement, mais en gardant quand même espoir en l’avenir de l’humanité.

Il est considéré comme un économiste hétérodoxe (c’est-à-dire non-conformiste), dans la mesure où son approche est pluridisciplinaire et iconoclaste (qui rejette le passé et les traditions). 

Ses positions en faveur de l’agriculture biologique, de la fin de la guerre, et ses critiques de la consommation de masse, entre autres, ont fait de lui le parrain du mouvement de la décroissance, sans que lui-même ne s’en soit réclamé.

 

Point de vue de Nicholas Georgescu-Roegen sur l’utilisation des mathématiques et critique de l’économie néoclassique

Georgescu-Roegen a manifesté très tôt de grandes compétences en mathématiques, ce qui lui a permis de devenir un expert en statistiques. Dans la thèse de doctorat qu’il a déposée à 24 ans, il a proposé une nouvelle méthode pour mettre à jour les composantes cycliques des séries temporelles. Joseph Schumpeter utilisera ensuite cette méthode dans son ouvrage Business Cycles, publié en 1939. Néanmoins, dès le début, Nicholas Georgescu-Roegen, qui connaît et maîtrise parfaitement les outils de l’économétrie, est convaincu du fait qu’il n’est pas possible de décrire les phénomènes économiques par des modèles mathématiques. En effet, selon lui, ces phénomènes sont de nature historique, ainsi qu’uniques et irréversibles, alors que les formules mathématiques sont adaptées pour décrire des phénomènes qui ne prennent pas en compte l’histoire. Cela implique donc qu’il n’est pas possible, pour lui, de prédire le futur avec des modèles économétriques

Il s’est également intéressé à l’histoire et à la philosophie des sciences, dans lesquelles il a développé d’importantes connaissances.

Durant son passage à Harvard, Georgescu-Roegen a publié quatre articles qui vont assurer sa réputation d’économiste confirmé. Le premier de ces articles est consacré à Vilfredo Pareto, dont il admire le travail, mais le plus connu est le quatrième, qu’il a publié en 1936. Dans celui-ci, il propose une nouvelle analyse du comportement du consommateur en posant les bases de la théorie de la préférence révélée que Paul Samuelson développera ensuite en 1948.

Jusqu’aux années 1960, il poursuit ses travaux, autant dans le domaine de la théorie de la consommation que dans celui de la théorie de la production. Il développe cependant, en même temps, une position de plus en plus critique par rapport à l’économie orthodoxe (c’est-à-dire qui prédomine), néoclassique et mathématique. Il reproche par exemple au modèle d’équilibre général de Gérard Debreu et Kenneth Arrow de se baser sur l’hypothèse irréaliste que tous les individus possèdent, dès le départ, d’un revenu suffisant pour vivre.

Georgescu-Roegen considère aussi que l’économie néoclassique et le marxisme sont dans l’incapacité d’expliquer le fonctionnement des économies agricoles, tout en estimant que Karl Marx a quand même apporté un meilleur éclairage concernant plusieurs processus économiques.

De plus, il est convaincu que le marché libre et son mécanisme des prix par l’offre et la demande sont incapables de réaliser une répartition rationnelle et équitable des ressources, autant entre les individus, qu’entre les nations et les générations.

 

L’entropie et la décroissance

Nicholas Georgescu-Roegen juge que le problème fondamental de l’économie orthodoxe (c’est-à-dire de la pensée conformiste) se trouve dans le fait qu’elle applique à des situations et à des faits évolutifs et irréversibles des méthodes conçues pour des phénomènes qui ne sont pas concernés par le temps.

Or, l’économie est, selon lui, une science de la vie, ancrée dans la biologie, ce qui implique que les processus économiques sont par conséquent irréversibles. En effet, l’étude du vivant ne suit pas une logique mécanique, mais au contraire, une approche différente, à savoir dialectique, dont la thermodynamique, pour lui, offre le modèle qu’il faut suivre. Il considère d’ailleurs ce dernier domaine comme la physique de la valeur économique. Pour lui, le processus économique n’est au final qu’une extension de l’évolution biologique, ce qui implique que les problèmes les plus importants de l’économie doivent être étudiés et traités sous cet angle. Il considère que la thermodynamique et la biologie sont les deux piliers indispensables afin d’éclairer le processus économique dans la mesure où la thermodynamique permet de démontrer que les ressources naturelles s’épuisent inéluctablement et la biologie parce qu’elle révèle la vraie nature du processus économique.

Le physicien français Nicolas Léonard Sadi Carnot a fondé en 1824 cette nouvelle science qui fait le lien entre la chaleur et le travail. Alors que la première loi de la thermodynamique affirme que l’énergie se conserve, la seconde stipule qu’il est possible de transformer la chaleur en travail, et cela, sans disposer de deux sources de chaleur qui ont des températures différentes. En 1865, le physicien prussien Rudolf Clausius donne à cette deuxième loi le nom d’entropie, qui est inspiré d’un mot grec qui signifie transformation, ou évolution. Ce principe peut être illustré par le fait que la chaleur se déplace toujours du corps le plus chaud vers le corps le plus froid. Cela signifie donc que l’entropie provient de la dégradation de l’énergie, de la transformation continuelle de l’énergie utilisable en énergie inutilisable, ce qui correspond à une perte d’énergie irréversible.

Georgescu-Roegen introduit finalement ce concept dans son livre publié en 1971, intitulé La décroissance – Entropie – Écologie – Économie. Cet ouvrage, qui est aussi son œuvre majeure, est l’axe principal de ses réflexions sur la croissance et le développement.

Autant dans le domaine de l’économie que de la biologie, l’entropie se caractérise par le fait que l’énergie utilisable est transformée progressivement en énergie inutilisable. Cette dégradation, qui est irréversible et inéluctable, s’applique à l’énergie, mais également à la matière, ce que Georgescu-Roegen nomme la quatrième loi de la thermodynamique. Ce raisonnement implique que la quantité de dépôts minéraux, qui a une croissance essentielle sur la croissance économique, est limitée et ne peut être utilisée qu’au prix de son éventuelle disparition définitive. Concrètement, cela signifie que le processus économique matériel ne peut pas se répéter et s’accroître sans limite, dans un monde où l’énergie et les matières premières sont limitées. Il estime que le recyclage et la découverte de nouveaux procédés de production plus sobres en énergie aideront à ralentir la pénurie, mais ne permettront pas pour autant de faire face, d’après les connaissances d’aujourd’hui, aux siècles à venir.

Il estime donc que c’est cette rareté qui est à l’origine des conflits sociaux et fixe même une limite à la survie de l’espèce humaine. De plus, il juge que la croissance pose aussi un autre problème majeur, à savoir le processus par lequel l’énergie et la matière sont transformées en déchets. Cela signifie qu’en plus du problème de l’épuisement des ressources se rajoutent ceux de la pollution et de la dégradation de l’environnement. Cette vision de Georgescu-Roegen fera de lui un précurseur en la matière, en alertant des années à l’avance sur les problèmes de l’environnement et sur l’avenir de la planète.

Au-delà de ces aspects, il considère que l’humanité devrait, de manière progressive, réduire sa population à un niveau lui permettant de pouvoir être nourrie uniquement par l’agriculture biologique, objectif plus difficile à atteindre pour les pays qui ont une forte croissance démographique.

Afin de bien comprendre tous ces phénomènes, il est nécessaire, selon lui, de remplacer la théorie économique orthodoxe par ce qu’il appelle la bioéconomie (terme qu’il a introduit en 1975), qui allie l’économie et l’écologie.

C’est sur la base de ce raisonnement qu’il préconise de remplacer la croissance économique par un développement fondé sur une réorganisation profonde des méthodes de production, des modes de consommation et d’une manière plus générale de l’organisation économique et sociale. Selon lui, la croissance consiste à produire toujours plus de biens matériels par habitant présent sur la planète, alors que le développement consiste à produire autrement. Il estime que ce dernier est compatible avec la décroissance qu’il prône. C’est pour cela qu’il considère que seule une inversion radicale du processus dans lequel est lancée l’économie mondiale est en capacité de résoudre les problèmes du chômage, des crises économiques, ainsi que des inégalités sociales, et donc d’éviter le désastre écologique vers lequel se dirige la planète.

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